LES ÉCOLES MILITAIRES DE SAINT CYR ET DE SAINT MAIXENT À AIX - EN - PROVENCE A AIX EN PROVENCE OOOOOOOOO Miollis 1940 - 1942 et leurs actions de résistance 1942 - 1945 LE RETOUR DES CERTITUDES : 1943 – 1945 « Mère, que sont tes enfants devenus » ? « Seigneur, ils se battent. » L’occupation totale du territoire, le coup d’état de Laval qui arrache tous ses pouvoirs au maréchal, le sabordage de la flotte et enfin l’assassinat de Darlan éclaircissent la situation en Afrique et mettent fin aux ambiguïtés de Vichy : Pétain y est « retenu » et Laval souhaite la victoire de l’Allemagne. Bientôt ce seront les grandes victoires russes de Stalingrad et de Koursk-Bielgorod et l’échec de la guerre sous-marine mais aussi la reconquête difficile du Pacifique et des îles qui le bordent... Ce sera aussi la fin de la guerre en Afrique par la campagne de Tunisie qui redonne à l’armée française le goût de la victoire et montre aux alliés que notre pays peut reprendre une place dans le combat des peuples libres contre le nazisme Chronologie novembre 1942 – mai 1945 24 décembre : L’amiral Darlan est assassiné à Alger 25 janvier 1943 : Évacuation du quartier du vieux port. 1200 réfugiés à Aix Février: Les premiers élèves des Écoles rejoignent Lécuyer Mai : Arrestations du Gal Delestraint puis de Jean Moulin Aout : A Alger, toutes les responsabilités politiques à de Gaulle 25 Aout : Vague d’arrestations chez les « Résistants patriotes » 13 septembre : Arrestations des cadres de l’ORA à Aix 17 septembre : Nouvelles arrestations qui touchent les FTP, l’AS et l’ORA Janvier 1944 : Premiers parachutages d’armes dans la Trévaresse Février : Création des FFI : MUR + AS + FTP Mars : Contacts Lécuyer – Juvénal 24 Avril : Évasion organisée de 24 détenus de la prison d’Aix 6 Juin : Appel aux armes et mobilisation des maquis aixois Juin : Les massacres dans les maquis du Pays d’Aix font 130 morts Juillet : Nombreux parachutages. Massacres de Signes : 38 morts Août : Exécutions et sabotages sont quotidiens. Aix est libérée le 21 Page 2 sur 33 LA NOUVELLE ARMÉE Pour que notre projet reste bien clair, il m’est nécessaire de rappeler qu’ il n’est pas dans notre propos de réécrire une histoire de la seconde guerre mondiale, ni une histoire de l’Armée ni des officiers qui l’ont commandée et instruite, ni de la Résistance, ni du Gaullisme ou du Pétainisme, et à plus forte raison d’étaler les problèmes qui en ont résulté. Seulement de montrer comment les grandes Ecoles militaires qui ont séjourné à Aix et qui y ont connu la fin que nous venons de relater, ont pu sous les formes diverses que la situation imposait, intervenir et participer à la Libération de la France et en premier lieu à retrouver leur mission : fournir et former des cadres nombreux à une armée qui va renaître de ses cendres. A. EN 1943, L’ARMÉE FRANÇAISE EST UN PATCHWORK, « Un agrégat inconstitué » dont il faut vite faire un instrument de bataille. A-1. L’armée d’Afrique au combat sera faite d’engagés métropolitains de l’ex-armée d’armistice, de légionnaires, de troupes indigènes maghrébines à proportion d’un bon tiers et de la mobilisation à partir de 18 ans des Français d’AFN. 25 classes seront mobilisées, soit 17 % des Français d’Algérie. En proportion cela fait huit fois plus que pour les populations autochtones. A-2. A cette armée d’Afrique, il faut ajouter les Forces Françaises Libres qui seront créditées de 50 000 combattants à l’été 43 parce qu ‘elles ont été alimentées par prés de 20 000 transfuges d’origines diverses. Comme il est dit au chapitre précédent le mouvement gaullien en retirera une part de la légitimité qu’il recherche. A-3. L’armée française sera reconstituée en septembre 1943 avec tous ces éléments, mais aura t’elle pour autant retrouvé son unité ? Bien des cadres continueront à ne pas s’aimer. Ces ressentiments s’atténueront toutefois pendant les combats et la Première Armée française pourra être créée le 25 septembre 1944 alors qu’elle se bat dans la trouée de Belfort et dans les Vosges. Elle a déjà été rejointe par des dizaines de milliers de FFI que de Lattre a intégré à son armée par un « amalgame » qui se veut rappeler celui que le grand Carnot avait réalisé en 1794 entre les troupes royales et celles de la Révolution. « C’est, Page 3 sur 33 dira un jour de Lattre, ce dont je suis le plus fier ». Il en fera « RHIN ET DANUBE » et méritera ainsi de recevoir avec nos alliés la reddition des nazis à Berlin. B. LES CADRES NÉCESSAIRES à une armée qui grandira en taille et en puissance jusqu’à compter plus de 400 000 hommes dont un peu moins de 150 000 viendront des maquis ou d’ engagements volontaires alors que les Ecoles sont occupées ou même entièrement détruites comme celle de Saint-Cyr sont hérités des armées précédentes avec un nombre important d’officiers et de sous-officiers de réserve. Des cadres bien formés à cette nouvelle forme de guerre sont également indispensables aux maquis qui en manquent souvent cruellement et aux réseaux. Dans les maquis, l’instruction militaire est souvent si faible que les jeunes chefs venus du civil qui ne manquent ni de courage ni d’ambition se tournent parfois vers des « Enfants de troupe » de 18 ans comme Gangloff, crédités d’une expérience des armes et des combats qu’ils n’ont pas et les interrogent sur des problèmes qui sont pour eux aussi des énigmes. B-1. Les cadres existants ont toutefois suffi à mener plus de 400 000 hommes au combat. Il ne faut pas oublier que l’armée comptait en 1939, 35 000 officiers. 12 000 sont tombés prisonniers pendant la campagne de 1940. 12 000 autres étaient répartis outre-mer. 11 000 sont restés en métropole. Selon A de Dainville, « L’ORA et la résistance dans l’armée », 15 % franchiront la frontière espagnole, et 40 % serviront de telle sorte que le titre de résistants leur soit reconnu. Soit 6500 officiers sur 11000. Dainville ajoute qu’il faut y ajouter une proportion équivalente de sous-officiers. Les pertes seront considérables : pour ce seul exemple, 1800 déportés dont 750 ne rentreront pas. La campagne d’Italie coûtera aussi très cher. B-2. Pour former davantage de jeunes officiers, les État-major vont multiplier les filières. B-2.1. C’est ainsi qu’en Angleterre est créée le 20 février 1941 une « Ecole militaire des Cadets de la France libre » qui fonctionne comme Saint-Cyr dont elle a importé les traditions. Mais de nombreux adolescents, certains ont quatorze ans, arrivent aussi en Angleterre. Quelques- uns passeront le Channel en canoë et arriveront à Douvres. Ils seront ensuite reçus par Churchill. Au nombre de deux cents au total ces jeunes gens sont réunis dans le Pays de Galles. Vêtus comme des boys-scouts, ils vivent en plein air et pratiquent des activités en priorité militaires. Les meilleurs élèves passent ensuite dans un Prytanée qui comptera une corniche de 20 bacheliers. Ils seront même vêtus de bleu, grâce à un stock préparé en 1940 pour les chasseurs alpins qui se battaient en Norvège à Narvik Page 4 sur 33 Pour devenir aspirants les élèves de corniche passent un concours d’entrée. Ils sont ensuite groupés en promotions comme à Saint-Cyr dont ils ont fait adopter les Traditions avec 2S, Baptême et Triomphe. Quatre promotions sortiront de cette école. Libération en 1941 avec 15 officiers reçus sur 25.Bir-Hakeim en 1942 : 15 reçus. Fezzan-Tunisie en 1943 : 33 reçus ; 18 juin en 1944: 123 reçus sur 200 candidats. L’encadrement est assuré par de jeunes saint-Cyriens échappés de France. 213 officiers sortiront donc de cette école de cadets. 56 seront tués dont 27 pendant la campagne d’Italie dans la 1ère DFL. Le drapeau de l’Ecole porte la Légion d’Honneur, la croix de guerre et la médaille de la résistance. Il leur a été remis par le futur maréchal Koenig. Il est aujourd’hui conservé au musée de l’ESM de Saint-Cyr. L’école sera fermée quelques jours après le débarquement en Normandie. B-2.2. L’armée d’Afrique puise d’abord dans ses cadres. Mais elle entreprend aussi d’en former dans une Ecole militaire de type EMI / Saint-Maixent, à Cherchell prés d’Alger. Les élèves officiers échappés de France viendront aussi s’y joindre. A la fin de 1944 la promotion « Saint-Maixent 2 » qui a été rappelée et deux promos clandestines de Cyr: 42/43 et 43/44 (après concours conjoint à celui d’HEC ! ) gagneront aussi l’Algérie. Fin 1944 tous les jeunes officiers et ceux de « Croix de Provence » restés deux mois à Aix rejoindront Cherchell qui formera une multitude de cadres auxquels il faut ajouter le recyclage de tous les officiers de réserve eux-aussi rappelés. Certains seront formés dans les écoles des Protectorats, Médiouna au Maroc et Salammbo en Tunisie, cellelà créée en 1941 par de Le général de Lattre de Tassigny. L’historien se doit de préciser que les ralliements à la résistance seront plus rares: Tom Morel contactera début 44 ses anciens élèves de la Promotion « Charles de Foucauld ». Il recevra peu de réponses. Par la suite cette promotion perdra 80 des siens sur un effectif de 300. Nous montrerons plus loin que Lécuyer aura plus de succès auprès de ses anciens élèves puisque pour la seule R2 il en recrutera une quarantaine. B-2.3 Un dernier effort de formation des cadres sera entrepris à la Libération par la création à Miollis d’une Ecole de Perfectionnement des 0fficiers –L’E.P.O. Mademoiselle Montaud fut la secrétaire du colonel Pelorgeas commandant cette École qui fonctionna à partir d’Avril 1945. «L’E.P.O. accueille des officiers issus de la Résistance et se compose de deux bataillons. C’est au colonel que nous devons les baptêmes des trois bâtiments sous leur nom actuel. Les cours de perfectionnement sont donnés par des cadres militaires d’active. En fonction des résultats obtenus les officiers sont maintenus dans leur grade ou rétrogradés ou renvoyés dans leurs foyers. Une anecdote montre Page 5 sur 33 l’ambiance qui y règne : L’école, en carré dans la cour, attend un général redouté pour sa sévérité. Dix minutes avant son arrivée le visiteur fait savoir qu’il ne viendra pas. « Rompez les rangs ». Dix minutes plus tard, le général est annoncé. Grand branle-bas mais la présentation est peu réussie. Par exemple, de nombreux élèves qui ont dénoué leurs cravates ne les ont pas remises. Le général fait sortir les coupables des rangs, punit les élèves et annonce au colonel qu’il est muté à Marseille pour y commander un camp de prisonniers allemands. Les autres officiers seront cassés. Cela n’empêchera pas les présentations et les festivités prévues de se dérouler mais dans une atmosphère plutôt tendue. Un repas officiel devait suivre dans le plus grand et plus chic restaurant d’Aix, le Vendôme, qui était conjoint au Casino municipal. Le repas ne fut pas annulé : le colonel, blême, était assis, seul, à la table d’honneur ». Le colonel était respecté et aimé. Un grand repas réunissait en fin de stage cadres et élèves au manège de Forbin qui fut détruit quelque temps après. Il se situait sur l’emplacement actuel des garages du Lycée. L’E.P.O. n’eut qu’une brève existence puisque l’Ecole militaire préparatoire d’Epinal arriva à Miollis pour s’y installer en décembre 1946. B-2.4 Enfin, après la reddition allemande donc, pour parfaire l’amalgame et assurer définitivement l’Unité retrouvée de l’armée une réforme profonde bouleversait plus d’un siècle de tradition. L’armée devenait interarmes- elle s’adaptait donc aux nouvelles formes de combat que la fin du conflit avait fait apparaître et une seule Ecole l’ESMIA était chargée de la formation de tous les Officiers. Les officiers déportés qui étaient rentrés, tels Saint-Macary, Denis, Crabières et Viger par exemple qui sortaient des Ecoles de Miollis, furent rappelés et réinstruits dans un camp modèle construit pour eux dans une partie du Camp du Ruchard prés d’Azay- le- Rideau. Utilisé ensuite pour instruire des sursitaires dont j’étais en 1952, ce camp modèle était appelé « le camp des déportés ». Personne ne savait pourquoi. Je l’ai appris en rédigeant cette histoire. On ne peut pas conclure cette étude sur les effectifs et cadres sans évoquer la présence de femmes dans l’Armée. Engagées volontaires, elles étaient conductrices ou infirmières. Celles de la deuxième D.B. sont restées célèbres. On les appelait les « Rochambelles ». Parmi elles, Madame Massu. Elles étaient moins nombreuses en pourcentage que dans les autres armées. femmes. Elles ne se battaient que dans l’Armée Rouge qui aura des régiments de La première française décorée de la médaille militaire fut tuée pendant un transport de blessés dans la bataille pour Cassino. Elle s’appelait Marie Loretti, conductrice 2ème classe. Mais c’est dans la résistance que les femmes attesteront de toutes ces valeurs qu’on trouvait réservées aux hommes. Les femmes de 1914-1918 avaient soutenu par leur travail l’effort de Page 6 sur 33 guerre. Celles de la Résistance y prendront la part active et même directive que la défaillance de bien des hommes laissait libre. Madame Lécuyer fut arrêtée et vivra ensuite dans la clandestinité. Madame Agostini sera déportée à Ravensbruck. La future épouse d’Aussaresses était membre du réseau Brutus. Nous savons déjà qui est Madeleine Fourcade. Mais combien d’autres aixoises mériteraient d’être citées ! Tous ces cadres issus des armées vont nous laisser de grands exemples de combattants ou résistants. Aux très grands personnages, de Gaulle et ses épigones Leclerc, Koenig et De Lattre il faut ajouter le général Delestraint, chef de l’A.S, assassiné à Dachau puis les généraux Frère ou Verneau, chefs de l’ORA morts cruellement euxaussi, et enfin une multitude d’officiers qui resteront de grands exemples comme Messmer. Certains anciens élèves d’Aix arriveront par la suite au plus haut niveau du commandement. Cinq généraux d’armée sont petits-cos de « Croix de Provence ». A Aix, pour Saint-Cyr, Théodore Morel chef de section et Lecuyer, adjudant-major du 1er bataillon de « Charles de Foucauld », ou pour l’EMICC, Rioufol et Devigny, formeront un quatuor qui se penchera à Miollis sur l’obligation de dire NON. Ainsi se manifesta dans nos murs comme ailleurs, avec la valeur que le temps donnera à l’exemple, et par la variété de l’engagement de ces hommes et de leurs camarades, une volonté de combat que les circonstances n’avaient jamais fait disparaître. C. LES ACTIONS DE RÉSISTANCE : La volonté de résistance est donc d’abord affaire de conviction et de courage qui conduira à des choix puis à des actions variées. Ce sont les motivations, les opinions et les personnalités de chacun qui commanderont et pas l’obéissance. Elles seront souvent pour ceux qui choisiront le combat comme une libération avant l’heure, un retour aux traditions les plus hautes, un engagement où la liberté du citoyen, le courage du soldat et le devoir devant le pays humilié s’exprimeront par le « Servir » volontairement privilégié. Les cadres et les élèves chassés de Miollis, nous l’avons déjà dit, anti-allemands dans leur immense majorité et surtout humiliés par la conquête sans combat de leurs Ecoles, ont quasiment tous levé l’hypothèque de l’obéissance à un chef d’Etat devenu inapte et ont choisi le camp et le terrain sur lequel ils se battront : la résistance intérieure ou le combat ouvert dans des armées classiques.. C-1. Les actions de résistance se préparent à Miollis depuis l’été 1942. Ceux qui vont y jouer un grand rôle s’y sont déjà rencontrés et organisés. Ils ont aussi contacté nombre d’élèves dont certains se préparent clandestinement avec des cadres, chefs de section ou sous-officiers. Quant au Commandement lui-aussi, il bascule les derniers jours Page 7 sur 33 lorsque la situation devient aveuglante. Déjà, le général Préaud avait insisté pour que la formation militaire soit modernisée et réorientée vers l’étude des coups de main, des embuscades, le combat de nuit, le développement de la mobilité et de l’agressivité. Le Colonel Lévèque appelle tous les Maixentais à se préparer à la reprise des combats alors que l’ennemi occupe déjà l’Ecole. A la rentrée 42 le capitaine Croplet avait réuni ses « bazars » dés leur arrivée pour les avertir « Messieurs vous êtes ici pour préparer la revanche ». D’autres organiseront des contacts, comme le commandant Agostini qui commande le 1er Bataillon de Saint-Cyr et mettra Lécuyer en contact avec l’envoyé du général Frère pour créer ce qui deviendra l’ORA de R.2. Nous savons déjà que d’autres se préparent Dés l’arrivée des Allemands, Morel, Lécuyer et Rioufol se rencontrent. Morel et Lécuyer sont déjà décidés à participer à un mouvement militaire ; Rioufol à des contacts avec un mouvement « civil ». Quant au maixentais Devigny, il a déjà quitté l’Ecole. Le cloisonnement impératif et évident pour des hommes qui choisissent la clandestinité n’empêchera pas certains chemins de se croiser. Par exemple Hitter, l’AET maixentais réalisera une liaison pour Devigny avant son arrestation. Mais les retrouvailles de guerre seront rares. Lécuyer sait que « Rioufol partit vers le sud-ouest ; on n’entendit plus jamais parler de lui, mais de bonnes raisons permettent de penser qu’il a été arrêté, très probablement à Montauban très vite après son arrivée ». C-2. Le destin de trois hommes venus de Miollis qui ont choisi de se battre sur le sol national est significatif de la dangereuse complexité de la Résistance. Devigny est un maixentais. Il choisit le renseignement. Sous le pseudonyme de Valentin il rentre dans un réseau français dépendant des services alliés mais qui se veut indépendant de de Gaulle et de Giraud. Il appartient au réseau du général Groussard, contrôlé par les Anglais, installé en Suisse et couvrant l’ensemble de la France. Il en sera la première recrue avant d’en devenir la cheville ouvrière, aidé par les SR suisses. Devigny est chargé de recruter des agents sur le territoire national, d’organiser leur travail et de préparer les passages en Suisse. Devigny ignore que Groussard a travaillé avec Vichy : « Si j’avais connu ses attaches, je n’aurais pas accepté de servir sous son autorité » Devigny condamnera ensuite sévèrement l’utilisation de la Suisse comme plaque tournante des réseaux, et demandera son rattachement aux services gaullistes, plus simples et plus nets mais en accord avec les Américains seuls susceptibles d’apporter les armes et l’argent nécessaires aux clandestins et aux maquis. Devigny sera arrêté à Annemasse en avril 1943 par un agent français des services allemands infiltré dans son réseau du nom de Hoog. Hoog a été recruté à Toulouse par un des agents de Devigny, qui n’est autre qu’Hitter, AET maixentais de sa promotion qui ignore la vérité. Page 8 sur 33 Devigny sera emprisonné à Lyon et très sévèrement interrogé et torturé pendant prés de trois mois mais il parviendra à s’évader, une action en apparence rocambolesque mais très minutieusement et très courageusement préparée, quelquefois à peine de retour des tortures. Devigny l’a racontée dans un livre qui fit grand bruit, malheureusement introuvable aujourd’hui, « Un condamné à mort s’est échappé » dont Bresson tirera un beau film primé à Cannes. Devigny pourra ensuite gagner l’Afrique du nord pour s’engager dans les commandos-parachutistes. Le général de Gaulle lui attribuera la Croix de la Libération. Il poursuivra ensuite sa carrière militaire jusqu’en 1971. Le général Devigny a décédé en Février 1999. Hitter sera déporté. Il est toujours en contact avec ses camarades maixentais. Devigny avait su préparer sa succession dans un réseau gaulliste : « Sosies » qui réunissait les deux frères Pontchardier, des jumeaux, l’un officier de marine, l’autre ingénieur, chargés avec des ingénieurs de l’armement, des Ponts et Chaussées et des officiers d’active, de l’espionnage sur le littoral provençal. Les frères Pontchardier mèneront une action clandestine extraordinairement efficace avec des pertes très faibles qui se monteront seulement à 10 % des effectifs. Dominique Pontchardier restera ensuite plus ou moins dans le renseignement…et dans la littérature puisqu’il est l’inventeur du « Gorille » un nom propre qui aura ensuite le privilège de devenir nom commun pour désigner tous ceux qu’on appelle aussi les « barbouzes ». Les deux frères Pontchardier seront eux aussi faits Compagnons. Rioufol a lui aussi choisi le renseignement. Mais son parcours dans la résistance se termine plus tragiquement. Henri Rioufol vient de Saint-Maixent. En juin 1939 il est professeur de géographie à Saint-Cyr. Il se bat vaillamment pendant la campagne de France, est cité à l’ordre de l’Armée et proposé pour la Légion d’Honneur. Après la défaite il est nommé adjoint au colonel commandant l’EMICC repliée à Aix. A peine arrivé, il entreprend avec d’autres camarades d’organiser la résistance dans les milieux militaires. Il est nommé chef régional de l’organisation « Combat, branche militaire ». En 1941 il est chargé de « Radio Patrie » une radio contrôlée par les Anglais tout en continuant à s’occuper de « Combat » dans un réseau qui s’avèrera vite dangereux. Il est perquisitionné à Aix où il s’est installé en Décembre 1942. Il quitte alors la Provence avec son groupe de responsables « réseaux ». Il est arrêté à Montauban le 12 mars 1943 et classé « Nacht und Nebel » en arrivant au camp de Buchenwald ce qui signifie en clair qu’il faut le faire disparaître par les mauvais traitements, les coups ou les travaux les plus durs. De Buchenwald il part en commando à Neuengamme, puis avant l’arrivée des Russes, dans l’épouvantable tunnel de Dora. Il travaille jusqu’en avril dans l’enfer du tunnel d’où il est expédié vers Ravensbruck. Il disparaîtra pendant l’exode des déportés en direction de l’ouest Page 9 sur 33 entre le 26 avril et le 3 mai 1945, nul ne sait comment. Selon des témoins, il paraissait en bonne santé. Il a probablement été abattu. Son comportement dans les camps fut exemplaire. Il sauva la vie à un jeune déporté et fut pour tous un soutien et un exemple. « Il était le réconfort de tous » précisera de son côté un autre déporté, le curé de Vernoux. Le comportement d’un chrétien exemplaire ». Cette trop courte biographie est tirée d’un article de Monsieur Jean Laroche offert à l’ALMA par la troisième fille du capitaine Rioufol qu’il ne vit qu’une seule fois. Le Lycée et l’Alma ont honoré RIOUFOL en faisant apposer une plaque à son nom sous le porche. Jacques Lecuyer est un Saint-Cyrien. Il choisit une autre voie. Celle de l’organisation et du développement d’un mouvement militaire de résistance. Lécuyer est né le 14 juillet 1912 et entré à Saint-Cyr à dix-neuf ans. En 1941, comme lieutenant, il est instructeur des Saint-Cyriens à Aix. En 1942 le capitaine Lécuyer est adjoint au commandant Agostini qui commande le premier bataillon de Saint-Cyr, promotion Charles de Foucauld. En novembre 1942, avant la dispersion, il prévient ses élèves qu’il les rappellera très bientôt. Avec eux, en totale clandestinité, il met sur pied dés février 1943 une ORGANISATION DE RÉSISTANCE MILITAIRE qui s’intégrera à L’O.R.A. Lécuyer en diversifie les structures, les articule en départements autonomes reliés à lui par une quarantaine d’agents de liaison qui sont tous ses anciens élèves et impriment partout la marque du chef : Discipline, prudence, efficacité, discrétion, ponctualité permettront à l’ORA de R2, dont il est le responsable, de ne connaître que de faibles pertes. Son organisation lui permet d’obtenir les soutiens extérieurs qu’il demande, en particulier les moyens radios qui vont le relier à Londres et Alger d’où il recevra les parachutages d’armes et d’argent qu’il a mission de distribuer aux maquis : à ceux de l’ORA et de l’A.S. et semble-t’il plus rarement, aux FTP qui se plaignent d’être oubliés. L’ORA a organisé aussi ses propres formations de combat en évitant les concentrations et les gros maquis, choisissant plutôt pour ses hommes une formation militaire clandestine et des liaisons parfaitement assurées. Sapin, c’est le nom de résistance de Lécuyer- son code de reconnaissance c’est « perpendiculaire »-est bientôt sous la surveillance du S.D. allemand et de la Gestapo de Marseille qui recrute aussi chez les Français et entretient à Aix une antenne dont nous reparlerons. Sapin estime que la grande ville est plus favorable à la clandestinité que les bourgs et les campagnes. Il se rend souvent à Aix. Il y échappera de peu à l’arrestation. Sa femme arrêtée et transférée à Marseille réussira à s’évader et disparaîtra pour la durée de la guerre avec ses enfants dans la France profonde. Ses réseaux subiront deux coups successifs, en sept. 43 puis en novembre, qui auraient pu être décisifs si son sens de l’organisation et le Page 10 sur 33 dévouement de ses lieutenants n’avaient pas rétabli la situation.Ce redressement rapide fera sa réputation. Le 6 juin 1944 il reçoit les messages de déclenchement de la lutte ouverte. Il y en a plusieurs. Pour lui, c’est « Méfiez-vous du toréador ». Cette mise en activité prématurée des maquis provençaux se terminera par les massacres de 150 combattants dans les Bouches du Rhône et le Var. Il commande alors personnellement dans les Basses-Alpes et contribuera presque totalement à libérer l’Est de ce département au moment du débarquement en Provence. Dans le même temps jusqu’au 20 août avec ses maquis, ses saboteurs et ses agents il développe les interventions qui permettront « l’avancée foudroyante » des troupes débarquées en Provence le 15 août. Il dispose alors dans les départements qui dépendent de R2 : Alpes maritimes, Basses-Alpes, Var, Bouches du Rhône et Vaucluse de 5000 combattants organisés en unités régulières associées à l’Armée de Lattre. Il jouera enfin aussi un rôle important dans la libération des Alpes maritimes où il commande les FFI. Le général de division Lécuyer nous a quittés en 2000. Il venait souvent à l’Ecole puis au Lycée expliquer à nos élèves ce qu’avait été la Résistance. Son nom figure plusieurs fois sur le Livre d’Or du Lycée. Sapin a laissé dans son livre le bilan humain de son action : 46 élèves de Saint-Cyr et de Saint-Maixent formés à Aix-en-Provence ont combattu dans la Résistance, dans R2. 9 sur 46 l’ont payé de leur vie : 3 fusillés, 4 tués dans les maquis et deux dans les camps de la mort. 4 déportés sont revenus.6 ont été blessés. Au total 20 sur 46. Sapin ne sépare pas ces compagnons des années noires de ceux de sa section qui ont combattu dans la résistance ailleurs que dans R2 ou qui sont passés en Espagne ou en Angleterre. Ils étaient onze jeunes officiers. Trois ont péri. Enfin il rappelle dans son livre que cinq anciens sont tombés en Indochine. L’action de Sapin fut pluriforme. Elle a touché à tous les secteurs sensibles et dangereux de la résistance. Elle a joué avec celle d’autres groupes un rôle essentiel dans la libération du pays d’Aix. Elle a contribué aussi à effacer chez les élèves-officiers les mauvais souvenirs de Novembre 1942 et à y substituer une conception nouvelle du rôle de l’officier libéré des fausses contraintes du passé. Il serait enfin injuste et indécent d’oublier le rôle joué par les épouses ou les compagnes des hommes de l’équipe de Sapin. TEXTE ADRESSÉ PAR MOREL À SES ÉLÈVES-OFFICIERS AU DÉBUT DE 1944 Il y a maintenant un an, le vieux bahut transplanté à Aix subissait le pire des outrages. Notre casoar était déshonoré. Nous avons ensemble connu la rude discipline et Page 11 sur 33 enchaînés par elle, nous n’avons pas eu le geste héroïque qui aurait lavé notre uniforme du déshonneur. Après une année d’abandon où, suivant vos goûts et les sollicitations d’une habile propagande, vous vous êtes « reclassés » vaille que vaille, il est temps de vous demander où vous en êtes et ce que vous avez fait de votre idéal de Cyrard. Pour moi, comme je vous l’avais dit avant notre séparation, j’ai continué mon travail d’officier. Sans cesse ma pensée a été prés de vous. J’ai suivi vos efforts et j’ai appris, avec quelle tristesse parfois le chemin que vous suiviez. Tant que mon action ne présentait pas toutes les garanties nécessaires pour que vous puissiez y prendre part sans arrière-pensée, je n’ai pas cru, en conscience, devoir faire appel à vous. Aujourd’hui, en plein accord avec nos chefs militaires, je parle de ceux qui sont encore dignes de ce nom, je vous rappelle notre dernière réunion de la chambre Rocroi. Il est temps de me rejoindre. Votre place n’est plus dans les organisations douteuses qui font le travail de l’ennemi, encore moins dans des situations civiles ou des études de petits bourgeois amorphes. C’est le sort de notre pays qui se joue : Cyrard de la promo Charles de Foucauld, à l’exemple de votre patron, il faut tout quitter pour la France. Je vous attends donc, assuré que vous serez fidèles à la tradition. Ce n’est pas à la légère que je vous donne cet ordre. A défaut de vie facile, de gloire apparente c’est le chemin de l’honneur, de votre honneur de soldat et de votre devenir d’officier que je vous indique. J’en assume comme chef toute la responsabilité. Page 12 sur 33 OCCUPATION, RÉSISTANCE ET LIBÉRATION D’AIX EN PROVENCE VIVE LA FRANCE ! Nous savons déjà comment s’est faite l’occupation de la ville. La curiosité l’a souvent emporté sur la colère pendant cette fin de 1942. Ensuite les choses ont changé et chacun des trois évènements successifs cités plus haut demande à être saisi dans le contenu et le contexte qui lui est propre. Pour ce qui concerne cette période quelques ouvrages servent de base. Ils sont cités en bibliographie. Mais l’essentiel sera retrouvé dans le gros ouvrage que J.C. Pouzet a tiré de sa thèse « La Résistance mosaïque » et de l’autorisation qu’il nous a donnée de nous en servir librement. Une brochure éditée par les anciens résistants parue en 1994 pour le cinquantième niversaire de la Libération de la ville tente de faire le point sur la Libération d’ Aix. L’OCCUPATION A AIX Les Allemands ont particulièrement appréciés et convoités Aix, au point d’en retirer la responsabilité aux Italiens qui n’y ont entretenus qu’une garnison dérisoire et un etat-major. 1. Aujourd’hui, le pays d’Aix, tel qu’il est conçu compte 300.000 personnes. En 1940, seulement 100.000. A cette date, la réputation d’Aix ville thermale est nationale. Quelques esthètes connaissent Cézanne et tous apprécient les ombrages du Cours Mirabeau. Dans la région, Aix est surtout appréciée pour son carnaval et les festivités qui l’accompagnent. Mais nous les oublierons pour la période qui nous concerne. Curistes et touristes se partagent les nombreux hôtels qui se répartissent dans la vieille ville et sur les boulevards qui l’entourent. Certains comme « l ’Hôtel du Roi René »sont des établissements de grand Page 13 sur 33 luxe. Compte tenu de ses agréments, Aix va bénéficier d’une occupation de haut niveau : Etats-majors, Kommandantur, services administratifs pour une multitude d’armes et de gens. Mais il faut aussi ajouter aux hôtels de très nombreux établissements scolaires, une cité universitaire neuve, les Ecoles normales et Miollis. Forbin sera occupée par des soldats malgaches démobilisés placés sous les ordres d’un lieutenant instructeur à Saint-Cyr, le lieutenant Denis qui sera emprisonné et déporté. Il aura la chance d’en revenir. Aix est aussi un des plus importants croisements routiers de France. Son importance stratégique est forte et elle doit être protégée. Elle permet aussi de contrôler un espace maritime et aérien de vaste dimension. Des installations techniques majeures y seront vite installées. Enfin Aix, cité aristocratique, permet d’échapper à Marseille que les nazis ont en horreur. Marseille pour les nazis c’est l’exemple de ce qu’ils exècrent et d’abord le mélange des races. Il faut détruire tout ce qui en sort. Ils y placeront leurs services secrets particulièrement le SD, service de contre espionnage puis la gestapo chargée de la lutte contre la Résistance. C’est avec délectation que les nazis détruiront, avec l’accord des autorités locales du moment qui y trouvent prétexte à spéculation, les quartiers du vieux port et qu’ils en déporteront les occupants. Mais ils se méfieront toujours de Marseille et outre les grands services de renseignement que la gestapo finira par coiffer en entier, plusieurs régiments d’infanterie y cantonneront. 2. A Aix aussi, les Allemands seront nombreux mais de grade élévé. Leur nombre a été estimé à environ 10 000. Le sous-préfet d’Aix évaluera leur nombre à 30 000 pour son arrondissement qui est également occupé par les Italiens. Ce qui frappe c’est la multitude et la variété des corps et des services installés dans la ville : L’armée de terre a placé un régiment de grenadiers au domaine de Tournon, au nord d’Aix. La 7ème Panzer y fera aussi séjourner un temps son régiment d’artillerie lourde. La Luftwaffe s’est installée sur le terrain d’Aix-Les Milles. Elle y a placé l’escadre Richthoffen, illustre pendant la Grande Guerre, avec trois escadrilles de F.W. 190. Sa mission principale est de protéger les installations intactes de l’étang de Berre. Un corps de génie est installé à Luynes. A Aix même, la Kriegsmarine occupe la villa Mignet, magnifique construction qui domine la ville. L’Amiral Wever s’y est installé avec quelques-uns de ses services. Ils sont tous proches des radars installés sur le site celto-ligure d’Entremont que les Allemands seront, paraît-il, les premiers à prospecter. Les Aixois appellent alors Entremont « le Tombeau de Marius ». A leur départ, les occupants feront sauter la totalité de la villa et de ses installations. Le terrain sera ensuite récupéré. Il accueille depuis ses récents agrandissements, le centre de contrôle aérien le plus important de Méditerranée occidentale. Les personnels de la Kriegsmarine sont logés à Miollis. Les grands hôtels sont Page 14 sur 33 réservés aux Etats-majors et aux officiers. La kommandantur s’est installée à l’Hôtel du Nègre Coste sur le Cours Mirabeau. La marine occupe l’Hôtel du Roi René. La feldgendarmrie s’est établie dans les séminaires du boulevard Zola et la circulation routière installée place du Maréchal Pétain, à l’Office du Tourisme. Sont enfin occupés par les troupes une partie du Lycée Vauvenargues, alors Ecole Primaire supérieure, une partie du Lycée Mignet qui sert de dépôt de vivres et de matériel, la cité universitaire, une des deux écoles normales et l’école Chastel. La gestapo de Marseille entretiendra d’abord une antenne à Aix mais elle s’y installera bientôt en permanence, à l’Hôtel de la Mule noire aujourd’hui disparu, dans la rue Lacépède. Les Allemands se sont aussi fait ouvrir l’hôpital de la ville et donner l’exclusivité de la Clinique Saint-Thomas, gardée militairement. Le terme d’occupation pour Aix n’est pas une vue de l’esprit. Certains passaient sans la voir ; d’autres ne la supportaient pas. Les occupants sont quelquefois cantonnés dans toute une série de postes de villages. A Fuveau, des Mongols, prisonniers russes engagés dans l’armée allemande, gardent les dépôts de munition du sud-est cachés dans les puits de mines. Dans certains villages les postes sont occupés en permanence. D’autres en cas d’exercices seulement. Les soldats s’installent alors pour plus ou moins longtemps dans les écoles qui partagent leurs classes avec eux et fonctionnent à mi-temps. Les alentours d’Aix reçoivent aussi des troupes au repos qui arrivent d’Afrique et après 1943, du front russe, Gardanne par exemple. 3. Les relations avec les soldats d’occupation sont quasiment inexistantes en public. Les hommes se savent menacés et certains le paieront de leur vie ou de prison par la suite. Les femmes sont « montrées du doigt » et y perdent leur réputation. - En privé, dans les pièces réquisitionnées pour loger l’occupant les choses sont différentes car les relations d’égalité que la cohabitation permet finissent par s’établir. Mais pour saisir la quasi impossibilité d’entretenir des rapports d’homme à homme avec un officier qui occupe son pays et sa propre maison, même si un même appétit culturel les rapproche, il n’est que de relire « Le silence de la mer » écrit par Vercors en 1942 en pleine clandestinité. C’est sûrement le meilleur livre sur l’occupation parce qu’il est un message de dignité, de savoir, d’espérance et de paix. - Par contre dans le cadre strictement militaire le même homme, soldat allemand courageux et discipliné, peut devenir redoutable de sévérité ou même de dureté, y compris avec ses compatriotes. Un soldat convaincu de vol dans une maison française sera battu comme plâtre toute une soirée dans une cave et criait si fort que toute la rue pouvait entendre les effets du verdict. Les punitions corporelles sont d’ailleurs régulièrement pratiquées. Un soldat qui présente une arme mal nettoyée reçoit une gifle magistrale qui l’envoie à terre. En groupe au repos ou sous les armes en opération, l’occupant redevient un prédateur, Page 15 sur 33 brisant par plaisir, sûr du droit du plus fort et fier de l’exercer. Tous les instituteurs qui ont reçu des soldats en manœuvre ou en opération dans leur école se sont plaints de nombreuses exactions souvent inutiles, surtout à la fin de l’occupation. Pouzet fait remarquer à juste raison que dans la ville elle-même, la situation est différente. Les officiers y sont très nombreux, souvent en grande tenue quand ils sortent.. Les troupes défilent très souvent en ville, l’arme à la bretelle et en chantant. Il n’y a pas d’incidents. Les troupes sont tenues en main. Mais il n’y a pas de fraternisation. A la réserve digne du début, succèderont une froideur manifeste puis des regards de colère ou de haine. C’est qu’avec le temps qui passe la situation à Aix s’est aggravée. La situation alimentaire est à la limite de la disette qui frappe les plus déshérités. Le grand problème reste de trouver de quoi nourrir sa famille. En 1944 le pain ne sera distribué que tous les deux jours. Le « Mémorial d’Aix » a prévenu des le 12 novembre 1942 que tous les achats allemands seront payés en argent français. Le change en faveur du Reichmark permet à l’occupant de contrôler toute l’économie et de ruiner les Français. La hausse des prix est inimaginable. C’est qu’au manque de produits- ce qui est rare devient cher- il faut ajouter les énormes ponctions financières de l’occupant sur le produit intérieur français. En 1944 les frais d’occupation payés par la France s’élèvent à 600 millions par jour. Les historiens estiment que cette somme couvre les frais d’entretien de toute l’armée allemande. Malgré cela la population dans sa grande majorité se tait ou ne se plaint qu’en privé. Car les gens ont peur : des jaloux, des mouchards, de la police et des agents secrets allemands qui sont quelquefois des Français. Il n’y aura pour ainsi dire aucun mouvement de masse à Aix si ce n’est, le 21 juillet 1944 un grand concours de population aux obsèques de Prados, un résistant assassiné. C’est souvent dans le secret des familles ou autour de la TSF au moment d’« Ici Londres » que l’appel à la résistance touche de plus en plus d’Aixois et en particulier de jeunes qui distribuent les tracts ou décollent les affiches. Une résistance plus engagée affecte ou implique de nombreuses familles. Les Aixois se connaissent presque tous. Ils connaissent donc les noms des victimes et compatissent. Ils peuvent aussi protèger les résistants qu’ils connaissent ou leur famille sans pour autant s’engager autrement. Le réseau « Alliance » a de trés nombreux soutiens à Aix. La solidarité entre communistes est très forte. Dés la fin de 1943, les occupants comprennent qu’ils seront battus et reportent leur fureur et leur angoisse sur ceux qui, situation oblige, apparaissent comme des ennemis sans uniformes. Toute la cruauté des répressions d’abord policières et individuelles puis militaires et collectives viendra alors sur eux impitoyablement s’abattre. LA RÉSISTANCE À AIX Page 16 sur 33 Aix a été une ville de la Résistance. Jean-Claude Pouzet, s’est efforcé de montrer sa consistance et sa diversité. Ce fut comme le titre de son livre le rappelle « une mosaïque » tant les mouvements, les réseaux, les organismes interdits mais renaissants comme les syndicats et les partis politiques, les actions secrètes, le noyautage des institutions de Vichy et enfin les participations à l’action de sociétés nationales, la SNCF par exemple ou d’administration, les PTT ou de corps constitués, celui des militaires de carrière par exemple s’y sont croisés, morcelés puis regroupés pour se retrouver victorieux dans leur ville libérée. Il est hors de question de refaire une histoire de la Résistance à Aix. L’explication succinte du mécanisme mis en place suffira à nous occuper mais en insistant sur ce que les anciens officiers, instructeurs ou anciens élèves des Ecoles y ont apporté puisque c’est là le cadre de notre étude. - 1. Nous avons déjà rapidement abordé les débuts de la Résistance des officiers et des élèves –officiers des Ecoles à Aix et dit ce qui allait en advenir. Dans la ville même, dés le 3 octobre 1940 des groupes de résistance à conotation politique commencent à se former. Y participent des responsables socialistes, des syndicalistes et les partisans d’une résistance spirituelle chrétienne auxquels la célèbre revue « Esprit » ne suffit plus. Le gaullisme éveille la curiosité puis l’intérêt. En ville, le 1er mai 1941, à l’appel des syndicats, la première manifestation à Aix sera maigre. Mais le 1er mai 42, une grande manifestation qui réunit plus de 50.000 personnes remplit les rues de Marseille. Le 14 juillet 1942, à l’appel de Londres, 5000 aixois comme des millions d’autres Français témoigneront à la fois de leur patriotisme, de leur attachement à la République, de leur soutien à la Résistance et à celui qui l’incarne. - 2. En janvier 1943, les mouvements de zone sud se réunissent pour créer les « Mouvements Unis de Résistance » les M.U.R. Ils apporteront leur appui au CNR (Conseil national de la Résistance) et à Jean Moulin qui séjournera à Aix, Avignon et Marseille en mai 1943, un mois environ avant son arrestation à Calluire. Dés les premiers mois de 1943, qui sera pour elle l’année la plus noire, la Résistance s’étend mais elle le paye cher. Deux séries d’arrestations, la première en septembre 43, la seconde en novembre touchent les trois principaux mouvements et les réseaux. Elles témoignent d’une efficacité répressive qui n’est plus à démontrer et des immenses dangers que courrent les résistants et leur famille. Entre avril et novembre 43, probablement à la suite d’un rapport essentiel que la gestapo de Marseille s’attribue, le « rapport Flora » qui donne l’organigramme de la Résistance en zone Sud, tous les mouvements subironr les pertes en cascade qui mèneront, en mai aux arrestations capitales du général Delestraint puis de Jean Moulin. Sur ce rapport figurent aussi les noms des responsables de R2 dont ceux de Lécuyer et de Juvénal, mais aussi de Rioufol, de Frenay… et de Hardy, agent Page 17 sur 33 retourné, considéré comme responsable de la trahison de Calluire. Y figurent aussi ceux de responsables locaux aixois, notamment presque tous les adjoints de Lécuyer, accusé de plus, ce qui est exact, d’entretenir des rapports étroits avec la résistance italienne. En septembre 43, les premiers lieutenants à avoir rejoint Lécuyer seront arrêtés : Viger, Curtet et SaintMacary. En novembre, encore une trentaine de personnes dont 10 pour l’ORA, 2 pour l’AS et 6 pour les FTP. L’année 1943 est aussi marquée par une grande rafle de Juifs dans tout le midi donc à Aix. De vieilles familles aixoises seront décimées. Quelques jours plus tard le dernier convoi d’évacuation du camp des Milles quittera la Provence pour Drancy. - 3. Ensuite commence l’année 1944. La résistance imparfaitement unifiée paie très cher son engagement et des erreurs graves comme celle de la création des grands maquis. Mais c’est aussi celle de la récompense. Les FFI prennent une large part à la Libération du territoire. A Aix, la résistance s’est considérablement renforcée. Deux hommes en sont responsables parce qu’ils contrôlent R2: L’avocat socialiste aixois Max Juvenal – Maxence- pour les MUR et l’AS, et Lécuyer pour l’ORA. Les FTP et leur organisme central le COMAC gardent leur autonomie de décision et ne veulent dépendre ni de Londres ni d’Alger. Mais leur combativité est grande et leur organisation si serrée qu’ils obtiendront des moyens une fois conjoints aux FFI, et même, rarement et secrètement, des services anglais. Ce sont les FTP qui organiseront un des épisodes les plus rocambolesques mais aussi des plus courageux de la résistance aixoise : l’évasion et la libération réussie de 27 prisonniers politiques dans la nuit du 24 Avril 1944, tous récupérés prés de Vauvenargues le soir du même jour. Une autre tentative échouera le 1er juillet. Toujours en 1944, les mouvements et les réseaux se sont multipliés. Aux grandes organisations : Mouvements Unis de Résistance, Front national contrôlé par le P.C. et O.R.A. sont venus s’ajouter une multitude de groupes voire de groupuscules qui naviguent quelquefois en électrons libres. Ainsi un réseau regroupant des militaires des Écoles d’Aix qui aurait pris un nom dissuasif et porteur de victoires, celui des « Aigles de l’Empire ». De multiples réseaux étrangers s’y adjoignent : deux seront américains, plusieurs britanniques, très bien organisés et indépendants de la Résistance. Ces réseaux anglais sont chargés des liaisons radio avec Londres, des parachutages, du renseignement, et de l’évasion des aviateurs abattus. Aix est intéressée par la mission « Gardener » qui dépend d’un des meilleurs réseaux britanniques, celui de Buckmaster. Il est aidé par de nombreux aixois qui hébergent les hommes et cachent les armes. Il y a enfin des réseaux français qui travaillent pour les Anglais ce qui leur vaut leur soutien. Le premier sera « Carte », celui de Rioufol avant son départ sur Montauban où il sera arrêté. Le plus célèbre est « ALLIANCE » dont nous avons déjà parlé. Alliance est bien implanté à Aix. Il y dispose d’un radio et d’un terrain d’envol au pied Nord-Est de Sainte-Victoire, à Claps. Alliance et les réseaux Page 18 sur 33 Buckmaster seront démantelés avant de réapparaître, en Provence particulièrement. La ville est enfin entourée par une multitude de petits maquis plus ou moins bien équipés, qui rivalisent souvent entre eux pour les armes (en réalité, ils disputent les parachutages aux grandes formations) et subsistent plutôt mal que bien. Les historiens de la Résistance considèrent que l’année 1944 fut l’année de la Résistance réunifiée. Sur les principes nationaux certes. Les FFI réunifiaient l’armée intérieure et le CNR reconnaîssait l’autorité militaire et politique de de Gaulle. Mais Pouzet est allé plus loin et explique pourquoi il a intitulé son livre « La résistance mosaïque ». Certes elle fait un tout, mais composée de pièces et de morceaux qui ne collent pas toujours ou ne se jointent pas. Partout en France, des résistants privilégient des soucis politiques pour l’après guerre. D’autres pensent à un bouleversement de société, d’autres encore poursuivent des buts personnels car les ambitions ne sont pas absentes.. A partir de 1944, comme la victoire est acquise, ces attitudes se renforcent, les arrières pensés apparaissent et les rivalités de personnes s’aiguisent. Les motivations politiques se font plus fortes et plus apparentes et aucun mouvement n’y échappe. Mais d’autres sans ambitions sont des patriotes qui veulent tout simplement servir. Tout cela s’est passé aussi à Aix. Tous les anciens résistants d’Aix savent que Lécuyer et Juvénal ne s’aimaient pas et que sans la diplomatie du colonel- pharmacien Schuler qui sera le premier « maire » d’Aix libérée, les heurts entre les deux responsables se seraient aggravés. Il est nécessaire de l’admettre pour notre ville comme pour l’ensemble du Pays : La Résistance a souvent réclamé dans les villes comme dans les campagnes une volonté et une puissance capables de défendre ou de recréer son unité. Dans ce contexte, Pouzet est très clair : « L’ORA dans le Pays d’Aix se présentera comme le mouvement fédérateur des volontés de Résistance ». Il se trouve, et cela n’est pas une coïncidence, que le meilleur ouvrage, à ma connaissance, consacré à l’ORA est l’œuvre du Colonel de Dainville qui fut, sauf homonymie possible, lieutenant-instructeur à Aix dans la compagnie de Saint-Cyriens confiée à Lécuyer, et camarade de Morel. C’est l’ouvrage intitulé « L’ORA et la résistance de l’Armée ». 1977. Il convient donc de consacrer quelques lignes à cette organisation qui a groupé la plus grande partie des cadres et élèves- officiers aixois qui ont choisi de se battre sur le sol national. L’ORA est issue de l’OMA « Organisation Métropolitaine de l’Armée », créée dès Décembre 1940 C’est une organisation fondée par le général Frères dont le prestige d’ancien combattant et de chef militaire est très fort. Elle ne deviendra officiellement ORA qu’en 1944. Elle est faite de personnels d’active ou de réserve et son but est de préparer mais surtout d’entretenir ce qui reste de l’armée puis de l’armée d’armistice dans l’esprit de revanche. Son organisation est très hiérarchisée, selon des principes d’organisation militaire. Page 19 sur 33 Un chef d’Etat-major national avec plusieurs adjoints contrôle dans la zone dite libre six régions. Nous savons déjà que R2 correspond à la région PACA. A la tète de chaque région un responsable régional avec son adjoint et un nombre plus ou moins important d’agents de liaison. Pour Lécuyer, l’adjoint sera Ceccaldi et les agents de liaison tous des anciens élèves d’Aix. Un responsable départemental recouvre l’administration en place. Mais les Bouches du Rhône sont divisées en Marseille-Ville avec Ceccaldi et Bouches du Rhônecampagne avec Aix, Salon, Arles et leurs régions qui dépendent de Franchi, commandant de réserve et directeur d’Ecole au Puy- Sainte-Réparade. Ces responsables de départements contrôlent et organisent leurs secteurs. Le secteur d’Aix comprend Aix et les villages qui l’entourent. Il est confié à un jeune lieutenant de la promo 40 / 42 « Maréchal Pétain », Bellec, qui deviendra le « Capitaine Duroc ». Dainville fait bien la différence entre l’O.M.A. qui est l’organisation de résistance de l’armée d’armistice jusqu’en novembre 1942 et l’O.R.A. qui n’apparaît qu’en 1943 et devient un mouvement de résistance actif avec tout ce que cela comporte, y compris groupes armés et maquis. C’est dés février 1943 que le colonel Zeller, adjoint du général Frère a demandé au commandant Agostini qui commandait le 1er bataillon de Cyr à Miollis, de lui faire rencontrer le capitaine Lécuyer pour lui confier en zone sud-est l’organisation clandestine d’une armée se substituant à l’armée d’armistice qui vient d’être dissoute. Le colonel a d’abord essayé, en vain, d’en charger Rioufol. Mais Rioufol est déjà engagé dans le réseau « Carte » qui disparaîtra peu après. Lécuyer accepte et contacte deux lieutenants restés à Aix : Curtet et Viger, puis Cheylus et Saint-Macary. Lécuyer estime dans son livre que l’ORA est née en Février 43 lorsque ses deux premiers élèves –officiers saint-Cyriens sont venus le rejoindre. Viger, « mon premier Maixentais » disait Lécuyer, sera arrêté en septembre 43 avec Curtet et Saint-Macary. Viger s’évadera et sera repris à Nimes, en même temps que le futur Colonel Monguilan, bientôt déporté à Mauthausen, qui nous honore de sa considération. Saint – Macary sera lui aussi déporté à Mauthausen. Ils en reviendront. Quand à Curtet il s’évadera du train qui le conduit dans les camps et rejoindra Lécuyer en Mars 44. Ingénieurgénéral de l’armement, il est décédé en 1999 à Toulon. Parmi les 27 arrêtés de novembre, 10 seront des officiers de l’ORA. R2 devient l’apanage de Lécuyer. Il y porte une double casquette : responsable régional de l’ORA et responsable militaire de R2 pour tous les mouvements. Il l’organise de telle manière que ses officiers de liaison et les responsables locaux de l’ORA dans les Bouches du Rhône sont tous des anciens des Ecoles d’Aix, à l’exception de Franchi, commandant de réserve, assisté d’un homme qui fera son chemin, Louis Philibert. Le responsable de l‘ORA à Aix est Bellec. Celui d’Eguilles est le lieutenant Orsini, Saint- Page 20 sur 33 Cyrien lui aussi. Pierre-Rose, Saint-Cyrien est chargé du secteur de Gardanne. C’est Bellec qui recevra à Aix le 5 juin au soir le message codé de Londres qui avertit les résistants du débarquement : « Méfiez-vous du toréador » et commande la mise en activité des maquis.. C’est lui qui fera appliquer les mots d’ordre : il a 23 ans. La composition des affiliés à l’ORA est particulière en ce sens qu’elle est d’abord faite de 20 % de militaires alors que la moyenne est de 5 % dans les mouvements et on pourrait dire plus faible encore dans les maquis : Pour les 450 hommes de Glières les historiens ont compté « actifs et présents au maquis » jamais plus de 5 officiers et 9 sous-officiers. L’ORA d’Aix compte aussi un nombre important d’étudiants Ces jeunes gens seront instruits et formés aux actions militaires par les adjoints de Lécuyer : Orsini, Bellec, Franchi, Perreaudin aidés par des anciens combattants de 14-18. Ils aident aussi à la réception des parachutages : Le seul bourg du Puy Sainte-Réparade recevra 11 parachutages avant le débarquement de Normandie L’action de l’ORA se prolongera sur le plan politique par la recherche et le maintien de contacts avec les autres mouvements, en particulier les M.U.R (Mouvements Unis de Résistance) dont le responsable régional est l’avocat Juvénal. Lécuyer rencontrera aussi Simon, chef des FTP, ancien combattant de 14-18 qui est chef de bataillon de réserve et « ne parle jamais de politique ». Lécuyer assure que « nous avons assez vite formé un petit triumvirat qui devint ultérieurement l’Etat-Major régional FFI ». (Pouzet : « La résistance mosaïque »). Enfin l’ORA organise ses propres maquis à l’échelon de la région, du département ou du secteur. Elle sera chargée, puisque les forces armées sont désormais réunies dans les FFI, d’établir « un plan général d’opération » tenant compte du milieu géographique politique et humain de R2. En 1944, Lécuyer est devenu aussi responsable FFI des Alpes maritimes. Nice sera libérée par l’action conjointe d’un soulèvement urbain, de l’action des maquis dans l’arrière pays qu’ils contrôlent et de l’arrivée des Américains. La ville ne connaitra qu’un minimum de destructions malgré des combats assez durs les 27 et 28 août. Rappelons que Toulon sera pris le 25 et Marseille libérée le 28. Pouzet ne s’y trompe pas : « Il n’y a pas de doute possible : si l’ORA est autant présente dans le paysage résistant aixois, c’est une des conséquences de l’installation de 1940 à 1942 des Ecoles militaires à Aix en Provence. C’est vraisemblablement aussi à cause- grâce à la forte personnalité du jeune capitaine Lécuyer qui osa alors assurer des responsabilités qui ne relevaient pas de son grade ». Cela explique que le premier mouvement aixoix issu presque spontanément dés la fin de 1940 du devoir de résistance, « Les Patriotes résistants »se rallièrent à l’ORA en février 44. Mais ils étaient en contact depuis 1941avec les instructeurs des Ecoles de Miollis, les capitaines Rioufol et Baffert en Page 21 sur 33 particulier qui leur enseignaient le maniement des armes. Ils venaient de tous les milieux politiques, religieux ou professionnels. Parmi eux des instituteurs et des professeurs, comme Malacrida et Jean Palliard qui enseigna la philosophie de longues années dans notre école. Le groupe des « patriotes résistants », quelquefois appelé « Groupe Andréani », comptera jusqu’à 362 membres en 1942. La répression les frappa en 1943 et quelques uns de leurs membres périrent dans les camps nazis tels Jean Andréani, Rioufol qui en était très proche et Vallière. Les survivants composeront ensuite sous les ordres de Bellec, le premier maquis aixois de l’ORA, entre Aix et Meyrargues, le maquis du Ligourès. Autre hommage mais venant de l’ennemi : Très tardif, 11 août 1944, il prouve l’efficacité du cloisonnement et de l’organisation de R2 et l’absence de collaboration entre l’abwher (Contre-espionnage de l’Armée) et la gestapo qui, comme les SS, émane du parti nazi. : « L’ORA est la plus forte organisation militaire de la 2ème région. A sa tête se trouve le capitaine d’active Lécuyer, d’Aix ». Autre preuve, le général Wiese, commandant la XIXème armée allemande répartie sur tout le littoral entretient deux corps d’armée plus une panzer en Provence mais un seul en Languedoc qui offre pourtant les meilleures plages de débarquement et les espaces de manœuvre les plus larges mais de plus faibles dangers d’action des maquis. C’est pourquoi il se méfie davantage de la côte d’Azur et de la Provence et y entretient de fortes garnisons, surtout à Marseille et Toulon et prés de 30 000 personnes dans l’arrondissement d’Aix. La résistance groupera environ 1000 personnes dans le pays d’Aix. Mais 10 % environ seront actives en juin 1944 avant la levée des maquis. Il faut ajouter à ces 10% d’actifs les pertes qui ont précédé 1944 : De 1940 à 1943, Aix a connu 300 perquisitions, 150 arrestations, 30 déportations et plusieurs exécutions. 15 personnes décèderont en 1944 du fait de ces arrestations. La Résistance souffrira ensuite beaucoup pendant les 8 mois qui précédent la libération. Arrestations nombreuses, fusillades, déportations, et surtout échecs sanglants des maquis hâtivement activés le 6 juin à l’appel de Londres. A Jouques : 15 morts. A Sainte-Anne : 100 morts et à Saint-Antonin : 15 morts. Le 18 juillet c’est le massacre de Signes : 38 exécutions dans ce petit village du Var. En ville, la pression policière sur les cadres de la résistance devient très forte parce qu’il faut empêcher les responsables de reconstituer les maquis. C’est pourquoi de nombreuses arrestations continuent à frapper les réseaux et les mouvements entre le 6 juin et le 15 août date du débarquement en Provence.Mais la ville ne baisse pas les bras et le 21 juillet c’est une foule immense qui mène le résistant Prados, à sa dernière demeure. L’action devient militaire et ouverte. Entre le six juillet et la libération du Pays d’Aix tous les ponts qui mènent à Aix sont détruits et les actions de sabotage ne se comptent plus. Après le débarquement en Provence, la répression devient implacable. Le 17 août, tout prés Page 22 sur 33 du Lycée, sur la route du Tholonet, au Vallon des Gardes, six jeunes gens seront assassinés, mitraillés dans le dos. Deux autres, les frères Noat, policiers membres de l’ORA, mourront probablement sous la torture ou seront achevés.. Trois autres seront tués la veille de la libération de la ville, prés de Vauvenargues ou de Venelles devant les Américains qu’ils guident vers Aix. Max Juvénal y perdra l’usage d’une main. Mais les Aixois sauront aussi faire payer leurs pertes. Les agents de la gestapo connus sont systématiquement liquidés, souvent en pleine rue, pour l’exemple et pour prouver l’existence et la force de la Résistance. Les traîtres français sont particulièrement visés. A Aix, la Gestapo et ses séïdes français perdront huit agents abattus en pleine rue. A l’autre bord, certains jeunes aixois ont « peut-être » été miliciens ou sur le point de le devenir. Pouzet estime « qu’il faut savoir discerner sans haine » et admet qu’ils aient pu échapper au pire. Pendant toute cette période les locaux de Miollis qui sont en bordure du boulevard des Poilus et, comme on peut toujours le voir fortement barreaudés, servent de prison à la gestapo. Les victimes du massacre du vallon des Gardes arrêtés le 16 août y seront incarcèrés. Ils y trouveront une famille entière de résistants raflés une semaine auparavant et laissés sans nourriture depuis quatre jours. Au milieu de la nuit, 15 nouvelles entrées viendront grossir le nombre de captifs. Les futures victimes du vallon des Gardes en seront tirées le 17 à huit heures du matin. Cette prison aura retenu un moment une dame célèbre, seule femme responsable d’un réseau en France, et même d’un grand réseau puisqu’il s’agit de Marie-Madeleine Fourcade, responsable du réseau « ALLIANCE ». Madame Fourcade a laissé ses Mémoires dans un livre intitulé « L’Arche de Noè », paru en 1968. Elle a été élevée au couvent des Oiseaux, elle est mariée à un officier et elle tient le secrétariat d’une publication parisienne très anticommuniste. En décembre 1940, elle entre dans le réseau « Navarre », lui aussi connoté bien à droite. Elle en prend la direction lorsque son chef et fondateur qui n’est autre que Loustanau –Lacau, Saint-Cyrien condisciple de De Gaulle à l’Ecole de Guerre, antiallemand, antigaulliste et anticommuniste est arrêté par Vichy... Il sera ensuite déporté à Mauthausen. Fin 1941 le réseau est devenu « Alliance ». Il travaille pour les services britanniques et peut compter sur 3000 volontaires. Mme Fourcade l’installe alors à Marseille. Elle dispose de six émetteurs radio répartis dans toute la France et couvre tout ce qui peut être renseignement, sabotages, passages, liaisons. C’est « Alliance » qui organisera le départ en sous-marin anglais de Giraud en Afrique du Nord et aidera à l’évasion de Vals les Bains où il est en résidence surveillée, du général Cochet qui deviendra un des responsables des organisations militaires de zone sud au moment Page 23 sur 33 du débarquement en Provence. (La réussite de la percée et les succès rapides remportés par les FFI et les alliés jusqu’en Alsace tiennent en grande partie à la qualité de la coordination mise en place par Cochet). Le chef militaire du réseau « Alliance » est un AET sorti de Billom. C’est le colonel Faye qui sera arrêté deux fois avant d’être tranferré en Allemagne, emprisonné dans des conditions atroces et éxécuté par les SS à la prison de Kustrin avec 818 autres prisonniers. Son corps brulé au lance-flamme ne sera jamais identifié. Madeleine Fourcade étend toujours l’influence de son réseau qui victime d’une trahison a pourtant perdu en une seule fois environ trois cents membres, dont Faye.. En mars 44 « Alliance » rentre au BCRA du futur gouvernement provisoire de de Gaulle. En août 44 elle descend en Provence et c’est alors qu’elle est arrêtée à Aix où elle doit contacter son radio « Grand-Duc » sur la route de Vauvenargues, à la sortie de la ville. Conduite à Miollis, elle parvient très difficilement à s’évader de sa geole en passant à travers les barreaux de sa fenêtre. Elle erre ensuite perdue dans la ville, jetée à la porte par les habitants d’une villa qu’elle a réveillés à la fin de la nuit puis aidée au petit jour par une âme compatissante et discrète qui lui indique la route de Vauvenargues. Elle arrive chez Grand-Duc à 7 heures pour s’y évanouir autant de fatigue que de fierté. Marie- Madeleine Fourcade sera Compagnon de la Libération et première femme honorée par des obsèques officielles aux Invalides. LE SOUVENIR DES MORTS DE LA RÉSISTANCE AIXOISE Le souvenir des morts de la Résistance aixoise est rappelé par les 80 noms de la plaque de marbre apposée sur un des murs de la Place de l’Archevéché appelée à cet endroit « Place des Martyrs de la Résistance ». Mais à mon sens le vrai monument aux morts de cette guerre c’est celui de la Place du Forum des Cardeurs tout prés de la Mairie avec la phrase du poète, sur la fontaine qui l’accompagne : «J’ÉCRIS TON NOM, LIBERTÉ ». Il concerne le plus grand de tous les combats et même, parce que la Liberté est universelle, celui des Allemands qui souhaîtaient la disparition du nazisme et qui comme les nôtres sont morts assassinés dans les prisons ou dans les camps. Je sais par témoignage qu’il y avait des Allemands déserteurs antinazis dans certains maquis des Basses-Alpes. On y trouvait aussi ceux que la Whermacht avait incorporés de force et notamment des polonais, sans compter évidemment les hommes des départements français annexés. Des jeunes Allemands résistants de l’âge de nos élèves ont aussi été exécutés – on a dit, à la hâche !- dans leur pays parce qu’ils étaient anti-nazis. Page 24 sur 33 LA LIBÉRATION D’AIX - 1. Pour sa Libération, Aix a fait les choses en grand. Elle s’est offerte trois libérateurs et deux dates commémoratives. Comme les Aixois eux- mêmes ne sont d’accord ni sur le jour ni sur les modalités du retour de la Liberté ni sur ceux à qui ils le doivent, nous nous en tiendrons à une relation des faits les moins contestés, ce qui devrait avoir pour effet de faciliter l’intégration du Lycée à la ville et d’y favoriser l’enseignement d’une discipline qui m’est chère. Mais si nous pouvons aujourd’hui sourire de cette profusion, n’oublions que de milliers d’habitants de cette ville ont pleuré en revoyant les trois couleurs flotter sur le beffroi ou en chantant leur première Marseillaise autour des chars américains sur la place des Précheurs. Ce jour là fut sûrement pour l’immense majorité des Français qui le vécurent le plus beau de leur existence. Pour ceux qui ne l’ont pas connue, célébrer la Libération est un devoir de mémoire et de reconnaissance. Voici l’essentiel de ce qui s’est passé à Aix. L’essentiel des faits. Le reste, la joie, le bonheur, la fierté, les rires et les larmes reste indescriptible. L’agitation commence dés le débarquement du 15 août en Provence. Le couvre- feu fixé à neuf heures est draconien. Le surlendemain ce sera le massacre du vallon des Gardes. Un garçon qui fera le mort échappera à cette tuerie. Jean Ely laissera à l’occasion d’un transport de justice sur les lieux du drame, alors que les Allemands sont encore à Aix et qu’ils interdisent les photos, les clichés qui témoignent de cette tragédie. Nous devons noter à ce propos que l’ouvrage « La seconde et le siècle », déjà évoqué comme témoin exemplaire de la vie à Aix depuis cent ans ne consacre pas moins de 15 photos et autant d’articles aux évènements de 1940 à 1944. - 2. La libération commence le 19 août au matin avec une activité aérienne très forte d’attaques alliées au sol. Toute la journée du 19 et même le 20 jusqu’à 13 heures les convois allemands traversent la ville, toujours occupée.. Avant de se répartir sur les collines environnantes les troupes allemandes font sauter deux arches du grand viaduc qui enjambe la vallée de l’Arc et le pont routier appelé Pont de l’Arc sur la route de Marseille. Des combats sporadiques ont lieu dans la nuit, à Venelles en particulier et à Vauvenargues entre Page 25 sur 33 occupants et FFI.qui déplorent trois morts. Juvénal est grièvement blessé. Aix est entièrement isolée. Les derniers ponts sur la Durance et sur l’Arc sont sabotés. Le 20 août l’activité aérienne reprend. A treize heures les Américains du 13ème régiment d’infanterie de la 3ème division de la 7ème armée U.S. en Europe qui ont débarqué à Cavalaire, se sont battus à Draguignan puis à Brignoles et enfin dans la nuit à Trets sont signalés au sud d’Aix. A 17 heures des combats d’infanterie ont lieu dans la même zone. Tout le monde pense que les Américains vont arriver par les routes de Marseille ou de Nice. A 18 heures les combats continuent autour de Tréts, à 20 Km d’Aix. Mais d’autres troupes US arrivent aussi à l’est, par Jouques, Peyrolles et la vallée de la Durance. Dans la soirée la jonction entre « les forces libératrices » et les FFI se fait à Venelles et Vauvenargues. Des combats assez violents ont lieu dans la nuit du 20 au 21 autour du plateau d’Entremont qui font au moins huit morts allemands. Au matin du 21, leurs corps seront déposés et alignés au Puy du Roi, sur le bas-côté de la route qui mène à Puyricard. (Témoignage familial). Voir carte ci- jointe. Dans la nuit du 19 au 20 les Allemands ont commencé à quitter Aix. Leur déménagement durera le 20 jusqu’à 15 heures. A partir de ce moment un silence de mort tombe sur cette ville vide. Puis l’agitation renaît. Des groupes commencent à piller les réserves alimentaires allemandes entreposées dans l’hôtel du Roi René et au Lycée Mignet. Un groupe partira avec 200 kilos de chocolat ! On marchait sur les pâtes et le riz. Ce spectacle d’une abondance revenue et gaspillée ne durera qu’une fin d’après-midi d’août. Un peu plus tard dans la soirée, les hommes du 4ème groupement FTP qui ont préparé l’occupation des édifices publics s’en emparent, à l’exception de la Poste et de la souspréfecture toujours occupée par Max Moulins très favorable à la résistance mais réfractaire à l’installation d’un pouvoir de fait. Il conservera son poste, ce qui fut assez rare ailleurs dans cette conjoncture. Deux groupes de FTP de vingt hommes rentrent dans l’Hôtel de ville. Trois d’entrent eux hissent le drapeau tricolore sur le beffroi. Le maire nommé par Vichy, et dont personne n’avait eu à se plaindre, est prié de « déguerpir ». « C’est un coup de force, un abus de pouvoir » que le Colonel Schuler, nouveau Président de la Délégation spéciale reprochera au responsable de cette initiative : C’était à lui Président du Comité de Libération de la Ville de le faire. De là naîtra la première version de la Libération d’Aix reprise par la plaque apposée sur le beffroi qui rappelle que le 20 Août, « Les FTP ont libéré la Cité, qu’ils en ont chassé la municipalité et remis les pouvoirs au « Comité de Libération » de la ville qui regroupe les représentants de tous les mouvements civils ou armés de la Résistance ». Première libération le 20 Aout par les FTP aixois et remise des pouvoirs le 21. Page 26 sur 33 Toutefois, dans la nuit des groupes de combat : « Corps francs de la Libération » ( C.F.L.) de l’A.S sous la direction de Jean Juvénal et « Organisation de Résistance Armée » - ORA- de Bellec, achèvent le nettoyage des alentours de la ville. Pour certains témoins, la présence allemande en ville était encore bien réelle et de nombreux aixois, y compris les FTP qui occupaient l’Hôtel de ville craignaient un retour offensif allemand. Les huit morts du Puy du Roi témoignent de leur présence encore tout proche. - 3. Le 21 Août à 5 heures cinquante du matin les combats reprennent à l’est et au sud–est. Mais un commando U.S. comprenant un Français est déjà à Bibémus depuis la veille. Il y soupera et couchera en attendant le matin. Au Nord-Est, les Américains se sont séparés en deux groupes tous les deux éclairés par les FFI. Le premier remonte par Venelles, emprunte une petite route qui va vers Puyricard , descend sur Aix par SaintEutrope et arrive place des Prêcheurs par la rue Mignet. Ce sont les hommes de l’ORA, avec Bellec, qui les y ont conduits. Le second groupe américain arrive par Vauvenargues et emprunte la route qui est coupée au pont de Béraud, face à l’actuel Lycée Cézanne. Les Chars prennent alors sur leur gauche vers le parc de la Cortésine mais bifurquent avant de s’y engager et remontent sur Aix, par la traverse Barret après avoir franchi un bras de la Torse. Le Shermann de tête, avec ses 32 tonnes tranchera l’angle de la maison qui en rétrécit le passage et rejoint par la traverse du RICM et l’avenue des Arts et Métiers ceux qui sont descendus par la Rue Mignet et stationnent déjà sur la place du Palais. Ceux- là sont guidés par l’A.S. Donc deuxième libération, le 21 dans la matinée par d’autres libérateurs : L’ORA, l’AS et les Américains. Les FTP qui occupent la ville diront : « Nous l’avons symboliquement livrée aux Américains ». Un troisième groupe US arrivera un peu plus tard par la route de Nice. Sur un trottoir, à Palette, un ancien combattant de 14-18 en grand uniforme de cuirassier aurait salué de son sabre les G.I. éberlués qui passent devant lui. - 4. C’est fini. La matinée n’est pas encore terminée. Aix pavoise tout comme l’Hôtel de ville déjà couvert de drapeaux. Les chars descendent par la rue Espariat et l’Avenue Victor Hugo vers la gare. Une « Traction » FFI circule en ville et la nettoie, sous les applaudissements, des inscriptions et pancartes allemandes. Puis elle rejoint les FTP qui ont passé la nuit dans l’Hôtel de ville. C’est le début de la fête. C’est aussi celui de l’apparition d’une « justice » spontanée faite de règlements de compte, d’arrestations souvent arbitraires, d’exactions et de femmes tondues Ceux qui vécurent les horreurs de la répression nazie attendaient de ces moments une justice immédiate. Pour d’autres une vengeance aveugle ou un goût de la violence que la guerre avait exacerbé. « La Provence Libérée » du 26 Août écrira : « Et c’est enfin le lamentable défilé des quelques misérables, hommes et femmes, qui n’hésitèrent pas à se mettre à la solde des Boches, pour le plus Page 27 sur 33 grand malheur de nombreux patriotes. Une foule hurlante salue de huées, de lazzis et de cris de mort, l’arrivée de ces déchets d’humanité. Ils sont jugés et châtiés. Nulle voix s’élèvera pour exhaler le moindre sentiment de pitié et sera justice ». Quelques jours plus tard « la Provence libérée » demandera l’application d’une justice plus légale. Mais il faut aussi comprendre sans pour autant les admettre, que des pulsions de haines incontrôlées aient pu alors s’exprimer sans retenue. L’après-midi les groupements de résistance et les FFI qui ne sont pas au combat défilent sur la place du palais. Deux photos : Troupes populaires en armes, plus ou moins hétéroclites dans leur vêture et leur armement ou forces mieux armées, en uniforme, témoignent de la diversité des conditions de tous ceux qui ont permis une libération rapide et pour ainsi dire paisible de la ville. Les Américains ne s’y trompent pas. Pour eux, tous ces combattants, hommes et femmes, sont des « patriotes » et ils reconnaissent que leur action a été déterminante. Ils ne s’embarrassent pas de fioritures. Ils font la guerre et n’aiment pas les pertes inutiles. Ils savent que les FFI , quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent leur ont donné un sacré coup de main. Avec leurs maquis qui retenaient des troupes et faisaient surtout régner l’insécurité autour d’elles, leurs agents de liaison, leurs cartes et leurs éclaireurs, leur courage et leur apprentissage difficile mais efficace de la guerre d’abord secrète puis ouverte, leur rôle a été déterminant.. « Les routes étaient ouvertes diront les Américains, Il n’y avait qu’à passer. Chaque fois que nous arrivions dans un village dans lequel les Allemands nous avaient été signalés, vos jeunes patriotes l’avaient déjà pris et ils venaient nous l’annoncer un petit sourire aux lèvres ». C’est cette libération rapide de la Provence intérieure qui permettra le raid du Groupement Butler par l’intérieur des Alpes jusqu’à Grenoble et sa jonction avec les maquis qui s’y étaient multipliés. Sur leur route les villes sont souvent déjà libérées, comme Manosque par l’A.S de Jean Vial. « Souvenirs d’un résistant ». Aix a rendu hommage à ses libérateurs. L’arrivée des Américains par l’intérieur est aujourd’hui rappelée par un monument et une plaque du « Souvenir Français » à l’entrée orientale de Vauvenargues où commence la « Route de la Libération ». De même la route empruntée au nord de la ville qui mène de Venelles à Puyricard est devenue « l’Avenue du Colonel Bellec ». La ville ne connaîtra, ponts exceptés, qu’un minimum de dégâts. Le Lycée des Prêcheurs recevra une bombe perdue, probablement pendant le bombardement de la Gare. Un train sera mitraillé à Luynes. En se retirant d’Aix l’ennemi fera sauter quelques wagons de munitions. Cet heureux dénouement n’a pas directement impliqué les forces de la Première Armée française qui ne porte d’ailleurs pas encore ce nom le 21 août 1944. Aix ne fut que Page 28 sur 33 traversée deux ou trois jours après la libération par une colonne de la 1ère DFL appelée depuis quelques mois 1ère D.I.M. (division d’infanterie mécanisée) commandée par le Général Brosset en direction d’Éguilles et de Salon. Une stèle rappelle leur passage à Célony. Il faut prendre en compte que commandos exceptés, les Français n’ont commencé à débarquer que le 17 août. Mais Aix n’a surement pas été libérée par des troupes françaises. Une carte établie par l’E.M. du général de Lattre pour la libération de Marseille le montre bien. Entre le 20 et le 28 août, au moment des combats pour Marseille, le trajet supérieur Nord des troupes françaises (Première Division Blindée et 2ème R.S.A.R.) évite Aix et passe par Sainte-Zacharie, Gréasque, Gardanne, contrôle au passage l’aqueduc de Roquefavour qui conduit l’eau à Marseille et continue par Lançon sur Salon. Par contre les plaques et monuments qui évoquent leur passage dans Aix libérée n’ont pas à être contestés. Audibert, l’aspirant qui s’est emparé de Notre Dame de la Garde avec ses tirailleurs algériens et dont la mère habite Aix, le confirme. Résumons-nous : Aix presque totalement abandonnée par l’ennemi est occupée plutôt que libérée par les résistants FTP qui occupent l’Hôtel de ville le 20 au soir et par ceux, AS et ORA, qui, après combats, accueillent à l’est du Pays les avant- gardes de la 3ème Division U.S. Ils conduiront leurs troupes et leurs chars dans le centre ville le 21 au matin. La « délégation municipale spéciale » issue du Comité de Libération d’Aix dans lequel tous les partis et organismes résistants sont représentés, avec à sa tête le Colonel Schuler, prend possession de l’Hôtel de ville d’où les FTP se sont retirés. Les troupes françaises régulières qui ont débarqué à partir du 17 août, n’ont pas directement participé à cette libération.. Mais cela n’enlève rien aux mérites de la future Première Armée. Il est inutile de redire le rôle qui lui est reconnu. L’essentiel était que les Français fussent présents et ils le furent par les soldats de la Résistance. Page 29 sur 33 LA PARTICIPATION DES PROVENÇAUX La participation des Provençaux de souche ou non au conflit avait depuis quatre ans pris de multiples formes. Mais les pertes humaines pour l’ensemble du Pays d’Aix, compte tenu que la ville a échappé aux bombardements dévastateurs et meurtriers, ne dépassent pas 500 personnes pour l’ensemble de la guerre, dont 150 pour les combats de 1940 et ceux de 44-45 et 300 pour l’occupation et la résistance : 150 dans les maquis ; 50 non rentrés de déportation dont de nombreux aixois de confession israélite ; 80 exécutions sommaires ou assassinats par la gestapo ou la milice. Enfin quelquefois abattus dans les rues ou pendus aux platanes du Cours Mirabeau (3 en août et un en décembre 44) 15 à 20 victimes de l’épuration spontanée ou légale. Il convient enfin de rappeler la déportation des internés du Camp des Milles envoyés à la mort par Vichy en juillet 1942 puis en février 43 sur ordre des nazis. Page 30 sur 33 Aix et le pays d’Aix ont aussi joué leur rôle en dehors de leur secteur. Les mouvements et réseaux importants y étaient représentés. Deux des principaux responsables de R2 : Lécuyer et M. Juvénal étaient à Aix. Leurs responsabilités, différentes ne les ont jamais opposés jusqu'à la rupture. Ils sont même allés jusqu’à passer des accords avec la Résistance italienne pour ouvrir la frontière aux hommes des maquis. Ce sont les accords de Saretto qui serviront successivement aux Français et aux Italiens. Nous savons aussi que certains réseaux étaient installés chez nous en permanence comme « Alliance » avec ses radios et ses champs d’atterrissage. Il a souvent été question à Aix et ailleurs de l’inutilité de la mobilisation générale des maquis à partir du six juin 44 et des horreurs qui ont suivi. Il est possible que cette action ait été prématurée. Mais elle fut commandée par les responsables de Londres ou d’Alger. Les 150 morts dont nous avons parlé plus haut furent-ils inutiles ? Qui peut l’affirmer ? Cette mobilisation s’était faite dans l’ordre. Les premiers maquis y ont fait la preuve de la présence, de la combativité donc de la menace que d’autres combattants pouvaient faire peser sur les occupants. Plus tard d’autres maquisards reprendront l’action armée. Ils ont incontestablement favorisé le débarquement du 15 août et ils en ont même quelquefois assuré l’extension en ouvrant les routes de l’arrière-littoral. La libération rapide d’Aix favorisera par exemple celle de Marseille en tenant fermé l’ouest et le nord du grand port. C’est pourquoi on peut lire dans la plaquette éditée par la ville avec le concours de tous les mouvements de résistance et des anciens combattants à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Libération : « Tous les maquisards massacrés de Jouques et de Sainte-Anne, les tués au combat de Venelles, les assassinés du vallon des Gardes, les fusillés et les pendus et les déportés, tous les déportés, victimes de la Barbarie nazie ne sont pas morts pour rien. Ce sont eux, en premier chef les libérateurs de notre Ville ». Encore un mot avant d’abandonner mais pas d’oublier cette période. Dés la fin de 1944 un certain nombre d’officiers issus du maquis se retrouveront à Miollis, certains sous l’autorité du Colonel Agostini revenu dans son Ecole. Il mettra quelques réticences à les prendre au sérieux. Les anciens FFI se vengeront en traitant de « naphtalinards » ceux qui n’avaient répondu qu’après 1944 à l’appel pour servir et attendaient de se joindre à une armée régulière, ce qui n’était pas le cas d’Agostini. Peu importent ces chamailles. Ceux de L’ORA continueront à se battre dans le Commando Colson qui conclura cette triste mais finalement glorieuse période de notre histoire en allant tremper son fanion dans les eaux du Rhin et du Danube. Page 31 sur 33 Vouloir établir un bilan de cette période ne serait que prétention inutile. Pour ce qui concerne toutefois les élèves-officiers qui ont occupé nos murs, par la Résistance qu’ils ont largement alimentée dans tous les domaines de la guerre secrète ou ouverte et par leur participation active aux combats à partir de 1943 dans les armées régulières, ils ont joué un rôle qui a été sinon négligé, du moins regrettablement dévalué, alors que dans le pays d’Aix il fut peut- être essentiel . Ils ont aussi favorisé par leur jeunesse et leur enthousiasme le retour difficile mais réel à l’unité de l’Armée : En 1945 le service de l’Etat de droit ne pose plus de problème aux jeunes officiers. Enfin l’Armée est dans la Nation. C’est une autre réussite. Pour conclure sur ces années noires qui ont vu passer nos armes du malheur à la victoire et les meilleurs de nos fils reprendre le glaive brisé, retenons qu’il y a chez tout homme une volonté de faire face aux circonstances et un fatalisme à les accepter. Il est difficile de comprendre à quelle urgence il faut répondre lorsque l’univers dont on se croyait assuré s’effondre. Mais rien, rien n’est jamais perdu lorsque les principes pour lesquels on veut se battre sont universels. LE R.I.C.M. A TENU GARNISON A AIX-EN-PROVENCE, CASERNE MIOLLIS de 1934 à 1939. Cette unité légendaire créée par le Maréchal Lyautey en 1914 s’est illustrée sur tous les champs de bataille au cours des deux guerres mondiales et sur les TOE. Elle a participé à la défense de la NATION à tous les moments difficiles de son Histoire. - En 1916 par la reprise du Fort de DOUAUMONT. - En 1940 par la défense héroïque de Château- neuf en Thimerais. Il mérite la qualification de : « Premier régiment de France » En novembre 1942, tenant garnison au Maroc, le RICM, sous les ordres du colonel Bethouard, refuse de s’engager contre les troupes américaines qui débarquent. Page 32 sur 33 En 1944 par la bataille de Toulon et la réduction de la presqu’ile de SaintMandrier puis par la libération de l’Alsace avec la prise de Deule et de Sépois. Le drapeau du RICM, le plus décoré de l’Armée française selon certains est titulaire des distinctions suivantes : Légion d’Honneur Médaille militaire et Croix de guerre 1914 – 1918 avec 10 palmes. Croix de guerre 1939 – 1945, Croix de guerre des TOE avec 5 palmes. On a créé pour lui la double fourragère 1914 – 1918 aux couleurs de la Légion d’Honneur et de la Croix de guerre Il porte la fourragère 1939-1945 aux couleurs de la Croix de guerre, la Fourragère des T O E aux couleurs de la médaille militaire Le RICM est aussi honoré de nombreuses décorations étrangères Le RICM et devenu en 1958 le Régiment d’Infanterie et Chars de Marine. Page 33 sur 33