É D I T O R I A L Les cancérologues doivent prendre le train déjà en marc h e . . . ● J.F. Morère* e passage du “Train cancer” dans différentes villes de France (voir page 89) a été l’occasion d’une enquête d’opinion dont les résultats ont été récemment rendus publics. Ils offrent des aspects originaux et suscitent des pistes de réflexion. L Pour la majorité des visiteurs, la principale préoccupation est la prévention du cancer. Ce public déjà initié (contact avec la maladie soit personnel, soit familial, soit chez des proches) souhaite qu’une information plus étendue sur les causes environnementales des cancers soit délivrée. Il estime à plus de 80 % qu’il faudrait en parler dès la scolarité. Jusqu’alors, il est vrai, cette information cruciale de santé publique n’est pas systématique et ne se fait qu’au “coup par coup”, à la demande de certains établissements. Pourquoi ne pas mettre en place, comme le suggèrent les organisateurs de la manifestation, une information sur les gestes de prévention du cancer dès le collège ou le lycée, un peu sur le modèle de la prévention routière ? Nous pourrions en espérer une prise de conscience précoce et une modification de certains comportements à risque. Cette information sur le cancer apparaît dans cette enquête comme un besoin essentiel. Malheureusement, la réponse à ce besoin semble n’être que très partiellement satisfaite par les professionnels de santé. En effet, près de 70 % des visiteurs avaient déjà recherché de l’information sur cette maladie, mais dans seulement 19 % des cas auprès de leur médecin généraliste, dans 2 % des cas auprès de leur pharmacien, et pour une personne * Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, 93009 Bobigny Cedex. La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 2 - mars-avril 2004 sur quatre auprès de leur médecin spécialiste. Ils avaient plutôt eu recours à la presse grand public pour 45 % d’entre eux, à la presse spécialisée pour 34 % et à Internet pour une personne sur quatre. Ces chiffres devraient nous pousser à être plus encore des “partenaires d’information” auprès de nos patients et du public. Cela n’est possible que si les soignants peuvent, au-delà de leur motivation, dégager un temps suffisant pour cette tâche. Cette disponibilité sous-entend, bien entendu, des effectifs médicaux adéquats, qui risquent d’être remis en question dans les années à venir par la baisse prévue de la population médicale. Enfin, paradoxalement, malgré cette demande d’une communication plus importante, les personnes directement touchées par la maladie (malades ou ex-malades, représentant 23 % des visiteurs interrogés) préfèrent en majorité se reposer sur les décisions des médecins plutôt que de s’impliquer davantage dans le choix des traitements proposés. Cette observation un peu étonnante ne devrait toutefois pas engager les praticiens à retourner à une pratique médicale “paternaliste”. Le patient ne demande pas à sortir du cœur de la relation médecin-malade. Le souhait exprimé reflète plutôt la volonté d’un partenariat s’apparentant à celui d’une cordée de haute montagne. Dans les passages difficiles, la confiance dans un guide expérimenté apparaît alors cruciale pour la réussite de la course. ■ 43