BF_877_ITB:Mise en page 1 16/05/07 9:21 Page 5 Oligoéléments : Quelques règles de fertilisation Les oligoéléments sont des éléments dont la plante a des besoins quantitatifs faibles, de l’ordre de quelques centaines de grammes à l’hectare, mais qui lui sont nécessaires pour une croissance normale, et dont le manque se traduira par des symptômes caractéristiques préjudiciables au rendement de la culture. Les besoins en oligoéléments sont très dépendants de l’espèce végétale considérée. Pour la betterave sucrière, l’oligoélément à considérer en priorité est le Bore, parce que la carence associée est très pénalisante pour le rendement sucre. Etant un élément soluble et entraîné par les eaux de pluie, sa teneur dans le sol évolue et doit être surveillée fréquemment. La fertilisation Bore fait partie des pratiques normales de conduite des parcelles de betteraves, mais elle obéit cependant à des règles qu’il convient de respecter. Les carences en autres oligoéléments sont peu fréquentes et moins préjudiciables. Bore et betterave Le Bore est un oligoélément particulièrement nécessaire à la betterave sucrière. S’il joue un rôle pour toutes les plantes dans la croissance des méristèmes, il a une fonction particulière pour la betterave sucrière dans le transport des sucres depuis les feuilles jusqu’à la racine, et se manifeste par des carences d’apparition assez tardives, mais très pénalisantes. Les symptômes de carence sont très caractéristiques, reconnaissables à la fois sur les feuilles, les pétioles et la racine. Les feuilles sont marquées par des craquelures et un jaunissement du limbe, le pétiole présente des stries brunâtres (photo figure 1). Si la carence est sévère, le cœur du feuillage noircit au sommet du collet (maladie du cœur noir) (photo figure 2). Sur le pivot, les premiers symptômes sont l’apparition de marbrures liégeuses en cours d’été, à la période où la racine tubérisée est en pleine croissance. A l’automne, les marbrures évoluent en pourriture sèche(photo figure 3). Les symptômes apparaissent tardivement par rapport au début de carence, il est donc nécessaire d’anticiper et de raisonner la fertilisation car une intervention sur symptômes est de toute façon trop tardive. Cette anticipation est également justifiée par une meilleure absorption du Bore par la betterave jeune et lorsque le sol est bien pourvu en eau. La perte de rendement peut être forte, entre 10 et 20 % de rendement sucre pour une carence grave. Figure 1 - Symptômes foliaires de carence en Bore. Photo ITB 45. Le Bore dans le sol Les quantités totales de Bore dans un sol ne sont pas toujours faibles, mais seule une petite fraction, quelques %, est disponible pour la plante. C’est essentiellement la part solubilisée dans la solution du sol qui sera la source d’alimentation de la betterave, et c’est cette fraction qui est mesurée par les laboratoires et qui figure sur les bulletins d’analyse. La fraction de Bore adsorbée sur les argiles ou la matière organique ne peut se libérer assez vite pour alimenter la plante régulièrement pendant sa croissance, mais contribue à moyen terme à maintenir une quantité de Bore soluble dans la solution du sol. La fixation du Bore est plus forte dans les sols argileux, donc les apports au sol devront être un peu renforcés pour remonter une teneur mesurée faible. L’élévation du pH est aussi un facteur de baisse de disponibilité de l’élément, ce qui justifie une conduite adaptée en sols de craie ou dans tout type de sol après apport d’amendement basique. En sols de craie, l’immobilisation de l’élément est due à la fois au pH et à un effet spécifique du Calcium, qui limite l’intérêt des apports avant semis. Le troisième facteur qui influence l’offre du sol en Bore est l’état hydrique du sol. L’assèchement de l’horizon superficiel en cours d’été réduit la disponibilité et la mobilité du Bore présent, et les périodes sèches peuvent accélérer l’apparition des symptômes de carence. Figure 2 - Symptôme de carence en Bore : « Cœur noir ». Photo ITB 45. Enfin, le Bore est un élément qui n’est pas retenu fortement par la matrice du sol et qui sera entraîné par l’eau de percolation. La conséquence est qu’il faut une analyse de sol récente, de moins de 3 ans, pour établir un diagnostic fiable du statut boraté du sol et raisonner la fertilisation. Diagnostic et conseil Le raisonnement prend en considération l’ensemble de ces caractéristiques pour établir un diagnostic. Ce raisonnement est résumé dans le tableau 1. La teneur du sol est un indicateur fiable qui situe l’offre immédiate par le sol. On considère généralement qu’une teneur sol supérieure à 0.6 ppm (0.3 ppm pour une analyse INRA Arras*) assure une fourniture suffisante à la betterave dans la majorité des sols de limons, limons argileux, sols sableux. La fertilisation au sol peut être supprimée (impasse) et la fertilisation sera réalisée sous forme d’apport foliaire, en adaptant le nombre de passages selon l’état hydrique des parcelles et selon le risque de déficit en eau. Pour des sols argileux, le maintien d’une fertilisation au sol avant semis permet l’entretien à moyen terme du niveau d’offre du sol, et se justifiera surtout en cas de retour fréquent des betteraves dans la parcelle. Par contre, en sol de craie ou cranettes, les apports au sol sont moins bien valorisés, et il n’est pas utile d’investir dans un stock du sol qui risque de Figure 3 - Carence en Bore, aspect racinaire à la récolte. Photo ITB 59. V BF_877_ITB:Mise en page 1 16/05/07 9:08 Page 6 LA TECHNIQUE BETTERAVIÈRE devenir rapidement insoluble et indisponible. Aussi la priorité est-elle donnée aux apports réalisés en végétation. Pour ces sols crayeux à pH élevé, le risque de carence est fortement réduit si la teneur mesurée est supérieure à 1 ppm. Il est alors inutile de réaliser une fertilisation sur betteraves. Lorsque la teneur du sol est faible, inférieure à 0.4 ppm (0.2 ppm pour une analyse issue du laboratoire INRA Arras*), les apports au sol sont conseillés. Ils assureront une alimentation régulière pendant la période printanière et en début d’été. Les relais en végétation peuvent alors être décidés selon l’évolution climatique de l’année. Pour des teneurs intermédiaires, entre 0.4 et 0.6 ppm, les apports au sol sont surtout intéressants pour entretenir un stock de Bore disponible, dans des sols où le lessivage est ralenti (sols argileux essentiellement). Dans des sols plus légers, et dans les sols de craie, on peut opter pour des apports uniquement en végétation si les parcelles sont sujettes aux déficits hydriques. En effet, un apport au sol favorisera un prélèvement précoce par la plante, mais n’empêchera pas les symptômes de carence sur les dernières feuilles formées en période sèche, si un relais n’est pas assuré par un apport foliaire. Il n’est pas justifié de fractionner les apports foliaires au-delà de 2 passages, compte tenu de la baisse des capacités d’assimilation de la plante au fur et à mesure de l’avancée en végétation. La bonne plage d’application se situe entre 70 % de couverture et 3 semaines après couverture. Conseils d’apports de Bore élémentaire (B, en kg/ha) Quel engrais boraté apporter ? traborates, pentaborates surtout, donc d’efficacité a priori équivalente. Le critère de choix le plus simple sera dès lors le prix, ramené à l’unité de Bore élément, car les teneurs entre spécialités commerciales peuvent être différentes. On respectera la dose proposée dans le tableau 1, ou bien proposée dans l’interprétation sur le bulletin d’analyse de terre, Les apports au sol, qui sont aujourd’hui peu pratiqués, seront réalisés classiquement avec des formes tétraborates de sodium (Solubor ou Foliarel). En apport foliaire, les engrais commercialisés contiennent du bore sous forme de sels, té- en traduisant cette dose, exprimée ici en Bore élément, en quantité de produit commercial par une simple règle de 3. (*) Le laboratoire de l’INRA d’Arras utilise un protocole particulier d’extraction qui donne des résultats de mesures environ 2 fois plus élevées que les mesures classiques. Les seuils de référence doivent donc être 2 fois plus faibles que ceux utilisés généralement. Autres oligoéléments Manganèse et Betterave La carence manganique est peu fréquente, elle est assez étroitement liée à des textures de sols, sols humifères, sols à pH basique, les sols les plus sensibles étant ceux qui conjuguent ces 2 caractères. Les apports d’amendements basiques, comme dans le cas du Bore, peuvent être un facteur favorisant l’expression d’une carence. Les symptômes sont très spécifiques : Décoloration et jaunissement des feuilles entre les nervures (au début, on observe des petites ponctuations jaune pâle), port des feuilles “en cuiller”, assez semblable paradoxalement à la marque d’un sol acidifié (photo figure 4), et jaunissement des radicelles. La végétation est ralentie, même si la carence peut n’être que temporaire. Il est difficile d’établir des règles de fertilisation sur la base d’analyses de sols, et les fertilisations avant semis n’ont pas une efficacité garantie, les éléments apportés pouvant être très vite insolubilisés. On conseillera donc de traiter sur symptômes apparents, par pulvérisation foliaire en cours de végétation, avec un apport de 10 à 12 kg/ha de sulfate de manganèse. Une bonne efficacité suppose une application par bonne hygrométrie, de préférence en tout début de matinée. Soufre et Betterave Le soufre a, pour la betterave, un statut intermédiaire entre oligoélément et macroélément. On peut le faire figurer ce- VI Figure 4 - Carence en Manganèse, aspect foliaire. Photo : ITB 60 pendant ici, car des symptômes de carence soufrée peuvent apparaître dans des parcelles, avec des symptômes du même type que les symptômes évoqués précédemment, et, dans de rares cas, demander une fertilisation spécifique complémentaire. Les symptômes ne sont pas spectaculaires, et n’auront d’ailleurs pas de fort impact sur la productivité. Ils apparaissent généralement sur des plantes déjà développées, stades 10 à 12 feuilles, et jusqu’à couverture. Ils disparaissent ensuite. Le feuillage est vert assez clair, la croissance est un peu ralentie par zones dans la parcelle. On conseillera d’effectuer une analyse foliaire sur la parcelle pour confirmer un soupçon de carence soufrée. Les facteurs qui peuvent favoriser l’apparition de cette carence sont multiples : Ce sont surtout les sols filtrants et les sols superficiels, ainsi que les sols pauvres en matière organique, qui seront sensibles. Seront donc concernés principalement les sols sableux, également les sols de craie. Les hivers et début de printemps pluvieux sont des facteurs de risque, également les rotations avec colza ou légumineuses (exportations importantes de Soufre). Ces conditions sont cependant assez éloignées des conditions courantes de conduite de la culture betteravière, donc les carences avérées restent rares. De plus, les apports de sulfates dans la fertilisation (sulfate de magnésie, sulfate de potasse), également les apports de vinasses, suffisent à l’alimentation normale de la plante. Il n’y a donc pas lieu de proposer une fertilisation soufrée spécifique sur betterave sucrière, des apports sous forme sulfate sont possibles en végétation. Ce qu’il faut retenir • Le Bore est l’oligoélément à surveiller en priorité ; • Les apports de Bore se raisonnent, comme toute pratique de fertilisation ; • La fertilisation Bore doit être ajustée selon le climat de l’année ; • Les apports d’amendements basiques avant betteraves doivent être suivis d’une fertilisation en Bore ; • Les autres oligoéléments peuvent faire l’objet d’une fertilisation “à vue”. INSTITUT TECHNIQUE DE LA BETTERAVE - 45, rue de Naples - 75008 Paris - Tél : 01.42.93.13.38 - Fax : 01.42.93.22.84 - www.itbfr.org - Président, Luc DÉMAZURE - Vice-président, François LORANT - Directeur Général, Marc RICHARD-MOLARD La rubrique "La Technique betteravière" est rédigée par l’ITB - Reproduction interdite sans autorisation de l’éditeur