La Lettre du Psychiatre • Supplément 1 aux nos 5-6 - vol. VII - septembre-décembre 2011 | 3
La psychiatrie
française au
congrès de la
World Psychia-
tric Association
La participation au 15econgrès de l’Association
mondiale de psychiatrie (WPA) nous a suffi-
samment éloignés des lieux de notre pratique
quotidienne pour que nous appréhendions de
manière un peu différente la psychiatrie fran-
çaise, sa place et son influence dans le concert
des nations de la psychiatrie…
On peut s’interroger sur ce que la psychiatrie
française donne à voir de son identité, à travers
sa représentativité dans les instances de la
WPA, ou dans sa contribution aux travaux du
congrès. La remise, lors de chaque congrès de
la WPA, d’un prix Jean Delay, que Mario Maj,
actuel président de l’association, a décrit comme
l’équivalent d’un prix Nobel de psychiatrie (remis
cette année à Kenneth Kendler), garantit pour
longtemps une référence à la contribution fran-
çaise initiale qui présida à la création, en1950,
de l’Association mondiale de psychiatrie.
Mais, à côté de cette référence historique, l’obser-
vation des instances de la WPA donne une autre
image de la place de la psychiatrie française
en son sein. En effet, alors que les statuts ne
reconnaissent la possibilité pour un pays d’être
représenté que par une société membre (les
autres associations ou sociétés savantes du
pays pouvant adhérer en qualité d’associations
affiliées), et que la grande majorité des pays
sont représentés par leur association ou collège
professionnel national et quelques autres (Argen-
tine, Brésil, Grèce, Mexique, Portugal, Roumanie,
Espagne, Arabie saoudite, Turquie, Russie…) par
2 ou 3sociétés membres, la France est le seul
pays à revendiquer 6sociétés membres, pour la
plupart d’obédience syndicale.
Voilà qui semble être l’expression d’une
culture bien française, qui tend à confondre
représentation professionnelle (qui viserait à
promouvoir des connaissances et des pratiques
nouvelles) et représentation syndicale (qui
a pour objectif de défendre les droits et les
intérêts d’un groupe).
S’il n’était question que de la visibilité de la
psychiatrie française au sein des instances
internationales, on pourrait se dire que la
question est dépassée, le temps d’une certaine
influence de la psychiatrie française étant
maintenant révolu. Pourtant, cette réalité
a des conséquences plus lourdes : celles du
défaut de représentation collective dont fait
preuve également notre discipline au niveau
national, en particulier lors de la discussion
des textes de loi.
Il y a pourtant un espoir : selon la loi Hôpital,
patients, santé, territoires (HPST), chaque disci-
pline médicale peut se constituer en collège
disciplinaire unique, au sein de la Fédération
des spécialités médicales (FSM). Cette évolution
est une opportunité majeure pour la psychia-
trie de faire reconnaître le bien-fondé de ses
pratiques de soins et le caractère innovant de
ses modalités d’organisation, en constituant
un collège de spécialité qui associe l’ensemble
des acteurs, des praticiens de tous types d’exer-
cice (public, privé, associatif et universitaire) et
des sociétés savantes. Un tel collège pourrait
rendre, demain, plus intelligible la voix de la
psychiatrie française au niveau national, mais
aussi au niveau international.
ÉDITORIAL
Pr V. Camus
(Tours)
Buenos Aires, Argentine, 18-22 septembre 2011
Évolution
desclassifications
enpsychiatrie
(Keynote lecture 1)
Que retenir de la commu-
nication de N.Sartorius
(“Classifications and
diagnostic systems in
psychiatry: our heritage
and our future”, keynote
lecture 1)
sur l’évolution
des classifications et des
moyens diagnostiques en
psychiatrie ?
D’une manière générale, les classifications
sont le reflet du savoir de l’époque, ce qui
explique qu’elles soient amenées à constam-
ment se modifier en fonction de l’évolution des
connaissances cliniques et scientifiques, et de
la société dans ses dimensions à la fois sociales
et culturelles. N.Sartorius a rappelé que le
niveau de connaissance en psychiatrie demeure
limité. Les attentes vis-à-vis des classifications
sont très variées, selon qu’elles émanent des
patients, des soignants, des chercheurs ou
qu’elles correspondent à des exigences du
moment (attentes d’ordre politique, relatives
à l’assurance-maladie, voire attentes juridiques,
etc.).
Les classifications actuelles posent des
problèmes complexes : ainsi, la CIM-10 est
construite selon 6axes et, par exemple, le stress
post-traumatique fait référence à une causalité,
l’abus de substance à un produit et les troubles
de l’humeur à une symptomatologie. L’évolution
à venir dans le DSM-V et la CIM-11 posera des
difficultés de mise en application, qu’il s’agisse
de la formation nécessaire à leur utilisation ou
des attentes spécifiques de chaque utilisateur.
Y a-t-il un besoin de simplification et d’har-
monisation ?
Effectivement, N. Sartorius plaide pour des outils
à la fois pratiques et universels. Les classifications
doivent évidemment servir de base commune au
diagnostic, à l’enseignement et à la recherche. Mais
elles sont aussi le support de la relation entre le
psychiatre, son patient et la société, et un moyen de
déstigmatisation du patient. Une des difficultés du
développement de nouvelles classifications réside
dans le fait que ces dernières doivent s’appuyer
sur des données certes nouvelles, mais acquises
en se fondant sur des classifications existantes,
ce qui ajoute à la complexité de leur évolution.
Pr R. Schwan
(Nancy)
Dr É.R. Lombertie
(Limoges)
INTERVIEW
Épidémiologie, classifications
15th World Psychiatric
Association Congress