Tous les individus ayant ces mutations n’ont pas l’aspect élec-
trocardiographique typique à l’état basal. Le diagnostic pour
l’étude génétique reposait sur les modifications ECG après l’ad-
ministration intraveineuse d’ajmaline. Ce test semble avoir
une sensibilité de 100 %, puisque tous les patients chez qui est
apparue une élévation du segment ST avaient la mutation lors de
l’analyse génétique ultérieure. Par ailleurs, l’anomalie génétique
n’a jamais été retrouvée chez des patients qui n’avaient pas pré-
senté de modification de leur ECG. L’expression des gènes
mutants dans l’œuf de xenope a révélé une réduction du nombre
des canaux sodiques fonctionnels tant en cas de mutation sur le
site d’épissage qu’en cas de délétion d’un seul nucléotide, ce qui
pourrait favoriser le développement d’arythmies réentrantes.
Dans le cas de la mutation faux-sens, les canaux sodiques récu-
pèrent de l’inactivation plus rapidement que les canaux nor-
maux. Dans ce cas, la coexistence de canaux
sodiques normaux et mutants au sein du même
myocarde participe à l’hétérogénéité des périodes
réfractaires, qui a un effet arythmogène bien
connu. L’inhibition du courant Ina du canal sodique
entraîne une perte hétérogène du dôme du poten-
tiel d’action au sein de l’épicarde ventriculaire droit
qui conduit à une dispersion plus importante de
la dépolarisation et des périodes réfractaires,
constituant ainsi un substrat idéal pour le dévelop-
pement des arythmies réentrantes. Les réentrées de type 2, qui
sont observées sur ce même substrat, sont supposées être à l’ori-
gine des extrasystoles ventriculaires inductives des tachycar-
dies/fibrillations ventriculaires qui font partie du tableau clinique.
SUBSTRAT ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE
Les patients ayant l’aspect électrocardiographique typique ont
une propension nette à développer des tachycardies ventricu-
laires polymorphes rapides ou des fibrillations ventriculaires.
Avant les épisodes, les patients ont un rythme sinusal régulier,
sans changement de l’intervalle QT. Chez certains patients, il
semble que la surélévation du segment ST se majore juste avant
la survenue des TV polymorphes. Nous avons observé un déclen-
chement de l’arythmie ventriculaire après une séquence “cycle
court-cycle long” chez seulement deux de nos patients. Lors de
l’épreuve électrophysiologique endocavitaire, l’étude de la fonc-
tion sinusale est normale chez la majorité des patients. Néan-
moins, certains sujets ont une dysfonction sinusale nette néces-
sitant un stimulateur cardiaque. À peu près 10 % des patients
présentent une fibrillation atriale paroxystique, mais il n’existe
pas d’étude précise sur la possibilité d’induire cette arythmie lors
de la stimulation atriale programmée. Toutes les études souli-
gnent la possibilité d’induire chez les patients symptomatiques
des TV polymorphes lors de la stimulation ventriculaire pro-
grammée (1, 3, 4-6). Près de 80 % de ces patients sont inductibles
avec un ou deux extrastimulus ventriculaire(s) délivré(s) sur
rythme imposé, mais, chez quelques patients, trois extrastimulus
sont nécessaires. L’arythmie induite est soutenue dans pratique-
ment tous les cas aboutissant à un collapsus hémodynamique et
requérant une cardioversion par choc électrique externe. Toutes
les études sont concordantes pour rapporter des anomalies de la
conduction chez ces patients : l’intervalle HV est prolongé dans
près de 50 % des cas, mais habituellement de façon modérée ne
dépassant que rarement 70 ms. Cette valeur est néanmoins net-
tement pathologique si l’on considère l’âge de ces patients : en
moyenne 40 ans. Cette prolongation de l’espace HV explique le
discret allongement du délai PR en rythme sinusal.
MÉCANISMES CELLULAIRES ET IONIQUES
Élévation du segment ST
Les mécanismes responsables de l’élévation du segment ST et du
déclenchement des TV/FV dans le syndrome de Brugada com-
mencent à être mieux connus. Des données suggèrent que l’élé-
vation descendante du segment ST, observée dans les dérivations
précordiales droites chez ces patients, résulte de la dépression ou
de la perte du dôme du potentiel d’action au sein
de l’épicarde du ventricule droit (7-10).
Il est maintenant bien établi que le courant tran-
sitoire sortant (Ito) qui intervient dans la phase 1
du potentiel d’action est beaucoup plus développé
dans l’épicarde que dans l’endocarde (9-10), le
développement progressif de l’encoche du poten-
tiel d’action étant corrélé à la survenue d’Ito. Des
modifications âge-dépendantes de l’expression
du pic et du dôme du potentiel d’action ont déjà
été décrites sur l’oreillette humaine, le tissu de Purkinje canin et
le myocarde ventriculaire de rat. Des études récentes ont aussi
montré que cette encoche liée au courant Ito était plus importante
dans l’épicarde du ventricule droit que dans celui du ventricule
gauche chez le chien. Le fait que cette encoche du potentiel d’ac-
tion soit plus marquée au niveau de l’épicarde que dans l’endo-
carde du ventricule droit crée un gradient électrique transmural
pendant l’activation ventriculaire qui est responsable de l’onde J
ou de l’élévation du point J sur l’électrocardiogramme. La pré-
sence d’une encoche importante liée au courant Ito au niveau de
l’épicarde du ventricule droit chez le chien est à l’origine d’un
phénomène de repolarisation sur le mode du tout ou rien.
Dans les conditions habituelles, le courant entrant qui s’active
(essentiellement le courant calcique Ica) est plus ample que le
courant sortant (essentiellement Ito) présent à la fin de la phase 1
du potentiel d’action, produisant alors une dépolarisation secon-
daire qui donne naissance au dôme du potentiel d’action épicar-
dique.
Dans les conditions physiopathologiques, l’équilibre entre les
courants entrant et sortant à la fin de la phase 1 dans l’épicarde
peut être altéré, entraînant alors une importante modification de
la morphologie du potentiel d’action et dans les mouvements
du calcium cellulaire. La résultante des courants actifs à la fin
de la phase 1 peut ainsi facilement se faire au profit du courant
sortant, ce qui entraîne une diminution du dôme du potentiel
d’action.
Dans les conditions d’ischémie et lors de la réponse à différentes
drogues, notamment les bloqueurs des canaux sodiques ou cal-
ciques, l’épicarde ventriculaire de chien montre une repolarisa-
tion de type tout ou rien qui résulte d’une rééquilibration des cou-
rants présents à la fin de la phase 1 du potentiel d’action.
La Lettre du Cardiologue - n° 334/335 - septembre 2000
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ISE AU POINT
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