E d i t o r i a l La neuropsycho-

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Editorial
La neuropsychoimmunologie : un
nouveau langage
pour la psychiatrie
biologique ?
A. Galinowski*
*SHU, Hôpital Sainte-Anne, Paris.
La neuropsycho-immunologie devient-elle une discipline à part entière ? Reconnue
comme un thème distinct dans les congrès internationaux, elle possède un livre de
référence rapidement réédité (1), des revues de haut niveau lui sont consacrées et la
psychosomatique lui emprunte ses hypothèses les plus récentes.
Les liens entre système nerveux et système immunitaire ont été soulignés avant même
que les outils de la biochimie et de la génétique moléculaire permettent de comprendre que les deux systèmes biologiques partagent les mêmes voies de signalisation. “En immunisant l’animal, nous immunisons son système nerveux” affirmait
Metalnikov, qui soutenait que les lois du conditionnement pavlovien s’appliquaient
dans les deux cas. La métaphore de l’arc réflexe semblait aussi s’appliquer parfaitement à la réponse immunitaire, l’antigène représentant l’afférence et l’anticorps
l’efférence.
On sait aujourd’hui que le système immunitaire subit l’influence d’hormones et de
neuro-transmetteurs impliqués dans les troubles psychiques, la dépression en particulier, et dans le mécanisme d’action des psychotropes. Cette influence a été établie
par une série d’expérimentations montrant que :
– des lésions du système nerveux modifient les fonctions immunitaires ;
– les lymphocytes portent des récepteurs aux neuro-transmetteurs et aux hormones ;
– l’interaction entre ces récepteurs et leurs ligands a des répercussions fonctionnelles au niveau des immunocytes, par le biais de seconds messagers identiques à
ceux qui interviennent au niveau du système nerveux central, comme cela a été montré en particulier pour le système phosphatidyl-inositol-calcium. Les deux systèmes
ne fonctionnent pas de manière séparée (cross-talk).
L’influence du système immunitaire sur le système nerveux central est plus difficile
à mettre en évidence, en raison des faibles concentrations de cytokines et de leur
court rayon d’action. Elle a pour l’instant été montrée dans la régulation de fonctions physiologiques élémentaires qui sont altérées lors du passage à l’état de maladie. On connaît mieux les structures anatomiques qui permettent ces échanges. Les
cellules gliales en particulier représentent les avant-postes du système immunitaire
au cœur du système nerveux. D’autres modes de communication sont identifiés : la
barrière hémato-encéphalique n’est pas totalement imperméable aux messagers de
l’immunité produits en périphérie ; des récepteurs aux cytokines existent au niveau
cérébral. Les cytokines interviennent aussi dans la régulation de la faim (TNF) et du
sommeil (IL-1), fonctions altérées dans la dépression.
La neuro-immunomodulation fait également intervenir le système endocrinien. L’IL1, dont les effets sur la température centrale et le sommeil lent sont bien étudiés,
accroît la libération de corticostéroïdes surrénaliens par une action hypophysaire ou
hypothalamique.
La grande variabilité inter- et intra-individuelle de résultats expérimentaux, souvent
observés in vitro en présence de concentrations non physiologiques, rendent difficile l’extrapolation des données à l’être humain. Leur convergence témoigne néanmoins de l’importance de la neuro-immunomodulation.
Les états dépressifs partagent avec le stress des mécanismes neuro-endocriniens
mais aussi immunitaires. Un examen critique de la littérature montre toutefois que
les modifications de la fonction immunitaire sont inconstantes. La diminution de
l’activité fonction NK (natural killer) est l’une des données les moins discutables.
L’arbitraire de nos classifications cliniques peut être invoqué, comme souvent en
psychiatrie biologique, pour expliquer les contradictions.
C’est peut-être dans le domaine de la schizophrénie, dont l’évolution chronique faci-
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n° 206, janvier 1998
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lite la recherche d’anomalies biologiques repérables sur une longue période d’observation, que les modifications de la fonction immunitaire ont été décrites avec le
plus de constance. Une étiologie virale à cette affection est évoquée depuis les
grandes épidémies d’encéphalite du début du siècle. Cette hypothèse est aujourd’hui
illustrée par les études épidémiologiques de l’école britannique. Plus récente, l’hypothèse auto-immune rapproche la schizophrénie des maladies neurologiques dégénératives et laisse espérer des traitements s’attaquant à la cause de la maladie et
non seulement à ses symptômes comme les traitements actuels.
Une approche identique dans un autre domaine a amené une équipe américaine à
proposer une hypothèse immunitaire dans un tableau neuropsychiatrique. Un syndrome psychiatrique (troubles obsessionnels-compulsifs ) et un syndrome neurologique (tics) ont été traités avec succès par immmunothérapie, ce résultat expliqué
par une activation auto-immune à la suite d’une infection par streptocoque A bêtahémolytique (2). Gageons que, dans plusieurs types de pathologie, l’immunologie
viendra désormais proposer à la psychiatrie un langage nouveau, montrant qu’audelà du système nerveux central, la réponse à la maladie psychique engage l’organisme tout entier.
Références
1) Ader R., Felten D.L., Cohen E. eds, Psychoneuroimmunology, 2e édition, Académie
Press, San Diego, 1991.
2) Swedo S.E., Leonard M.L., Mittleman B. : Identification of children with pediatric
autoimmune neuropsychiatric disorders associated with streprococcal infections by a
marker associated with rheumatic fiever. Am. J. Psychiat., 1997, 154 (1) : 110-112.
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