catastérismes multipliés à satiété par les Alexandrins, les descriptions du ciel à la
mode d’Aratus paraissaient aux Romains des sujets tout neufs et stimulaient leur
imagination rétive ; elles y entrèrent surtout, et par une plus large ouverture,
lorsque l’encyclopédiste de l’époque, Varron, et son contemporain P. Nigidius
Figulus, adepte fervent de toutes les sciences occultes, eurent mis à la portée du
grand public les principales règles de l’art des mathématiciens. La comète qui
parut à la mort de César dut hâter singulièrement la propagande. En tant que
prodige, le phénomène fut interprété officiellement par les haruspices ; mais les
astrologues, on peut le croire, ne manquèrent pas de dire leur mot, et c’est à eux
surtout que profitèrent les graves débats institués à ce propos sur la destinée de
Rome, la durée probable de son existence passée et future le renouvellement
possible toutes choses par une échéance ultime, peut-être celle de la grande
année astrologique, échéance à laquelle les Stoïciens avaient attaché leur
άποκατάστασις ou restauration de l’univers. L’héritier de César choisit
l’explication la plus conforme aux traditions littéraires et la plus propre à établir
le système de l’apothéose dynastique : il voulut que la comète fût l’âme de son
père1 ; mais il ne lui déplaisait pas que les haruspices ou des oracles sibyllins
annonçassent l’avènement d’un nouvel ordre de choses. Il gardait par-devers lui
l’idée que cet astre était aussi son étoile à lui, l’horoscope de la nouvelle
naissance qui le faisait fils adoptif de César. L’astrologue qui lui procura cette joie
intérieure2 était probablement ce Théagène qui était déjà le confident et qui
devint par la suite presque le collaborateur du maître. C’est à l’astrologie, en
effet, qu’Auguste demanda une preuve, assurément originale, de la légitimité de
son pouvoir. Il eut bientôt, dit Suétone, une telle confiance dans sa destinée qu’il
publia son thème de géniture et frappa la monnaie d’argent au signe du
Capricorne, sous lequel il était né3.
En ce qui concernait la comète de l’an 44, l’événement donna raison à tout le
monde, à ceux qui glorifiaient César et son fils adoptif comme à ceux qui
annonçaient, au nom des doctrines toscanes, un siècle nouveau4, ou, au nom de
l’orthodoxie astrologique, des bouleversements et guerres sanglantes. Si les
époques de crise, en déroutant les prévisions rationnelles, poussent au fatalisme
et à la superstition, les Romains durent faire, entre les ides de mars 44 et la
bataille d’Actium, de rapides progrès dans la foi aux sciences occultes. Cette foi,
l’astrologie et l’haruspicine se la disputaient à chances à peu près égales. L’une
avait pour elle son antiquité, l’autre sa nouveauté. Les Grecs étaient bien
ingénieux, mais les Toscans étaient bien habiles. Inférieurs à leurs rivaux quand
il s’agissait de tracer le plan de toute une vie, les haruspices reprenaient
l’avantage dans le détail de l’existence, surtout en présence de ces avis
surnaturels appelés prodiges, pour lesquels il n’y avait point de place dans les
mathématiques. Aussi se trouva-t-il des amateurs pour essayer de comparer et
peut-être de combiner les deux disciplines. C’est ce que faisait déjà Nigidius
Figulus, et Varron, qui savait tout, était homme à tout mélanger. Son ami et
l’ami de Cicéron, Tarutius de Firmum, l’astrologue éminent qui fit et refit le
thème de nativité de Rome5, devait être — son nom l’indique — un Toscan dont
la curiosité avait dépassé les ressources de l’haruspicine. Il y a eu à Rome
1 Servius ad Virgile, Ecl., IX, 47. Aen., VIII, 681.
2 Pline, Hist. Nat., II, § 94.
3 Suétone, Auguste, 94.
4 Cf. mon Histoire de la Divination, IV, p. 91 sqq., et l'article Haruspices dans le
Dictionnaire des Antiquités de Darembourg et Saglio.
5 Cicéron, Divin., II, 47.