N° 424
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juillet 2004
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR
L’ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION DURGENCE, relatif à l’assurance
maladie,
Par M. Alain VASSELLE,
Sénateur.
Tome II : Auditions et Tableau comparatif
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet,
Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d’Attilio, François Autain, Gilbert
Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle
Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne,
Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Georges Ginoux, Francis Giraud, Jean-Pierre
Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Anne-Marie Payet, M. André Pourny,
Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard
Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (12e législ.) : 1674, 1715 et T.A. 315
Sénat : 420 et 425 (2003-2004).
Sécurité sociale
.
AUDITIONS
I. AUDITION DE MM. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY,
MINISTRE DE LA SANTÉ ET DE LA PROTECTION SOCIALE,
ET XAVIER BERTRAND,
SECRÉTAIRE D’ÉTAT À L’ASSURANCE MALADIE
M. Nicolas ABOUT, président - Messieurs les ministres, mes chers collègues,
je crois pouvoir dire que c’est avec une réelle impatience que notre commission des
Affaires sociales attendait d’entendre MM. Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand sur
la présentation du projet de loi relatif à l’assurance maladie. Ce dossier constitue depuis
maintenant quelques mois la grande question qui intéresse, agite – et inquiète même
peut-être – un certain nombre de nos concitoyens.
Acquis social majeur de l’après-guerre, la sécurité sociale constitue une
réussite dont notre pays peut légitimement s’enorgueillir et dont chacun d’entre nous se
sent un peu propriétaire. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir, messieurs
les ministres, pour faire ensemble le point sur ce qu’il convient de prévoir et
d’entreprendre pour préserver son avenir et conforter durablement un financement
durement éprouvé aujourd’hui.
L’intérêt que nous portons tous à ce dossier m’a conduit à proposer à
l’ensemble de nos collègues sénateurs de se joindre à cette rencontre, qui sera enregistrée
pour une diffusion ultérieure sur la chaîne Public-Sénat.
Après votre intervention, si vous en êtes d’accord monsieur le ministre, je
donnerai la parole à notre rapporteur général Alain Vasselle, puis à tous ceux qui
souhaiteront vous interroger ou faire part de leurs observations.
Je tiens à vous dire qu’avant même votre arrivée, les sénateurs étaient
nombreux à s’être inscrits. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
M. Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la santé et de la protection
sociale - Merci monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les
sénateurs, nous sommes très heureux et très fiers, avec Xavier Bertrand, de venir ici,
devant cette commission du Sénat, vous présenter le projet de loi relatif à l’assurance
maladie.
Conformément au souhait du président de la République, le Gouvernement
engage ainsi, un an après la réforme sur les retraites, la modernisation d’un des piliers
majeurs de notre système de protection sociale que constitue l’assurance maladie. Cela
montre, je pense, tout l’attachement que le Gouvernement accorde à ce système public et
solidaire.
Cette réforme est attendue par les Français, vous l’avez dit. Je crois qu’elle
peut les rassurer sur l’avenir de leur système d’assurance maladie, qui est, vous le verrez,
non seulement préservé mais consolidé.
Nous entrons dans une nouvelle étape de cette grande réforme, celle du débat
au Parlement. C’est une étape majeure qui nous permettra de faire évoluer le projet du
Gouvernement. Les premiers amendements des députés ont été déposés hier soir. Tout
montre que le débat sera riche, en particulier ici au Sénat.
Ce débat que nous aurons au Parlement fera suite à une phase de concertation
très intense que Xavier Bertrand et moi avons menée avec l’ensemble des partenaires du
monde de la santé et de l’assurance maladie. Nous n’avons pas, je crois, ménagé notre
peine et j’ai le sentiment que cette concertation a permis d’aboutir à un projet qui va
faire évoluer en profondeur notre système de santé et d’assurance maladie.
J’ai le sentiment que peu de réformes, monsieur le président, ont donné lieu à
autant de rencontres, autant d’échanges, autant de débats. Depuis plus de deux mois,
nous aurons été, avec Xavier Bertrand, en contact permanent avec les partenaires
sociaux, les représentants des professionnels de santé et surtout des patients, les
représentants des organismes d’assurance maladie et des régimes complémentaires. Nous
avons mené plus d’une centaine d’entretiens avec l’ensemble des partenaires de cette
réforme.
Cela venait, vous vous en souvenez, après le diagnostic partagé du Haut
conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et après la première phase de concertation
que Jean-François Mattei, mon prédécesseur, avait su organiser.
Tous les acteurs de l’assurance maladie se sont, eux aussi, investis « à fond »
dans cette concertation. Ils nous ont fait remonter leur vision de la situation, leurs
propositions, leurs inquiétudes. Ils nous ont permis d’améliorer le texte que nous allons
vous présenter.
Après le temps du dialogue et de la concertation, est venu le temps de l’action.
D’abord, cette réforme est nécessaire. Face à l’accumulation des déficits, il
était en effet indispensable de stopper la dérive des comptes et d’entamer le retour vers
l’équilibre. 23.000 euros par minute de déficit : voilà aujourd’hui l’état de faillite du
système de l’assurance maladie.
J’ai réuni la semaine dernière la Commission des comptes de la sécurité sociale
de printemps. Celle-ci nous a rappelé l’ampleur des déséquilibres actuels.
Le déficit, mesdames et messieurs les sénateurs, devrait atteindre près de
12,9 milliards d’euros. Ce résultat s’explique d’abord par la faible croissance des
recettes.
La croissance de 1,9 % de la masse salariale en 2003 demeure relativement
faible. La croissance, certes, montre des signes de reprise mais qui demeurent trop
modestes pour avoir un impact sur les recettes. Nous souhaitons tous voir cette tendance
s’accélérer. Nous verrons à l’automne si c’est le cas, ce que, bien évidemment, nous
souhaitons tous ici.
Cette atonie conjoncturelle des recettes se conjugue avec un dynamisme des
dépenses de l’assurance maladie qui ne se dément pas encore.
J’y reviendrai tout à l’heure mais l’ensemble des travaux récents, qu’il s’agisse
du rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ou du rapport de la
Commission des comptes, montre bien la continuité des évolutions dans ce domaine
depuis 1997. Depuis cette date, le déficit structurel de l’assurance maladie, c’est-à-dire
corrigé des variations conjoncturelles, a crû continûment.
Nous sommes bien, ici, face à une tendance de fond relative aux dépenses de
santé. Les dépenses d’assurance maladie, comme les dépenses de santé, augmentent
rapidement. Il n’y a pas de décrochage.
Une croissance exceptionnelle des recettes en 2000 et 2001, liée à une
conjoncture économique internationale très particulière, a masqué ce dynamisme des
dépenses, dans notre pays comme ailleurs, mais une fois cette évolution favorable des
recettes passée, le ralentissement de la croissance a brusquement fait ressortir le déficit
cumulé. Une telle vivacité des dépenses fait peser une menace sur l’équilibre actuel des
comptes de l’assurance maladie.
Les années 2002 et 2003 ont été elles aussi marquées par des mesures
ponctuelles qui ont contribué à entretenir ce dynamisme des dépenses, en particulier la
mise en place des 35 heures. Sans remettre en cause les 35 heures, je tiens quand même à
le souligner : 3,4 milliards d’euros, c’est le coût des 35 heures à l’hôpital. C’est
évidemment considérable et cela continue de peser en 2004 sur l’évolution des dépenses
hospitalières.
Il y a néanmoins des signes positifs lorsque l’on regarde très attentivement
l’évolution très récente de l’assurance maladie : l’année 2003 marque une première
décélération de la croissance des dépenses de l’assurance maladie par rapport à 2002. Je
rappelle que l’augmentation des dépenses de l’assurance maladie s’élevait à 7,2 % en
2002. Ensuite, le dépassement de l’ONDAM, même s’il reste important, se réduit
substantiellement par rapport aux années antérieures : il ne sera « que » de
1,2 milliard d’euros en 2003, contre plus de 3 milliards d’euros en 2001 et presque
4 milliards en 2002.
Les premiers chiffres pour 2004 confirment cette nouvelle tendance même s’il
convient bien sûr de rester très prudent. Bien évidemment, ces évolutions ne nous
permettront pas de revenir à l’équilibre mais elles évitent une plus forte dégradation des
comptes.
Face à l’ampleur de ces déséquilibres, il était donc nécessaire d’agir et
d’entamer ce « redressement par la qualité » qu’appelait de ses vœux le Haut conseil
pour l’avenir de l’assurance maladie. C’est l’objet même du projet de loi que nous vous
présentons aujourd’hui et dont nous souhaitons vous donner les principales lignes de
force.
L’organisation de notre système de soins constitue la priorité du
Gouvernement. Elle est au cœur du projet de loi.
Chaque Français doit pouvoir disposer, d’ici 2007, de son dossier médical
personnel (le DMP), qu’il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec les
professionnels de santé avec qui il est en contact. Ce dossier répond à une demande
d’information médicale de la part de nos concitoyens et à un droit que leur donne la loi
du 4 mars 2002 sur l’accès aux données de santé.
Ce dossier sera obligatoire. Plusieurs fois par le passé – en 1993 et en 1995 en
particulier – nous avions évoqué la possibilité de mettre en place un dossier médical.
Nous n’avions jamais sauté le pas de le rendre obligatoire.
L’ensemble des partenaires gagnera à la mise en place de ce dossier médical
personnel. Le premier bénéficiaire sera, bien sûr, le malade, à qui le dossier médical
offrira une meilleure garantie de soins. Je vous rappelle que 128.000 hospitalisations par
an sont dues à des effets secondaires liés à l’interaction entre des médicaments. Cela
entraîne, chaque année, la mort de 11.000 personnes : autant que sur la route. Avec le
dossier médical, en quelques minutes, il sera possible de connaître les traitements suivis
par le patient depuis dix, quinze ou vingt ans, les interactions médicamenteuses néfastes,
les allergies aux différents traitements, etc. Le patient sera gagnant parce qu’il aura un
accès unifié à l’information le concernant, trop souvent éparse. L’hôpital, la clinique
privée, le médecin auront tous le même dossier. Le médecin, lui aussi, sera gagnant. Le
dossier médical personnel lui permettra un meilleur suivi de son patient, grâce à un accès
à l’information en temps réel. Enfin, bien sûr, l’assurance maladie bénéficiera de la mise
en place de ce dossier médical par la limitation des soins inutiles, redondants et
dangereux.
L’organisation de l’offre de soins suppose aussi de construire de véritables
parcours de soins au bénéfice du malade qui ne doit plus être laissé face à une
organisation qu’il ne comprend pas toujours et dans laquelle, il faut bien le reconnaître,
il se perd parfois. Nous avons par ailleurs tous en tête des exemples personnels ou parmi
nos proches de cas d’examens ou de consultations répétés parce qu’on est mal renseigné
ou parce que, tout simplement, on ne sait pas précisément à qui s’adresser.
Il nous faut remettre de la cohérence dans un système de soins qui est parmi les
plus performants du monde dans ce que les experts appellent le « curatif individuel »
mais qui s’épuise, simplement parce qu’il manque de repères et d’organisation.
C’est évidemment tout le sens de la mise en place du médecin traitant. Le
médecin traitant, c’est la porte d’entrée pour le malade. Ce médecin, qu’il soit spécialiste
ou généraliste, sera librement choisi par le malade car la liberté est au cœur de notre
système. Aucun Français ne se verra imposer son médecin : cela ne correspond pas à
notre modèle.
Le médecin traitant orientera le patient dans le système de santé afin de l’aider
tout simplement à construire le parcours de soins que j’évoquais à l’instant. Un certain
nombre de spécialistes resteront évidemment en accès direct, je pense par exemple aux
pédiatres, aux ophtalmologistes et, bien sûr, aux gynécologues, qui nous ont rappelé
récemment que c’était là leur souhait.
Nous ne souhaitons pas que la loi ou des décrets fixent un cadre rigide à ce
médecin traitant car cela relève de la responsabilité des partenaires conventionnels,
c’est-à-dire des caisses d’assurance maladie et des professionnels de santé.
Dernier point sur lequel je souhaitais insister dans cette nouvelle organisation
de l’offre de soins, c’est la nécessité de renforcer les liens entre la médecine de ville et
l’hôpital. Après tout, nous avons un malade unique, un financeur unique et deux secteurs
qui souvent s’ignorent trop.
Il n’y a pas d’un côté la réforme de l’assurance maladie et de l’autre la réforme
de l’hôpital. Il y a bien une réforme de l’organisation des soins qui vise au
décloisonnement, au développement des réseaux, à l’élaboration d’une véritable stratégie
de l’offre de soins sur un territoire donné. Il faut que nous soyons très clairs sur ce point.
C’est notamment pour mettre en œuvre ces décloisonnements que le projet de
loi prévoit un rapprochement entre les URCAM (les Unions régionales des caisses
d’assurance maladie) et les ARH (les Agences régionales d’hospitalisation).
Ces deux institutions devront travailler ensemble sur toute une série de sujets
comme, en particulier, la répartition de l’offre de soins – il y a de plus en plus de
départements et de cantons sans médecins hospitaliers ou libéraux – mais aussi la
permanence des soins et le développement des réseaux. Le rapprochement entre la ville
et l’hôpital est une exigence.
1 / 390 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !