Écrit et mis en scène
par Nadège Cathelineau
avec
François Brunet
Delphine Desmars
Julien Frégé
Pierre Gandar
Clémance Laboureau
Maxime Villeléger
assistantes
Sarah Klein
Manon Poinsaint
COLONIES
Extrait du texte
Le projet artistique
Synopsis
Colonisation intra-familiale
Crise agricole, de l’échelle macroscopique
à l’échelle microscopique
On est jeune mais déjà désespérés
Citation
Intentions
L’é q uip e
La compagnie Aorte / Le groupe Chiendent
Prolongement pédagogique
Les thématiques abordées
Les actions culturelles proposées autour du projet
Option 1 Suivi de la création
Option 2 Ateliers
Les partenaires actuels
Calendrier
Fiche technique
Contact
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Le chœur d’acteurs
Oh Oh
Oh Oh
Le coryphée cochon
Groin Groin
Le chœur d’acteurs
Oh Oh
Oh Oh
Le coryphée cochon
Groin Groin
Renaud
Boudin terrine pâté de tête
les pattes
le groin
la queue
les reins
Le chœur d’acteurs
Bouffe bouffe bouffe bouffe bouffe
Bouffe bouffe bouffe bouffe encore
Renaud
Le cochon est un animal très intelligent
À qui on coupe la queue
Dont on ne laisse rien
Et qui remplit l’estomac
Côte de porc travers de porc tête de porc
pieds de porc filet de porc échine de porc
filet mignon jambon mignon jarret mignon
oreilles croquettes
Le chœur d’acteurs
Qui du porc est-il le porc le porc ou celui
qui l’engraisse le porc ou celui qui en mange
Renaud
Prenez ce qui reste
sucez les os
Vous n’allez pas me laisser ça
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Synopsis
Jane et Alain Sigon, riches propriétaires terriens, ont tout pour s’apparenter à une famille modèle :
ils ont une condition sociale et économique honorable, une belle maison, de beaux enfants obéissants,
un chien, une voiture climatisée et leur carte au parti socialiste. Ils louent 20 héctares de terre et leur
ferme à des éleveurs bovins cultivateurs de céréales, leurs voisins, les Beutoul. Tout paraît aller rigou-
reusement bien, jusqu’à ce que les Beutoul, croulant sous les dettes dues aux travaux de modernisation
imposés par la commission européenne, ne parviennent plus à payer leur loyer. Après un an d’impayés,
Alain et Jane décident d’en finir avec le poids Beutoul et d’implanter centre mètre carré d’éoliennes
sur les champs loués. Face à cette crise financière et morale le père Beutoul décide de mettre fin à ses
jours. Pour venger son père, le fils Beutoul décide de prendre aux Sigon ce qu’ils ont de plus précieux :
la virginité d’une de leurs filles, Clothilde.
Colonies raconte la déchéance intime et économique de ces deux familles, qui ne sont liées, à première
vue, que par les liens de la terre. C’est à travers la dramatique histoire des Sigon et des Beutoul que
rejaillissent les résidus de leurs humanités.
Colonisation intra-familiale
Colonisation intra-familiale : Processus d’expansion territoriale d’un membre de la famille sur le terri-
toire intime appartenant à un autre membre de cette même famille, se manifestant sous la forme d’une
occupation plus ou moins rapide voire d’une invasion brutale. Cette conquête du territoire intime d’un
membre de la famille par un ou plusieurs membres de cette même famille assouvit une soif intarissable
de possession, de pouvoir et de domination.
La colonisation intra-familiale est un phénomène invisible qui s’opère au cœur de la tribu. Elle s’inscrit
comme norme affective dans le fonctionnement-même de la tribu, si bien qu’elle est difficilement re-
connaissable par celui qui la subit.
Crise agricole, de léchelle macroscopique à l’échelle microscopique
«Aussi inconscient que puisse être le geste artistique, je ne me souviens pas pourquoi la crise agricole
s’est imposée dans lécriture de Colonies. Je ne pense pas avoir eu de volonté particulière à traiter de
cette actualité, je voulais parler de colonisation intra-familiale et cela m’a inopinément mené conjointe-
ment à parler de la crise agricole. Je voulais parler de territoire intime, et c’est la terre qui m’a rattrapé,
le territoire terreux du cultivateur.
À cela je peux expliquer que je n’ai pu échapper à létat de chaos du monde dans lequel nous avançons,
et qu’involontairement parce que j’y trouvais une complicité certaine, la crise agricole s’est emparée
de moi et je me suis emparée d’elle pour parler d’un désespoir public et intime qui dépasse la question
même de l’agriculture.
Les bouleversements de l’agriculture et la crise que traverse actuellement les agriculteurs de France
sont terribles. Lévolution extrêmement rapide des modes de production a changé le rapport à la
terre, aux bêtes, et à lélevage tandis que les hommes n’ont pas eu le temps encore d’apprivoiser cette
nouvelle profession qu’ils tiennent généralement depuis plusieurs générations. Les normes se sont
renforcées. Les partenaires se sont modifiés. La grande distribution s’est ingérée partout où elle a
pu, absorbant ou décimant les derniers agriculteurs en résistance. La concurrence est extrême. Des
milliers d’hommes et de femmes se sont endettés pour se voir à jour des nouvelles normes sociales et
juridiques, étendre leur patrimoine, agrandir leurs exploitations. Pourtant le bénéfice n’est pas, la dette
s’agrandit quand le cours du lait ou du porc s’effondre, quand le consommateur frileux ne consomme
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Le chœur d’acteurs
Bouffe bouffe bouffe bouffe bouffe
Bouffe bouffe bouffe bouffe’encore
Renaud
Videz-moi les tripes
Curez-y la graisse sur les rebords
Faut finir !
Même la merde, ça se mange.
Vous n’avez pas connu la guerre
Pas une miette
Il ne restera pas une miette
Quand je reviendrais il ne restera
pas une miette
Le chœur d’acteurs
Quand l’homme mange du porc le porc
devient l’homme et l’homme devient le porc
Renaud
Pillez lui la vie
Pillez lui la vie
Qu’il ne reste rien
Il n’a pas payer ses dettes de porc
Il n’a pas gagner sa croûte de porc
C’est un porc
Pillez lui la vie
Pillez lui la vie
Le coryphée cochon
Groin Groin
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pas, quand des carré d’éoliennes viennent sur leurs champs d’exploitation...
L’agriculture dessine donc parfaitement la trace du chaos général que nous traversons : la cruauté
de notre économie du toujours plus au mépris du bon et de léthique, notre rapport à la production,
notre rapport à lécologie et à la vie animale, notre consommation suicidaire d’antibiotiques et d’OGM,
nos caprices consuméristes qui nous poussent à tendre vers un niveau de vie toujours plus bas et auquel
par nos conditions précaires nous n’avons pas d’autre choix que d’aspirer, et surtout surtout surtout
notre rapport à l’individu.
C’est d’un point de vue microscopique, à travers le prisme de l’individus, de la famille, berceau des
douleurs intimes, sociales et économiques, que je choisis de parler du noir macroscopique qui nous
constitue tout en nous broyant.»
Nadège Cathelineau
Colonies parle entre autre de ce qu’il reste d’un individu broyé par la gueule d’un système dévorateur.
C’est l’histoire de Renaud Beutoul, fermier agriculteur, 20 hectares de culture céréalière, une cinquan-
taine de vaches, endetté sur les trente prochaines années pour la remise aux normes de son étable,
en perte de chiffre d’affaire depuis la baisse du prix du lait, dette, impayés, menace d’un dépôt de bilan,
couteau sous gorge...
COLONIES
n'est pas
un spectacle gentil.
On est jeune mais déjà désespéré.
COLONIES
n’est pas
un spectacle chiant.
COLONIES
n’est pas
un spectacle provocateur.
COLONIES
n’est pas un
spectacle divertissant.
COLONIES
n’est pas
un spectacle conceptuel.
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Citation
« Chaque fois qu’un spectateur pousse la porte d’une salle de théâtre, il faudrait qu’il soit prêt à changer
ce qui nest pas le cas. Nous allons dans ces lieux d’expression sans vouloir en payer le prix fort qui
serait d’être transformé. Nous prenons plaisir à nous s’enculturer d’enculades aseptisées d’érotisme.
La culture est en crise parce que nous sommes froissés sans accepter de lêtre. Alors que le monde
saigne le théâtre pommade ses hémorroïdes. »
Noël Tarin, Meurtre avant courage
Intentions
Colonies se raconte à la manière d’un conte tragique. Le coryphée et le choeur d’acteurs sont la dis-
tance qui rendent cette fête familiale et rurale artificielle et théâtrale. Nous tirons la fable au paroxysme
de lextraordinaire pour léloigner du quotidien des situations quelle propose et mettre en exergue la
brutalité de notre réalité économique et sociale. Envisageons cette représentation théâtrale comme un
engouffrement à travers lequel le spectateur, progressivement, s’enfonce dans le lisier de l’humanité.
Noublions pas l’humour grinçant et l’ironie qui permettent de nous faire sourire de nos pires travers.
« Je cherche dans les personnages que je peints, et les situations que je mets en place les monstres de
lordinaire. J’aimerais déployer le monstrueux de l’humanité, c’est-à-dire le Mal Ordinaire de chaque in-
dividualité, dans des situations quotidiennes : des familles, des rivalités sociales, des crises financières...
Par la fuite de la parole quotidienne, et par la construction anti-naturaliste des dialogues que j’écris,
je voudrais insister sur la distance qui sépare le théâtre du réel. En différenciant nettement lespace
théâtral de l’espace du réel, par lécriture de la parole et sa mise en scène, je voudrais rapprocher le
plus possible le théâtre du vrai, partant du présupposé que le vrai n’est ni absolu, ni réel, et qu’il réside
dans la sensation, lémotion. J’ai le sentiment qu’il est vain de tenter d’imiter le réel alors que nous ne
sommes que des subjectivités. J’ai le sentiment que le théâtre doit aspirer à la perfection, mais que
sa perfection ne peut résider dans l’imitation. Il faut créer un langage pour le théâtre. Il en existe à
l’infini. J’en tente un, ici, pour Colonies, depuis ma subjectivité. Et c’est dans cet espace fictionnel et
émotionnel où la parole se déploie dans une logique singulière qui nest pas celle de la vie mais bien de
la représentation que j’espère atteindre le spectateur et provoquer en lui, pour cette fois, de réelles
émotions. »
Nadège Cathelineau
Sur le plateau il y a :
un portique de balançoire auquel est suspendu une balançoire et un sac de boxe
huit chaises particulières qui feront office de loge
un plateau à ras de sol de 4m2 recouvert d’une bâche glissante.
Des boyaux de porcs en guirlande de boudins fourrés à la betterave et à la gélatine
6 masques de loups, 6 masques de porcs
Tout au long de cette fête spectaculaire les acteurs circulent dans cet espace, ils y suent, s’y adonnent
éperdument. A la manière d’un combat de boxe, ils iront au ring raconter cette histoire avec leurs voix,
avec leurs corps, avec la même nécessité vitale que n’importe quel combattant. La rigueur des corps
s’apparente à celle des danseurs. La mise en scène se construit comme lécriture sur des tableaux
poétiques, et sur une signalétique de la forme qui ajoute une forte dimension esthétique à l’histoire
racontée.
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