CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL SESSION ORDINAIRE DE 2015 COMPTE RENDU INTÉGRAL Séance du 14 janvier 2015 --Inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques --- 3 SOMMAIRE INEGALITES ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES : IDENTIFIER LES URGENCES, CRÉER DES DYNAMIQUES ..... 5 PRESENTATION DU PROJET D’AVIS .................................................... 8 DISCUSSION GÉNÉRALE........................................................................ 16 Agriculture - M. Ferey ........................................................................ 16 Environnement et nature - M. Bougrain Dubourg .............................. 18 UNAF - M. Féretti .............................................................................. 19 Mutualité - M. Beaudet....................................................................... 20 Artisanat - Mme Amoros .................................................................... 22 CFTC - Mme Parle ............................................................................. 23 UNSA - M. Bérille ............................................................................. 24 CGT - Mme Cailletaud ....................................................................... 25 Associations - M. Allier ..................................................................... 26 CGT-FO - M. Porte ............................................................................ 28 Entreprises - Mme Tissot-Colle .......................................................... 29 Personnalité qualifiée - Mme Meyer .................................................. 30 CFDT - M. Blanc................................................................................ 32 Coopération - M. Verdier ................................................................... 33 Professions libérales - Mme Riquier-Sauvage .................................... 34 CFE-CGC - M. Artéro ........................................................................ 36 Outre-mer - M. Janky ......................................................................... 37 Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse - M. Dulin....... 38 VOTE SUR L’ENSEMBLE DU PROJET D’AVIS .................................. 40 ANNEXE ...................................................................................................... 41 Annexe 1 : Inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques - Diaporama illustrant les propos de Pierrette Crosemarie, rapporteure ................................................................. 43 5 Présidence de M. Jean-Paul Delevoye La séance est ouverte à quatorze heures trente. M. le président. Je déclare la séance ouverte. INEGALITES ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES : IDENTIFIER LES URGENCES, CRÉER DES DYNAMIQUES M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de notre assemblée plénière prévoit l’examen du projet d’avis - Inégalités environnementales et sociale : identifier les urgences, créer les dynamiques - présenté par Pierrette Crosemarie, rapporteure, au nom de la section de l’environnement, présidée par Anne-Marie Ducroux. Il n’échappe à personne que cet après-midi est aussi empreint d’une gravité et d’un moment de solidarité, puisque la section de l’environnement, avait exprimé le vœu que le rapporteur soit Patrick Minder. Il avait été extrêmement touché par cette marque de confiance et très, très marqué par le fait qu’on lui confie quelque chose qui était au cœur de sa propre vie : la lutte contre les inégalités. Très jeune, Patrick Minder s’était forgé au combat contre les injustices. Très jeune, il avait été préoccupé par la problématique de la jeunesse. Son président de groupe, Thierry Lepaon, disait à quel point il appréciait de se baigner au cœur de la jeunesse. Cet après-midi, ce rapport et ce projet d’avis seront rendus sous le regard de Mme Minder - qui est à la tribune et que je salue - entourée de Thierry Lepaon son président de groupe, du président du groupe du CESER de la région PACA, ainsi que de nombreux autres membres. Madame, nous voulions vous dire à quel point nous étions sensibles aux qualités humaines de Patrick. C’était quelqu’un qui n’imaginait pas un seconde rester inactif. Il ne se concevait que dans l’engagement, mais avec un profond respect de chacun. Il avait la volonté de ne pas bousculer, mais de combattre. C’était un travailleur, un acharné, un obstiné qui regardait les choses en face. Sa franchise, la clarté de ses positions, l’absence d’ambiguïté faisaient que les rapports étaient d’une extraordinaire richesse. Les combats nourrissaient sa vie. On sentait à quel point il mettait toute la réflexion, toute l’écoute, tout l’enrichissement par l’autre au service de la meilleure des réponses à apporter au système des inégalités, qu’il s’évertuait à refuser et qu’il contestait en permanence. 6 Lorsque la maladie l’a frappé, nous avions tous été impressionnés par sa volonté de la regarder droit dans les yeux, comme il avait l’habitude de regarder les difficultés et les défis, debout, en pensant aux autres, aux siens, à ses proches et en montrant à quel point nous avions été tous soudés unanimement - sa section, l’ensemble du conseil - autour de celles et ceux qui, comme dans une famille et comme encore dans notre assemblée, luttent contre la maladie. Patrick - c’était tout à fait dans son état d’esprit - savait nous insuffler une énergie alors que l’on se demandait tous comment l’aider dans le combat qu’il était en train de mener. Nous avons tous été marqués par sa disparition, par le brutal silence, assourdissant, qui frappait cette assemblée. En présence du secrétaire général de la CGT, de sa famille, nous avons rendu un hommage solennel à plusieurs reprises pour ses qualités d’homme, de syndicaliste, de combattant des idées. Aujourd’hui, nous ressentons plus que jamais son poids, sa présence, sa motivation. Nous avons tous à cœur de ne jamais oublier ce que je disais hier au moment des vœux, à savoir à quel point la fragilité de nos vies doit nous en faire goûter le prix, mais qu’une vie ne vaut rien si on est seul et que la qualité des liens qui nous permettent d’affronter et de surmonter des épreuves - comme de partager les moments de bonheur - c’est peut-être, aussi, ce qui fait la richesse de notre assemblée. Nous sommes très sensibles, Madame, au fait que vous soyez présente. Croyons - ou pas - au fait que, de par l’au-delà, les messages seront entendus par Patrick Minder, à travers la voix de la rapporteure, la voix de l’assemblée et son vote. Nous sommes aussi très touchés que tous vos camarades aient souhaité vous accompagner dans ces moments de solennité, mais aussi de profonde amitié. Nous sommes aussi sensibles à la présence de Thierry Lepaon. Les uns et les autres, dans nos aventures collectives et parfois publiques, savons à quel point ce qui compte, ce n’est pas tellement les mandats, mais la richesse des personnalités, des caractères, des tempéraments. C’est intéressant de retrouver les visages que l’on aime et de pouvoir leur exprimer la sympathie que nous nourrissons à leur endroit. Avant de céder la parole à Mme Crosemarie, je voudrais qu’à sa demande, nous entendions Mme la présidente de votre groupe, Fabienne Cru-Montblanc, qui va nous délivrer quelques mots. (Applaudissements) Mme Cru-Montblanc, présidente du groupe de la CGT. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers, Chère Martine, mes camarades, la disparition de Patrick, il y a deux ans, a soulevé de la colère, de l’émotion, de la peine, et aussi tellement de reconnaissance pour son engagement dans la CGT et son investissement au Conseil économique, social et environnemental. Il est difficile de rendre hommage à Patrick tant il comptait, de trouver les bons mots pour exprimer les événements et les dates qui font une vie, de vous compter les qualités uniques qui illuminent un camarade et un ami. 7 Patrick a connu un parcours plutôt inhabituel au sein de la CGT, qui le conduira jusqu’au CESE en 2010. Très jeune, à moins de 30 ans, il fût membre de la Commission exécutive confédérale, notre direction, entre 1989 et 1992. En 1991, il décide de partir dans le Midi pour fonder sa famille auprès de Martine. Ils ont une fille ensemble, Sylvia. Dans le même temps, il intègre le collectif du Comité régional PACA. Patrick n’était jamais dans l’affectif, mais toujours dans l’argumentation, animé d’un sens aigu des responsabilités et du rassemblement. C’est fort de ses convictions, de ses analyses - quels que soient les accords ou les désaccords qu’il a toujours porté les propositions de la CGT, notamment dans les débats des deux sections dans lesquelles il siégeait au CESE. Il savait aussi que l’on n’a jamais raison tout seul. Il savait être à l’écoute de ses camarades et de ses contradicteurs. Il se nourrissait de leurs arguments pour mieux les convaincre, pour mieux nous convaincre. Très attaché aux fondamentaux de la CGT, il savait aussi que notre organisation devait évoluer pour être toujours en mesure de défendre et d’améliorer la situation d’un salariat et d’une société en pleine mutation. C’était évidemment un être remarquable, mais aussi un homme drôle, intelligent, joyeux, heureux de vivre, et parfois même en colère. Il était exactement le contraire d’un dogmatique rempli de certitudes. Son intelligence toujours curieuse de tout s’abreuvait à toutes les sources, sans avoir peur de l’ouverture aux autres, sans ressentir l’effroi du doute. C’est à l’inverse, au doute, à l’analyse constructive qu’il faisait appel pour faire avancer sa propre réflexion toujours plus loin, en la préservant de la stérile certitude. Il était un homme très actif, mais savait faire la part des choses entre le temps du débat et celui de la décision, car très respectueux de la démocratie. Il était précis et rigoureux dans tous les domaines et c’est sans concession qu’il se livrait pour ses convictions. C’est avec ce même engagement et cette opiniâtreté qu’il a permis à la CGT d’asseoir son autorité et son rayonnement au sein du CESER de PACA, de permettre à ses militants d’accéder à d’importantes responsabilités et d’en devenir même le premier vice-président pour ensuite passer le flambeau à son ami et camarade Jean-Paul, que je salue. À ce propos, il a aidé à faire émerger, pas à pas, au sein de notre organisation, la nécessité de s’emparer des enjeux territoriaux, car rien ne lui échappait sur les enjeux de l’activité CGT en territoire, de sa complexité et du besoin de l’impulser, de la faire prendre en compte et de l’organiser. Récemment, la direction confédérale, Thierry Lepaon en particulier, avait décidé la création d’un pôle d’activité CGT en territoire. Il n’y était évidemment pas étranger. C’est à lui également que la CGT doit la création de sa publication intitulés Acteurs de la vie. Cet outil interne contribue à la mise en réseau des mandatés CGT des CESER et du CESE. Enfin, il avait rejoint le groupe CGT au CESE en 2010. Très rapidement apprécié par les camarades qui composent le groupe, et très vite respecté par vous tous ici, mes chers collègues. 8 Il était très honoré que la CGT lui ait confié ce mandat, vous savez. Il portait un regard clairvoyant sur cette mission. Il la prenait même très au sérieux en mesurant l’ampleur de la responsabilité et le travail que cela lui demandait. Alors même que les premiers symptômes de la maladie le frappaient déjà durement, Patrick, interpellé par la concomitance entre inégalités environnementales et sociales, avait déposé un projet d’auto-saisine sur le sujet. C’est ce projet d’avis, dont le titre est à l’image même de Patrick, porteur de perspectives, que nous devons examiner aujourd’hui. Je voudrais saluer le travail de Mme Crosemarie qui a accepté la lourde responsabilité de rapporter ce projet d’avis et la remercier chaleureusement. Victor Hugo disait : « L’homme est le travailleur du printemps, de la vie, de la graine semée, du sillon creusé et non le créancier livide du passé. » Patrick incarnait cet espoir et sera toujours là pour nous accompagner. Je vous remercie. (Applaudissements) M. le Président. Merci Madame la présidente. Chère madame, ses applaudissements sont pour vous et votre fille, en hommage à votre mari. Je salue la présence sur le banc du gouvernement de Mme Archimbaud, vice-présidente de la commission des affaires Sociales du Sénat et de M. Guilbert, chargé de mission Prospective et recherche auprès du Directeur général de la santé et qui représente Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. PRESENTATION DU PROJET D’AVIS M. le Président. La parole est à Mme Crosemarie, rapporteure. Mme Crosemarie, rapporteure. Monsieur le président, Mesdames, Messieurs, Chers collègues, inégalités environnementales, inégalités sociales, de quoi parle-t-on ? Le rapport s’est essayé à un état des lieux. Il s’attache à préciser les deux notions pour s’intéresser ensuite aux interactions entre celles-ci. La notion d’inégalités écologiques s’est imposée aux sommets de Rio et de Johannesburg au sens d’inégalités d’accès à l’échelle planétaire aux ressources naturelles (eau, air, sol, énergie), et au développement. Le champ des inégalités écologiques est ainsi fort étendue et recouvre aussi bien une exposition aux risques naturels et techniques, une dégradation de la qualité de vie, une privation relative de certains biens et services communs allant jusqu’à un accès restreint ou altéré à des ressources vitales. Toutes choses se traduisant par une altération du potentiel de développement (Cf. diaporama publié en annexe au présent compte rendu). 9 Pour ce qui concerne les inégalités sociales, le rapport a retenu le cadre conceptuel de l’OCDE, de conditions de vie matérielles et de qualité de vie. Les travaux montrent de grandes disparités entre les groupes sociaux à l’examen des conditions de vie matérielles déterminées, principalement par le revenu, le patrimoine, l’emploi et le logement. Les inégalités en termes de qualité de vie prennent en compte l’état de santé de la population, l’éducation et la participation à la vie sociale. Les travaux récents sur la justice sociale insistent sur la capacité des personnes à maîtriser leur destin. Si les inégalités sociales sont bien documentées en France, les inégalités environnementales font encore l’objet de recherches et de travaux académiques parce que le terme même d’environnement peut recouvrir plusieurs conceptions. Pour notre part, nous avons retenu une conception subjective et anthropocentrique : l’environnement est un ensemble de relations entre les hommes et les milieux où ils vivent. Dans cette logique, nous nous sommes placés dans une dynamique de développement durable tel que l’avait défini le rapport Bruntland. Par nos activités, nos comportements, nous avons profondément transformé notre environnement au cours des derniers siècles. Il s’agit donc de trouver les conditions d’une nouvelle prospérité assurant la sauvegarde des systèmes naturels, permettant le respect des droits fondamentaux de tous, et la satisfaction des besoins essentiels. Avec cette phrase, je donne la complexité du sujet et l’ambition que soustend ce nouveau modèle de développement. Réduire les inégalités environnementales et sociales pour engager cette transition a été, dans la section, source d’approches et de priorités différentes. J’ai donc choisi des préconisations pouvant nous rassembler, au stade actuel de la réflexion, en partant des inégalités environnementales, en examinant les liens avec les inégalités sociales, sans prétendre à l’exhaustivité, en identifiant des urgences et en proposant des dynamiques. Dans la présentation du projet d’avis, je mettrai l’accent sur certaines des préconisations en direction des pouvoirs publics et des différents acteurs. Nous avons constaté que c’est aux États-Unis qu’a été mis en évidence un lien entre la localisation de sites ou d’activités polluantes et l’appartenance des populations environnantes à une catégorie ethnique ou sociale déterminée. La prise de conscience de ces inégalités a conduit l’Agence américaine de Protection de l’environnement (EPA) à définir une notion de justice environnementale. Au plan européen, de premiers travaux ont été développés au RoyaumeUni entre précarité sociale et expositions aux risques environnementaux. Le croisement entre conditions sociales des habitants et qualité environnementale au sens large (risques, pollutions, hygiène publique mais aussi espace vital, paysages, conditions de vie), est plus récent en France que dans d’autres pays. La réflexion s’est bâtie sur un socle territorial essentiellement urbain. 10 Identifier et réduire les inégalités environnementales d’exposition. La statistique mobilisée pour rendre compte des inégalités environnementales repose sur des critères d’évaluation techno centrés : seuils d’exposition physico-chimiques, probabilité d’occurrence de risques, niveaux acoustiques, distances métriques. Cette approche peut donc conduire à minorer les particularismes sociaux. C’est pourquoi nous proposons d’agir sur les déterminants socioéconomiques et environnementaux en commençant par la santé. Avoir une conception globale de la santé L’influence de la qualité de l’environnement physique, chimique, biologique sur la santé s’impose de plus en plus. L’air respiré, l’eau, le bruit, influent de façon plus ou moins directe sur la santé. Ce sont d’ailleurs les problèmes d’eau potable, d’assainissement, de salubrité des logements, de conditions de travail qui ont conduit le mouvement hygiéniste à promouvoir les politiques de médecine préventive et de santé publique. Nous proposons de redonner la première place à la prévention dans une approche globale de la santé, telle que l’a défini l’OMS, comme un état de complet bien-être physique, mental et social ne consistant donc pas seulement en une absence de maladies ou d’infirmité. Cette approche donnant la première place à la prévention dans cette démarche globale de la santé nous semble d’autant plus importante que la France est marquée par des inégalités sociales et territoriales de santé. Les facteurs explicatifs de la surmortalité qui frappe les catégories les moins favorisées interviennent pour l’essentiel en amont de la prise en charge proprement médicale des différentes pathologies. Ces catégories cumulent les facteurs de risque avec une exposition plus fréquente aux risques environnementaux toxiques en milieu professionnel, aux polluants de l’habitat, à la pollution urbaine, à une prévalence plus élevée des facteurs de risques comportementaux liés au mode de vie et avec un moindre accès à un dépistage précoce, un diagnostic plus tardif des pathologies graves. L’augmentation des maladies non transmissibles : cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité, asthme, maladies chroniques physiques et/ou psychologiques résulteraient pour l’essentiel des conditions de vie. Or, ces maladies pèsent de plus en plus lourd sur les systèmes de santé. Nous considérons donc que la connaissance et le traitement des inégalités environnementales de santé doivent constituer une priorité. Les inégalités environnementales sont devenues l’une des priorités de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS). Celui-ci travaille en appui aux pouvoirs publics, à la représentation intégrée et spatialisée des expositions et du risque sanitaire. 11 La carte projetée est extraite d’un travail sur les concentrations en cadmium dans le sol et la probabilité de dépassement du seuil toxique dans la classe d’âge des 2 à 7 ans. Une première carte donne les concentrations en cadmium dans le sol de la région Nord Pas-de-Calais, une seconde carte donne les incertitudes et un troisième travail couple les précédentes cartes après modélisation de l’exposition. Un outil tel que Plaine (Plate-forme d’analyse des inégalités environnementales) est précieux pour orienter les politiques de prévention définies au niveau régional dans les Plans régionaux santé environnement (PRSE). Le projet d’avis insiste sur cette territorialisation de l’action publique en matière de lutte contre les inégalités environnementales. Pour apprécier la santé environnementale, plusieurs régions - nous en avions eu un exemple en RhôneAlpes lors de notre déplacement - ont croisé les éléments quantitatifs des données statistiques de l’INSEE et des données physico chimiques des milieux et territoires avec des approches qualitatives permettant d’intégrer les appréciations et le bien-être des populations. Le projet d’avis partage l’intérêt du concept d’exposome qui construit une vision globale et intégrée des expositions aux agents chimiques, physiques et infectieux de la période prénatale jusqu’au décès. Ce concept figure dans le Plan national de santé environnement et doit conduire à agir sur les causes environnementales et sociales avérées ou potentielles des maladies non transmissibles plutôt que sur les effets. D’où l’importance de la poursuite et du développement des programmes de recherche. Le projet d’avis développe une série de propositions pour agir sur le champ de l’environnement modifiable comme le définit l’OMS : la pollution de l’air, de l’eau, du sol avec des agents chimiques ou biologiques, l’environnement bâti, le bruit, les risques professionnels, les changements climatiques liés à l’activité humaine et à la dégradation des écosystèmes. Quelques exemples vous sont donnés : maintenir l’effort de réduction des nuisances sonores, améliorer la qualité de l’air, repenser les politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme en intégrant ce paramètre d’exposition aux risques et nuisances. Le projet d’avis propose de se concentrer sur les situations d’inégalités injustes caractérisées par des cumuls de risques susceptibles d’affecter à plus ou moins long terme les conditions de vie des populations à leur insu ; des risques disproportionnés sur le plan sanitaire au regard de la capacité de s’y soustraire ou d’y remédier ; des ségrégations spatiales discriminantes par rapport à l’accès à des services ou à des aménités ; des niveaux de réponse ou des capacités adaptatives inégales aux effets sanitaires du fait de la vulnérabilité des populations. L’approche pour nous ne doit pas se limiter aux territoires urbains. 12 Le monde rural représente 79 % de la superficie de la métropole, si l’on retient les critères du référentiel de l’INSEE établi par bassins de vie. Il regroupe l’espace à dominante rurale, l’ensemble des communes périurbaines et pôles urbains de moins de trente mille habitants. Cet espace regroupe 36 % de la population française. Or, cet espace rural est souvent marginalisé dans les politiques publiques. Les atouts des territoires ruraux sont l’accès aux aménités environnementales, la contribution économique et leur contribution sociétale. Nous soulignons aussi la nécessité pour dynamiser les territoires ruraux de favoriser l’accessibilité et la qualité des services publics et au public en mutualisant des moyens et mettons l’accent sur les politiques de lutte contre la désertification médicale et l’amélioration de l’accès aux soins. En outre, l’accès au numérique constitue une autre des priorités de la lutte contre les inégalités en milieu rural. Améliorer ensuite l’accès aux aménités environnementales en milieu urbain dans un monde qui continue à s’urbaniser. La priorité doit être de préserver, de réintroduire la nature en ville. Les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec les schémas régionaux de cohérence écologique. Cette reconquête suppose une volonté de maîtrise foncière de la part des collectivités locales dans un souci de solidarité territoriale et de mixité sociale. Sans disposition particulière, les requalifications environnementales dans les centres ville, la végétalisation des espaces urbains, la réalisation d’éco-quartier entraînent des phénomènes d’éviction. L’intervention des maires pourrait s’appuyer davantage qu’aujourd’hui sur le droit de préemption pour requalifier des friches urbaines. Sans attendre les résultats de ces politiques de moyen terme, le projet d’avis propose des mesures facilement mobilisables pour concourir à l’amélioration de la qualité de vie urbaine : - augmenter les surfaces de toits végétalisés dont on connaît le rôle dans les microclimats des centres villes en atténuant les variations thermiques et renforçant la diversité floristique et faunistique ; - impulser la création de jardins familiaux, ces anciens jardins ouvriers, qui favorisent la vie associative, créent du lien social, permettent d’améliorer et de diversifier l’alimentation ; Nous avons souhaité faire un éclairage particulier sur les inégalités d’exposition en Outre-mer. Ce thème aurait pu être longuement développé. Le projet d’avis propose quelque focus et je choisirais pour ma part deux thématiques. La première est l’adaptation aux risques climatiques. Nous avons voulu attirer l’attention sur les conséquences de l’élévation du niveau de la mer pour ces territoires. Sur la période 1993-2001, une élévation a déjà pu être constatée plus ou moins importante en fonction des territoires. 13 Plusieurs rapports soulignent les impacts de ces élévations sur les côtes où se concentre une part importante de la population avec les risques de submersion des zones basses et de dégât aux infrastructures. Huit cent cinquante kilomètres de routes seraient ainsi exposés. Le projet recommande donc de bien intégrer cet impact du changement climatique dans les études d’ouvrages publics en zone côtière. Il souligne l’intérêt des programmes d’adaptation, élaborés dans le cadre des coopérations régionales par grande zone géographique : Pacifique, océan Indien, Atlantique. Le projet d’avis appelle au renforcement de ces coopérations qui permettent le partage de connaissances et d’expériences. Il faut également pour les territoires ultramarins poursuivre et amplifier les actions des plans chlordécone aux Antilles. Le chlordécone est une molécule utilisée sous différentes appellations de 1972 à 1993 pour lutter le contre le charançon du bananier. Le produit était reconnu comme potentiellement cancérigène par l’OMS depuis 1979, interdit aux États-Unis depuis 1976. Le retard de la France à reconnaître la dangerosité de cette molécule est à l’origine de graves dommages sanitaires, écologiques, économiques. Le projet d’avis préconise donc de poursuivre, d’approfondir, l’étude du mode de migration de la molécule aux différentes composantes du milieu naturel et de l’impact dans la contamination des écosystèmes, de poursuivre les recherches sur les méthodes de décontamination des sols, de développer les techniques de remédiation des sols. D’où la nécessité de campagnes d’information en direction des populations les plus concernées et de mesures de relance de l’activité économique pour les professionnels de la mer en particulier. Sur le plan de la santé, le projet d’avis note l’intérêt de l’étude dénommée Kannari sur la santé, la nutrition, l’exposition de la population antillaise engagée à l’initiative de l’Agence régionale de santé et de l’INVS - et demande que l’étude soit réalisée dans la durée. En outre, nous souhaitons notamment le recensement des anciens travailleurs agricoles pour une veille épidémiologique et le renseignement des registres de suivi du cancer. Ayant ainsi identifié des urgences, nous proposons trois séries de dispositions pour créer des dynamiques. Première série de dispositions pour prévenir de nouvelles inégalités : il convient d’anticiper les conséquences économiques et sociales des politiques environnementales. Il nous a semblé important d’identifier clairement les financements de ces différentes politiques à titre préventif de celles faites en réparation du dommage causé. Il nous a semblé également important de rappeler la nécessité des études d’impact économique et social, des mesures environnementales, qu’elles se traduisent en normes, en instruments de marché, en fiscalité ou en mise en place de solutions alternatives. 14 Concernant plus particulièrement la fiscalité, nous avons voulu prendre l’exemple des conséquences de la mise en place d’un élément de fiscalité environnementale dans la loi de finances 2014 avec l’élargissement progressif de l’assiette carbone, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, (TIPCE) et le TIC sur le gaz naturel, en attribuant à la tonne de CO2 un prix croissant. Anticiper les conséquences industrielles et sociales de ce dispositif est d’autant plus important que le projet de loi relatif à la transition énergétique voté par l’Assemblée nationale et qui va venir en débat au Sénat - comporte un article prévoyant la montée en puissance du dispositif. Nous soulignons les impacts de ces dispositions en termes de compétitivité, d’emplois dans les différents secteurs économiques : automobile, chimie, métallurgie, transports, et la nécessité d’anticiper les transitions industrielles et professionnelles en négociant dans les branches concernées. Nous avons également voulu rappeler que cette évolution de la fiscalité environnementale devait s’inscrire dans une approche globale des dispositifs fiscaux et plus largement, des prélèvements obligatoires. La nouvelle assiette carbone aura pour les ménages des conséquences directes sur les coûts de déplacement et de logement. Nous alertons donc sur tous risques d’aggravation de la précarité énergétique. Rappelons que la précarité énergétique a des conséquences importantes en termes de santé et d’exclusion sociale : dépenses sanitaires liées à des maladies chroniques, maintien plus difficile des personnes âgées à domicile, détérioration du bâti... Selon les travaux de l’Observatoire de la précarité énergétique, publiés en septembre 2014, il apparaît que la population concernée par ce phénomène, dans le logement, s’élève à 5,1 millions de ménages, ce qui représente 11,5 millions de personnes. C’est tout à fait considérable ! Les travaux de l’INSEE précisent le taux de vulnérabilité en fonction des régions, des écarts de revenus et des différences des parcs de logements. Nous rappelons donc la nécessité d’une approche globale de la lutte contre la précarité énergétique liée au logement. Nous avons également voulu mettre de l’accent sur une dimension de vulnérabilité énergétique mieux appréhendée aujourd’hui, celle liée à la mobilité quotidienne. Selon les travaux récents de l’INSEE, plus de 10 % des ménages dépensent près de 5 % de leurs revenus pour l’achat de leur carburant nécessaire à des déplacements contraints. Le risque de vulnérabilité est faible dans les pôles urbains mais élevé dans les zones - en particulier le périurbain - situées en dehors du périmètre des transports en commune. Dans la dynamique - les dynamiques devrais-je dire - pour lutter contre les inégalités, nous avons également souhaité mettre l’accent sur la participation des populations et la démocratie. 15 Nous rappelons que le Charte de l’environnement constitue un progrès essentiel pour l’affirmation des droits et devoirs environnementaux, en particulier l’article 7 qui stipule que toute personne a le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenu par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Le rôle des pouvoirs publics est donc important : ils doivent favoriser le débat public, la transversalité de la recherche, les échanges de connaissances. Nous interpellons ces pouvoirs publics sur les modalités d’action des lanceurs d’alerte et le suivi des signalements. En effet, la loi du 16 avril 2013, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et environnement et à la protection des lanceurs d’alerte crée un droit d’alerte. L’article 1 indique en effet que « toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action dès lors que la méconnaissance de ce fait, donnée ou action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé et l’environnement. » Le problème, c’est qu’en l’absence de publication des décrets d’application, la loi n’est pas pleinement opérationnelle. Concernant plus précisément le droit d’alerte dans l’entreprise, il est actuellement prévu dans le cadre des CHSCT, puisque le représentant du personnel constatant l’existence d’une cause de danger grave et imminent en alerte l’employeur selon une procédure précise. Une négociation nationale interprofessionnelle est actuellement en cours sur le dialogue social, dont le champ d’application et les compétences des CHSCT. Nous avons noté un dissensus entre nous sur l’extension des compétences des CHSCT aux questions environnementales. Favoriser la participation aux politiques environnementales, c’est aussi faire des nouveaux Agendas 21 de vrais projets de territoire ; c’est donner du contenu au droit à la ville en développant la capacité d’action des populations, des citoyens, à intervenir dans la réalisation des projets d’équipements urbains, dans les opérations de rénovation, de requalification urbaine, dans la construction des écoquartiers. C’est aussi renforcer la démocratie et former à cette participation dès le plus jeune âge. Enfin, lorsque la prévention s’avère insuffisante, la collectivité est fondée à engager des actions correctives. Celles-ci peuvent prendre la forme de dispositifs fiscaux, d’instruments de marché, d’actes de police administrative. Ils s’appuient sur différents principes dont le principe pollueur/payeur. Concernant la réparation des dommages causés à l’environnement, nous avons noté un dissensus entre nous sur la consolidation d’un régime spécifique de réparation du préjudice écologique pur, c’est-à-dire un préjudice porté à l’environnement en tant que tel. 16 Nous rappelons également le principe de précaution inscrit dans les conventions internationales. Le traité de l’Union européenne est intégré dans la charte de l’environnement, qui doit conduire les pouvoirs publics à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation d’un dommage. C’est pour nous un principe d’action. Nous terminons ce projet d’avis sur les problématiques environnementales et sociales des entreprises, dans une économie mondialisée, avec l’importance de lutter contre toutes les formes de dumping et la nécessité d’inclure dans les accords commerciaux internationaux des clauses environnementales et sociales. Nous appelons au développement de la RSE en visant, par exemple, le recours à des référentiels internationaux, des indicateurs optionnels pertinents selon les secteurs et l’inscription dans une stratégie de développement durable de l’entreprise. Au terme de cette présentation, vous pouvez constater qu’il s’agit de premiers éléments de réflexion et de premières préconisations à la fois pour les pouvoirs publics et les acteurs économiques sociaux et environnementaux. Ce travail appellera d’autres développements au Conseil économique, social et environnemental et dans d’autres instances. Je voudrais donc terminer en remerciant très chaleureusement tous ceux qui m’ont aidée, soutenue dans cette démarche, Serge Péron, Didier Mariani, Julie Nerovique, les membres de la section, mes camarades de la CGT, Martine et les amis de Patrick qui sont présents en tribune, qui n’ont jamais douté que nous serions capables ensemble de lui rendre cet hommage. Je vous remercie. (Applaudissements) M. le Président. Merci Madame la rapporteure. (Le Président Delevoye quitte l’hémicycle. M. Lenancker le remplace à la Présidence de séance) DISCUSSION GÉNÉRALE M. le Président. La parole est à M. Ferey, au nom du groupe de l’agriculture. Agriculture - M. Ferey M. Ferey. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames, Messieurs, Chers collègues, Madame la rapporteure, je vous félicite pour le travail important que vous avez mené sur ce rapport et ce projet d’avis. 17 Vous avez fait preuve tout au long des réunions d’une détermination, d’un engagement sans faille pour mener à bien ce sujet sur un travail très difficile, dont le périmètre n’a pas toujours été facile à saisir. Plusieurs auditionnés nous l’ont dit et vous l’avez souligné dans votre texte : la difficulté tient essentiellement au peu de connaissances scientifiques dont nous disposons pour analyser finement et profondément, et ensuite, corriger les inégalités sociales et environnementales. Le premier enjeu - et nous vous appuyons sur ce point - sera de récolter les données adéquates. Nous ne sommes pas certains, toutefois, que le processus, notamment pour les enjeux de santé, comme vous le préconisez, doive passer nécessairement par la création d’un Observatoire. En effet, ces travaux pourraient être menés par différentes instances déjà existantes et fort nombreuses, mais vos propositions méritent toutefois d’être expertisées. Le groupe de l’agriculture a particulièrement apprécié l’attention que vous portez aux territoires ruraux. Il aurait été dommage de ne pas les évoquer. Ces territoires abritent, comme vous le soulignez, Madame la rapporteure, un tiers de la population française, et sont bien trop souvent mis à l’écart des politiques publiques. Pourtant, et nous vous rejoignons pleinement sur ce point, la complémentarité entre les mondes urbain et rural est une évidence dans l’aménagement du territoire. Les accès aux services publics et au public, aux services de santé, au numérique, sont autant d’inégalités qu’il faut prendre le soin de combler rapidement pour maintenir l’unité de notre territoire. Nous avons également été sensibles au développement consacré à l’hétérogénéité des normes de l’Union européenne. Notre secteur, l’agriculture, vous le savez, bénéficie d’une politique commune et est particulièrement touchée par les différences de transcriptions ou transpositions entre les États-membres. Pour les agriculteurs, pour le monde agricole de la production, ces distorsions de concurrence sont une réalité. Elles ont un lourd impact sur l’économie des exploitations agricoles. Il faut, comme vous le dites, que le degré d’exigence à respecter soit, au final, le même que pour l’ensemble des Étatsmembres de cette Union européenne. Nous avons ensuite été plus réservés sur les développements que vous avez souhaité consacrer aux principes du droit de l’environnement en cours d’émergence. Nous avons apprécié les quelques nuances apportées sur la rédaction de ces points. Le préjudice écologique, le principe de précaution, le principe pollueurpayeur sont encore en construction et méritent une approche nuancée intégrant différents points de vue. Il nous paraît déterminant de prévoir dans leur mise en œuvre l’impact que cela peut avoir sur la compétitivité des différents secteurs de la production, et surtout, d’éviter que cela freine la croissance économique. 18 Nous nous plaisons à dire, Madame la rapporteure, que, dans l’économie, cette économie fait partie du développement durable. C’est un des trois piliers et nous nous plaisons régulièrement à le rappeler. Malgré ces quelques réserves, le groupe de l’agriculture se prononcera en faveur de ce projet d’avis. Je vous remercie. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Bougrain Dubourg, au nom du groupe environnement et nature. Environnement et nature - M. Bougrain Dubourg M. Bougrain Dubourg. Monsieur le président, Chers collègues, inégalités sociales et inégalités environnementales… Jusqu’à présent, ce sujet n’a guère faire l’objet de recherches en France. Il s’agissait donc d’explorer un thème nouveau et nous remercions Mme la rapporteure de s’être employée à le traiter avec l’ensemble des groupes. Nous dirigeons tout naturellement nos pensées vers notre ami Patrick Minder, qui, comme cela a été dit tout à l’heure, avait à cœur de porter ce sujet. Au terme de ce premier travail, trois points nous paraissent importants à souligner : - les enjeux des interactions entre inégalités sociales et environnementales méritent de continuer à être défrichés. La définition et le contenu d’inégalités environnementales ainsi que la prévention et les remèdes doivent faire l’objet de recherches et d’expérimentations ; - il va de soi que la poursuite de la dégradation de l’environnement, qu’il s’agisse de climat, de biodiversité, de pollution ou de tension sur les ressources, aura des conséquences sociales majeures susceptibles de remettre en cause la cohésion sociale et les activités économiques de notre pays comme de l’ensemble du monde ; - les conséquences et coûts sanitaires d’une vie dans des conditions environnementales dégradées, en lien souvent étroit avec les inégalités sociales, doivent être anticipés et pris en compte. À cet égard, comme cela a été dit, les conséquences sociales et environnementales épouvantables de la chlordecone aux Antilles illustre bien cet axe essentiel de la santé environnementale. Nous aurions souhaité que le projet d’avis se concentre peut-être davantage sur les interactions entre inégalités sociales et inégalités environnementales. Certains passages apparaissent à la périphérie du sujet ou concentrés uniquement sur les inégalités environnementales ou les inégalités sociales. La section a été amenée à des discussions générant des incompréhensions qui n’ont pas toujours pu être levées, mais que chacun a pu exprimer. 19 Le groupe environnement et nature aurait préféré une focalisation sur un nombre de thèmes peut-être plus restreint, mais que ceux-ci fassent l’objet d’un développement et d’un approfondissement. Il reste que le dialogue amorcé entre nos formations par ce projet d’avis, représentant les trois piliers du développement durable, est essentiel et pourrait être fructueux. Comme le dit le projet d’avis dans sa conclusion, nous devons à présent contribuer à une organisation collective prônant une nouvelle approche écologique assurant la sauvegarde des systèmes naturels et permettant le respect des droits fondamentaux de tous comme la satisfaction de besoins essentiels. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Féretti, au nom de groupe de l’UNAF. UNAF - M. Féretti M. Féretti. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Chers collègues, Cher Jean-Paul avec qui nous avons partagé de bons moments et avec Patrick aussi, le présent projet avis recherche la voie pour donner sens au rapport Brudtland ou encore comment l’action publique avec toutes les parties prenantes pourrait permettre de retrouver ou faire émerger une harmonie sociale et environnementale. La tâche n’était pas aisée et vous êtes parvenue, Madame la rapporteure, à tisser le lien pour lutter plus efficacement contre les difficultés cumulées des inégalités sociales et environnementales. Sur l’ensemble des préconisations que le groupe de l’UNAF partage, il a souhaité mettre l’accent sur trois d’entre elles. En premier lieu, la précarité énergétique est une question familiale. Rappelons que pour l’UNAF, la maîtrise des charges et la lutte contre la précarité énergétique font partie des dossiers prioritaires depuis plusieurs années car plus de cinq millions de ménages ne peuvent plus payer leurs charges et souffrent de précarité énergétique, avec des incidences graves sur leur santé et celle de leurs enfants. Dans cette approche, c’est la situation de chaque famille qui doit être prise en compte et, ce, quel que soit le mode de chauffage et le statut d’occupation de leur logement : locataires dans le parc public, privé, accédant à la propriété, propriétaire, copropriétaire en milieu rural ou urbain avec les mêmes logiques de prévention et d’accompagnement. Certes les politiques de lutte contre la précarité énergétique ont un coût mais l’inaction n’est pas non plus sans conséquences financières. La Fondation Abbé Pierre a clairement établi dans une étude, rendue publique en décembre 2013, les effets de la précarité énergétique sur la santé des personnes. 20 Par ailleurs, le projet d’avis pointe à juste titre les enjeux environnementaux au regard de la mobilité et ce d’autant plus que l’éloignement des lieux de résidence et de travail est maintenant une situation vécue par une grande majorité de familles. Les choix en matière d’urbanisme et de transport influent sur les mobilités et jouent aussi un rôle considérable dans l’aménagement du territoire et, en conséquence, dans l’accroissement et la réduction des inégalités environnementales. Il est aussi vrai que l’aménagement du territoire doit également anticiper les questions de mobilité pour réduire les inégalités sociales et environnementales. Enfin, le projet note à juste titre les inégalités en termes d’accès aux services pour les familles vivant dans certains territoires ruraux et périurbains. L’enjeu, dans ce cadre, est de faire converger la lutte entre les inégalités sociales et environnementales dans l’objectif de l’amélioration de la qualité de vie des familles. Je vous remercie également de souligner de nouveau que le principe de précaution est un principe d’action sur lequel on doit appuyer l’action publique. Merci, madame la rapporteure, pour l’important travail réalisé et d’avoir porté ce sujet que Patrick avait temps à cœur. Le groupe de l’UNAF votera le projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Beaudet, au nom du groupe de la mutualité. Mutualité - M. Beaudet M. Beaudet. Monsieur le président, Madame la rapporteure, cette saisine s’attache à démontrer et à apprécier les interactions entre les enjeux environnementaux et les questions sociales. Ce sujet était cher à son initiateur, notre regretté collègue Patrick. Sensibiliser le CESE pour qu’il travaille sur cette thématique était pertinent tant cette question est primordiale pour notre société. Dans le champ de la santé, les inégalités environnementales sont identifiées par l’OMS comme un enjeu majeur. Nous remercions la rapporteure de nous avoir permis de développer cette problématique. Nombreux sont les facteurs de risques influents négativement sur la santé, qu’ils soient environnementaux ou comportementaux. Le préalable interactif est le changement de paradigme du tout curatif vers l’inclusion systématique du préventif. La prévention et la promotion de la santé doivent être un champ d’action à part entière de toute politique publique. Le droit d’alerte, partie prenante de la prévention, doit pouvoir être appliqué sans conteste. 21 Toute politique de santé doit être élaborée nationalement en prenant en compte tous les facteurs agissant sur la santé des individus avec pour chaque territoire, chaque catégorie d’individus, la prise en compte de leurs spécificités. La mutualité soutien la préconisation d’inscrire systématiquement les objectifs de réduction des inégalités environnementales de santé dans les plans régionaux de santé environnementale, tout comme la proposition de création d’un Observatoire intégré des inégalités environnementales. Comme l’invite le projet d’avis il faut réduire les sources d’exposition aux substances chimiques et aux nuisances sonores, préserver la qualité de l’air, favoriser un environnement domestique sain. Ce sont autant de facteurs aux conséquences graves, invalidantes et coûteuses en termes social, environnemental et économique. Il est urgent de recenser et d’analyser les différentes actions déjà mises en place afin de dégager les bonnes pratiques pour les diffuser et les partager à très grande échelle. Par exemple, la mutualité française développe, depuis plusieurs années, diverses actions de prévention à travers la mise à disposition d’outils pédagogiques, en particulier sur la qualité de l’air intérieur à destination des professionnels et du grand public. Notre groupe soutient la préconisation d’introduire le principe d’évaluation d’impacts sur la santé dans la loi, associant ainsi le champ santé/environnement pour aider à la refonte des politiques publiques. Impliquer la société toute entière aux enjeux de ces inégalités est un impératif, c’est pourquoi la mutualité partage, entre autres, les préconisations concernant la diffusion des thématiques santé, environnement, grand public, la sensibilisation des décideurs, la formation des professionnels, la participation des citoyens aux projets urbains et au débat public et la promotion de pratiques de consommation citoyenne. D’autres pistes proposées sont pertinentes comme la promotion de la qualité de vie, la préservation et le développement des biens communs, la possibilité pour les territoires ruraux de se doter de projets locaux adaptés aux besoins de leurs populations et pour les zones urbanisées de se naturaliser. La prévention des risques liés à l’adaptation et au changement climatique, notamment dans les territoires ultra marins, la bonne gestion de l’eau et de l’assainissement. Toutes ces pistes nécessitent la production et le partage de données cohérentes et fiables. Nous saluons le travail de la rapporteure, son esprit constructif malgré les difficultés. Le projet d’avis circonstancié présenté sur les inégalités environnementales et sociales et une base solide de réflexion et d’actions sur les besoins et contraintes réciproques entre l’écologie et l’humain. Notre groupe le votera. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à Mme Amoros, au nom du groupe de l’artisanat. 22 Artisanat - Mme Amoros Mme Amoros. Au-delà des enjeux écologiques, la lutte contre les pollutions et la recherche d’une plus grande sobriété énergétique revêt un intérêt majeur pour la santé et le bien-être. Or, il s’avère que les personnes socialement défavorisées sont à la fois davantage exposées à des pressions négatives de l’environnement (pollutions diverses, risques industriels, habitat dégradé, mobilités difficiles…), tout en profitant moins des ressources de la nature. Ainsi, inégalités environnementales et sociales se combinent, voire se renforcent. Le projet d’avis identifie des leviers d’action pour limiter ou éviter les effets cumulatifs des problèmes sociaux et environnementaux, dans une approche globale des déterminants de santé prenant en compte la qualité du cadre de vie de tous. Nous appuyons l’idée d’agir davantage sur les causes de ces inégalités, dans une logique préventive plus efficace et moins coûteuse que l’approche réparatrice. Cela suppose d’améliorer l’environnement public, notamment en renforçant les programmes de réduction des nuisances sonores et de lutte contre les pollutions de l’air et en développant « la nature en ville ». Nous partageons également la nécessité de s’appuyer sur l’échelon territorial, comme niveau le plus adéquat pour réaliser des diagnostics et prévoir des plans d’action adaptés. Ainsi, il importe d’appréhender la question environnementale au plus près des réalités du terrain, dans tous ses aspects socio-économiques, en intégrant le paramètre d’exposition aux risques dans les projets d’aménagement, d’infrastructures ou de rénovation urbaine. Enfin, il est nécessaire de construire ces politiques en associant tous les acteurs locaux concernés, pour mieux prendre en compte leurs attentes, tout en améliorant leur sensibilisation aux enjeux environnementaux. Nous approuvons donc ces orientations qui visent à renforcer les dimensions transversale, territoriale, anticipatrice et participative des politiques environnementales. Pour l’artisanat, il est également indispensable de prévoir des études d’impact préalables, mais aussi de mécanismes de compensation face à des mesures pénalisantes pour certaines catégories de ménages ou d’entreprises. Selon nous, les dispositifs à finalité environnementale doivent également être réalistes dans leur mise en application et justement proportionnés au regard de leur objectif écologique. Ainsi, nous considérons que l’extension des compétences des CHSCT aux questions environnementales, ne répondrait pas à ces critères. Nous nous félicitons donc que le projet d’avis ait mentionné l’absence de consensus sur une telle orientation. 23 Plus généralement, la réussite des politiques environnementales, autour d’une véritable mobilisation collective, est étroitement liée à leur acceptabilité. Or, celle-ci ne saurait être atteinte sans la recherche d’un équilibre associant préoccupation sociale et souci de compétitivité. C’est pourquoi, toute évolution de la fiscalité environnementale et énergétique doit non seulement s’inscrire dans une approche globale des prélèvements obligatoires, mais aussi comporter des mesures d’incitations et d’accompagnement favorisant les changements de comportements. À partir de la question des inégalités environnementales, le projet d’avis nous rappelle combien il importe de croiser les problématiques sociales, économiques et environnementales, dans un objectif d’équité mais aussi d’efficience des politiques publiques. Le groupe de l’artisanat le votera. (Applaudissements) (M. Delevoye, Président, reprend sa place à la tribune) M. le président. La parole est à Mme Parle, au nom du groupe de la CFTC. CFTC - Mme Parle Mme Parle. Le principe d’égalité des citoyens est un des fondements de notre République. Un examen attentif des conditions de vie des Français relève, toutefois, de profondes inégalités. Celles-ci sont parfois dues à des environnements naturels hostiles - inondations importantes à répétition dans de plus en plus de régions, tempêtes, glissements de terrains en montagne, cyclones, éruptions volcaniques dans les territoires d’Outre-mer - mais le plus souvent aux conséquences d’activités humaines dégradant l’environnement. Les inégalités environnementales ont un retentissement sur la situation des personnes : exposition aux dangers, tel le nucléaire et à l’impact du traitement des déchets ; nuisances aux bruits ; pollution dans les villes occasionnant des troubles à la santé ; problèmes de mal logement, tel l’insalubrité ou le saturnisme. Des inégalités sociales existent aussi et se sont aggravées, tels l’accès aux services publics dans les zones rurales, aux soins avec la réforme de la carte hospitalière et les déserts médicaux, aux transports, ainsi que la précarité énergétique et l’éloignement des lieux de vie par rapport à ceux du travail des populations les plus vulnérables. La CFTC partage donc bon nombre de préconisations exprimées dans le projet d’avis. Au plan environnemental, elle préconise d’inscrire dans les Plans régionaux de santé des actions afin de réduire les inégalités. Elle approuve le fait de réintroduire un peu de campagne dans les villes en végétalisant les toitures comme le prévoit la loi Alur introduisant un coefficient biotope - en généralisant les jardins familiaux lorsque des terrains sont disponibles pour créer du lien social, en luttant contre les pollutions de toutes sortes. 24 Au plan social, concernant les entreprises, le groupe de la CFTC estime urgent d’élargir les missions du CHSCT : agir sur la diminution de la toxicité de certains produits utilisés, se préoccuper de la traçabilité des déchets, réduire les pollutions, sont des missions essentielles. Comme le souligne le projet d’avis, elle est favorable à l’ouverture de moyens nouveaux, comme le droit d’alerte au sein et en dehors de l’univers professionnel. Quand, malheureusement, surgit une catastrophe écologique, la CFTC considère que les procédures de réparation existantes ne sont pas à la hauteur pour apporter des réponses aux dommages occasionnés et sont également beaucoup trop longues pour les victimes. La préconisation d’insérer de nouveaux textes dans le Code civil pour imposer une juste réparation est une première étape. Ensuite, se posera la question des nuisances provoquées par des entreprises ou des pays tiers. La CFTC remercie Pierrette Crosemarie pour ce projet d’avis qui a été très bien construit ; elle le votera. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Bérille, au nom du groupe de l’UNSA. UNSA - M. Bérille M. Bérille. Je voudrais tout d’abord saluer, au nom de l’UNSA, le travail réalisé dans ce projet d’avis sur une thématique qui - en définissant l’environnement comme l’ensemble des éléments naturels en relation avec l’humain - aborde la question clé des inégalités environnementales et sociales, laquelle a sans doute trop tardé à faire l’objet d’un partage politique. Ce projet d’avis pourrait contribuer - vu l’absence d’instruments d’évaluation de ce type d’inégalités - à la production de connaissances et à la construction d’actions collectives, au moment où la France accueillera, cette année, la 21ème Conférence des Parties. Car, enfin, jusqu’à preuve du contraire, nous serions tous affectés par les risques des dégradations environnementales, avec leurs conséquences sur la santé comme sur l’accès aux ressources ; et ce, d’autant plus qu’il existe des différenciations sociales dans l’impact de ces dégradations. Nous partageons donc le constat de l’existence d’une véritable injustice environnementale, due à une inégalité face aux conséquences de la dégradation de l’environnement : tous les pays, mais aussi toutes les couches de populations, ne sont pas à égalité face à elles. Celles-ci affectent en priorité les plus fragiles : parmi les pays, ceux du Sud et, au sein des populations, les personnes les plus défavorisées. Il est donc urgent pour l’UNSA de mettre en place une stratégie globale pour faire face à ces inégalités environnementales et sociales. 25 Nous partageons ainsi l’approche du projet d’avis qui distingue les principaux types d’inégalités environnementales. Celle-ci permet de placer la question des inégalités environnementales et sociales au centre des attentes des politiques publiques. Politiques publiques qui doivent mettre en œuvre des mesures de prévention visant la réduction des sources des nuisances, la diminution de l’exposition des populations et la réduction des inégalités sociales. Pour l’UNSA, le volontarisme en la matière s’impose si nous voulons éviter que le progrès humain ne s’effectue au détriment de l’environnement et si nous voulons faire sauter ce verrou qui lie accroissement des inégalités et dégradations environnementales dans les territoires urbains, ruraux et Outre-mer. Une véritable politique publique doit favoriser la recherche/développement et l’innovation dans des technologies respectueuses de l’environnement. Elle doit également mettre en place de l’accompagnement social dans le domaine de l’urbanisme, de l’habitat et du transport et aider les pouvoirs publics locaux à améliorer leur environnement. Cette politique doit être menée dans un cadre de référence internationale et européen car les conséquences du dérèglement de l’environnement en France doivent se traiter à une échelle suffisamment globale. Enfin, nous réaffirmons que l’information, la sensibilisation des habitants et l’éducation à l’environnement sont des leviers de prise de conscience citoyenne, indispensables pour faire évoluer les comportements. Dans cette optique, l’association à ces actions des acteurs économiques et sociaux et, surtout, l’implication des jeunes, sont un gage de réussite sur le long terme. Pour toutes ces raisons, vous aurez compris que l’UNSA votera évidemment en faveur de ce projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à Mme Cailletaud, au nom du groupe de la CGT. CGT - Mme Cailletaud Mme Cailletaud. Monsieur le président, Chère Pierrette, Chers collègues, aborder les inégalités environnementales en mettant en évidence le lien direct avec les inégalités sociales a été peu défriché. Relier climat, énergie et social est une gageure. De plus, il n’est pas simple de restreindre l’objet de l’étude à la France métropolitaine et à l’Outre-mer, tant le contexte international de mondialisation économique et financière lie les pays entre eux. L’objectif n’est pas de préserver un oasis de bonheur, très illusoire, dans un monde dévasté, en déplaçant les pollutions ou en exploitant des ressources humaines ou physiques à moindres coûts. Au contraire, il s’agit de construire un nouveau modèle de développement plus juste, plus solidaire, moins prédateur en ressources naturelles, moins destructeur de l’environnement et centré de manière forte sur l’humain, et ce afin de permettre un accès plus égalitaire aux ressources, en prenant en compte leur rôle vital et leurs limites (eau, métaux). 26 Alors que les inégalités entre les peuples et les citoyens se creusent, réduire les inégalités sociales et environnementales est non seulement un impératif de justice et de stabilité pour le monde, mais également un facteur créateur de richesses. Selon une étude récente, les inégalités coûtent cher en croissance aux pays de l’OCDE. Ce qui importe le plus en matière de développement, c’est le sort réservé aux quatre premiers déciles de revenus, les 40 % les plus défavorisés. Un état des lieux met en évidence la nécessité de collecter les données adéquates et de poursuivre les travaux de recherche. Le rapport a permis d’approfondir la notion de biens communs, brique du nouveau modèle de développement à imaginer. Les propositions du projet d’avis relèvent à la fois du niveau national, mais aussi territorial, en métropole comme dans les collectivités ultramarines. Ainsi, en santé environnementale, les différents échelons peuvent et doivent s’articuler en mettant tout particulièrement l’accent sur la prévention. De ce point de vue, nous tenons à saluer l’intérêt des travaux de l’INERIS sur Expositions environnementales et vulnérabilité des populations. Quant aux dispositions indispensables à la diminution des inégalités et aux transitions économiques et sociales, y compris dans leur dimension industrielle, leur financement constitue la colonne vertébrale d’un projet que l’on veut réaliste. C’est aussi un point de contradiction forte. Il est nécessaire de poursuivre la réflexion en particulier sur la conception de la fiscalité environnementale. Le projet d’avis appelle à favoriser la participation des populations aux politiques environnementales, à développer la capacité d’action de tous, à améliorer l’environnement et renforcer la démocratie. C’est certainement ce qui a conduit à des débats animés tant il est complexe de dessiner notre futur à un moment crucial pour l’avenir de notre humanité. La CGT votera le projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Allier, au nom du groupe des associations. Associations - M. Allier M. Allier. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Chers collègues, qu’elles concernent l’éducation, l’emploi, les conditions de vie, le genre, l’âge ou l’origine sociale, les inégalités affectent toutes les dimensions socioéconomiques, politiques et culturelles de notre vie en société. Récemment encore, l’environnement n’était pas identifié comme pouvant être sujet d’inégalités. Pourtant, les individus connaissent bien des traitements différenciés face aux externalités positives comme négatives de l’environnement. Ils n’ont pas le même accès à ces ressources premières, ni à ces services rendus. Ils subissent des nuisances de manière inéquitable. 27 Pouvant apparaître comme théorique à certains égards, le projet d’avis présenté aujourd’hui a le mérite de promouvoir un état d’esprit nouveau sur la base d’une recherche appliquée en devenir. Il invite à la réflexion sur les conditions de mise en œuvre d’un développement durable par une entrée non pas environnementale - bien qu’il en soit fortement question - mais sociale. Notre groupe salue cette démarche audacieuse, ainsi que le caractère pédagogique des démonstrations de cause à effet qui sont établies. Cependant, nous regrettons que le pilier économique soit si peu présent. En effet, aucune mesure concrète n’est accompagnée d’un chiffrage voit d’une estimation financière. Bien sûr, les articulations entre social, économique et environnemental ne sont pas toujours évidentes, mais c’est bien tout l’enjeu. Sans prise en compte des besoins sociaux et des problématiques économiques, le défi environnemental ne pourra être relevé. Trois grandes questions nous apparaissent particulièrement importantes. En matière de santé tout d’abord, c’est bien une des approches multifactorielle de la question qu’il faut privilégier. En effet, la santé est directement liée à l’alimentation, au logement, à l’éducation ou au niveau de revenus perçus. Même si la tâche s’avère colossale, construire une politique globale prenant en compte les impacts sur la santé, de déterminants exogènes au système de santé nous semble incontournable pour lutter contre les inégalités. Introduire dans la loi le principe d’évaluation de l’impact sur la santé pour intégrer la question sanitaire dans toutes les politiques publiques s’inscrit dans la même logique. En matière de logement, il est urgent de rénover les foyers des 20 % de la population touchés par la précarité énergétique. Dans une autre mesure, il nous paraît fondamental de préserver une mixité sociale dans les quartiers réaménagés en faveur d’un meilleur accueil de la nature en ville. Il est crucial d’empêcher que les investissements réalisés ne se traduisent par une revalorisation de l’immobilier, qui impose aux ménages les plus modestes de fuir vers la périphérie. Au-delà du respect des quotas de logements sociaux, des aides publiques doivent être prévues pour permettre à ces riverains de rester dans leurs quartiers. Notre groupe ne peut qu’encourager la multiplication des initiatives de jardins partagés, souvent portées par des collectifs d’associations qui nourrissent la vie locale, créent du lien social, atténuent la précarité des personnes en difficulté, et, dans certains cas, favorisent leur réintégration sociale. Enfin, pour que le droit à la ville ne soit pas seulement un vœu pieux, la démocratie et l’implication des citoyens dans la prise de décision publique sont plus que jamais nécessaires sur le terrain. Que ce soit à travers l’élaboration des Agendas 21 ou la participation à des débats publics, lors de projets de grands équipements de construction ou de réhabilitation urbaine, il s’agit là d’un enjeu de justice sociale et environnemental. Le groupe des associations votera le projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Porte au nom du groupe CGT-FO. 28 CGT-FO - M. Porte M. Porte. Madame la rapporteure, Chers collègues, Mesdames, Messieurs, les inégalités environnementales constituent encore un sujet peu exploré tant il représente un problème d’appréhension par la statistique et de conceptualisation. Le présent projet d’avis a le mérite d’aborder ce champ de recherche, de l’ouvrir et de préconiser un certain nombre d’actions comme celles relatives à l’amélioration de la connaissance des inégalités environnementales dans leur ensemble, à la réduction des expositions aux nuisances sonores, aux risques chimiques, à la lutte contre les inégalités de santé, l’accès aux ressources naturelles et énergétiques, ce que FO partage et soutient. Toutefois, pour FO, le projet d’avis ne fait qu’aborder les inter-relations entre inégalités environnementales et sociales. Il n’insiste pas suffisamment sur l’interaction avec les questions économiques et sociales, au demeurant peu développées. Cela donne à penser que la question des inégalités écologiques serait presque autonome. Or, pour FO, la question économique est une question politique au sens où elle est étroitement liée aux enjeux sociaux et économiques. Le rapport rappelle, à juste titre, que de nombreuses inégalités, en matière de santé environnementale, sont liées à des variables socioéconomiques modifiables. Il est reconnu que la répartition sociale des nuisances environnementales est inégale et touche davantage les catégories sociales les plus démunies. De même, de nombreux travaux du CESE démontrent que ce sont les personnes aux revenus les plus modestes qui souffrent majoritairement de toutes les formes d’inégalités. Le projet d’avis aurait mérité de mettre davantage l’accent sur cette dimension. Corollairement, il est établi que les inégalités de revenus et de patrimoine ont des conséquences sur les modes de vie, et par conséquent sur les atteintes environnementales. Lorsque les préoccupations concernent la satisfaction des besoins primaires, il est rare que l’on ait le souci de la qualité environnementale, de la préservation de la biodiversité. En revanche, il est reconnu que la demande d’un environnement de qualité tend à croître avec le revenu des individus et celui de l’éducation, même si certaines dégradations environnementales augmentent paradoxalement avec le niveau de revenus. La lutte contre les inégalités écologiques ne doit pas se limiter à des préoccupations environnementales, mais intégrer les enjeux économiques et prendre en considération la dimension sociale par l’engagement de politiques publiques nationales de réduction des inégalités de revenus et de patrimoine. À ce sujet, le principe d’une fiscalité affectée est contestable tant du point de vue de l’efficacité que des effets d’exclusion et d’inégalités qu’elle induit. FO milite a contrario pour une réforme d’ensemble de la fiscalité qui doit privilégier et réinstaurer un impôt progressif et efficace. Ces politiques publiques ne pourront pas être efficaces si la logique comptable de réduction des services publics perdure. 29 Dans une période où les personnes rencontrant des difficultés sont toujours plus nombreuses, il est vital d’accorder les moyens nécessaires au bon fonctionnement des services publics de qualité accessibles à tous. Le projet d’avis réitère cette exigence de maintien et de développement du service public. FO cependant reste très vigilante concernant la notion de service au public car c’est à l’État qu’incombe la responsabilité de garantir l’égalité du traitement sur l’ensemble du territoire. Le groupe FO tient à reconnaître et saluer le travail considérable de la rapporteure. Toutefois, il regrette que le projet d’avis ne prenne pas assez en considération l’aspect social dans la production des inégalités environnementales et qu’il préconise des actions avec lesquelles il est en désaccord. Le groupe CGT-FO s’abstiendra. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à Mme Tissot-Colle, au nom du groupe des entreprises. Entreprises - Mme Tissot-Colle Mme Tissot-Colle. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les conseillers, le projet d’avis élaboré par notre rapporteure comportait une triple complexité. Tout d’abord, tenter d’énoncer en lieu et place de notre collègue Patrick Minder, disparu trop tôt, une vision possible du sujet. Ensuite, donner place aux enjeux sociaux visés par le titre de la saisine sans dénaturer les priorités environnementales de notre section : le lien fréquent, mais non systématique, entre enjeux environnementaux et situations sociales a été démontré. Enfin, positionner le projet d’avis sur des sujets complexes d’égalité, d’équité, de justice, qui forment le débat majeur et non résolu de l’humanité, aux plans philosophique, politique et historique. Grâce à son engagement, son écoute et ses recherches encyclopédiques à saluer, notre rapporteure recommande dans les domaines choisis et notamment celui de la santé, une approche offensive. Les préconisations de réduction d’inégalités aux risques d’exposition ou d’accès aux aménités environnementales, à la fois en milieu urbain et rural, pourront surprendre dès lors que l’équivalence de situation n’existe pas et que chacune des situations présente ses propres avantages mais aussi ses éventuels inconvénients ou risques. Au fil des débats animés, nous avons pu constater que le partage par tous d’une philosophie humaniste n’entraînait pas loin s’en faut, consensus sur la nature et la priorité des objectifs à poursuivre. Pour certains, avec une très forte priorité - puriste peut-être environnementale, pour d’autres, un souci premier de la responsabilité économique et sociale. 30 Entre ces deux approches ayant chacune leurs propres nuances, il apparaît évident au groupe des entreprises que deux éléments sont clé : la prise en compte du facteur temps qui permet une adaptation économiquement supportable dans les décennies à venir ; la fixation d’un ordre de priorités aux objectifs préconisés pour en permettre la faisabilité. Si la raison d’être de l’entreprise a toujours été de mettre à disposition de clients des produits ou services dont ils ont besoin ou envie, en dégageant un profit, source de sa pérennité, aujourd’hui nul n’imagine le faire dans la durée sans prise en compte, à parité, des aspects économiques, sociaux et environnementaux. Face à l’impression que peut susciter le projet d’avis qu’au vu des inégalités subsistantes, rien n’aurait progressé dans les domaines sociaux et environnementaux, nous voudrions affirmer avec force que nous sommes acteurs volontaires d’un chemin de progrès continu vers un nouveau modèle de développement équilibré jusqu’au niveau international, dans le respect des salariés, de la nature et des preneurs de risques. Que nous appelons de nos vœux une meilleure connaissance partagée des enjeux économiques, technologiques et scientifiques des débats environnementaux. Enfin, qu’il est de notre responsabilité individuelle et collective d’énoncer quels progrès sociaux et environnementaux doivent être poursuivis par priorité. Des choix doivent être faits et les délais retenus suffisamment longs pour y parvenir. Madame la rapporteure, chers collègues, le groupe des entreprises votera le projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à Mme Meyer, du groupe des personnalités qualifiées. Personnalité qualifiée - Mme Meyer Mme Meyer. Monsieur le président, Madame la présidente de la section environnement, Madame la rapporteure, Chers collègues, tout d’abord je voudrais dédier ma présentation à la mémoire de Patrick Minder et je tiens à féliciter Pierrette Crosemarie, la rapporteure pour ce travail important, de grande qualité qui s’appuie sur un rapport détaillé et riche d’enseignements. Je le dis d’emblée, je voterai ce projet d’avis. Je partage en effet les préconisations formulées non seulement à l’intention des pouvoirs publics mais aussi à l’intention des entreprises, des acteurs économiques et sociaux, de la société civile. Je les partage d’autant plus que dans tous les domaines traités dans le projet d’avis, c’est une logique de prévention qui est mise en avant. 31 Vous le dites très justement, la priorité pour le CESE est d’agir sur les déterminants socio-économiques et environnementaux de la santé. Vous soulignez l’impact important des conditions de vie sur l’incidence des maladies non transmissibles, qu’il s’agisse du niveau d’exposition aux pollutions et aux nuisances, de la qualité de l’alimentation, du logement, de la situation familiale ou de la profession. Et on connaît maintenant l’augmentation de fréquence de certaines de ces maladies, notamment le diabète, l’obésité et l’asthme. Il faut donc opter résolument, comme vous l’écrivez, pour une vision plus large de la santé prenant en compte ces déterminants socio-économiques et environnementaux, que ce soit dans un but d’amélioration des connaissances sur les maladies ou dans le but pratique de la prévention dans la population. En conséquence, je soutiens tout particulièrement les préconisations visant à: - produire des données adéquates afin de permettre d’identifier les cibles d’actions et d’évaluer les mesures prises ; - promouvoir au niveau régional ou infra régional la lutte contre les inégalités de santé environnementale. Le projet d’avis souligne que c’est le niveau le plus pertinent grâce à l’action et au rôle des ARS (Agence régionale de santé) afin d’adapter les stratégies de prévention aux besoins spécifiques de chaque population ; - se donner les moyens d’infléchir les politiques publiques en matière de santé, notamment en inscrivant systématiquement des objectifs de réduction des inégalités de santé environnementales dans les plans régionaux correspondants. Je souscris aussi à la préconisation visant à repenser les politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme, afin d’intégrer le paramètre d’exposition aux risques qui concerne le plus souvent la santé des citoyens les plus modestes. Bien entendu, il faut renforcer la recherche concernant notamment les agents physiques (le bruit), chimiques (les perturbateurs endocriniens ou biologiques), ainsi que les risques émergents comme les nano particules ou les radiofréquences, tout facteurs qui menacent la santé humaine. Ce projet d’avis est particulièrement d’actualité à quelques mois de la Conférence internationale de Paris sur le climat. Je le répète, je voterai ce projet d’avis. (Applaudissements) M ; le Président. La parole est à M. Blanc, au nom du groupe de la CFDT. 32 CFDT - M. Blanc M. Blanc. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Chers collègues, le rapport et le projet d’avis le confirment : traiter les inégalités environnementales et sociales n’était pas un long fleuve tranquille, car en toile de fond, c’est un regard sur notre façon de mettre en œuvre le développement durable dont il s’agit. Force est de constater que collectivement, nous avons encore beaucoup de progrès à faire. Les recommandations formulées dans ce projet d’avis, si elles sont mises en œuvre, permettront de combler quelques lacunes. Ainsi, clarifier le concept d’inégalités environnementales, créer un Observatoire des inégalités environnementales, introduire le principe d’évaluation d’impact sur la santé dans la loi pour améliorer les politiques publiques, ou encore développer le « droit à la ville » - c’est-à-dire développer une forme d’autodétermination citoyenne, fondée sur la capacité des individus à se situer par rapport à l’offre et à l’accès aux services environnementaux - toutes ces recommandations, pour n’en citer que quelques-unes, devraient contribuer à faire du développement durable, un objectif partagé. Mais la CFDT voudrait insister sur deux points. Le premier concerne l’affaire du chlordécone, pour ne pas dire le scandale. L’utilisation de cette molécule pour lutter contre le charançon des bananiers aux Antilles, bien évoquée dans le projet d’avis, démontre que les intérêts économiques de court terme ont largement prévalu sur la santé humaine, la santé de l’environnement et même la santé économique de moyen terme puisque l’activité agricole et la pêche côtière s’en trouve affectées pour plusieurs années encore. Au-delà du fait que les responsabilités de cette situation n’ont pas été recherchées, on est en droit d’attendre que les pouvoirs publics agissent comme ils se doivent. Méconnaître encore aujourd’hui l’impact sanitaire réel de cette contamination des milieux, son étendue et son coût - vingt-et-un ans après l’arrêt de son utilisation - se révèle être un scandale. S’il est des préconisations urgentes à suivre, ce sont bien celles-là. Le second est lié à la transition énergétique. Nous l’avons déjà dit - mais nous voulons le réaffirmer haut et fort - cette transition va s’imposer, avec ou sans loi. Elle va induire des évolutions sensibles dans bon nombre de secteurs professionnels. Ces transitions industrielles et professionnelles doivent être anticipées, comme le demande le projet d’avis et faire l’objet de négociations dans les branches concernées. C’est de la seule responsabilité des partenaires sociaux. Gageons, que cette transition énergétique, à laquelle se rajoutent d’autres mutations comme celle du numérique - que nous avons étudié hier servira de tremplin pour conjuguer l’avenir avec l’économique, le social et l’environnemental. 33 La CFDT tire un enseignement majeur de la préparation de ce projet d’avis : c’est bien à l’interface avec la question sociale que se joue la question environnementale. Aujourd’hui l’un ne va plus sans l’autre. Notre vision courttermiste, aggravée par la crise actuelle, tend à opposer social et environnemental. Continuer dans cette voie, c’est accélérer l’injustice et les catastrophes. Ce n’est pas le choix de la CFDT. La CFDT votera le projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Verdier, au nom du groupe de la coopération. Coopération - M. Verdier M. Verdier. Monsieur le président, Chers collègues, la question des inégalités sociales en interférence des dégradations environnementales est flagrante au plan international. Elle l’est aussi au niveau national, et le risque du découplage face à l’environnement est réel, cela d’autant plus dans un contexte de crise. La précarité énergétique en est une illustration flagrante. Il existe un déficit de travaux théoriques et de mesures portant sur les relations « social-environnementales ». Au final, le projet d’avis traite moins de cette interaction - qui nous semblait au cœur du sujet - que d’une approche respective des inégalités environnementale d’une part, et des inégalités sociales d’autre part. Madame la rapporteure, vous avez eu le mérite de reprendre et de conduire un travail conséquent, initié par notre regretté collègue, en faisant preuve d’une grande capacité d’écoute. Le projet d’avis souligne avec pertinence l’importance de la dimension territoriale. Il existe en effet un risque réel de fracture territoriale : certains territoires ruraux sont peu attractifs pour les citadins et cumulent les handicaps : paupérisation, transports raréfiés, services publics amoindris, connectivité réduite ou existante. Le groupe de la coopération soutient également la nécessité de promouvoir une logique de prévention qui doit sous-tendre les politiques publiques. Le projet d’avis insiste sur la montée en puissance du droit de l’environnement basé sur l’idée incontournable de prendre en compte les besoins des générations futures, La réflexion actuelle, autour du préjudice écologique, reflète une réelle créativité juridique pour prévenir les atteintes à l’environnement. Cette démarche semble légitime, notamment pour une pollution flagrante à grande échelle. Ce principe est d’ailleurs issu de l’affaire Erika mais elle génère aussi une incertitude pour les acteurs économiques, et particulièrement les plus petits, au regard des contentieux potentiels. 34 Il existe des difficultés réelles pour définir et appliquer un principe de préjudice écologique : impact sur les installations classées pour la protection de l’environnement, question du délai de recours, conséquences sur la couverture des risques, prise en compte du principe d’égalité de traitement à situation égale. Sur cette base, nous avons proposé en deuxième lecture de rédiger un dissensus et nous vous remercions, Madame la rapporteure, de l’avoir retenu même s’il a donné lieu à quelques commentaires. Le débat doit se poursuivre avec les éléments contradictoires nécessaires ; Il appelle à certaine vigilance sur les répercussions sur les activités économiques et sur la capacité d’initiative en général dans notre pays. Nous constatons aujourd’hui que l’introduction du principe de précaution dans notre constitution - pertinent après les affaires symptomatiques de l’amiante ou du sang contaminé - s’est trop souvent traduite par un principe d’inaction et un frein supplémentaire à l’innovation et au progrès. La réduction des inégalités environnementales et sociales passe avant tout par des politiques accrues de prévention, des processus de redistribution et des modes de production plus respectueux de l’environnement qui ne pourront être développés et généralisés sans une croissance pérenne. Le groupe de la coopération votera en faveur du projet d’avis qui représente une vraie avancée. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à Mme Riquier-Sauvage, au nom du groupe des professions libérales. Professions libérales - Mme Riquier-Sauvage Mme Riquier-Sauvage. Monsieur le président, Chers collègues, relier les problématiques environnementales et sociales s’impose dès lors que l’on constate que les pays et les populations ne sont pas tous égaux face aux changements climatiques et à leurs conséquences. On connaît les facteurs de risque de surmortalité ou de pathologies diverses, que ce soient les expositions fréquentes aux pollutions de toutes natures (pollution de l’air, de l’eau, nuisances sonores par exemple), que ce soient les comportements liés aux conditions de vie (logement indigne, mobilité quotidienne ou conditions de travail), pour n’en citer que quelques-unes. Il existe un large consensus sur la responsabilité des activités humaines dans le changement climatique et sur la nécessité d’agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent car, si rien n’est fait ou insuffisamment, il en résulterait de nouvelles inégalités. Il y a donc urgence. La précarité énergétique qui constitue à nos yeux un danger essentiel doit être combattue. 35 De nombreux ménages rencontrent des difficultés à assumer le coût de l’énergie nécessaire à la satisfaction de leurs besoins élémentaires en raison de l’insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions de vie. Face à la détresse financière de certains ménages, la transition énergétique doit être sociale et solidaire. Pour réussir, il est nécessaire de remobiliser tous les acteurs par des actions de prévention, par des programmes d’amélioration de l’efficacité énergétique des logements. Combattre efficacement la précarité énergétique implique à la fois d’identifier les foyers concernés et comprendre l’ensemble des mécanismes qui les conduisent dans cette situation. C’est à ces conditions que des actions ciblées et efficaces, aussi bien curatives et préventives, pourront être lancées et réussies. Les inégalités se cumulent et s’accroissent pour un certain nombre d’individus pour diverses raisons. La plupart des préconisations - qui tentent à identifier et à réduire les inégalités sociales - et environnementales nous agrée. La relation entre l’environnemental et le social est à double sens. Les inégalités sociales nourrissent les inégalités environnementales, comme ces dernières amplifient en retour les inégalités sociales. Pourtant les Français s’éloignent des enjeux environnementaux alors qu’il s’agit de questions centrales de leur quotidien. La responsabilité et la réparation environnementales posent question. Comment faire évoluer le droit, l’enrichir pour qu’il soit juste. Quid de la reconnaissance écologique pure assortie d’un principe de réparation ? Le dissensus mis en avant dans le projet d’avis montre que la question n’est pas tranchée. Quant au principe de précaution, le problème de son périmètre demeure. Il ne doit pas être stérilisateur de progrès. Il faut reconnaître que toute expérimentation comporte des risques. Enfin, il est important de souligner que les entreprises et producteurs français par un comportement vertueux vis-à-vis des normes contraignantes sont le plus souvent victimes de distortions de concurrence dues au dumping environnemental et social dont le consommateur final fait souvent les frais. Nous attendons de l’Europe qu’elle joue son rôle de contrôle face aux distorsions d’application des normes environnementales que, par ailleurs, elle fixe. Ce projet d’avis embrasse des thématiques très diverses rendant difficile la nécessaire hiérarchisation des préconisations. Madame la rapporteure, le groupe des professions libérales salue votre travail, votre sens de l’écoute, votre patience et votera bien entendu le projet d’avis. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Artéro, au nom du groupe de la CFECGC. 36 CFE-CGC - M. Artéro M. Artéro. Monsieur le président, Chers collègues, ce projet d’avis sur Inégalités environnementales et sociales identifier les urgences, créer des dynamiques, s’inscrit dans le prolongement et à la croisées de travaux précédents du Conseil économique, social et environnemental, tels que l’efficacité énergétique ou bien la transition énergétique, les enjeux de la prévention en matière de santé ou encore l’enseignement à l’environnement et au développement durable. En cela, et dans la perspective de la conférence internationale Paris Climat 2015, qui approche, il constitue un lien transverse, mais sensible, qui relie les trois piliers de notre institution : l’économique, le social et l’environnemental. En la matière, si les connaissances et la prise de conscience progressent, nul ne peut ignorer qu’en France, les inégalités se creusent, les précarités augmentent. En réduire l’empreinte devient une priorité sociale, si ce n’est sociétale. Le droit à un logement décent, par exemple, en constitue un stigmate évident. La CFE-CGC partage largement les recommandations du projet d’avis porté par Mme Crosemarie et tient à souligner ici le travail et la détermination dont elle a fait preuve au cours de ces travaux. Le volumineux rapport qui l’a précédé en atteste. Il fallait oser, elle l’a fait ; qu’elle en soit remerciée. Faute de pouvoir évoquer toutes les dimensions et l’esprit du projet d’avis, nous n’en retiendrons ici que quelques items. En tout premier lieu, la CFE-CGC pointe la nécessaire clarification du concept même d’inégalités environnementales afin de poser une définition stable et durable et, ainsi, faciliter, dans le temps, le recueil de données objectives et de permettre, dans la plus grande transparence, leur analyse et leur partage. La reprise de la proposition - pour aller vers l’égalité des territoires - de création d’un Observatoire intégré nous paraît aller dans ce sens. Réduire les expositions et sources d’exposition aux vecteurs que sont l’air, l’eau et les sols a été souligné également. Même si des évolutions notables ont été enregistrées, améliorer la qualité de l’air, par exemple, demeure une évidence dans les zones urbaines, voire périurbaines. La France est le deuxième espace maritime du monde. Elle le doit en grande partie aux territoires ultramarins. C’est une chance en matière de ressources, mais ceci lui confère une responsabilité singulière quant à l’adaptation à un risque climatique spécifique particulièrement en zone côtière. D’autres droits fondamentaux comme l’accès à l’eau ou bien encore la diminution à l’exposition des nuisances des déchets ménagers, par le soutien au triptyque collecte/recyclage/valorisation, doivent être assurés. 37 Anticiper les conséquences économiques et sociales des politiques environnementales est, pour la CFE-CGC, un impératif. La transition énergétique et la nécessaire réduction des gaz à effet de serre en constituent deux exemples emblématiques. L’évolution des dispositions et mécanismes de financement de nos politiques, notamment fiscales, nécessite d’être précédée, tel que le souligne le projet d’avis, d’études sectorielles. Les impacts de ces dispositions en termes de compétitivité et d’emploi dans les différents secteurs économiques et branches concernés doivent être assortis de mesures en faveur de transitions industrielles et professionnelles afin d’en augmenter l’acceptabilité sociale. À cela s’ajoute l’hétérogénéité des normes au niveau européen et international et le risque de dumping social qui en découle. Outre le rôle que jouent les lanceurs d’alerte hors champ professionnel, la CFE-CGC réitère ici, en tant qu’instance représentative, le rôle essentiel du CHSCT pour la prévention des risques professionnels et la prévention des risques auxquels sont exposés les salariés dans l’entreprise. Former et éduquer encore et toujours resteront, quant à eux, les meilleurs investissements de long terme que la Nation peut assurer à ses enfants afin que l’implication citoyenne devienne un réflexe. Puisse cet avis incliner nos décideurs à s’approprier les recommandations et préconisations, et ainsi, sans attendre la fin 2015, passer à l’action. C’est le vœu que nous formulons. En conséquence de quoi, la CFE-CGC votera le projet d’avis. Je prendrai une seconde encore, Monsieur le Président, pour saluer la mémoire de Patrick Minder, notre collègue à la section de l’environnement. Je vous remercie. (Applaudissements) M. le président. La parole est à M. Janky, au nom du groupe de l’Outremer. Outre-mer - M. Janky M. Janky. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs, Chers collègues, les Outre-mer se trouvent encore aujourd’hui dans une phase de rattrapage. Ceci explique un cumul notable sur nos territoires d’importantes inégalités économiques, sociales et environnementales. L’énumération des inégalités environnementales d’exposition en Outre-mer est particulièrement longue : risques sismiques, risques volcaniques, épidémiques, cycloniques, glissements de terrain, pollution des eaux et des sols... Ces facteurs de risques structurels, mais aussi la croissance démographique et l’urbanisation rapide, sont encore insuffisamment pris en compte dans la mise en œuvre des grandes politiques publiques et expliquent la prééminence d’autres formes d’inégalités sur nos territoires, notamment économiques et sociales. 38 Le projet d’avis traite de manière détaillée de ces spécificités ultramarines par le biais de quatre focus : - l’adaptation aux risques climatiques ; - les pesticides, et notamment la crise du chlordecone aux Antilles ; - la question de l’accès à l’eau ; - la problématique de la gestion des déchets. Le groupe de l’Outre-mer apprécie le choix de ces thèmes dans la mesure où ils montrent bien les interactions très fortes qui existent entre inégalités environnementales, économiques et sociales. S’agissant de la question de l’adaptation aux risques climatiques, des progrès ont été réalisés puisque l’impact du changement climatique est progressivement intégré dans la plupart des plans stratégiques, schémas d’aménagement et autres études de réalisation d’ouvrages. Mais sur ce sujet, il faut surtout que nos collectivités renforcent les initiatives communes avec les pays tiers ou voisins afin de permettre le partage de connaissances d’expériences et l’élaboration de stratégies d’adaptation appropriées et performantes. S’agissant de la question des pesticides - avec l’exemple du chlordecone aux Antilles - le groupe de l’Outre-mer tient à souligner la pertinence des recommandations formulées sur un sujet sensible où les interactions entre inégalités environnementales, sociales et économiques sont très fortes. Enfin, s’agissant des deux thématiques « accès à l’eau » et « gestion des déchets », certaines de nos collectivités ultramarines, confrontées à d’importantes difficultés financières, peinent à assumer les compétences dont elles ont la charge. Dans ces domaines, les retards sont encore très importants, avec des coûts d’accès à l’eau particulièrement élevés. Le groupe de l’Outre-mer se réjouit que les problématiques ultramarines aient été bien prises en compte. Vous l’avez compris, Madame la rapporteure, le groupe de l’Outre-mer votera le projet d’avis. Je vous remercie. (Applaudissements) M. le Président. La parole est à M. Dulin, au nom du groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse. Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse - M. Dulin M. Dulin. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames, Messieurs, les travaux menés par la section de l’environnement s’inscrivent dans une démarche relativement récente de rattrapage de l’attention portée aux inégalités environnementales par rapport aux inégalités sociales, et surtout, de mise en relation de ces différentes formes d’inégalités. Ce travail nous paraît extrêmement important et nous souhaitons saluer ici l’initiative portée par Patrick Minder, ensuite reprise avec détermination et succès par Pierrette Crosemarie et les membres de la section. 39 Le projet d’avis montre bien que le concept d’inégalités environnementales est un concept encore non stabilisé. Aussi, nous soutenons fortement les préconisations relatives au soutien et à la pérennisation des programmes de recherche, comme nous l’avons rappelé tout au long de cet après-midi. Le projet d’avis met par ailleurs en évidence les inégalités de participation aux politiques publiques comme étant partie intégrante des inégalités sociales et environnementales. Cette approche nous semble très intéressante et trouve, pour notre groupe, une résonance forte, car les jeunes, qui sont les citoyens d’aujourd’hui et de demain, sont encore trop souvent éloignés des sphères de participation, de représentation ou de décision. L’importance d’impliquer la société est soulignée par le projet d’avis, qui met notamment en avant le rôle de l’éducation à l’environnement et au développement durable, ce que nous appuyons évidemment. Les débats en section ont été vifs et nombreux quant à l’impact des politiques environnementales. Il en résulte une présentation qui nous semble un peu frileuse sur les enjeux de fiscalité environnementale et notre groupe le regrette, notamment au regard des débats maintes fois tenus dans cette assemblée et du retard de la France en la matière. La conciliation des politiques sociales et environnementales n’est pas chose aisée. Elle nécessite de notre part un travail d’anticipation et de réflexion très important. Le projet d’avis ouvre des débats ; nous souhaitons vivement qu’ils soient repris ici et au parlement dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. Cependant, l’imbrication évidente des enjeux ne nous laisse pas le choix. Nous l’avons vu lors de nos travaux, les dégradations de l’environnement exacerbent les tensions sociales et une société inégale est une société moins résiliente face à la crise environnementale. Enfin, le projet d’avis a fait le choix de se concentrer sur la dimension nationale. Impossible cependant de ne pas déplacer notre réflexion à l’échelle mondiale (ce qui avait été amorcé dans le rapport). Ainsi, comme l’a fort bien souligné Eloi Laurent dans une audition, l’éradication de la pauvreté au niveau mondial est un objectif écologique, à condition qu’elle ne soit pas considérée comme un simple rattrapage sur le mode de l’hyper consommation de notre société ; d’où l’importance de proposer de nouveaux modèles de société, de redéfinir ensemble la richesse et ses indicateurs. Encore une fois, cet après-midi un projet d’avis montre le besoin urgent de réinventer notre modèle de développement pour qu’il soit soutenable écologiquement, prospère et équitable socialement. À nous maintenant de le mettre en œuvre. Le groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse votera en faveur du projet d’avis. (Applaudissements) 40 VOTE SUR L’ENSEMBLE DU PROJET D’AVIS M. le Président. Mes chers collègues, aucun amendement n’ayant été déposé sur le projet d’avis présenté par Pierrette Crosemarie, je vous propose de procéder au vote sur l’ensemble du texte. Les résultats du vote sont les suivants : - Nombre de votants : 169 - Ont voté pour : 160 - Se sont abstenus : 9 Le Conseil économique, social et environnemental a adopté. (Applaudissements) M. le Président. Mes chers collègues, je vous informe que la prochaine séance aura lieu le 27 janvier à 14 h 30 avec à l’ordre du jour la présentation du projet d’avis sur La place des dispositifs médicaux dans la stratégie nationale de santé, présenté par Thierry Beaudet, rapporteur au nom de la section des affaires sociales et de la santé, présidée par François Fondard. Mercredi 28 janvier, notre assemblée plénière sera consacré à un débat d’actualité, très important, sur le thème : Comment choisir les indicateurs de progrès durable afin de faciliter leur appropriation par les citoyens ? Je compte sur votre présence. C’est un sujet stratégique et majeur pour le conseil. La séance est levée. * * * La séance est levée à seize heures trente. Prochaine séance le mardi 27 janvier 2015 à 14h30. ANNEXE 43 Annexe 1 : Inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques - Diaporama illustrant les propos de Pierrette Crosemarie, rapporteure Identifier les urgences Identifier et réduire les inégalités environnementales d’exposition • Agir sur les déterminants de santé • Réduire les inégalités dans les territoires ruraux • Améliorer l’accès aux aménités en milieu urbain • Lutter contre les inégalités Outre-mer 2 Agir sur les déterminants socioéconomiques et environnementaux de santé • Avoir une approche globale de la santé • Promouvoir la prévention en matière de santé 3 44 Produire des données adéquates Avec Plaine, l’INERIS cartographie les inégalités environnementales 4 Réduire les expositions et sources d’exposition • Maintenir l’effort de réduction des nuisances sonores • Améliorer la qualité de l’air • Assurer un environnement domestique sain • Prévenir les risques naturels et technologiques 5 45 Réduire les inégalités d’exposition dans les territoires ruraux • Accès aux services publics et services au public • Accès aux services de santé • Accès au numérique 6 Améliorer l’accès aux aménités environnementales en milieu urbain • Préserver et réintroduire la nature en ville • Jardins familiaux • Jardins thérapeutiques • Parcs espaces boisés 7 46 Lutter contre les inégalités d’exposition Outre-mer Adaptation au risque climatique 8 Inégalités d’exposition Outre-mer Poursuivre et amplifier les actions des plans Chlordécone aux Antilles 9 47 Créer des dynamiques • Anticiper les conséquences économiques et sociales des politiques environnementales • Favoriser la participation aux politiques environnementales • Développer responsabilité et réparation environnementales 10 Prévenir l’aggravation de la vulnérabilité énergétique Logement Déplacement 11 48 Favoriser la participation aux politiques environnementales • Lanceurs d’alerte • Agendas 21 • Développer la capacité d’action sur l’environnement • Renforcer la démocratie en matière de santé • Former dès le plus jeune âge 12 Développer responsabilité et réparation environnementales • Principe pollueur payeur • Réparation du préjudice écologique • Principe de précaution • Se situer dans contexte international • Développer la RSE 13