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Le 11 décembre 1831, soit 9 mois après la création de la Légion
étrangère, celle-ci embarque à Toulon, direction l'Algérie.
Les premières années de la Légion étrangère,
un corps de l'armée de terre française.
Aucun
corps
de
l’armée
française
ne
suscite
autant
d’interrogation, de mystère, et de mythe que la Légion étrangère.
Incopiable
aujourd'hui, la Légion étrangère n’est à l’époque
qu’une formation étrangère parmi tant d’autres qui ont déjà servi la
France. Voyons que sa création satisfait plus un souci politique et social
qu'un intérêt militaire. Elle n’est en fait, à ses débuts, qu’un ensemble de
bataillons mal aimés où les officiers voient comme une punition de
diriger de tels hommes.
Elle sera abandonnée en Espagne par Louis Philippe Ier, avant
d’être recréée par ce dernier voyant l’occasion que perdait la France. La
Légion étrangère s’enracinera dans les combats d’Algérie, devenant
chaque jour plus forte pour devenir une unité d’élite.
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La
spécificité principale de la Légion étrangère est qu’elle est
constituée de ressortissants étrangers. Bien avant la création d’une
formation militaire spécifique, la France, comme de nombreux pays, ont
eu recours à des ressortissants étrangers pour pallier le manque
d’effectif, ou résoudre des problèmes politiques ou stratégiques. La
Légion étrangère se distingue par le fait que toutes ses recrus sont
volontaires, alors qu'il a pu exister des régiments étrangers constitués de
personne contrainte à l'enrôlement, par exemple à partir de prisonnier de
guerre.
Avant
la Restauration, le Premier Empire et même la
Révolution, la Monarchie avait une tradition bien ancrée d’enrôlement
d'étrangers.
Ainsi,
en Europe, au Moyen Âge, on versait un impôt au
seigneur pour lever des armées de mercenaires pour continuer les
guerres locales. De grandes armées et d’importantes batailles ont été
gagnées ou perdues grâce à la participation d’étrangers.
Ainsi en 1346, à l’aube de la guerre de Cent Ans, Philippe VI
de France emploie 15 000 Génois à Crécy en Ponthieu, emploi qui se
solde néanmoins sur un échec face aux habiles archers d'Édouard III
d'Angleterre. Le XIIIe et XIVe siècle voient apparaître de grandes
compagnies d’Ecossais, de Castillans, de Savoyards, de Suisse ou
d’Hollandais appartenant à des chefs ou des princes, louant leurs
troupes aux plus offrants.
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Louis
XI de France au XVe siècle aura, quant à lui, sa Garde
écossaise, il fera également appel à plus de 6 000 suisses en 1480,
n’hésitant pas à utiliser leurs qualités, dans des taches d’instructions,
comme au camp de Pont de l’Arche. Ce sera Louis XI d’ailleurs qui
ancrera la tradition d’utiliser des éléments étrangers pour combattre avec
la monarchie, car de son règne et pour les trois siècles à venir, l’armée
française comportera au moins toujours entre 20 et 30 % d’effectifs non
nationaux.
François Ier utilisera lui aussi de nombreuses troupes étrangères
et de mercenaires, constituant grosse partie de son infanterie en
particulier d'origine allemande et suisse. Ces derniers auront toujours
une place de choix dans les armées françaises, dû à un statut particulier.
En effet, les mercenaires suisses, après avoir été battu à Marignan en
1515, ne se battront plus contre les Français grâce à la «Paix perpétuelle»
de novembre 1516.
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En
plus de cette assurance, François I, depuis le 7 novembre
1515, peut, avec le Pape, être le seul à utiliser des mercenaires suisses, ce
qui n'est pas négligeable au vu de leur professionnalisme et de leur
fidélité. Les Rois de France lèveront ainsi de forts contingents dans les
cantons Helvétiques pour former des régiments ou des gardes
personnelles. Ainsi, lors de l’invasion des Tuileries le 10 août 1792, ils
sont 26 officiers et 850 hommes à mourir pour défendre le Roi, prouvant
par leurs actes une remarquable fidélité.
Le
XVIIIe est encore une période où les troupes étrangères
eurent un rôle armé non négligeable. Ainsi lors de la guerre de Sept Ans,
la France aligne durant le conflit 32 régiments étrangers : douze
allemands, dix suisses, sept irlandais, deux italiens, et un écossais.
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À
titre d’exemple, lors de la Révolution, sur les 146 000 soldats
disponibles, 42 000 ne sont pas Français. À la chute de la monarchie,
l’Assemblée s’ouvrit aux nombreux ressortissants venus combattre pour
la liberté ou contre les armées prussiennes. Les volontaires venaient en
quantité telle que l’assemblée dut réfléchir à les encadrer et les
institutionnaliser. De la sorte, il fut créé par décret du 26 juillet 1792,
sanctionné le 1er août, la Légion franche étrangère.
Après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatiques et
militaires
réunis,
l’Assemblée
nationale,
considérant
que
les
circonstances nécessitaient une augmentation des forces dans les armées,
décida :
« Il sera formé dans les plus brefs délais, sous l’autorité et la
surveillance du pouvoir exécutif, une nouvelle Légion sous la
dénomination de « Légion franche étrangère », dans laquelle il ne pourra
être admis que des étrangers. »
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Ainsi s’organisa une
Légion germanique, une Légion italique,
une Légion batave, une Légion polonaise. La loi, règlementant cette
dernière, précisait :
« Si les rois coalisés déploient des armées nombreuses contre les
peuples libres, il importe à ceux-ci d’admettre dans leurs rangs tous les
hommes qu’un élan sublime appelle à combattre pour la cause sacrée de
la Liberté»
Mais
pourquoi tous ces étrangers se battent-ils pour une
nation qui n’est pas la leur ?
D’abord
l’honneur, même en tant que mercenaire, il est un
honneur de combattre pour un roi de France. Ensuite pour des idéaux, la
France, en pleine révolution, représentait un espoir énorme pour de
nombreux européens. Enfin, peut être un commandement plus humain,
Frédéric II ou Pierre le Grand n’étaient pas aussi attentionnés envers
leur troupes que pu l’être Louis XIV de France.
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Les troupes étrangères sous l’Empire.
L’Empire,
par ses conquêtes, fut un gros consommateur de
troupes étrangères. De Wagram, à Iéna, à Eylau et même en Espagne, le
pourcentage de ressortissants non nationaux dans les armées de l’Empire
atteignit des proportions uniques. On estime qu'en Espagne un sixième
des effectifs étaient étrangers, plus de la moitié pour la campagne de
Russie ; et même en 1814, l’armée comptait encore 20 % de non
nationaux.
Napoléon, dès son accès au pouvoir, eut besoin de troupes, en
1802, il fait appel à 4 000 Suisses. Il en utilisera plus de 90 000 pendant la
totalité de son règne. Ils formeront le bataillon Valaisan, en 1805. Puis en
1807, le maréchal Berthier, prince de Neufchâtel, fonde le bataillon du
même nom. Il combat en Autriche, en Espagne et en Russie. En tout,
l’Empire formera quatre régiments d’infanterie en 1805 et 1806. Ce fort
engagement entraîne de lourdes pertes, en effet la moitié des
combattants Suisses ne survivront pas aux campagnes.
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Dès
1805, Napoléon utilise des prisonniers russes et
autrichiens, ils composeront les régiments de la Tour d’Auvergne et de
d'Isembourg.
Rebaptisés,
ils deviennent le 1 er et 2e régiments étrangers. Ils
seront dissous en 1814.
Aux
unités créées en ce début de siècle, nous retrouvons la
Légion Piémontaise ou Légion du Midi, créée en 1803, composé
d’anciens soldats français et piémontais des départements français
d’Italie.
On
peut y rajouter les pionniers espagnols, le régiment de
Catalogne, la Légion hanovrienne, les mamelouks égyptiens, ou la
Légion portugaise créé par décret le 16 janviers 1808, composé de 8 000
hommes.
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En
tout de 1806 à 1814 se constitueront 60 unités étrangères
commandées par 136 généraux, dont certains très célèbres comme
Joseph-Antoine Poviatowski fait maréchal de France le 16 août 1813.
Une grande partie de ces Européens sont volontaires. Les conscrits ne
proviennent que des régions annexées par l’Empire.
Pour illustrer cette hétérogénéité, on estime que sur les 400 000
hommes qui franchirent le Niémen pour aller sur Moscou ou Smolensk,
120 000 d’entre eux étaient français. Enfin Napoléon, durant les CentJours, rassembla près de 8 régiments étrangers marquant l’attachement
des troupes envers leur ancien chef, et la confiance que ce dernier leur
donnait.
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Sous la Restauration
La
chute de l’Empire entraîne l’éparpillement des régiments
étrangers, néanmoins la France reste une puissance militaire et elle a
besoin de troupe, surtout pour renouveler les cadres vieillissants ou les
hommes de troupes usés par les guerres impériales. Il faut donc trouver
des troupes entraînées et disponibles rapidement. On se tourne une fois
de plus vers les Suisses. La monarchie de Louis XVIII de France
incorpore alors 14 000 Suisses repartis en 6 régiments. En plus des
Helvétiques s’ajoute quatre autres régiments dont un dit « colonial »
composé de Portugais et d’Espagnols. Tous ces hommes constitueront la
Légion royale étrangère en 1815.
En
1816, la Légion Royale Etrangère devient la Légion de
Hohenlohe qui, elle-même, devient le régiment Hohenlohe en 1821, du
nom du prince qui la dirige, un Allemand d’origine qui a servi dans
l’armée durant la révolution, puis dans l’armée hollandaise en qualité
d’émigré. Gouverneur des Deux-Gallicie en 1807, combattant à Leipzig et
à la campagne de France, il sera nommé lieutenant général par Louis
XVIII, puis devient maréchal en mars 1827.
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Néanmoins,
le régiment Hohenlohe, sera touché par la
réorganisation de l’armée qui accompagne les évènements de juillet. Il
sera dissous en 1830 car jugé peut être trop fidèle au futur souverain.
C’est ce dernier régiment qui va donner à notre Légion étrangère son pas
caractéristique. Alors que les régiments d’infanteries classiques défilent
au rythme de cent vingt pas minute. La Légion forte de son affiliation à
l’ancien régime et en particulier du régiment Hohenlohe, a adopté un
rythme plus lent et plus solennel d’environ 80-85 pas minute.
L’armée française est exemptée d’étrangers début 1830. Mais cet
état ne va pas durer : Charles X roi de France depuis 1824, est très
impopulaire car les mauvaises récoltes, les difficultés économiques et
l’adoption d’un gouvernement réactionnaire créent un terreau favorable
aux mouvements insurrectionnels. Les ordonnances de Saint Cloud,
véritable coup de force du Roi limitant fortement les libertés sont
proclamées le 25 juillet 1825.
Elles
entraînent immédiatement une opposition violente du
peuple et la chute du régime. Cette révolution, étalée sur trois jours, le
27, 28, 29 juillet 1830 amène au pouvoir un homme nouveau, Louis
Philippe de Chartres, qui est devenu le 7 août Louis Philippe Ier roi des
Français. En prêtant serment sur la charte constitutionnelle de 1814, il
instaure la « Monarchie de juillet ».
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Souverain
par volonté de la nation, ses amis et ennemis ne
souhaitent pas que le Roi puisse posséder une force trop fidèle et
remarquablement entraînée comme le régiment Hohenlohe qui est donc
licenciée en juillet 1830. En effet, les forces politiques ne veulent que
d’une armée nationale.
Mais
les événements d’Algérie et de politiques intérieures
vont contraindre à une nouvelle incorporation d’étrangers.
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La création de la Légion étrangère.
La
création de la Légion étrangère est plus une réponse à de
multiples problèmes, que connaît la nation à cette époque, qu'une réelle
volonté de former une unité étrangère. Elle est en grande partie due à la
révolution de Juillet et ses conséquences européennes. Elle est, et pour
longtemps, une manifestation des politiques des pays étrangères. Il faut,
pour bien comprendre les causes de cette création, qu'avant même cette
dernière, on envisage un emploi exclusivement étranger de la Légion.
Elle devra théoriquement combattre en aucun cas sur le territoire
national.
L’une des premières causes est l’épurement de l’armée après la
Révolution des Trois Glorieuses.
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Louis Philippe Ier marque une vraie coupure avec l’Ancien
Régime, mais l’armée regorge encore de fidèles de l’ancien régime :
bonapartistes ou partisans de Charles X. De la sorte, de multiples cadres
et soldats de l’armée impériale reprennent du service après quinze
années de repos dans la légion étrangère. De plus, il est trop dangereux
pour la jeune monarchie parlementaire d’avoir en son sein de nombreux
officiers de la grande armée réduit à la demi solde et parfois à
l’inactivité. Il faut employer pour certains leur expérience et surtout leur
esprit à autre chose que l’oisiveté qui « peut être mère de tous les vices ».
Ensuite
la création de la Légion qui a vocation de combattre
dans des horizons lointains est une excellente occasion pour vider les
éléments dangereux ou remuants de l’armée régulière, qu’ils soient
nationaux ou non.
De
ce fait, la Légion étrangère devient un exécutoire à
quelques officiers douteux, endettés, ou bien à des soldats encombrants,
qui ne répondent pas aux critères de moralité ou de professionnalisme
de l’armée sans pour autant être bon à licencier.
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Mais
surtout, il faut utiliser les étrangers entrant ou
stationnant en France. Les crises européennes les ont jetés en masse sur
le territoire sans ressources. Ceux-ci viennent des premières vagues de
chômage, dû à l’industrialisation naissante. Ils sont Suisses, Belges ou
Hollandais, pour la plupart. Ce sont donc des hommes sans ressources,
sans avenir, qui inquiète le gouvernement, car il faut les nourrir et ce
sont souvent des populations génératrices de troubles.
Ensuite, tous les exilés des crises politiques et insurrectionnels
étrangères venus en France: La Révolution des Trois Glorieuses a amené
en France de nombreux volontaires pour le combat armé. On a ainsi des
cohortes de libéraux et de révolutionnaires venus dans l’espoir
d’installer un régime dans la continuité de 1789.
De
plus, la Révolution de Juillet a entraîné de vastes
mouvements insurrectionnels en Europe entière, en particulier en Italie,
dans les provinces germaniques, en Pologne et en Espagne. Mais ces
insurrections ont pour la plupart échoué et les gouvernements touchés
ont chassé de leur territoire de nombreux révolutionnaire qui échouent
en France, terre de liberté. Tous ces individus peuvent remettre le feu
aux poudres dans les grandes villes telles Paris ou Lyon. Ils deviennent
donc la menace la plus dangereuse pour l’État, aussi bien pour la
stabilité du royaume que pour son économie, il est donc urgent de les
rassembler et de les éloigner.
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Il
faut rajouter également que les anciens mercenaires suisses,
allemands, ou du régiment Hohenlohe seraient bien mieux, à constituer
le noyau dur de l’encadrement et de la formation de cette future Légion
que d’être réduit au chômage (il est toujours dangereux pour un pays
d’abriter de nombreux mercenaire étrangers désœuvrés). Enfin ces
combattants, pour certains forts expérimentés, seraient utiles pour le
prochain dur combat pour lesquels ils sont en majorité engagés : la
conquête de l’Algérie.
Dès la fin des années 1820, des troubles apparaissent entre la France
et l’Algérie. Alger réclame le payement d’une créance vieille du
Directoire. Le consul général de France est envoyé afin de rencontrer le
dey d’Alger : Hussein Pacha. Ce dernier provoque le consul français. En
conséquence, la France entame un blocus naval d’Alger grâce à la force
maritime du capitaine de vaisseau Collet. Après une tentative de
négociation en juillet 1829 qui se révèle infructueuse, le comte de
Bourmont, ministre de la guerre, et le baron d’Haussez, ministre de la
marine, organise la formation d’une expédition vers Alger. Ainsi, 36 450
hommes et plus de 650 navires partent de Toulon le 25 mai 1830 et
débarquent le 14 juin.
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La
conquête de l’Algérie vient de débuter. Les troupes
progressent vite et Alger tombe le 4 juillet. Le dey d’Alger est contraint à
l’exil.
Si la conquête d’Algérie semble d’abord résoudre un problème
diplomatique, c’est avant tout une campagne de prestige. Charles X, en
mauvaise grâce à l’époque, espère une victoire rapide pour rehausser
son image. Ensuite, c’est le tout début de la colonisation. La France se
pose en puissance européenne et essaye de gagner de l’influence par des
possessions outre-mer.
Mais
dès lors, l’armée piétine. L’insécurité est aux portes
d’Alger. De plus, si les hommes ont pu montrer quelque enthousiasme
en juin 1830, le moral est maintenant bas et la guerre, très impopulaire.
Les demandes de renforts soulèvent l’opinion. Charles X déposé, on ne
peut pas faire machine arrière.
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Louis Philippe Ier est pacifiste et ne veux pas braquer l’opinion
nationale et militaire en une conquête coûteuse en vie française. Son seul
recours est l’utilisation de troupes étrangères et comme le royaume est
réduit, on ne peut pas lever des contingents dans les terres occupées
comme au temps de Napoléon. Il va donc falloir utiliser une troupe
mercenaire.
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La création par ordonnance royale
Voici l’ordonnance royale qui crée la Légion étrangère :
Louis-Philippe, roi des Français, à tous présents et à venir salut ;
Vu la loi du 9 mars 1831 :
Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d’État au Département de la Guerre : Nous avons
ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1 - Il sera formé une Légion composée d’Étrangers. Cette Légion prendra la dénomination
de Légion Étrangère.
Art.2 - Les bataillons de la Légion Étrangère auront la formation que les Bataillons
d'infanterie de ligne.
Art.3 - Pour la solde, les masses et son administration, la Légion Étrangère sera assimilée aux
régiments français. L'uniforme sera bleu avec le simple passepoil garance et le pantalon de
même couleur, les boutons seront jaunes et porteront les mots Légion Étrangère.
Art.4 - Tout Étranger qui voudra faire partie de la Légion Étrangère ne pourra y être admis
qu'après avoir contracté, devant un sous-intendant militaire, un engagement volontaire.
Art.5 - La durée de l'engagement sera de trois ans au moins et de cinq ans au plus.
Art.6 - Pour être reçus à s'engager, les Étranger devront n'avoir pas plus de quarante ans, et
avoir au moins dix-huit ans accomplis, et la taille de 1m55. Ils devront en outre être porteur
d'un certificat d'acceptation de l'autorité militaire constatant qu'ils ont les qualités requises
pour faire un bon service.
Art.7 - En l'absence de pièces, l’Étranger sera envoyé devant l'Officier Général qui décidera si
l'engagement peut être reçu.
Art.8 - Les militaires faisant partie de la Légion Étrangère se pourront rengager pour deux ans
au moins et cinq ans au plus. Les rengagements ne donneront droit à une haute paie qu'autant
que les militaires auront accompli cinq ans de service.
Art.9 - Notre Ministre Secrétaire d’État au Département de la Guerre est chargé de l'exécution
de la présente ordonnance. Par le Roi :
Le Ministre Secrétaire d’État de la Guerre Signé : Maréchal SOULT Duc de Dalmatie
Signé : LOUIS-PHILIPPE
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La Légion étrangère est ainsi créée par ordonnance royale le 9
mars 1831. La loi est ensuite signée par Louis Philipe Ier et le secrétaire
d’État à la guerre le maréchal Soult.
L’ordonnance donne immédiatement le cadre quant à l’usage et
la formation de cette unité : La première particularité est l’engagement
par volontariat : article 4.
On
se trouve, donc, dans un chemin analogue de l’armée
française qui pratique à l’époque la conscription réglée par la loi
Gouvion-Saint-Cyr de mars 1818, qui base la conscription sur le
volontariat et un tirage au sort des appelés. Ensuite tous les étrangers
volontaires, et ce quelle que soit leur nationalité, sont dirigés vers la
Légion étrangère. On ne constitue plus de régiments par nationalité.
Ainsi, toutes les origines y seront mélangées. De plus, la Légion
étrangère sera assimilée à l’infanterie de ligne: « Art.2 - Les bataillons de
la Légion Etrangère auront la formation que les Bataillons d'infanterie de
ligne ». Ce n’est donc pas une troupe mercenaire. Elle fait partie au
même titre des autres régiments et bataillons de l’armée française.
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L’ordonnance renseigne également sur l’uniforme : Art.3 - Pour
la solde, les masses et son administration, la Légion Etrangère sera
assimilée aux régiments français. L'uniforme sera bleu avec le simple
passepoil garance et le pantalon de même couleur, les boutons seront
jaunes et porteront les mots Légion étrangère. Il s’agit de l’uniforme
standard de l’infanterie de ligne de cette époque, car la Légion ne
possède encore ni cavalerie, ni artillerie, ni génie, comme aujourd’hui.
Aussitôt
l’ordonnance écrite, le recrutement commence. Les
volontaires sont regroupés en Haute Marne à Langres. Le chef du dépôt,
le commandant Sicco, un ancien officier de l’armée napoléonienne, est
un « coriace », rescapé de la campagne de Russie, ses nombreuses
cicatrices au visage en témoignent. La Légion se forme autour des
anciens régiments de Suisses et du régiment Hohenlohe, qui formeront
le noyau dur de professionnels.
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Mais
devant l’afflux de candidatures surtout venant d'outre-
Rhin, le complexe de Langres qui n’est qu'un dépôt est engorgé. On crée
donc des bureaux de recrutement à Auxerre pour les Allemands,
Chaumont pour les Belges et les Hollandais, Agen pour les Espagnols et
les Italiens et Avignon pour les Polonais. On regroupe ensuite les
hommes à Bar-le-Duc, où ils tiennent une garnison.
Mais les débuts de la Légion sont très laborieux : tout d’abord
les candidats, si certains ont beaucoup d’expérience, d'autres sont
novices dans le métier des armes. Car si la Légion a permis de faire
diminuer le nombre d’exilés politiques et de révolutionnaires potentiels
sur le territoire, elle attire aussi beaucoup d’individus nationaux ou
étrangers désocialisés, miséreux et parfois dangereux. Il faut le dire, la
Légion a accepté un certain nombre de personnes fuyant la justice pour
des motifs graves. La Légion devient un havre, un exécutoire pour l’État.
Certaines
personnes y partent néanmoins de façon motivée et
volontaire, l’époque aidant et l’Afrique encore méconnue, on peut voir
des aventuriers ou des personnes en mal de voyage s’enrôler. De même
que des amis de la France qui sont nombreux espèrent se battre pour la
nation. Que ce soit pour y trouver du pain, une volonté d’oubli ou de
rachat, chaque individu a sa raison de s'engager et elle est du ressort de
chacun.
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Néanmoins, cela crée une troupe assez hétéroclite, où le soldat
de métier côtoie l’anarchiste. L’inactivité en attendant les affectations et
le nationalisme de certains entraîne de nombreuses bagarres entre
communautés, ce qui désolidarise le groupe et fait apparaître le
deuxième problème de la Légion : le manque de cadres.
Officiers
et sous-officiers manquent à la Légion, ceux de
l’armée impériale sont vieux et insuffisants, les officiers déserteurs
d’autre armées ne sont pas familiarisés avec le français, viennent
d’armées différentes ou d’autres armes comme la cavalerie. On estime
qu’ils seront quand même 107 officiers à servir de 1831 à 1836.
Ensuite
c’est le manque de cadres français qui se fait sentir,
cette unité n’attire que très peu d'officiers et une mutation y est
considérée comme une punition. Ceux qui y sont contraints, y
commandent sans panache et volonté comme le suggère cette phrase du
général inspecteur du 6 e bataillon de Bône en Algérie en 1833 :
« Aujourd’hui les officiers étant envoyés par punition à la Légion
étrangère, ils servent avec dégoût, sont humiliés de s’y retrouver et
cherchent tous les moyens possibles de rentrer en France ».
Quant
aux sous-officiers, qui sont la colonne vertébrale de
toutes armées, ils sont en sous-effectif chronique ; on promeut donc des
individus sur le simple critère parfois qu’ils parlent les deux langues, on
promeut ainsi de nombreux étudiants en langue, en aucun cas habitués
au commandement.
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Une autre complication est le manque de moyens. Cette troupe
peu aimée ne reçoit pas tous les fonds nécessaires à un bon
fonctionnement, la nourriture et le couchage y sont médiocres. De plus,
les fraudes existent et quelques cadres peuvent abuser de leur pouvoir
dans la distribution des soldes. Ainsi, dans certains cas, les légionnaires à
l’hôpital ou en prison ne sont pas payés.
Enfin,
la dernière difficulté est la création d’un esprit de
cohésion de discipline et de fierté, éléments indispensables à la genèse
d’une unité d’élite.
Les
troupes sont extrêmement hétérogènes, des étudiants en
médecine exilés en France pour raison politique, se retrouvent avec
d’anciens grognards. Les nationalismes à fleur de peau vont faire éclater
de sanglantes rixes.
Le
seul moyen de faire coexister tous cet ensemble est par
l’application d’une discipline de fer. Les cadres sont d’une extrême
rigueur, les punitions sont nombreuses et très dures, mais malgré cela,
l’insubordination et les désertions sont courantes. À tel point qu'à la mimai, l’insubordination et l’indiscipline sont telles que l'on fait appel aux
gardes nationaux pour circonscrire une possible rébellion. On arrêtera ce
jour-là 20 soldats. Le colonel Stoeffel, chef de la Légion, est soulagé que
le corps ne se saborde pas de lui-même, mais il faut dans les plus brefs
délais l’envoyer en Algérie et le prendre en main.
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Néanmoins,
tous les individus et toutes les personnalités
vivant ensemble, coupés du monde extérieur, donneront ce caractère si
unique à la Légion chacun apportant ses qualités et ses défauts. C’est ce
qui va obliger les légionnaires à fonder un foyer et une famille commune.
Malgré
ces
complications,
moins
de
6
mois
après
l’ordonnance, 5 bataillons sont créés, chacun à 8 compagnies. Chaque
bataillon regroupe une ou deux nationalités et comptent environ 500
hommes. Ils sont regroupés à Toulon près de la Méditerranée en
attendant le départ pour l’Algérie.
Nationalités par bataillon.
1er Suisses et anciens de Hohenlohe
2e
Suisses et Allemands.
3e
Suisses et Allemands.
4e
Espagnols.
5e
Sardes et Italiens.
6e
Belges et Hollandais.
Un dernier bataillon sera peut-être le plus valeureux, composé
de Polonais ayant fui leur pays après l'échec de l’insurrection de 1830,
arrivent en France plein de bonne volonté.
Dès
le mois d’août, les 1 er, 2e, 3e, 5e bataillons partent pour
l’Algérie, soit un total de 78 officiers et 2 669 sous-officiers et
légionnaires. Ils sont aux ordres du colonel, le baron Christophe Antoine
Jacques Stoeffel, un ancien officier suisse de l’armée napoléonienne qui
a combattu en Espagne et qui connaît l’armée depuis plus de trente ans.
C’est un officier intègre, capable, loyal et qui croit en la discipline.
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Les 5 bataillons débarquent à Oran, Alger et Bône.
Malgré
l’insécurité et les escarmouches existantes, la Légion
étrangère est d’abord employée à des travaux de terrassement. Le
légionnaire gagne alors sa réputation de soldat bâtisseur. La Légion va
ainsi construire la route de la Casbah dans la région d’Alger, celle de
Fort-de-l’Empereur, ou celle de la ceinture d’Alger.
Elle participe également à la construction de forts, comme celui
de Fort-de-l’Eau. Mais l’exploit revient aux hommes du capitaine
Drouault du 2e bataillon qui édifient une route reliant Douera à Bouffarik
au milieu de nombreux marais et cela en deux mois. Cette célèbre route
prendra le nom de « chaussée de la Légion ».
Néanmoins,
même si ces travaux sont utiles pour la
modernisation et la reconstruction de l’Algérie, ils épuisent fortement les
hommes : les fièvres, la dysenterie, et surtout le choléra (qui tuera ou
réformera 3 200 hommes entre 1831 et 1835, soit un quart des troupes)
font fondre les effectifs.
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S’en
suit une nette baisse du moral, des recrutements, et une
augmentation des désertions. Mais ces travaux éreintants vont, avec la
discipline, casser les hommes et les rendre plus malléables. Stoeffel, en
bon officier, le sait et l’applique.
Obliger n’importe quel dur à remuer de la roche dix heures par
jour à la pioche, sous peine de le mettre à la demi-ration d’eau et vous lui
faites perdre tout esprit de révolte.
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Le baptême de feu et les premières gloires
Mais la Légion va vite connaître ses premiers combats. Dès le
27 avril 1832, 300 hommes du 3 e bataillon commencent à sécuriser les
abords d’Alger et combattent à Maison Carré, un ancien fort turc tenu
par la tribu des El-Ouffia.
Le
23 mai, prit en embuscade par la tribu des Annaoua, un
détachement de 27 hommes dirigé par le lieutenant Cham se fait
exterminer : 26 morts. Les légionnaires ne se sont pas rendus et sont les
premiers d’une longue liste de tués. La conquête de l’Algérie coûtera à la
Légion étrangère : 27 officiers, 61 sous-officiers et 756 légionnaires.
Cette
même année Stoeffel est remplacé par le colonel
Combes, qui arrive de Marseille avec le premier drapeau de la Légion
offert par le duc d’Orléans, au nom du Roi.
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Y est inscrit : « Le Roi des Français à la Légion étrangère ». La
troupe est désormais reconnue et distinguée.
Désormais, la Légion va combattre en Algérie sans répit : à Sidi
Chabal en novembre 1832 où le bataillon espagnol se distingue. En mars
1833, les légionnaires combattent à Ouled Yacoub et Ouled Attia, les
combats y sont très violents et subissent la résistance d’un jeune et
courageux émir: Abd el-Kader qui a avec lui les tribus du Sig.
Les mois passent dans les combats et la souffrance, les Français
remportent une victoire à Arzew le 5 juin et prennent Mostaganem le 27
juillet 1833.
L’année 1834 est plus calme et les effectifs se complètent, on a
d’abord l’arrivée du 6 e bataillon, formé à Chaumont, à recrutement
français, belge et hollandais. Ils sont directement suivis par les Polonais
qui se distingueront une fois de plus près de la ville de Bougie.
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Ce
dernier bataillon, le 7 e, va alors remplacer le 4 e bataillon
(Espagnol) et repartir pour Oran. Les Espagnols qui sont licenciés,
regagnant leur pays pour participer à la guerre civile qui y fait rage.
Enfin cette période est celle où la Légion a vraiment pris pied en
Algérie ; tous les bataillons y implantés : Le 1er, 2e, 3e, 5e et la moitié du 7 e
tiennent Alger ; Oran est tenu par le 4 e, et Bône par le 6 e.
L’année 1835 est marquée par le combat de Moulay Ismaël où la
Légion commandée par le lieutenant-colonel Conrad, va avec d’autres
troupes pour rejoindre Arzew devoir traverser le territoire du Sig, tenu
par les partisans d’Abd El Kader. Le face à face avec les redoutables
cavaliers de l’émir coûte une centaine de légionnaires. Ce que l’on se
souvient comme la tragédie de la Macta est l’un des plus lourds tributs
payé à la terre d’Afrique, mais les légionnaires ont fait preuve d’un
incroyable courage, car grâce à eux la colonne a atteint Arzew.
Désormais, la Légion sera caractérisée à jamais par cette abnégation, cette
impassibilité devant le feu, cela quelques en soient les sacrifices.
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Mais la conquête de l’Algérie va s’arrêter brutalement, en effet
la Légion doit partir pour l’Espagne pour soutenir la régente Marie
Isabelle dans sa guerre contre les carlistes.
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Le don de la Légion étrangère à l’Espagne
Alors
que la Légion étrangère commençait à s’enraciner en
Algérie, elle est appelée à servir en Espagne dans des circonstances bien
particulières.
À
la mort du roi d’Espagne Ferdinand VII le 18 septembre
1833, celui-ci laisse le royaume à sa fille, Isabelle II d'Espagne, alors
âgée de trois ans. L’épouse de Ferdinand VII, Marie Christine, prend la
régence en attendant que sa fille soit suffisamment âgée pour prendre la
tête du royaume. Mais d’après la loi salique c’est à Don Carlos le frère
du défunt que doit revenir le pouvoir. Devant le refus de la régente,
celui-ci commence la guerre civile.
Pour cela, il soulève et rallie à sa cause la Galice, la région de
Navarre, les provinces basques. Il est, de plus, aidé par les pays
conservateurs européens : l’Autriche, la Prusse, la Russie. L’armée
espagnole est trop faible pour maîtriser la guerre civile, elle demande de
l’aide à ses voisins avec lesquels elle a déjà conclu des traités d’alliances.
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C’est le début de la guerre Carliste.
En
effet, le 28 juin 1834, les ambassadeurs de Londres,
Lisbonne, Paris, signent avec l’ambassadeur d’Espagne un traité visant à
soutenir Marie-Christine.
La France est un peu embarrassée par ce traité, car elle ne veut
pas s'immiscer dans les affaires espagnoles et pense qu'une intervention
en Espagne risque de compromettre la paix européenne. Ne voulant pas
envoyer l’armée régulière, la Légion étrangère permettrait de tenir ses
engagements. Ce ne serait donc qu'un envoi de troupes étrangères à
destination d’un pays ami. Les voisins envoient également un fort
contingent : le Portugal envoie 6 000 soldats d’élite et les Anglais 12 000
hommes, sous les ordres de Sir Lacy Evans qui, mal payés, rentreront en
Angleterre en 1837 laissant 2 500 morts derrière eux.
Ainsi, le 28 janvier 1835, sous la pression d’Adolphe Thiers, le
ministre de l’intérieur, la Légion est cédée à la reine d’Espagne et le 29
juin une ordonnance royale stipule que la Légion étrangère ne fait plus
partie de l'armée française.
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L’ordre étant de se rendre à Alger et de s’embarquer pour le 30
juillet. Le corps étant cédé à l’Espagne, on doit embarquer tous les
légionnaires : malades, prisonniers, et permissionnaires compris. Les
hommes ne peuvent plus reculer sauf peine de graves sanctions, de la
sorte en cas d’insubordination, il est prévu que les officiers français se
retrouveraient en demi-solde, les officiers étrangers se retrouveraient
sans emploi et les légionnaires considérés comme déserteurs.
Le
30 juillet, c’est 123 officiers et 4 021 sous-officiers et
légionnaires qui s’embarquent sur la Royale pour l’Algérie. Tous les
hommes sont aux mains du colonel Bernelle, un ancien capitaine de la
Garde impériale de cinquante ans. Il a réintégré l’armée en 1820, après
avoir été mis en disponibilité. C’est un officier à la poigne de fer et un
remarquable organisateur.
Ainsi
lors d’une escale aux Baléares, il en profite pour
réorganiser tous les bataillons, las de voir les unités s’entre-déchirer, il
les amalgame toutes et mélange ainsi toutes les nationalités. C’est cette
décision qui va former une nouvelle Légion bien plus soudée où chacun
apportera ses qualités et la renommée à ce corps d’élite.
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Les premiers combats
Et
c’est une Légion bien différente de celle de début 1831 qui
débarque à Tarragone le 17 août 1835, c’est une troupe qualifiée, bien
structurée et bien dirigée. C’est donc un renfort très appréciable à la
régente Marie Christine. Cependant, l’accueil espagnol est médiocre,
souvenir du siège de 1811 par les Français du maréchal Suchet entre
autres.
La Légion en Espagne devient la « division auxiliaire française »
et son chef, le colonel Bernelle, devient maréchal de camp des armées
d’Espagne.
Dès son arrivée, la Légion entre en guerre contre 5 000 carlistes
dans la région de Catalogne.
L’année 1835 est consacrée à de nombreuses escarmouches dans
les régions de Navarre et d’Aragon. La Légion fini par entrer dans
Pampelune, le 5 février 1836, afin de circonscrire et d’isoler cette
province. C’est dans cette région que l’on assiste à une escalade de la
violence. Les carlistes mènent une guerre totale et les batailles prennent
un visage de cruauté et de haine jusqu’ici inconnu. Les carlistes ne font
aucun prisonnier ; officier ou homme de troupe, tout le monde est fusillé
d’une balle dans la tête, comme cette trentaine de légionnaires et leur
officier mis à mort le 20 septembre.
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Bernelle
comprend et répond par la terreur. La Légion,
désormais, ne fera plus de prisonniers.
Malgré
le nombre élevé d’acteurs sur la scène espagnole, la
Légion est amenée à souvent se battre seule. Elle s’organise donc pour
devenir une unité plus autonome; Bernelle recompose ses troupes avec
trois escadrons de lanciers, une batterie d’obusiers pour l’appui, et d’une
compagnie médicale, chargée de soustraire les blessés des champs de
batailles.
C’est le début de la Légion étrangère moderne.
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Des combats meurtriers
Les combats continuent jours après jours, enlevant à chaque fois
des hommes à la Légion. Au 15 avril 1836, les pertes s’élèvent à 117 tués,
380 morts par blessure ou maladie, et 83 déserteurs.
De plus, il faut ajouter les conditions de combat extrêmement
dures : froid, pluie, faim, couchage médiocre, le peu d’empathie de la
population et le caractère inhumain de cette guerre sans quartier.
Mais
le courage et l’abnégation restent dans les rangs, à
Tirapegui le 26 avril, 500 légionnaires repoussent 3 500 carlistes au prix
de 90 morts et, le 1 er août, à Zubiri, la Légion, à elle seule, tue 1 200
carlistes en une bataille.
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L’abandon de la Légion
La
Légion est de plus en plus isolée en Espagne. Les renforts
n’arrivent plus qu'au compte-goutte: 379 hommes le 15 avril, 89 en
juillet, 438 en août et ceux-là seront les derniers. Paris fait la sourde
oreille, l’équipement et les vivres envoyés sont insuffisants, les soldes
sont irrégulières, les décorations et l’avancement ne suivent pas.
Adolphe
Thiers, alors président du conseil, refuse toute aide
sous prétexte que la Légion a été donnée de façon pleine et entière à
l’Espagne. À bout, Bernelle démissionne et rentre en France, c’est le
colonel Conrad qui le remplace, courageux, franc, c’est un homme à
poigne de la même trempe que Bernelle.
Le
retour de ce dernier en France provoque la surprise du roi
qui après le récit de combat de Bernelle se désintéresse totalement de
l’odyssée espagnole. Le roi ne veut pas envoyer de renfort de l’armée
régulière, de peur de l’épuiser et de s’embourber à nouveau.
De plus, la conquête de l’Algérie demande des renforts. Le Roi
ne peut diviser ses troupes.
La Légion est donc livrée à elle-même.
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Misère et errance
La
Légion continue à se battre, le manque de vivres et
d’équipements
décents
sont
aggravés
par
l’hiver
1836-1837,
particulièrement rude, dans les plaines d’Aragon. Faute de soldes et de
vivres, certains passent du côté Carliste qui, eux, vivent sur le pays.
Au
début de l'année 1837, la Légion n’aligne plus que trois
bataillons, puis deux ; elle est réduite de moitié depuis son arrivée. Mais
la Légion continue à combattre avec une détermination suicidaire : le 24
mai à Huesca, elle perd 350 hommes sur 1200.
Le
2 juin, dans une ultime bataille à Barbastro face à un fort
contingent carliste, la Légion perd son chef, le colonel Conrad, mort
d’une balle dans la tête. Elle ne s’en remettra pas et se replie sur
Saragosse avant de repartir sur Pampelune passer l’hiver.
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En 1838, la Légion n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle reste
dans une situation très délicate, sans vivres, sans ressources au milieu
des carlistes. Ce n’est que le 8 décembre que la reine accorde son
licenciement. Ils partent de Saragosse le 2 janvier 1839 et traverse les
Pyrénées famélique et miséreuse par le col du Somport.
Ils ont été six mille à débarquer à Tarragone en 1835, ils ne sont
plus que soixante-trois officiers et cent cinquante-neuf hommes de
troupes à revenir. Abandonnés, ils rentrent quand même en France. Tous
sont maintenant des combattants à la solide expérience auréolée d’une
grande gloire.
Cela arrive parfaitement, on a besoin de troupes aguerries. Car
pendant son odyssée espagnole, le Roi à recréé une seconde Légion
étrangère.
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La Nouvelle Légion
La deuxième Légion
Dès
son départ pour l’armée espagnole en 1835, la Légion a
laissé un vide. Les étrangers sont toujours aussi nombreux à vouloir
s’engager et l’Afrique et l’Espagne demandent toujours autant
d’hommes.
On
lève donc une nouvelle Légion le 16 décembre 1835, sa
garnison est à Paris et elle ne devait comporter qu’un seul bataillon. Au
22 mars, deux compagnies et l’état-major sont formés, dès le 26 juin le
bataillon est au complet. Mais le gouvernement, las de l’aventure
espagnole, licencie le bataillon le 11 août 1836 et envoie les volontaires
issus de cette Légion éphémère en Espagne. Ce seront les derniers
renforts.
Mais l’aventure légionnaire n’est pas terminée pour autant, le
gouvernement place maintenant la priorité sur l’Algérie et recommence
la formation d’une nouvelle Légion en novembre 1836. Le 21 de ce moisci est constitué un nouveau bataillon à Pau. Fort de 1 200 hommes, il
s’embarque à Toulon sur le Suffren le 11 décembre, et arrive quatre jours
plus tard à Alger.
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Pendant
ce temps, le recrutement continue en France, si bien
que le 4 septembre 1837, un second bataillon peut être constitué par
ordonnance royale. Les deux bataillons rassemblés ont la valeur d’un
régiment d’infanterie régulier.
Dès lors, la Légion va être de tous les coups durs et de toutes
les batailles décisives. Rayonnant à partir d’Alger, l’année 1837 est pour
la Légion étrangère d’Afrique une succession d’accrochages. Le fait
marquant de cette année est sans doute la paix signée entre la France et
la résistance menée par Abd el-Kader et la reconnaissance de ce dernier
dans le traité de Tafna de la souveraineté de la France dans certaines
régions algériennes.
Malgré le traité, la paix est relative. La Légion est employée à
des expéditions punitives, dans la vallée de l’Isser pour réduire des
rebelles qui sèment le trouble jusqu'à Boufarik.
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La bataille de Constantine
La situation relativement calme permet l’élaboration de grandes
manœuvres. On se décide donc à investir Constantine. Toutes les troupes
disponibles sont chargées de marcher vers Constantine, la place forte est
plantée sur un rocher surplombant le Rhummel. Elle est invulnérable.
Depuis l’expédition infructueuse de Clauzel qui lui a coûté sa
place, il est crucial de faire tomber la citadelle. Le dispositif pour la
bataille comprend un bataillon de marche de la Légion, fort de 500
hommes sous les ordres du chef de bataillon Bedeau.
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L’expédition
arrive à Constantine le 6 octobre 1837, le général
Damrémont, le gouverneur d’Alger commence aussitôt le siège.
L’expédition est divisée en quatre brigades, la Légion fait partie de la
troisième. L’artillerie du général Valée perce une brèche dans l’enceinte
de la forteresse. Le 13 octobre, les hommes se lancent alors à l’assaut. Les
légionnaires derrière le colonel Combe, leur ancien chef, enlèvent la
place forte au corps à corps. Au bout de trois heures de très sanglants
combats, la Légion et le reste des brigades arrivent à prendre
Constantine dans la soirée.
Le
chef de bataillon Bedeau est nommé commandant de la
place et est promu lieutenant-colonel.
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La postérité
La
Légion étrangère est désormais célèbre. La conquête de
l’Algérie la mobilisera encore une vingtaine d’années. Après son succès à
Constantine, la Légion se regroupe à Alger début 1838.
Elle affiche un effectif de 2 823 hommes le 10 novembre 1838 et
continue tous les combats, se distinguant à Djidjelli, Médéa et Miliana,
souvent victorieuse mais au prix de lourdes pertes.
La Légion prend définitivement place en Algérie et en France en
1840. D’abord, grâce au retour des rescapés d’Espagne, et de 10 000 de
leurs ennemis qui ont fui leur pays après l’échec de la révolution de Don
Carlos.
La
réforme
structurelle
qui,
par
l’intermédiaire
d’une
ordonnance royale du 30 décembre 1840, dédoublera la Légion étrangère
en deux régiments étrangers. Le 1 er régiment étranger, dirigé par le
colonel de Mollenbeck, est formé à Alger le 1 er avril 1841. De même, le 2 e
régiment étranger d'infanterie dirigé par le colonel de Senhiles est
constitué à Bône le 21 avril 1841.
La
Légion va s’installer à Sidi Bel Abbès en 1843 pour ne la
quitter que 119 ans plus tard. De ce corps d’abord miséreux, voué à ne
servir que d’exécutoire aux étrangers et aux mauvais soldats, les
campagnes et le courage vont en faire l’un des plus redoutables appareils
de combat de son époque. De la Crimée, à l’Italie, au Mexique et tant
d’autres, désormais la Légion étrangère sera une unité respectée et
glorieuse de l’armée française.
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Sources :
Internet
Wikipédia
Le grand livre de la Légion.
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