a aix en provence - CIQ Cézanne

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LES ÉCOLES MILITAIRES
DE SAINT CYR ET DE SAINT MAIXENT
À AIX - EN - PROVENCE
A AIX EN PROVENCE
OOOOOOOOO
Miollis 1940 - 1942
et
leurs actions de résistance 1942 - 1945
LE RETOUR DES CERTITUDES : 1943 – 1945
« Mère, que sont tes enfants devenus » ?
« Seigneur, ils se battent. »
L’occupation totale du territoire, le coup d’état de Laval qui arrache tous ses pouvoirs au
maréchal, le sabordage de la flotte et enfin l’assassinat de Darlan éclaircissent la situation en
Afrique et mettent fin aux ambiguïtés de Vichy : Pétain y est « retenu » et Laval souhaite la
victoire de l’Allemagne. Bientôt ce seront les grandes victoires russes de Stalingrad et de
Koursk-Bielgorod et l’échec de la guerre sous-marine mais aussi la reconquête difficile du
Pacifique et des îles qui le bordent... Ce sera aussi la fin de la guerre en Afrique par la
campagne de Tunisie qui redonne à l’armée française le goût de la victoire et montre aux
alliés que notre pays peut reprendre une place dans le combat des peuples libres contre le
nazisme
Chronologie novembre 1942 – mai 1945
24 décembre :
L’amiral Darlan est assassiné à Alger
25 janvier 1943 :
Évacuation du quartier du vieux port. 1200 réfugiés à Aix
Février:
Les premiers élèves des Écoles rejoignent Lécuyer
Mai :
Arrestations du Gal Delestraint puis de Jean Moulin
Aout :
A Alger, toutes les responsabilités politiques à de Gaulle
25 Aout :
Vague d’arrestations chez les « Résistants patriotes »
13 septembre :
Arrestations des cadres de l’ORA à Aix
17 septembre :
Nouvelles arrestations qui touchent les FTP, l’AS et l’ORA
Janvier 1944 :
Premiers parachutages d’armes dans la Trévaresse
Février :
Création des FFI : MUR + AS + FTP
Mars :
Contacts Lécuyer – Juvénal
24 Avril :
Évasion organisée de 24 détenus de la prison d’Aix
6 Juin :
Appel aux armes et mobilisation des maquis aixois
Juin :
Les massacres dans les maquis du Pays d’Aix font 130 morts
Juillet :
Nombreux parachutages. Massacres de Signes : 38 morts
Août :
Exécutions et sabotages sont quotidiens. Aix est libérée le 21
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LA NOUVELLE ARMÉE
Pour que notre projet reste bien clair, il m’est nécessaire de rappeler qu’ il n’est pas dans
notre propos de réécrire une histoire de la seconde guerre mondiale, ni une histoire de
l’Armée ni des officiers qui l’ont commandée et instruite, ni de la Résistance, ni du
Gaullisme ou du Pétainisme, et à plus forte raison d’étaler les problèmes qui en ont résulté.
Seulement de montrer comment les grandes Ecoles militaires qui ont séjourné à Aix et qui y
ont connu la fin que nous venons de relater, ont pu sous les formes diverses que la situation
imposait, intervenir et participer à la Libération de la France et en premier lieu à retrouver
leur mission : fournir et former des cadres nombreux à une armée qui va renaître de ses
cendres.
A.
EN 1943, L’ARMÉE FRANÇAISE EST UN PATCHWORK,
« Un agrégat inconstitué » dont il faut vite faire un instrument de bataille.
A-1. L’armée d’Afrique au combat sera faite d’engagés métropolitains de l’ex-armée
d’armistice, de légionnaires, de troupes indigènes maghrébines à proportion d’un bon tiers
et de la mobilisation à partir de 18 ans des Français d’AFN. 25 classes seront mobilisées,
soit 17 % des Français d’Algérie. En proportion cela fait huit fois plus que pour les
populations autochtones.
A-2. A cette armée d’Afrique, il faut ajouter les Forces Françaises Libres qui seront
créditées de 50 000 combattants à l’été 43 parce qu ‘elles ont été alimentées par prés de 20
000 transfuges d’origines diverses. Comme il est dit au chapitre précédent le mouvement
gaullien en retirera une part de la légitimité qu’il recherche.
A-3. L’armée française sera reconstituée en septembre 1943 avec tous ces éléments,
mais aura t’elle pour autant retrouvé son unité ? Bien des cadres continueront à ne pas
s’aimer. Ces ressentiments s’atténueront toutefois pendant les combats et la Première
Armée française pourra être créée le 25 septembre 1944 alors qu’elle se bat dans la trouée de
Belfort et dans les Vosges. Elle a déjà été rejointe par des dizaines de milliers de FFI que de
Lattre a intégré à son armée par un « amalgame » qui se veut rappeler celui que le grand
Carnot avait réalisé en 1794 entre les troupes royales et celles de la Révolution. « C’est,
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dira un jour de Lattre, ce dont je suis le plus fier ». Il en fera « RHIN ET DANUBE » et
méritera ainsi de recevoir avec nos alliés la reddition des nazis à Berlin.
B. LES CADRES NÉCESSAIRES à une armée qui grandira en taille et en
puissance jusqu’à compter plus de 400 000 hommes dont un peu moins de 150 000
viendront des maquis ou d’ engagements volontaires alors que les Ecoles sont occupées ou
même entièrement détruites comme celle de Saint-Cyr sont hérités des armées précédentes
avec un nombre important d’officiers et de sous-officiers de réserve. Des cadres bien formés
à cette nouvelle forme de guerre sont également indispensables aux maquis qui en manquent
souvent cruellement et aux réseaux. Dans les maquis, l’instruction militaire est souvent si
faible que les jeunes chefs venus du civil qui ne manquent ni de courage ni d’ambition se
tournent parfois vers des « Enfants de troupe » de 18 ans comme Gangloff, crédités d’une
expérience des armes et des combats qu’ils n’ont pas et les interrogent sur des problèmes
qui sont pour eux aussi des énigmes.
B-1. Les cadres existants ont toutefois suffi à mener plus de 400 000 hommes
au combat. Il ne faut pas oublier que l’armée comptait en 1939, 35 000 officiers. 12 000 sont
tombés prisonniers pendant la campagne de 1940. 12 000 autres étaient répartis outre-mer.
11 000 sont restés en métropole. Selon A de Dainville, « L’ORA et la résistance dans
l’armée », 15 % franchiront la frontière espagnole, et 40 % serviront de telle sorte que le
titre de résistants leur soit reconnu. Soit 6500 officiers sur 11000. Dainville ajoute qu’il faut
y ajouter une proportion équivalente de sous-officiers. Les pertes seront considérables : pour
ce seul exemple, 1800 déportés dont 750 ne rentreront pas. La campagne d’Italie coûtera
aussi très cher.
B-2. Pour former davantage de jeunes officiers, les État-major vont
multiplier les filières.
B-2.1. C’est ainsi qu’en Angleterre est créée le 20 février 1941 une « Ecole
militaire des Cadets de la France libre » qui fonctionne comme Saint-Cyr dont elle a
importé les traditions. Mais de nombreux adolescents, certains ont quatorze ans, arrivent
aussi en Angleterre. Quelques- uns passeront le Channel en canoë et arriveront à Douvres.
Ils seront ensuite reçus par Churchill. Au nombre de deux cents au total ces jeunes gens sont
réunis dans le Pays de Galles. Vêtus comme des boys-scouts, ils vivent en plein air et
pratiquent des activités en priorité militaires. Les meilleurs élèves passent ensuite dans un
Prytanée qui comptera une corniche de 20 bacheliers. Ils seront même vêtus de bleu, grâce à
un stock préparé en 1940 pour les chasseurs alpins qui se battaient en Norvège à Narvik
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Pour devenir aspirants les élèves de corniche passent un concours d’entrée. Ils sont ensuite
groupés en promotions comme à Saint-Cyr dont ils ont fait adopter les Traditions avec 2S,
Baptême et Triomphe. Quatre promotions sortiront de cette école. Libération en 1941 avec
15 officiers reçus sur 25.Bir-Hakeim en 1942 : 15 reçus. Fezzan-Tunisie en 1943 : 33 reçus ;
18 juin en 1944: 123 reçus sur 200 candidats.
L’encadrement est assuré par de jeunes saint-Cyriens échappés de France.
213 officiers sortiront donc de cette école de cadets. 56 seront tués dont 27 pendant la
campagne d’Italie dans la 1ère DFL. Le drapeau de l’Ecole porte la Légion d’Honneur, la
croix de guerre et la médaille de la résistance. Il leur a été remis par le futur maréchal
Koenig. Il est aujourd’hui conservé au musée de l’ESM de Saint-Cyr. L’école sera fermée
quelques jours après le débarquement en Normandie.
B-2.2. L’armée d’Afrique puise d’abord dans ses cadres. Mais elle
entreprend aussi d’en former dans une Ecole militaire de type EMI / Saint-Maixent, à
Cherchell prés d’Alger. Les élèves officiers échappés de France viendront aussi s’y joindre.
A la fin de 1944 la promotion « Saint-Maixent 2 » qui a été rappelée et deux promos
clandestines de Cyr: 42/43 et 43/44 (après concours conjoint à celui d’HEC ! ) gagneront
aussi l’Algérie. Fin 1944 tous les jeunes officiers et ceux de « Croix de Provence » restés
deux mois à Aix rejoindront Cherchell qui formera une multitude de cadres auxquels il faut
ajouter le recyclage de tous les officiers de réserve eux-aussi rappelés. Certains seront
formés dans les écoles des Protectorats, Médiouna au Maroc et Salammbo en Tunisie, cellelà créée en 1941 par de Le général de Lattre de Tassigny.
L’historien se doit de préciser que les ralliements à la résistance seront plus rares: Tom
Morel contactera début 44 ses anciens élèves de la Promotion « Charles de Foucauld ». Il
recevra peu de réponses. Par la suite cette promotion perdra 80 des siens sur un effectif de
300. Nous montrerons plus loin que Lécuyer aura plus de succès auprès de ses anciens
élèves puisque pour la seule R2 il en recrutera une quarantaine.
B-2.3 Un dernier effort de formation des cadres
sera entrepris à la
Libération par la création à Miollis d’une Ecole de Perfectionnement des 0fficiers –L’E.P.O.
Mademoiselle Montaud fut la secrétaire du colonel Pelorgeas commandant cette École qui
fonctionna à partir d’Avril 1945. «L’E.P.O. accueille des officiers issus de la Résistance et
se compose de deux bataillons. C’est au colonel que nous devons les baptêmes des trois
bâtiments sous leur nom actuel. Les cours de perfectionnement sont donnés par des
cadres militaires d’active. En fonction des résultats obtenus les officiers sont maintenus
dans leur grade ou rétrogradés ou renvoyés dans leurs foyers. Une anecdote montre
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l’ambiance qui y règne : L’école, en carré dans la cour, attend un général redouté pour sa
sévérité. Dix minutes avant son arrivée le visiteur fait savoir qu’il ne viendra pas.
« Rompez les rangs ». Dix minutes plus tard, le général est annoncé. Grand branle-bas
mais la présentation est peu réussie. Par exemple, de nombreux élèves qui ont dénoué
leurs cravates ne les ont pas remises. Le général fait sortir les coupables des rangs, punit
les élèves et annonce au colonel qu’il est muté à Marseille pour y commander un camp de
prisonniers allemands. Les autres officiers seront cassés. Cela n’empêchera pas les
présentations et les festivités prévues de se dérouler mais dans une atmosphère plutôt
tendue. Un repas officiel devait suivre dans le plus grand et plus chic restaurant d’Aix, le
Vendôme, qui était conjoint au Casino municipal. Le repas ne fut pas annulé : le colonel,
blême, était assis, seul, à la table d’honneur ».
Le colonel était respecté et aimé. Un grand repas réunissait en fin de stage cadres et élèves
au manège de Forbin qui fut détruit quelque temps après. Il se situait sur l’emplacement
actuel des garages du Lycée. L’E.P.O. n’eut qu’une brève existence puisque l’Ecole militaire
préparatoire d’Epinal arriva à Miollis pour s’y installer en décembre 1946.
B-2.4 Enfin, après la reddition allemande donc, pour parfaire l’amalgame et assurer
définitivement l’Unité retrouvée de l’armée une réforme profonde bouleversait plus d’un
siècle de tradition. L’armée devenait interarmes- elle s’adaptait donc aux nouvelles formes
de combat que la fin du conflit avait fait apparaître et une seule Ecole l’ESMIA était
chargée de la formation de tous les Officiers. Les officiers déportés qui étaient rentrés, tels
Saint-Macary, Denis, Crabières et Viger par exemple qui sortaient des Ecoles de Miollis,
furent rappelés et réinstruits dans un camp modèle construit pour eux dans une partie du
Camp du Ruchard prés d’Azay- le- Rideau. Utilisé ensuite pour instruire des sursitaires dont
j’étais en 1952, ce camp modèle était appelé « le camp des déportés ». Personne ne savait
pourquoi. Je l’ai appris en rédigeant cette histoire.
On ne peut pas conclure cette étude sur les effectifs et cadres sans évoquer la présence de
femmes dans l’Armée. Engagées volontaires, elles étaient conductrices ou infirmières.
Celles de la deuxième D.B. sont restées célèbres. On les appelait les « Rochambelles ».
Parmi elles, Madame Massu. Elles étaient moins nombreuses en pourcentage que dans les
autres armées.
femmes.
Elles ne se battaient que dans l’Armée Rouge qui aura des régiments de
La première française décorée de la médaille militaire fut tuée pendant un
transport de blessés dans la bataille pour Cassino. Elle s’appelait Marie Loretti, conductrice
2ème classe.
Mais c’est dans la résistance que les femmes attesteront de toutes ces valeurs qu’on trouvait
réservées aux hommes. Les femmes de 1914-1918 avaient soutenu par leur travail l’effort de
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guerre. Celles de la Résistance y prendront la part active et même directive
que la
défaillance de bien des hommes laissait libre. Madame Lécuyer fut arrêtée et vivra ensuite
dans la clandestinité. Madame Agostini sera déportée à Ravensbruck. La future épouse
d’Aussaresses était membre du réseau Brutus. Nous savons déjà qui est Madeleine
Fourcade. Mais combien d’autres aixoises mériteraient d’être citées !
Tous ces cadres issus des armées vont nous laisser de grands exemples de
combattants ou résistants. Aux très grands personnages, de Gaulle et ses épigones Leclerc,
Koenig et De Lattre il faut ajouter le général Delestraint, chef de l’A.S, assassiné à
Dachau puis les généraux Frère ou Verneau, chefs de l’ORA morts cruellement euxaussi, et enfin une multitude d’officiers qui resteront de grands exemples comme Messmer.
Certains anciens élèves d’Aix arriveront par la suite au plus haut niveau du commandement.
Cinq généraux d’armée sont petits-cos de « Croix de Provence ».
A Aix, pour Saint-Cyr, Théodore Morel chef de section et Lecuyer, adjudant-major du 1er
bataillon de « Charles de Foucauld », ou pour l’EMICC, Rioufol et Devigny, formeront
un quatuor qui se penchera à Miollis sur l’obligation de dire NON. Ainsi se manifesta dans
nos murs comme ailleurs, avec la valeur que le temps donnera à l’exemple, et par la variété
de l’engagement de ces hommes et de leurs camarades, une volonté de combat que les
circonstances n’avaient jamais fait disparaître.
C. LES ACTIONS DE RÉSISTANCE :
La volonté de résistance est donc d’abord affaire de conviction et de courage qui conduira à
des choix puis à des actions variées. Ce sont les motivations, les opinions et les personnalités
de chacun qui commanderont et pas l’obéissance. Elles seront souvent pour ceux qui
choisiront le combat comme une libération avant l’heure, un retour aux traditions les plus
hautes, un engagement où la liberté du citoyen, le courage du soldat et le devoir devant le
pays humilié s’exprimeront par le « Servir » volontairement privilégié.
Les cadres et les élèves chassés de Miollis, nous l’avons déjà dit, anti-allemands dans leur
immense majorité et surtout humiliés par la conquête sans combat de leurs Ecoles, ont
quasiment tous levé l’hypothèque de l’obéissance à un chef d’Etat devenu inapte et ont
choisi le camp et le terrain sur lequel ils se battront : la résistance intérieure ou le combat
ouvert dans des armées classiques..
C-1. Les actions de résistance se préparent à Miollis depuis l’été 1942. Ceux qui
vont y jouer un grand rôle s’y sont déjà rencontrés et organisés. Ils ont aussi contacté
nombre d’élèves dont certains se préparent clandestinement avec des cadres, chefs de
section ou sous-officiers. Quant au Commandement lui-aussi, il bascule les derniers jours
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lorsque la situation devient aveuglante. Déjà, le général Préaud avait insisté pour que la
formation militaire soit modernisée et réorientée vers l’étude des coups de main, des
embuscades, le combat de nuit, le développement de la mobilité et de l’agressivité. Le
Colonel Lévèque appelle tous les Maixentais à se préparer à la
reprise des combats alors
que l’ennemi occupe déjà l’Ecole. A la rentrée 42 le capitaine Croplet avait réuni ses
« bazars » dés leur arrivée pour les avertir « Messieurs vous êtes ici pour préparer la
revanche ». D’autres organiseront des contacts, comme le commandant Agostini qui
commande le 1er Bataillon de Saint-Cyr et mettra Lécuyer en contact avec l’envoyé du
général Frère pour créer ce qui deviendra l’ORA de R.2.
Nous savons déjà que d’autres se préparent Dés l’arrivée des Allemands, Morel, Lécuyer
et Rioufol
se rencontrent.
Morel et Lécuyer sont déjà décidés à participer à un
mouvement militaire ; Rioufol à des contacts avec un mouvement « civil ». Quant au
maixentais Devigny, il a déjà quitté l’Ecole.
Le cloisonnement impératif et évident pour des hommes qui choisissent la clandestinité
n’empêchera pas certains chemins de se croiser. Par exemple Hitter, l’AET maixentais
réalisera une liaison pour Devigny avant son arrestation. Mais les retrouvailles de guerre
seront rares. Lécuyer sait que « Rioufol partit vers le sud-ouest ; on n’entendit plus jamais
parler de lui, mais de bonnes raisons permettent de penser qu’il a été arrêté, très
probablement à Montauban très vite après son arrivée ».
C-2. Le destin de trois hommes venus de Miollis qui ont choisi de se battre sur le
sol national est significatif de la dangereuse complexité de la Résistance.
Devigny est un maixentais. Il choisit le renseignement. Sous le pseudonyme de
Valentin il rentre dans un réseau français dépendant des services alliés mais qui se veut
indépendant de de Gaulle et de Giraud. Il appartient au réseau du général Groussard,
contrôlé par les Anglais, installé en Suisse et couvrant l’ensemble de la France. Il en sera la
première recrue avant d’en devenir la cheville ouvrière, aidé par les SR suisses. Devigny est
chargé de recruter des agents sur le territoire national, d’organiser leur travail et de préparer
les passages en Suisse. Devigny ignore que Groussard a travaillé avec Vichy : « Si j’avais
connu ses attaches, je n’aurais pas accepté de servir sous son autorité » Devigny
condamnera ensuite sévèrement l’utilisation de la Suisse comme plaque tournante des
réseaux, et demandera son rattachement aux services gaullistes, plus simples et plus nets
mais en accord avec les Américains seuls susceptibles d’apporter les armes et l’argent
nécessaires aux clandestins et aux maquis.
Devigny sera arrêté à Annemasse en avril 1943 par un agent français des services allemands
infiltré dans son réseau du nom de Hoog. Hoog a été recruté à Toulouse par un des agents de
Devigny, qui n’est autre qu’Hitter, AET maixentais de sa promotion qui ignore la vérité.
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Devigny sera emprisonné à Lyon et très sévèrement interrogé et torturé pendant prés de trois
mois mais il parviendra à s’évader, une action en apparence rocambolesque mais très
minutieusement et très courageusement préparée, quelquefois à peine de retour des tortures.
Devigny l’a racontée dans un livre qui fit grand bruit, malheureusement introuvable
aujourd’hui, « Un condamné à mort s’est échappé » dont Bresson tirera un beau film primé
à Cannes. Devigny pourra ensuite gagner l’Afrique du nord pour s’engager dans les
commandos-parachutistes. Le général de Gaulle lui attribuera la Croix de la Libération. Il
poursuivra ensuite sa carrière militaire jusqu’en 1971. Le général Devigny a décédé en
Février 1999. Hitter sera déporté. Il est toujours en contact avec ses camarades maixentais.
Devigny avait su préparer sa succession dans un réseau gaulliste :
« Sosies » qui réunissait les deux frères Pontchardier, des jumeaux, l’un officier de
marine, l’autre
ingénieur, chargés avec des ingénieurs de l’armement, des Ponts et
Chaussées et des officiers d’active, de l’espionnage sur le littoral provençal. Les frères
Pontchardier mèneront une action clandestine extraordinairement efficace avec des pertes
très faibles qui se monteront seulement à 10 % des effectifs. Dominique Pontchardier restera
ensuite plus ou moins dans le renseignement…et dans la littérature puisqu’il est l’inventeur
du « Gorille » un nom propre qui aura ensuite le privilège de devenir nom commun pour
désigner tous ceux qu’on appelle aussi les « barbouzes ». Les deux frères Pontchardier
seront eux aussi faits Compagnons.
Rioufol a lui aussi choisi le renseignement. Mais son parcours dans la résistance se
termine plus tragiquement. Henri Rioufol vient de Saint-Maixent. En juin 1939 il est
professeur de géographie à Saint-Cyr. Il se bat vaillamment pendant la campagne de France,
est cité à l’ordre de l’Armée et proposé pour la Légion d’Honneur. Après la défaite il est
nommé adjoint au colonel commandant l’EMICC repliée à Aix. A peine arrivé, il entreprend
avec d’autres camarades d’organiser la résistance dans les milieux militaires. Il est nommé
chef régional de l’organisation « Combat, branche militaire ». En 1941 il est chargé de
« Radio Patrie » une radio contrôlée par les Anglais tout en continuant à s’occuper de
« Combat » dans un réseau qui s’avèrera vite dangereux.
Il est perquisitionné à Aix où il s’est installé en Décembre 1942. Il quitte alors la Provence
avec son groupe de responsables « réseaux ». Il est arrêté à Montauban le 12 mars 1943 et
classé « Nacht und Nebel » en arrivant au camp de Buchenwald ce qui signifie en clair qu’il
faut le faire disparaître par les mauvais traitements, les coups ou les travaux les plus durs.
De Buchenwald il part en commando à Neuengamme, puis avant l’arrivée des Russes, dans
l’épouvantable tunnel de Dora. Il travaille jusqu’en avril dans l’enfer du tunnel d’où il est
expédié vers Ravensbruck. Il disparaîtra pendant l’exode des déportés en direction de l’ouest
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entre le 26 avril et le 3 mai 1945, nul ne sait comment. Selon des témoins, il paraissait en
bonne santé. Il a probablement été abattu.
Son comportement dans les camps fut exemplaire. Il sauva la vie à un jeune déporté et fut
pour tous un soutien et un exemple. « Il était le réconfort de tous » précisera de son côté un
autre déporté, le curé de Vernoux. Le comportement d’un chrétien exemplaire ».
Cette trop courte biographie est tirée d’un article de Monsieur Jean Laroche offert à
l’ALMA par la troisième fille du capitaine Rioufol qu’il ne vit qu’une seule fois. Le Lycée
et l’Alma ont honoré RIOUFOL en faisant apposer une plaque à son nom sous le porche.
Jacques Lecuyer
est un Saint-Cyrien. Il choisit une autre voie. Celle de
l’organisation et du développement d’un mouvement militaire de résistance. Lécuyer est né
le 14 juillet 1912 et entré à Saint-Cyr à dix-neuf ans. En 1941, comme lieutenant, il est
instructeur des Saint-Cyriens à Aix. En 1942 le capitaine Lécuyer est adjoint au
commandant Agostini qui commande le premier bataillon de Saint-Cyr, promotion Charles
de Foucauld. En novembre 1942, avant la dispersion, il prévient ses élèves qu’il les
rappellera très bientôt. Avec eux, en totale clandestinité, il met sur pied dés février 1943 une
ORGANISATION DE RÉSISTANCE MILITAIRE qui s’intégrera à L’O.R.A. Lécuyer en
diversifie les structures, les articule en départements autonomes reliés à lui par une
quarantaine d’agents de liaison qui sont tous ses anciens élèves et impriment partout la
marque du chef : Discipline, prudence, efficacité, discrétion, ponctualité permettront à
l’ORA de R2, dont il est le responsable, de ne connaître que de faibles pertes. Son
organisation lui permet d’obtenir les soutiens extérieurs qu’il demande, en particulier les
moyens radios qui vont le relier à Londres et Alger d’où il recevra les parachutages d’armes
et d’argent qu’il a mission de distribuer aux maquis : à ceux de l’ORA et de l’A.S. et
semble-t’il plus rarement, aux FTP qui se plaignent d’être oubliés.
L’ORA a organisé aussi ses propres formations de combat en évitant les concentrations et
les gros maquis, choisissant plutôt pour ses hommes une formation militaire clandestine et
des liaisons parfaitement assurées.
Sapin, c’est le nom de résistance de Lécuyer- son code de reconnaissance c’est
« perpendiculaire »-est bientôt sous la surveillance du S.D. allemand et de la Gestapo de
Marseille qui recrute aussi chez les Français et entretient à Aix une antenne dont nous
reparlerons. Sapin estime que la grande ville est plus favorable à la clandestinité que les
bourgs et les campagnes. Il se rend souvent à Aix. Il y échappera de peu à l’arrestation. Sa
femme arrêtée et transférée à Marseille réussira à s’évader et disparaîtra pour la durée de la
guerre avec ses enfants dans la France profonde. Ses réseaux subiront deux coups successifs,
en sept. 43 puis en novembre, qui auraient pu être décisifs si son sens de l’organisation et le
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dévouement de ses lieutenants n’avaient pas rétabli la situation.Ce redressement rapide fera
sa réputation.
Le 6 juin 1944 il reçoit les messages de déclenchement de la lutte ouverte. Il y en a
plusieurs. Pour lui, c’est « Méfiez-vous du toréador ». Cette mise en activité prématurée des
maquis provençaux se terminera par les massacres de 150 combattants dans les Bouches du
Rhône et le Var. Il commande alors personnellement dans les Basses-Alpes et contribuera
presque totalement à libérer l’Est de ce département au moment du débarquement en
Provence. Dans le même temps jusqu’au 20 août avec ses maquis, ses saboteurs et ses
agents il développe les interventions qui permettront « l’avancée foudroyante » des troupes
débarquées en Provence le 15 août. Il dispose alors dans les départements qui dépendent de
R2 : Alpes maritimes, Basses-Alpes, Var, Bouches du Rhône et Vaucluse de 5000
combattants organisés en unités régulières associées à l’Armée de Lattre. Il jouera enfin
aussi un rôle important dans la libération des Alpes maritimes où il commande les FFI. Le
général de division Lécuyer nous a quittés en 2000. Il venait souvent à l’Ecole puis au
Lycée expliquer à nos élèves ce qu’avait été la Résistance. Son nom figure plusieurs fois sur
le Livre d’Or du Lycée.
Sapin a laissé dans son livre le bilan humain de son action : 46 élèves de Saint-Cyr et de
Saint-Maixent formés à Aix-en-Provence ont combattu dans la Résistance, dans R2. 9 sur 46
l’ont payé de leur vie : 3 fusillés, 4 tués dans les maquis et deux dans les camps de la mort. 4
déportés sont revenus.6 ont été blessés. Au total 20 sur 46. Sapin ne sépare pas ces
compagnons des années noires de ceux de sa section qui ont combattu dans la résistance
ailleurs que dans R2 ou qui sont passés en Espagne ou en Angleterre. Ils étaient onze jeunes
officiers. Trois ont péri. Enfin il rappelle dans son livre que cinq anciens sont tombés en
Indochine.
L’action de Sapin fut pluriforme. Elle a touché à tous les secteurs sensibles et dangereux de
la résistance. Elle a joué avec celle d’autres groupes un rôle essentiel dans la libération du
pays d’Aix. Elle a contribué aussi à effacer chez les élèves-officiers les mauvais souvenirs
de Novembre 1942 et à y substituer une conception nouvelle du rôle de l’officier libéré des
fausses contraintes du passé.
Il serait enfin injuste et indécent d’oublier le rôle joué par les épouses ou les compagnes des
hommes de l’équipe de Sapin.
TEXTE ADRESSÉ PAR MOREL À SES ÉLÈVES-OFFICIERS AU DÉBUT
DE 1944
Il y a maintenant un an, le vieux bahut transplanté à Aix subissait le pire des
outrages. Notre casoar était déshonoré. Nous avons ensemble connu la rude discipline et
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enchaînés par elle, nous n’avons pas eu le geste héroïque qui aurait lavé notre uniforme
du déshonneur.
Après une année d’abandon où, suivant vos goûts et les sollicitations d’une habile
propagande, vous vous êtes « reclassés » vaille que vaille, il est temps de vous demander
où vous en êtes et ce que vous avez fait de votre idéal de Cyrard.
Pour moi, comme je vous l’avais dit avant notre séparation, j’ai continué mon
travail d’officier. Sans cesse ma pensée a été prés de vous. J’ai suivi vos efforts et j’ai
appris, avec quelle tristesse parfois le chemin que vous suiviez. Tant que mon action ne
présentait pas toutes les garanties nécessaires pour que vous puissiez y prendre part sans
arrière-pensée, je n’ai pas cru, en conscience, devoir faire appel à vous.
Aujourd’hui, en plein accord avec nos chefs militaires, je parle de ceux qui sont
encore dignes de ce nom, je vous rappelle notre dernière réunion de la chambre Rocroi. Il
est temps de me rejoindre. Votre place n’est plus dans les organisations douteuses qui font
le travail de l’ennemi, encore moins dans des situations civiles ou des études de petits
bourgeois amorphes. C’est le sort de notre pays qui se joue : Cyrard de la promo Charles
de Foucauld, à l’exemple de votre patron, il faut tout quitter pour la France.
Je vous attends donc, assuré que vous serez fidèles à la tradition. Ce n’est pas à la légère
que je vous donne cet ordre. A défaut de vie facile, de gloire apparente c’est le chemin de
l’honneur, de votre honneur de soldat et de votre devenir d’officier que je vous indique.
J’en assume comme chef toute la responsabilité.
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OCCUPATION, RÉSISTANCE ET LIBÉRATION
D’AIX EN PROVENCE
VIVE LA FRANCE !
Nous savons déjà comment s’est faite l’occupation de la ville. La curiosité l’a souvent
emporté sur la colère pendant cette fin de 1942. Ensuite les choses ont changé et chacun des
trois évènements successifs cités plus haut demande à être saisi dans le contenu et le
contexte qui lui est propre.
Pour ce qui concerne cette période quelques ouvrages servent de base. Ils sont cités en
bibliographie. Mais l’essentiel sera retrouvé dans le gros ouvrage que J.C. Pouzet a tiré de
sa thèse « La Résistance mosaïque » et de l’autorisation qu’il nous a donnée de nous en
servir librement. Une brochure éditée par les anciens résistants parue en 1994 pour le
cinquantième niversaire de la Libération de la ville tente de faire le point sur la Libération
d’ Aix.
L’OCCUPATION A AIX
Les Allemands ont particulièrement appréciés et convoités Aix, au point d’en retirer la
responsabilité aux Italiens qui n’y ont entretenus qu’une garnison dérisoire et un etat-major.
1. Aujourd’hui, le pays d’Aix, tel qu’il est conçu compte 300.000 personnes. En 1940,
seulement 100.000. A cette date, la réputation d’Aix ville thermale est nationale. Quelques
esthètes connaissent Cézanne et tous apprécient les ombrages du Cours Mirabeau. Dans la
région, Aix est surtout appréciée pour son carnaval et les festivités qui l’accompagnent.
Mais nous les oublierons pour la période qui nous concerne. Curistes et touristes se
partagent les nombreux hôtels qui se répartissent dans la vieille ville et sur les boulevards
qui l’entourent. Certains comme « l ’Hôtel du Roi René »sont des établissements de grand
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luxe. Compte tenu de ses agréments, Aix va bénéficier d’une occupation de haut niveau :
Etats-majors, Kommandantur, services administratifs pour une multitude d’armes et de gens.
Mais il faut aussi ajouter aux hôtels de très nombreux établissements scolaires, une cité
universitaire neuve, les Ecoles normales et Miollis. Forbin sera occupée par des soldats
malgaches démobilisés placés sous les ordres d’un lieutenant instructeur à Saint-Cyr, le
lieutenant Denis qui sera emprisonné et déporté. Il aura la chance d’en revenir.
Aix est aussi un des plus importants croisements routiers de France. Son importance
stratégique est forte et elle doit être protégée. Elle permet aussi de contrôler un espace
maritime et aérien de vaste dimension. Des installations techniques majeures y seront vite
installées.
Enfin Aix, cité aristocratique, permet d’échapper à Marseille que les nazis ont en horreur.
Marseille pour les nazis c’est l’exemple de ce qu’ils exècrent et d’abord le mélange des
races. Il faut détruire tout ce qui en sort.
Ils y placeront leurs services secrets
particulièrement le SD, service de contre espionnage puis la gestapo chargée de la lutte
contre la Résistance. C’est avec délectation que les nazis détruiront, avec l’accord des
autorités locales du moment qui y trouvent prétexte à spéculation, les quartiers du vieux
port et qu’ils en déporteront les occupants. Mais ils se méfieront toujours de Marseille et
outre les grands services de renseignement que la gestapo finira par coiffer en entier,
plusieurs régiments d’infanterie y cantonneront.
2. A Aix aussi, les Allemands seront nombreux mais de grade élévé. Leur nombre a été
estimé à environ 10 000. Le sous-préfet d’Aix évaluera leur nombre à 30 000 pour son
arrondissement qui est également occupé par les Italiens. Ce qui frappe c’est la multitude
et la variété des corps et des services installés dans la ville :
L’armée de terre a placé un régiment de grenadiers au domaine de Tournon, au nord d’Aix.
La 7ème Panzer y fera aussi séjourner un temps son régiment d’artillerie lourde. La
Luftwaffe s’est installée sur le terrain d’Aix-Les Milles. Elle y a placé l’escadre Richthoffen,
illustre pendant la Grande Guerre, avec trois escadrilles de F.W. 190. Sa mission principale
est de protéger les installations intactes de l’étang de Berre. Un corps de génie est installé à
Luynes. A Aix même, la Kriegsmarine occupe la villa Mignet, magnifique construction qui
domine la ville. L’Amiral Wever s’y est installé avec quelques-uns de ses services. Ils sont
tous proches des radars installés sur le site celto-ligure d’Entremont que les Allemands
seront, paraît-il, les premiers à prospecter. Les Aixois appellent alors Entremont « le
Tombeau de Marius ». A leur départ, les occupants feront sauter la totalité de la villa et de
ses installations. Le terrain sera ensuite récupéré. Il accueille depuis ses récents
agrandissements,
le centre de contrôle aérien
le plus important de Méditerranée
occidentale. Les personnels de la Kriegsmarine sont logés à Miollis. Les grands hôtels sont
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réservés aux Etats-majors et aux officiers. La kommandantur s’est installée à l’Hôtel du
Nègre Coste sur le Cours Mirabeau. La marine occupe l’Hôtel du Roi René. La
feldgendarmrie s’est établie dans les séminaires du boulevard Zola et la circulation routière
installée place du Maréchal Pétain, à l’Office du Tourisme. Sont enfin occupés par les
troupes une partie du Lycée Vauvenargues, alors Ecole Primaire supérieure, une partie du
Lycée Mignet qui sert de dépôt de vivres et de matériel, la cité universitaire, une des deux
écoles normales et l’école Chastel. La gestapo de Marseille
entretiendra d’abord une
antenne à Aix mais elle s’y installera bientôt en permanence, à l’Hôtel de la Mule noire
aujourd’hui disparu, dans la rue Lacépède. Les Allemands se sont aussi fait ouvrir l’hôpital
de la ville et donner l’exclusivité de la Clinique Saint-Thomas, gardée militairement. Le
terme d’occupation pour Aix n’est pas une vue de l’esprit. Certains passaient sans la voir ;
d’autres ne la supportaient pas.
Les occupants sont quelquefois cantonnés dans toute une série de postes de villages.
A Fuveau, des Mongols, prisonniers russes engagés dans l’armée allemande, gardent les
dépôts de munition du sud-est cachés dans les puits de mines. Dans certains villages les
postes sont occupés en permanence. D’autres en cas d’exercices seulement. Les soldats
s’installent alors pour plus ou moins longtemps dans les écoles qui partagent leurs classes
avec eux et fonctionnent à mi-temps. Les alentours d’Aix reçoivent aussi des troupes au
repos qui arrivent d’Afrique et après 1943, du front russe, Gardanne par exemple.
3. Les relations avec les soldats d’occupation sont quasiment inexistantes en public. Les
hommes se savent menacés et certains le paieront de leur vie ou de prison par la suite. Les
femmes sont « montrées du doigt » et y perdent leur réputation.
-
En privé, dans les pièces réquisitionnées pour loger l’occupant
les choses sont
différentes car les relations d’égalité que la cohabitation permet finissent par s’établir. Mais
pour saisir la quasi impossibilité d’entretenir des rapports d’homme à homme avec un
officier qui occupe son pays et sa propre maison, même si un même appétit culturel les
rapproche, il n’est que de relire « Le silence de la mer » écrit par Vercors en 1942 en pleine
clandestinité. C’est sûrement le meilleur livre sur l’occupation parce qu’il est un message de
dignité, de savoir, d’espérance et de paix.
-
Par contre dans le cadre strictement militaire le même homme, soldat allemand
courageux et discipliné, peut devenir redoutable de sévérité ou même de dureté, y compris
avec ses compatriotes. Un soldat convaincu de vol dans une maison française sera battu
comme plâtre toute une soirée dans une cave et criait si fort que toute la rue pouvait entendre
les effets du verdict. Les punitions corporelles sont d’ailleurs régulièrement pratiquées. Un
soldat qui présente une arme mal nettoyée reçoit une gifle magistrale qui l’envoie à terre.
En groupe au repos ou sous les armes en opération, l’occupant redevient un prédateur,
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brisant par plaisir, sûr du droit du plus fort et fier de l’exercer. Tous les instituteurs qui ont
reçu des soldats en manœuvre ou en opération dans leur école se sont plaints de nombreuses
exactions souvent inutiles, surtout à la fin de l’occupation.
Pouzet fait remarquer à juste raison que dans la ville elle-même, la situation est
différente. Les officiers y sont très nombreux, souvent en grande tenue quand ils sortent..
Les troupes défilent très souvent en ville, l’arme à la bretelle et en chantant. Il n’y a pas
d’incidents. Les troupes sont tenues en main. Mais il n’y a pas de fraternisation. A la réserve
digne du début, succèderont une froideur manifeste puis des regards de colère ou de haine.
C’est qu’avec le temps qui passe la situation à Aix s’est aggravée. La situation alimentaire
est à la limite de la disette qui frappe les plus déshérités. Le grand problème reste de trouver
de quoi nourrir sa famille. En 1944 le pain ne sera distribué que tous les deux jours. Le
« Mémorial d’Aix » a prévenu des le 12 novembre 1942 que tous les achats allemands
seront payés en argent français. Le change en faveur du Reichmark permet à l’occupant de
contrôler toute l’économie et de ruiner les Français. La hausse des prix est inimaginable.
C’est qu’au manque de produits- ce qui est rare devient cher- il faut ajouter les énormes
ponctions financières de l’occupant sur le produit intérieur français. En 1944 les frais
d’occupation payés par la France s’élèvent à 600 millions par jour. Les historiens estiment
que cette somme couvre les frais d’entretien de toute l’armée allemande. Malgré cela
la population dans sa grande majorité se tait ou ne se plaint qu’en privé. Car les gens ont
peur : des jaloux, des mouchards, de la police et des agents secrets allemands qui sont
quelquefois des Français. Il n’y aura pour ainsi dire aucun mouvement de masse à Aix si ce
n’est, le 21 juillet 1944 un grand concours de population aux obsèques de Prados, un
résistant assassiné. C’est souvent dans le secret des familles ou autour de la TSF au moment
d’« Ici Londres » que l’appel à la résistance touche de plus en plus d’Aixois et en particulier
de jeunes qui distribuent les tracts ou décollent les affiches. Une résistance plus engagée
affecte ou implique de nombreuses familles. Les Aixois se connaissent presque tous. Ils
connaissent donc les noms des victimes et compatissent. Ils peuvent aussi protèger les
résistants qu’ils connaissent ou leur famille sans pour autant s’engager autrement. Le réseau
« Alliance » a de trés nombreux soutiens à Aix. La solidarité entre communistes est très
forte. Dés la fin de 1943, les occupants comprennent qu’ils seront battus et reportent leur
fureur et leur angoisse sur ceux qui, situation oblige, apparaissent comme des ennemis sans
uniformes. Toute la cruauté des répressions
d’abord policières
et individuelles puis
militaires et collectives viendra alors sur eux impitoyablement s’abattre.
LA RÉSISTANCE À AIX
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Aix a été une ville de la Résistance. Jean-Claude Pouzet, s’est efforcé de montrer
sa consistance et sa diversité. Ce fut comme le titre de son livre le rappelle « une mosaïque »
tant les mouvements, les réseaux, les organismes interdits mais renaissants comme les
syndicats et les partis politiques, les actions secrètes, le noyautage des institutions de Vichy
et enfin les participations à l’action
de sociétés nationales, la SNCF par exemple ou
d’administration, les PTT ou de corps constitués, celui des militaires de carrière par exemple
s’y sont croisés, morcelés puis regroupés pour se retrouver victorieux dans leur ville libérée.
Il est hors de question de refaire une histoire de la Résistance à Aix. L’explication succinte
du mécanisme mis en place suffira à nous occuper mais en insistant sur ce que les anciens
officiers, instructeurs ou anciens élèves des Ecoles y ont apporté puisque c’est là le cadre de
notre étude.
- 1. Nous avons déjà rapidement abordé les débuts de la Résistance des officiers et
des élèves –officiers des Ecoles à Aix et dit ce qui allait en advenir. Dans la ville même, dés
le 3 octobre 1940 des groupes de résistance à conotation politique commencent à se former.
Y participent des responsables socialistes, des syndicalistes et les partisans d’une résistance
spirituelle chrétienne auxquels la célèbre revue « Esprit » ne suffit plus. Le gaullisme éveille
la curiosité puis l’intérêt. En ville, le 1er mai 1941, à l’appel des syndicats, la première
manifestation à Aix sera maigre. Mais le 1er mai 42, une grande manifestation qui réunit plus
de 50.000 personnes remplit les rues de Marseille. Le 14 juillet 1942, à l’appel de Londres,
5000 aixois comme des millions d’autres Français témoigneront à la fois de leur patriotisme,
de leur attachement à la République, de leur soutien à la Résistance et à celui qui l’incarne.
- 2. En janvier 1943, les mouvements de zone sud se réunissent pour créer les
« Mouvements Unis de Résistance » les M.U.R. Ils apporteront leur appui au CNR (Conseil
national de la Résistance) et à Jean Moulin qui séjournera à Aix, Avignon et Marseille en
mai 1943, un mois environ avant son arrestation à Calluire.
Dés les premiers mois de 1943, qui sera pour elle l’année la plus noire, la Résistance
s’étend mais elle le paye cher. Deux séries d’arrestations, la première en septembre 43, la
seconde en novembre touchent les trois principaux mouvements et les réseaux. Elles
témoignent d’une efficacité répressive qui n’est plus à démontrer et des immenses dangers
que courrent les résistants et leur famille. Entre avril et novembre 43, probablement à la
suite d’un rapport essentiel que la gestapo de Marseille s’attribue, le « rapport Flora » qui
donne l’organigramme de la Résistance en zone Sud, tous les mouvements subironr les
pertes en cascade qui mèneront, en mai aux arrestations capitales du général Delestraint
puis de Jean Moulin. Sur ce rapport figurent aussi les noms des responsables de R2 dont
ceux de Lécuyer et de Juvénal, mais aussi de Rioufol, de Frenay… et de Hardy, agent
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retourné, considéré comme responsable de la trahison de Calluire. Y figurent aussi ceux de
responsables locaux aixois, notamment presque tous les adjoints de Lécuyer, accusé de plus,
ce qui est exact, d’entretenir des rapports étroits avec la résistance italienne. En septembre
43, les premiers lieutenants à avoir rejoint Lécuyer seront arrêtés : Viger, Curtet et SaintMacary. En novembre, encore une trentaine de personnes dont 10 pour l’ORA, 2 pour l’AS
et 6 pour les FTP. L’année 1943 est aussi marquée par une grande rafle de Juifs dans tout le
midi donc à Aix. De vieilles familles aixoises seront décimées. Quelques jours plus tard le
dernier convoi d’évacuation du camp des Milles quittera la Provence pour Drancy.
- 3. Ensuite commence l’année 1944. La résistance imparfaitement unifiée paie très
cher son engagement et des erreurs graves comme celle de la création des grands maquis.
Mais c’est aussi celle de la récompense. Les FFI prennent une large part à la Libération du
territoire. A Aix, la résistance s’est considérablement renforcée. Deux hommes en sont
responsables parce qu’ils contrôlent R2: L’avocat socialiste aixois
Max Juvenal –
Maxence- pour les MUR et l’AS, et Lécuyer pour l’ORA. Les FTP et leur organisme
central le COMAC gardent leur autonomie de décision et ne veulent dépendre ni de Londres
ni d’Alger. Mais leur combativité est grande et leur organisation si serrée qu’ils obtiendront
des moyens une fois conjoints aux FFI, et même, rarement et secrètement, des services
anglais. Ce sont les FTP qui organiseront un des épisodes les plus rocambolesques mais
aussi des plus courageux de la résistance aixoise : l’évasion et la libération réussie de 27
prisonniers politiques dans la nuit du 24 Avril 1944, tous récupérés prés de Vauvenargues le
soir du même jour. Une autre tentative échouera le 1er juillet.
Toujours en 1944, les mouvements et les réseaux se sont multipliés. Aux grandes
organisations : Mouvements Unis de Résistance, Front national contrôlé par le P.C. et
O.R.A. sont venus s’ajouter une multitude de groupes voire de groupuscules qui naviguent
quelquefois en électrons libres. Ainsi un réseau regroupant des militaires des Écoles d’Aix
qui aurait pris un nom dissuasif et porteur de victoires, celui des « Aigles de l’Empire ». De
multiples réseaux étrangers s’y adjoignent : deux seront américains, plusieurs britanniques,
très bien organisés et indépendants de la Résistance. Ces réseaux anglais sont chargés des
liaisons radio avec Londres, des parachutages, du renseignement, et de l’évasion des
aviateurs abattus. Aix est intéressée par la mission « Gardener » qui dépend d’un des
meilleurs réseaux britanniques, celui de Buckmaster. Il est aidé par de nombreux aixois qui
hébergent les hommes et cachent les armes. Il y a enfin des réseaux français qui travaillent
pour les Anglais ce qui leur vaut leur soutien. Le premier sera « Carte », celui de Rioufol
avant son départ sur Montauban où il sera arrêté. Le plus célèbre est « ALLIANCE » dont
nous avons déjà parlé. Alliance est bien implanté à Aix. Il y dispose d’un radio et d’un
terrain d’envol au pied Nord-Est de Sainte-Victoire, à Claps. Alliance et les réseaux
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Buckmaster seront démantelés avant de réapparaître, en Provence particulièrement. La
ville est enfin entourée par une multitude de petits maquis plus ou moins bien équipés, qui
rivalisent souvent entre eux pour les armes (en réalité, ils disputent les parachutages aux
grandes formations) et subsistent plutôt mal que bien.
Les historiens de la Résistance considèrent que l’année 1944 fut l’année de
la Résistance réunifiée. Sur les principes nationaux certes. Les FFI réunifiaient l’armée
intérieure et le CNR reconnaîssait l’autorité militaire et politique de de Gaulle. Mais Pouzet
est allé plus loin et explique pourquoi il a intitulé son livre « La résistance mosaïque ».
Certes elle fait un tout, mais composée de pièces et de morceaux qui ne collent pas toujours
ou ne se jointent pas. Partout en France, des résistants privilégient des soucis politiques
pour l’après guerre. D’autres pensent à un bouleversement de société, d’autres encore
poursuivent des buts personnels car les ambitions ne sont pas absentes.. A partir de 1944,
comme la victoire est acquise, ces attitudes se renforcent, les arrières pensés apparaissent et
les rivalités de personnes s’aiguisent. Les motivations politiques se font plus fortes et plus
apparentes et aucun mouvement n’y échappe. Mais d’autres sans ambitions sont des
patriotes qui veulent tout simplement servir. Tout cela s’est passé aussi à Aix. Tous les
anciens résistants d’Aix savent que Lécuyer et Juvénal ne s’aimaient pas et que sans la
diplomatie du colonel- pharmacien Schuler qui sera le premier « maire » d’Aix libérée,
les heurts entre les deux responsables se seraient aggravés.
Il est nécessaire de l’admettre pour notre ville comme pour l’ensemble du
Pays : La Résistance a souvent réclamé dans les villes comme dans les campagnes une
volonté et une puissance capables de défendre ou de recréer son unité. Dans ce contexte,
Pouzet est très clair : « L’ORA dans le Pays d’Aix se présentera comme le mouvement
fédérateur des volontés de Résistance ». Il se trouve, et cela n’est pas une coïncidence, que
le meilleur ouvrage, à ma connaissance, consacré à l’ORA est l’œuvre du Colonel de
Dainville qui fut, sauf homonymie possible, lieutenant-instructeur à Aix dans la compagnie
de Saint-Cyriens confiée à Lécuyer, et camarade de Morel. C’est l’ouvrage intitulé
« L’ORA et la résistance de l’Armée ». 1977. Il convient donc de consacrer quelques lignes
à cette organisation qui a groupé la plus grande partie des cadres et élèves- officiers aixois
qui ont choisi de se battre sur le sol national.
L’ORA est issue de l’OMA « Organisation Métropolitaine de l’Armée », créée dès
Décembre 1940 C’est une organisation fondée par le général Frères dont le prestige
d’ancien combattant et de chef militaire est très fort. Elle ne deviendra officiellement ORA
qu’en 1944. Elle est faite de personnels d’active ou de réserve et son but est de préparer
mais surtout d’entretenir ce qui reste de l’armée puis de l’armée d’armistice dans l’esprit de
revanche. Son organisation est très hiérarchisée, selon des principes d’organisation militaire.
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Un chef d’Etat-major national avec plusieurs adjoints contrôle dans la zone dite libre six
régions. Nous savons déjà que R2 correspond à la région PACA. A la tète de chaque région
un responsable régional avec son adjoint et un nombre plus ou moins important d’agents de
liaison. Pour Lécuyer, l’adjoint sera Ceccaldi et les agents de liaison tous des anciens
élèves d’Aix. Un responsable départemental recouvre l’administration en place. Mais les
Bouches du Rhône sont divisées en Marseille-Ville avec Ceccaldi et Bouches du Rhônecampagne avec Aix, Salon, Arles et leurs régions qui dépendent de Franchi, commandant de
réserve et directeur d’Ecole au Puy- Sainte-Réparade. Ces responsables de départements
contrôlent et organisent leurs secteurs. Le secteur d’Aix comprend Aix et les villages qui
l’entourent. Il est confié à un jeune lieutenant de la promo 40 / 42 « Maréchal Pétain »,
Bellec, qui deviendra le « Capitaine Duroc ».
Dainville fait bien la différence entre l’O.M.A. qui est l’organisation de résistance de
l’armée d’armistice jusqu’en novembre 1942 et l’O.R.A. qui n’apparaît qu’en 1943
et
devient un mouvement de résistance actif avec tout ce que cela comporte, y compris groupes
armés et maquis. C’est dés février 1943 que le colonel Zeller, adjoint du général Frère a
demandé au commandant Agostini qui commandait le 1er bataillon de Cyr à Miollis, de lui
faire rencontrer le capitaine Lécuyer pour lui confier en zone sud-est
l’organisation
clandestine d’une armée se substituant à l’armée d’armistice qui vient d’être dissoute. Le
colonel a d’abord essayé, en vain, d’en charger Rioufol. Mais Rioufol est déjà engagé dans
le réseau « Carte » qui disparaîtra peu après.
Lécuyer accepte et contacte deux lieutenants restés à Aix : Curtet et Viger, puis
Cheylus et Saint-Macary. Lécuyer estime dans son livre que l’ORA est née en Février 43
lorsque ses deux premiers élèves –officiers saint-Cyriens sont venus le rejoindre. Viger, «
mon premier Maixentais » disait Lécuyer, sera arrêté en septembre 43 avec Curtet et
Saint-Macary. Viger s’évadera et sera repris à Nimes, en même temps que le futur
Colonel Monguilan, bientôt déporté à Mauthausen, qui nous honore de sa considération.
Saint – Macary sera lui aussi déporté à Mauthausen. Ils en reviendront. Quand à Curtet il
s’évadera du train qui le conduit dans les camps et rejoindra Lécuyer en Mars 44. Ingénieurgénéral de l’armement, il est décédé en 1999 à Toulon. Parmi les 27 arrêtés de novembre, 10
seront des officiers de l’ORA.
R2 devient l’apanage de Lécuyer. Il y porte une double casquette : responsable
régional de l’ORA et responsable militaire de R2 pour tous les mouvements. Il l’organise de
telle manière que ses officiers de liaison et les responsables locaux de l’ORA dans les
Bouches du Rhône sont tous des anciens des Ecoles d’Aix, à l’exception de Franchi,
commandant de réserve, assisté d’un homme qui fera son chemin, Louis Philibert. Le
responsable de l‘ORA à Aix est Bellec. Celui d’Eguilles est le lieutenant Orsini, Saint-
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Cyrien lui aussi. Pierre-Rose, Saint-Cyrien est chargé du secteur de Gardanne. C’est Bellec
qui recevra à Aix le 5 juin au soir le message codé de Londres qui avertit les résistants du
débarquement : « Méfiez-vous du toréador » et commande la mise en activité des maquis..
C’est lui qui fera appliquer les mots d’ordre : il a 23 ans.
La composition des affiliés à l’ORA est particulière en ce sens qu’elle est d’abord faite de
20 % de militaires alors que la moyenne est de 5 % dans les mouvements et on pourrait dire
plus faible encore dans les maquis : Pour les 450 hommes de Glières les historiens ont
compté « actifs et présents au maquis » jamais plus de 5 officiers et 9 sous-officiers. L’ORA
d’Aix compte aussi un nombre important d’étudiants Ces jeunes gens seront instruits et
formés aux actions militaires par les adjoints de Lécuyer : Orsini, Bellec, Franchi,
Perreaudin aidés par des anciens combattants de 14-18. Ils aident aussi à la réception des
parachutages : Le seul bourg du Puy Sainte-Réparade recevra 11 parachutages avant le
débarquement de Normandie
L’action de l’ORA se prolongera sur le plan politique par la recherche et le maintien de
contacts avec les autres mouvements, en particulier les M.U.R (Mouvements Unis de
Résistance) dont le responsable régional est l’avocat Juvénal. Lécuyer rencontrera aussi
Simon, chef des FTP, ancien combattant de 14-18 qui est chef de bataillon de réserve et « ne
parle jamais de politique ». Lécuyer assure que « nous avons assez vite formé un petit
triumvirat qui devint ultérieurement l’Etat-Major régional FFI ». (Pouzet : « La résistance
mosaïque »).
Enfin l’ORA organise ses propres maquis à l’échelon de la région, du département
ou du secteur. Elle sera chargée, puisque les forces armées sont désormais réunies dans les
FFI, d’établir « un plan général d’opération » tenant compte du milieu géographique
politique et humain de R2. En 1944, Lécuyer est devenu aussi responsable FFI des Alpes
maritimes. Nice sera libérée par l’action conjointe d’un soulèvement urbain, de l’action des
maquis dans l’arrière pays qu’ils contrôlent et de l’arrivée des Américains. La ville ne
connaitra qu’un minimum de destructions malgré des combats assez durs les 27 et 28 août.
Rappelons que Toulon sera pris le 25 et Marseille libérée le 28.
Pouzet ne s’y trompe pas : « Il n’y a pas de doute possible : si l’ORA est autant
présente dans le paysage résistant aixois, c’est une des conséquences de l’installation de
1940 à 1942 des Ecoles militaires à Aix en Provence. C’est vraisemblablement aussi à
cause- grâce à la forte personnalité du jeune capitaine Lécuyer qui osa alors assurer des
responsabilités qui ne relevaient pas de son grade ». Cela explique que le premier
mouvement aixoix issu presque spontanément dés la fin de 1940 du devoir de résistance, «
Les Patriotes résistants »se rallièrent à l’ORA en février 44. Mais ils étaient en contact
depuis 1941avec les instructeurs des Ecoles de Miollis, les capitaines Rioufol et Baffert en
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particulier qui leur enseignaient le maniement des armes. Ils venaient de tous les milieux
politiques, religieux ou professionnels. Parmi eux des instituteurs et des professeurs, comme
Malacrida et Jean Palliard qui enseigna la philosophie de longues années dans notre école.
Le groupe des « patriotes résistants », quelquefois appelé « Groupe Andréani », comptera
jusqu’à 362 membres en 1942. La répression les frappa en 1943 et quelques uns de leurs
membres périrent dans les camps nazis tels Jean Andréani, Rioufol qui en était très proche
et Vallière. Les survivants composeront ensuite sous les ordres de Bellec, le premier maquis
aixois de l’ORA, entre Aix et Meyrargues, le maquis du Ligourès.
Autre hommage mais venant de l’ennemi : Très tardif, 11 août 1944, il prouve
l’efficacité du cloisonnement et de l’organisation de R2 et l’absence de collaboration entre
l’abwher (Contre-espionnage de l’Armée) et la gestapo qui, comme les SS, émane du parti
nazi. : « L’ORA est la plus forte organisation militaire de la 2ème région. A sa tête se trouve
le capitaine d’active Lécuyer, d’Aix ».
Autre preuve, le général Wiese, commandant la XIXème armée allemande répartie
sur tout le littoral entretient deux corps d’armée plus une panzer en Provence mais un seul
en Languedoc qui offre pourtant les meilleures plages de débarquement et les espaces de
manœuvre les plus larges mais de plus faibles dangers d’action des maquis. C’est pourquoi il
se méfie davantage de la côte d’Azur et de la Provence et y entretient de fortes garnisons,
surtout à Marseille et Toulon et prés de 30 000 personnes dans l’arrondissement d’Aix.
La résistance groupera environ 1000 personnes dans le pays d’Aix. Mais 10 %
environ seront actives en juin 1944 avant la levée des maquis. Il faut ajouter à ces 10%
d’actifs les pertes qui ont précédé 1944 : De 1940 à 1943, Aix a connu 300 perquisitions,
150 arrestations, 30 déportations et plusieurs exécutions. 15 personnes décèderont en 1944
du fait de ces arrestations. La Résistance souffrira ensuite beaucoup pendant les 8 mois qui
précédent la libération. Arrestations nombreuses, fusillades, déportations, et surtout échecs
sanglants des maquis hâtivement activés le 6 juin à l’appel de Londres. A Jouques : 15
morts. A Sainte-Anne : 100 morts et à Saint-Antonin : 15 morts. Le 18 juillet c’est le
massacre de Signes : 38 exécutions dans ce petit village du Var. En ville, la pression
policière sur les cadres de la résistance devient très forte parce qu’il faut empêcher les
responsables de reconstituer les maquis. C’est
pourquoi de nombreuses arrestations
continuent à frapper les réseaux et les mouvements entre le 6 juin et le 15 août date du
débarquement en Provence.Mais la ville ne baisse pas les bras et le 21 juillet c’est une foule
immense qui mène le résistant Prados, à sa dernière demeure.
L’action devient militaire et ouverte. Entre le six juillet et la libération du Pays d’Aix
tous les ponts qui mènent à Aix sont détruits et les actions de sabotage ne se comptent plus.
Après le débarquement en Provence, la répression devient implacable. Le 17 août, tout prés
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du Lycée, sur la route du Tholonet, au Vallon des Gardes, six jeunes gens seront assassinés,
mitraillés dans le dos. Deux autres, les frères Noat, policiers membres de l’ORA, mourront
probablement sous la torture ou seront achevés.. Trois autres seront tués la veille de la
libération de la ville, prés de Vauvenargues ou de Venelles devant les Américains qu’ils
guident vers Aix. Max Juvénal y perdra l’usage d’une main.
Mais les Aixois sauront aussi faire payer leurs pertes. Les agents de la gestapo connus
sont systématiquement liquidés, souvent en pleine rue, pour l’exemple et pour prouver
l’existence et la force de la Résistance. Les traîtres français sont particulièrement visés. A
Aix, la Gestapo et ses séïdes français perdront huit agents abattus en pleine rue. A l’autre
bord, certains jeunes aixois ont « peut-être » été miliciens ou sur le point de le devenir.
Pouzet estime « qu’il faut savoir discerner sans haine » et admet qu’ils aient pu échapper
au pire.
Pendant toute cette période les locaux de Miollis qui sont en bordure du boulevard des
Poilus et, comme on peut toujours le voir fortement barreaudés, servent de prison à la
gestapo. Les victimes du massacre du vallon des Gardes arrêtés le 16 août
y seront
incarcèrés. Ils y trouveront une famille entière de résistants raflés une semaine auparavant et
laissés sans nourriture depuis quatre jours. Au milieu de la nuit, 15 nouvelles entrées
viendront grossir le nombre de captifs. Les futures victimes du vallon des Gardes en seront
tirées le 17 à huit heures du matin.
Cette prison aura retenu un moment une dame célèbre, seule femme responsable d’un
réseau en France, et même d’un grand réseau puisqu’il s’agit de Marie-Madeleine
Fourcade, responsable du réseau « ALLIANCE ». Madame Fourcade a laissé ses
Mémoires dans un livre intitulé « L’Arche de Noè », paru en 1968. Elle a été élevée au
couvent des Oiseaux, elle est mariée à un officier et elle tient le secrétariat d’une publication
parisienne très anticommuniste. En décembre 1940, elle entre dans le réseau « Navarre »,
lui aussi connoté bien à droite. Elle en prend la direction lorsque son chef et fondateur qui
n’est autre que Loustanau –Lacau, Saint-Cyrien condisciple de De Gaulle à l’Ecole de
Guerre, antiallemand, antigaulliste et anticommuniste est arrêté par Vichy... Il sera ensuite
déporté à Mauthausen. Fin 1941 le réseau est devenu « Alliance ». Il travaille pour les
services britanniques et peut compter sur 3000 volontaires. Mme Fourcade l’installe alors à
Marseille. Elle dispose de six émetteurs radio répartis dans toute la France et couvre tout ce
qui peut être renseignement, sabotages, passages, liaisons. C’est « Alliance » qui organisera
le départ en sous-marin anglais de Giraud en Afrique du Nord et aidera à l’évasion de Vals
les Bains où il est en résidence surveillée,
du général Cochet qui deviendra un des
responsables des organisations militaires de zone sud au moment
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du débarquement en Provence. (La réussite de la percée et les succès rapides remportés par
les FFI et les alliés jusqu’en Alsace tiennent en grande partie à la qualité de la coordination
mise en place par Cochet). Le chef militaire du réseau « Alliance » est un AET sorti de
Billom. C’est le colonel Faye qui sera arrêté deux fois avant d’être tranferré en Allemagne,
emprisonné dans des conditions atroces et éxécuté par les SS à la prison de Kustrin avec 818
autres prisonniers. Son corps brulé au lance-flamme ne sera jamais identifié.
Madeleine Fourcade étend toujours l’influence de son réseau qui victime d’une
trahison a pourtant perdu en une seule fois environ trois cents membres, dont Faye.. En
mars 44 « Alliance » rentre au BCRA du futur gouvernement provisoire de de Gaulle. En
août 44 elle descend en Provence et c’est alors qu’elle est arrêtée à Aix où elle doit contacter
son radio « Grand-Duc » sur la route de Vauvenargues, à la sortie de la ville. Conduite à
Miollis, elle parvient très difficilement à s’évader de sa geole en passant à travers les
barreaux de sa fenêtre. Elle erre ensuite perdue dans la ville, jetée à la porte par les habitants
d’une villa qu’elle a réveillés à la fin de la nuit puis aidée au petit jour par une âme
compatissante et discrète qui lui indique la route de Vauvenargues.
Elle arrive chez Grand-Duc à 7 heures pour s’y évanouir autant de fatigue que de
fierté. Marie- Madeleine Fourcade sera Compagnon de la Libération et première femme
honorée par des obsèques officielles aux Invalides.
LE SOUVENIR DES MORTS DE LA RÉSISTANCE AIXOISE
Le souvenir des morts de la Résistance aixoise est rappelé par les 80 noms de la plaque de
marbre apposée sur un des murs de la Place de l’Archevéché appelée à cet endroit « Place
des Martyrs de la Résistance ». Mais à mon sens le vrai monument aux morts de cette guerre
c’est celui de la Place du Forum des Cardeurs tout prés de la Mairie avec la phrase du poète,
sur la fontaine qui l’accompagne : «J’ÉCRIS TON NOM, LIBERTÉ ». Il concerne le plus
grand de tous les combats et même, parce que la Liberté est universelle, celui des
Allemands qui souhaîtaient la disparition du nazisme et qui comme les nôtres sont morts
assassinés dans les prisons ou dans les camps. Je sais par témoignage qu’il y avait des
Allemands déserteurs antinazis dans certains maquis des Basses-Alpes. On y trouvait aussi
ceux que la Whermacht avait incorporés de force et notamment des polonais, sans compter
évidemment les hommes des départements français annexés. Des jeunes Allemands
résistants de l’âge de nos élèves ont aussi été exécutés – on a dit, à la hâche !- dans leur pays
parce qu’ils étaient anti-nazis.
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LA LIBÉRATION D’AIX
- 1. Pour sa Libération, Aix a fait les choses en grand. Elle s’est offerte trois
libérateurs et deux dates commémoratives. Comme les Aixois eux- mêmes ne sont d’accord
ni sur le jour ni sur les modalités du retour de la Liberté ni sur ceux à qui ils le doivent, nous
nous en tiendrons à une relation des faits les moins contestés, ce qui devrait avoir pour effet
de faciliter l’intégration du Lycée à la ville et d’y favoriser l’enseignement d’une discipline
qui m’est chère.
Mais si nous pouvons aujourd’hui sourire de cette profusion, n’oublions que de
milliers d’habitants de cette ville ont pleuré en revoyant les trois couleurs flotter sur le
beffroi ou en chantant leur première Marseillaise autour des chars américains sur la place
des Précheurs. Ce jour là fut sûrement pour l’immense majorité des Français qui le vécurent
le plus beau de leur existence. Pour ceux qui ne l’ont pas connue, célébrer la Libération est
un devoir de mémoire et de reconnaissance. Voici l’essentiel de ce qui s’est passé à Aix.
L’essentiel des faits. Le reste, la joie, le bonheur, la fierté, les rires et les larmes reste
indescriptible.
L’agitation commence dés le débarquement du 15 août en Provence. Le couvre- feu
fixé à neuf heures est draconien. Le surlendemain ce sera le massacre du vallon des Gardes.
Un garçon qui fera le mort échappera à cette tuerie. Jean Ely laissera à l’occasion d’un
transport de justice sur les lieux du drame, alors que les Allemands sont encore à Aix et
qu’ils interdisent les photos, les clichés qui témoignent de cette tragédie. Nous devons noter
à ce propos que l’ouvrage « La seconde
et le siècle », déjà évoqué comme témoin
exemplaire de la vie à Aix depuis cent ans ne consacre pas moins de 15 photos et autant
d’articles aux évènements de 1940 à 1944.
- 2. La libération commence le 19 août au matin avec une activité aérienne très
forte d’attaques alliées au sol. Toute la journée du 19 et même le 20 jusqu’à 13 heures les
convois allemands traversent la ville, toujours occupée.. Avant de se répartir sur les collines
environnantes les troupes allemandes font sauter deux arches du grand viaduc qui enjambe
la vallée de l’Arc et le pont routier appelé Pont de l’Arc sur la route de Marseille. Des
combats sporadiques ont lieu dans la nuit, à Venelles en particulier et à Vauvenargues entre
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occupants et FFI.qui déplorent trois morts. Juvénal est grièvement blessé. Aix est
entièrement isolée. Les derniers ponts sur la Durance et sur l’Arc sont sabotés.
Le 20 août l’activité aérienne reprend. A treize heures les Américains du 13ème
régiment d’infanterie de la 3ème division de la 7ème armée U.S. en Europe qui ont débarqué
à Cavalaire, se sont battus à Draguignan puis à Brignoles et enfin dans la nuit à Trets sont
signalés au sud d’Aix. A 17 heures des combats d’infanterie ont lieu dans la même zone.
Tout le monde pense que les Américains vont arriver par les routes de Marseille ou de Nice.
A 18 heures les combats continuent autour de Tréts, à 20 Km d’Aix. Mais d’autres troupes
US arrivent aussi à l’est, par Jouques, Peyrolles et la vallée de la Durance. Dans la soirée la
jonction entre « les forces libératrices » et les FFI se fait à Venelles et Vauvenargues. Des
combats assez violents ont lieu dans la nuit du 20 au 21 autour du plateau d’Entremont qui
font au moins huit morts allemands. Au matin du 21, leurs corps seront déposés et alignés
au Puy du Roi, sur le bas-côté de la route qui mène à Puyricard. (Témoignage familial).
Voir carte ci- jointe.
Dans la nuit du 19 au 20 les Allemands
ont commencé à quitter Aix. Leur
déménagement durera le 20 jusqu’à 15 heures. A partir de ce moment un silence de mort
tombe sur cette ville vide. Puis l’agitation renaît. Des groupes commencent à piller les
réserves alimentaires allemandes entreposées dans l’hôtel du Roi René et au Lycée Mignet.
Un groupe partira avec 200 kilos de chocolat ! On marchait sur les pâtes et le riz. Ce
spectacle d’une abondance revenue et gaspillée ne durera qu’une fin d’après-midi d’août.
Un peu plus tard dans la soirée, les hommes du 4ème groupement FTP qui ont préparé
l’occupation des édifices publics s’en emparent, à l’exception de la Poste et de la souspréfecture toujours occupée par Max Moulins très favorable à la résistance mais réfractaire à
l’installation d’un pouvoir de fait. Il conservera son poste, ce qui fut assez rare ailleurs dans
cette conjoncture. Deux groupes de FTP de vingt hommes rentrent dans l’Hôtel de ville.
Trois d’entrent eux hissent le drapeau tricolore sur le beffroi. Le maire nommé par Vichy, et
dont personne n’avait eu à se plaindre, est prié de « déguerpir ». « C’est un coup de force, un
abus de pouvoir » que le Colonel Schuler, nouveau Président de la Délégation spéciale
reprochera
au responsable de cette initiative : C’était à lui Président du Comité de
Libération de la Ville de le faire. De là naîtra la première version de la Libération d’Aix
reprise par la plaque apposée sur le beffroi qui rappelle que le 20 Août, « Les FTP ont
libéré la Cité, qu’ils en ont chassé la municipalité et remis les pouvoirs au « Comité de
Libération » de la ville qui regroupe les représentants de tous les mouvements civils ou
armés de la Résistance ». Première libération le 20 Aout par les FTP aixois et remise des
pouvoirs le 21.
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Toutefois, dans la nuit des groupes de combat : « Corps francs de la Libération » (
C.F.L.) de l’A.S sous la
direction de Jean Juvénal et « Organisation de Résistance
Armée » - ORA- de Bellec, achèvent le nettoyage des alentours de la ville. Pour certains
témoins, la présence allemande en ville était encore bien réelle et de nombreux aixois, y
compris les FTP qui occupaient l’Hôtel de ville craignaient un retour offensif allemand. Les
huit morts du Puy du Roi témoignent de leur présence encore tout proche.
- 3. Le 21 Août à 5 heures cinquante du matin les combats reprennent à l’est et au
sud–est. Mais un commando U.S. comprenant un Français est déjà à Bibémus depuis la
veille. Il y soupera et couchera en attendant le matin. Au Nord-Est, les Américains se sont
séparés en deux groupes tous les deux éclairés par les FFI.
Le premier remonte par
Venelles, emprunte une petite route qui va vers Puyricard , descend sur Aix par SaintEutrope et arrive place des Prêcheurs par la rue Mignet. Ce sont les hommes de l’ORA, avec
Bellec, qui les y ont conduits. Le second groupe américain arrive par Vauvenargues et
emprunte la route qui est coupée au pont de Béraud, face à l’actuel Lycée Cézanne. Les
Chars prennent alors sur leur gauche vers le parc de la Cortésine mais bifurquent avant de
s’y engager et remontent sur Aix, par la traverse Barret après avoir franchi un bras de la
Torse. Le Shermann de tête, avec ses 32 tonnes tranchera l’angle de la maison qui en rétrécit
le passage et rejoint par la traverse du RICM et l’avenue des Arts et Métiers ceux qui sont
descendus par la Rue Mignet et stationnent déjà sur la place du Palais. Ceux- là sont guidés
par l’A.S. Donc deuxième libération, le 21 dans la matinée par d’autres libérateurs :
L’ORA, l’AS et les Américains. Les FTP qui occupent la ville diront : « Nous l’avons
symboliquement livrée aux Américains ». Un troisième groupe US arrivera un peu plus tard
par la route de Nice. Sur un trottoir, à Palette, un ancien combattant de 14-18 en grand
uniforme de cuirassier aurait salué de son sabre les G.I. éberlués qui passent devant lui.
- 4. C’est fini. La matinée n’est pas encore terminée. Aix pavoise tout comme
l’Hôtel de ville déjà couvert de drapeaux. Les chars descendent par la rue Espariat et
l’Avenue Victor Hugo vers la gare. Une « Traction » FFI circule en ville et la nettoie, sous
les applaudissements, des inscriptions et pancartes allemandes. Puis elle rejoint les FTP qui
ont passé la nuit dans l’Hôtel de ville. C’est le début de la fête. C’est aussi celui de
l’apparition d’une « justice » spontanée faite de règlements de compte, d’arrestations
souvent arbitraires, d’exactions et de femmes tondues Ceux qui vécurent les horreurs de la
répression nazie attendaient de ces moments une justice immédiate. Pour d’autres une
vengeance aveugle ou un goût de la violence que la guerre avait exacerbé. « La Provence
Libérée » du 26 Août écrira : « Et c’est enfin le lamentable défilé des quelques misérables,
hommes et femmes, qui n’hésitèrent pas à se mettre à la solde des Boches, pour le plus
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grand malheur de nombreux patriotes. Une foule hurlante salue de huées, de lazzis et de cris
de mort, l’arrivée de ces déchets d’humanité. Ils sont jugés et châtiés. Nulle voix s’élèvera
pour exhaler le moindre sentiment de pitié et sera justice ». Quelques jours plus tard « la
Provence libérée » demandera l’application d’une justice plus légale. Mais il faut aussi
comprendre sans pour autant les admettre, que des pulsions de haines incontrôlées aient pu
alors s’exprimer sans retenue.
L’après-midi les groupements de résistance et les FFI qui ne sont pas au combat
défilent sur la place du palais. Deux photos : Troupes populaires en armes, plus ou moins
hétéroclites dans leur vêture et leur armement ou forces mieux armées, en uniforme,
témoignent de la diversité des conditions de tous ceux qui ont permis une libération rapide et
pour ainsi dire paisible de la ville.
Les Américains ne s’y trompent pas. Pour eux, tous ces combattants, hommes et
femmes, sont des « patriotes » et ils reconnaissent que leur action a été déterminante. Ils ne
s’embarrassent pas de fioritures. Ils font la guerre et n’aiment pas les pertes inutiles. Ils
savent que les FFI , quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent leur ont donné un sacré coup
de main. Avec leurs maquis qui retenaient des troupes et faisaient surtout régner l’insécurité
autour d’elles, leurs agents de liaison, leurs cartes et leurs éclaireurs, leur courage et leur
apprentissage difficile mais efficace de la guerre d’abord secrète puis ouverte, leur rôle a été
déterminant.. « Les routes étaient ouvertes diront les Américains, Il n’y avait qu’à passer.
Chaque fois que nous arrivions dans un village dans lequel les Allemands nous avaient été
signalés, vos jeunes patriotes l’avaient déjà pris et ils venaient nous l’annoncer un petit
sourire aux lèvres ». C’est cette libération rapide de la Provence intérieure qui permettra le
raid du Groupement Butler par l’intérieur des Alpes jusqu’à Grenoble et sa jonction avec
les maquis qui s’y étaient multipliés. Sur leur route les villes sont souvent déjà libérées,
comme Manosque par l’A.S de Jean Vial. « Souvenirs d’un résistant ».
Aix a rendu hommage à ses libérateurs. L’arrivée des Américains par l’intérieur est
aujourd’hui rappelée par un monument et une plaque du « Souvenir Français » à l’entrée
orientale de Vauvenargues où commence la « Route de la Libération ». De même la route
empruntée au nord de la ville qui mène de Venelles à Puyricard est devenue « l’Avenue du
Colonel Bellec ».
La ville ne connaîtra, ponts exceptés, qu’un minimum de dégâts. Le Lycée des
Prêcheurs recevra une bombe perdue, probablement pendant le bombardement de la Gare.
Un train sera mitraillé à Luynes. En se retirant d’Aix l’ennemi fera sauter quelques wagons
de munitions.
Cet heureux dénouement n’a pas directement impliqué les forces de la Première
Armée française qui ne porte d’ailleurs pas encore ce nom le 21 août 1944. Aix ne fut que
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traversée deux ou trois jours après la libération par une colonne de la 1ère DFL appelée
depuis quelques mois 1ère D.I.M. (division d’infanterie mécanisée) commandée par le
Général Brosset en direction d’Éguilles et de Salon. Une stèle rappelle leur passage à
Célony. Il faut prendre en compte que commandos exceptés, les Français n’ont commencé à
débarquer que le 17 août. Mais Aix n’a surement pas été libérée par des troupes françaises.
Une carte établie par l’E.M. du général de Lattre pour la libération de Marseille le montre
bien. Entre le 20 et le 28 août, au moment des combats pour Marseille, le trajet supérieur
Nord des troupes françaises (Première Division Blindée et 2ème R.S.A.R.) évite Aix et passe
par Sainte-Zacharie, Gréasque, Gardanne, contrôle au passage l’aqueduc de Roquefavour
qui conduit l’eau à Marseille et continue par Lançon sur Salon. Par contre les plaques et
monuments qui évoquent leur passage dans Aix libérée
n’ont pas à être contestés.
Audibert, l’aspirant qui s’est emparé de Notre Dame de la Garde avec ses tirailleurs
algériens et dont la mère habite Aix, le confirme.
Résumons-nous :
Aix presque totalement abandonnée par l’ennemi est occupée plutôt que libérée par les
résistants FTP qui occupent l’Hôtel de ville le 20 au soir et par ceux, AS et ORA, qui, après
combats, accueillent
à l’est du Pays les avant- gardes de la 3ème Division U.S. Ils
conduiront leurs troupes et leurs chars dans le centre ville le 21 au matin. La « délégation
municipale spéciale » issue du Comité de Libération d’Aix dans lequel tous les partis et
organismes résistants sont représentés, avec à sa tête le Colonel Schuler, prend possession
de l’Hôtel de ville d’où les FTP se sont retirés. Les troupes françaises régulières qui ont
débarqué à partir du 17 août, n’ont pas directement participé à cette libération..
Mais cela n’enlève rien aux mérites de la future Première Armée. Il est inutile de redire le
rôle qui lui est reconnu. L’essentiel était que les Français fussent présents et ils le furent par
les soldats de la Résistance.
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LA PARTICIPATION DES PROVENÇAUX
La participation des Provençaux de souche ou non au conflit avait depuis quatre
ans pris de multiples formes. Mais les pertes humaines pour l’ensemble du Pays d’Aix,
compte tenu que la ville a échappé aux bombardements dévastateurs et meurtriers, ne
dépassent pas 500 personnes pour l’ensemble de la guerre, dont 150 pour les combats de
1940 et ceux de 44-45 et 300 pour l’occupation et la résistance : 150 dans les maquis ; 50
non rentrés de déportation dont de nombreux aixois de confession israélite ; 80 exécutions
sommaires ou assassinats par la gestapo ou la milice. Enfin quelquefois abattus dans les rues
ou pendus aux platanes du Cours Mirabeau (3 en août et un en décembre 44) 15 à 20
victimes de l’épuration spontanée ou légale. Il convient enfin de rappeler la déportation des
internés du Camp des Milles envoyés à la mort par Vichy en juillet 1942 puis en février 43
sur ordre des nazis.
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Aix et le pays d’Aix ont aussi joué
leur rôle en dehors de leur secteur. Les
mouvements et réseaux importants y étaient représentés. Deux des principaux responsables
de R2 : Lécuyer et M. Juvénal étaient à Aix. Leurs responsabilités, différentes ne les ont
jamais opposés jusqu'à la rupture. Ils sont même allés jusqu’à passer des accords avec la
Résistance italienne pour ouvrir la frontière aux hommes des maquis. Ce sont les accords de
Saretto qui serviront successivement aux Français et aux Italiens. Nous savons aussi que
certains réseaux étaient installés chez nous en permanence comme « Alliance » avec ses
radios et ses champs d’atterrissage.
Il a souvent été question à Aix et ailleurs de l’inutilité de la mobilisation générale
des maquis à partir du six juin 44 et des horreurs qui ont suivi. Il est possible que cette
action ait été prématurée. Mais elle fut commandée par les responsables de Londres ou
d’Alger. Les 150 morts dont nous avons parlé plus haut furent-ils inutiles ? Qui peut
l’affirmer ? Cette mobilisation s’était faite dans l’ordre. Les premiers maquis y ont fait la
preuve de la présence, de la combativité donc de la menace que d’autres combattants
pouvaient faire peser sur les occupants. Plus tard d’autres maquisards reprendront l’action
armée. Ils ont incontestablement favorisé le débarquement du 15 août et ils en ont même
quelquefois assuré l’extension en ouvrant les routes de l’arrière-littoral. La libération rapide
d’Aix favorisera par exemple celle de Marseille en tenant fermé l’ouest et le nord du grand
port. C’est pourquoi on peut lire dans la plaquette éditée par la ville avec le concours de tous
les mouvements de résistance et des anciens combattants à l’occasion du cinquantième
anniversaire de la Libération :
« Tous les maquisards massacrés de Jouques et de Sainte-Anne, les tués au combat
de Venelles, les assassinés du vallon des Gardes, les fusillés et les pendus et les déportés,
tous les déportés, victimes de la Barbarie nazie ne sont pas morts pour rien. Ce sont eux,
en premier chef les libérateurs de notre Ville ».
Encore un mot avant d’abandonner mais pas d’oublier cette période. Dés la fin de 1944 un
certain nombre d’officiers issus du maquis se retrouveront à Miollis, certains sous l’autorité
du Colonel Agostini revenu dans son Ecole. Il mettra quelques réticences à les prendre au
sérieux. Les anciens FFI se vengeront en traitant de « naphtalinards » ceux qui n’avaient
répondu qu’après 1944 à l’appel pour servir et attendaient de se joindre à une armée
régulière, ce qui n’était pas le cas d’Agostini. Peu importent ces chamailles. Ceux de
L’ORA continueront à se battre dans le Commando Colson qui conclura cette triste mais
finalement glorieuse période de notre histoire en allant tremper son fanion dans les eaux du
Rhin et du Danube.
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Vouloir établir un bilan de cette période ne serait que prétention inutile. Pour ce
qui concerne toutefois les élèves-officiers qui ont occupé nos murs, par la Résistance qu’ils
ont largement alimentée dans tous les domaines de la guerre secrète ou ouverte et par leur
participation active aux combats à partir de 1943 dans les armées régulières, ils ont joué un
rôle qui a été sinon négligé, du moins regrettablement dévalué, alors que dans le pays d’Aix
il fut peut- être essentiel . Ils ont aussi favorisé par leur jeunesse et leur enthousiasme le
retour difficile mais réel à l’unité de l’Armée : En 1945 le service de l’Etat de droit ne pose
plus de problème aux jeunes officiers. Enfin l’Armée est dans la Nation. C’est une autre
réussite.
Pour conclure sur ces années noires qui ont vu passer nos armes du malheur à la
victoire et les meilleurs de nos fils reprendre le glaive brisé, retenons qu’il y a chez tout
homme une volonté de faire face aux circonstances et un fatalisme à les accepter. Il est
difficile de comprendre à quelle urgence il faut répondre lorsque l’univers dont on se
croyait assuré s’effondre. Mais rien, rien n’est jamais perdu lorsque les principes pour
lesquels on veut se battre sont universels.
LE R.I.C.M.
A TENU GARNISON A AIX-EN-PROVENCE,
CASERNE MIOLLIS de 1934 à 1939.
Cette unité légendaire créée par le Maréchal Lyautey en 1914 s’est illustrée sur
tous les champs de bataille au cours des deux guerres mondiales et sur les
TOE. Elle a participé à la défense de la NATION à tous les moments difficiles
de son Histoire.
- En 1916 par la reprise du Fort de DOUAUMONT.
- En 1940 par la défense héroïque de Château- neuf en Thimerais. Il
mérite la qualification de :
« Premier régiment de France »
En novembre 1942, tenant garnison au Maroc, le RICM, sous les ordres du
colonel Bethouard, refuse de s’engager contre les troupes américaines qui
débarquent.
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En 1944 par la bataille de Toulon et la réduction de la presqu’ile de SaintMandrier puis par la libération de l’Alsace avec la prise de Deule et de
Sépois.
Le drapeau du RICM, le plus décoré de l’Armée française selon certains est
titulaire des distinctions suivantes :
Légion d’Honneur
Médaille militaire et Croix de guerre 1914 – 1918 avec 10 palmes.
Croix de guerre 1939 – 1945,
Croix de guerre des TOE avec 5 palmes.
On a créé pour lui la double fourragère 1914 – 1918 aux couleurs de la
Légion d’Honneur et de la Croix de guerre
Il porte la fourragère 1939-1945 aux couleurs de la Croix de guerre,
la Fourragère des T O E aux couleurs de la médaille militaire
Le RICM est aussi honoré de nombreuses décorations étrangères
Le RICM et devenu en 1958 le Régiment d’Infanterie et Chars de Marine.
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