Conf. OIE 1998, 51-54
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CONTRIBUTION DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE À LA LUTTE CONTRE LES MALADIES ANIMALES
C.J. Bostock
Institut de santé animale, Laboratoire Compton, Newbury, Berks RG20 7NN, Royaume-Uni
Original : anglais
1. INTRODUCTION
La biologie moléculaire a contribué très largement à nos connaissances actuelles sur la structure des agents pathogènes,
leur mode de réplication chez l’animal hôte et les mécanismes pathogéniques. Cette science a été utilisée de façon
pratique pour améliorer la sensibilité, la spécificité et la sécurité des méthodes de détection des animaux infectés et pour
caractériser les agents pathogènes infectieux. Elle a également servi à concevoir de nouveaux vaccins et à parfaire les
stratégies de surveillance et de contrôle lors des enquêtes épidémiologiques sur l’origine des foyers de maladie.
2. PRINCIPES GÉNÉRAUX
À l’exception possible des agents responsables des encéphalopathies spongiformes transmissibles, tous les agents
pathogènes ont un génome constitué d’acides nucléiques, dont les gènes codent pour des protéines qui assurent des
fonctions de réplication essentielles et fournissent aussi des constituants structurels. Les informations génétiques
définissent ainsi l’agent pathogène et la connaissance de ces différentes données peut être appliquée à l’identification de
cet agent, avec des niveaux de spécificité et de sensibilité plus ou moins poussés. Parmi ces techniques d’identification,
il faut citer le séquençage nucléotidique direct, la synthèse d’amorces pour l'amplification en chaîne par polymérase
(PCR) ou la production de sondes d’hybridation clonées. Si le(s) gène(s) code(nt) pour une protéine antigénique qui
stimule la production d’anticorps chez l’hôte infecté, il(s) peut(vent) être utilisé(s), après clonage dans des systèmes
d’expression adaptés, pour produire certains antigènes non infectieux permettant de préparer des tests diagnostiques
dénués de risques. Les gènes de ce type peuvent aussi être utilisés comme source d’antigène immunisant dans un vaccin
(après expression de ces gènes à partir d’une construction injectable d’ADN) ou dans l’un des nombreux vecteurs
vaccinaux vivants possibles, ou simplement comme antigène purifié à partir d’un système d’expression in vitro. La
connaissance de la structure et de la fonction des agents pathogènes et de leur génome est également nécessaire pour
prédire les gènes qui pourraient être responsables d’une pathogénicité élevée afin de créer, par délétion, de nouveaux
vaccins ou vecteurs vaccinaux non pathogènes.
Les protéines structurales d’un agent pathogène et, dans une moindre mesure, certaines de ses protéines non
structurales, activent initialement les mécanismes à médiation cellulaire et/ou humorale du système immunitaire de
l’animal infecté, avant d’être reconnues par ces mécanismes, lors du processus naturel d’induction d’une réponse
immunitaire protectrice. La mise en évidence d’anticorps sériques spécifiquement dirigés contre l’agent pathogène a
longtemps servi de base à la détection des animaux infectés, mais les spécificités individuelles des anticorps peuvent
être perpétuées par la technologie des hybridomes pour produire des anticorps monoclonaux (ou recombinants)
utilisables dans les tests diagnostiques, voire peut-être un jour des anticorps thérapeutiques. L’application des méthodes
moléculaires à des essais de stimulation des réponses immunitaires protectrices vis-à-vis des maladies infectieuses a
montré que des séquences polypeptidiques particulières sont nécessaires, dans un antigène, pour obtenir des réponses
cellulaires et humorales efficaces. La nature précise de ces séquences polypeptidiques varie en fonction des haplotypes
du complexe majeur d’histocompatibilité existant chez l’animal hôte.
Les méthodes de génétique moléculaire conduisent également à l’identification chez l’animal hôte, des gènes codant
pour des protéines qui entrent en interaction avec un agent pathogène et influence de ce fait le cours de l’infection.
Certains de ces gènes qui commandent ainsi la sensibilité (ou la résistance) d’un animal à une infection pourraient être
sélectionnés pour contribuer à la prophylaxie des maladies.
Ces caractéristiques générales de l’application de la biologie moléculaire à la prophylaxie des maladies seront illustrées
à l’aide de différents modèles de maladies infectieuses.
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3. AMÉLIORATION DU DIAGNOSTIC
Séquençage des nucléotides. Cette technique est aujourd’hui couramment employée pour caractériser les souches ou
les variants d’un agent pathogène. Les informations ainsi obtenues peuvent être essentielles pour retrouver la source de
l’infection (voir ci-après). Bien que rarement utilisée pour le diagnostic primaire, cette approche est appliquée à des fins
diagnostiques pour l’identification positive des souches hautement pathogènes d’influenza aviaire, dans lesquelles une
séquence particulière codant pour une chaîne d’acides aminés essentiels détermine l’aptitude au clivage de
l’hémagglutinine, associée à la pathogénicité chez les poulets.
Hybridation/amplification en chaîne par polymérase. La spécificité de l’appariement des bases entre les deux brins
complémentaires d’un acide nucléique est le fondement de toutes les méthodes diagnostiques faisant appel à
l’hybridation sous une forme ou une autre. Un signal d’hybridation positif indique la fixation d’une sonde marquée à un
acide nucléique homologue caractéristique de l’agent pathogène étudié, alors qu’en cas de non appariement de
séquences, faute d’agent pathogène ou d’homologie suffisante, on n’obtient aucun signal. La spécificité de la PCR est
également dépendante de l’homologie des séquences nucléotidiques puisque les séquences des amorces
oligonucléotidiques sont conçues pour s’hybrider uniquement à certaines parties sélectionnées du génome de l’agent
pathogène cible. La PCR est beaucoup plus sensible que la simple hybridation car le signal de sortie est très amplifié
par de multiples cycles de synthèse de l’ADN in vitro. La PCR peut être utilisée pour une détermination quantitative
afin d’estimer avec exactitude le nombre de génomes pathogènes dans le prélèvement. Ces principes de diagnostic
reposant sur les acides nucléiques seront illustrés par des exemples utilisant des morbillivirus et le virus de la maladie
de Marek.
Antigènes exprimés. Les antigènes d’agents pathogènes codés par des gènes clonés et exprimés par des organismes
génétiquement modifiés (Escherichia coli, levures, baculovirus par exemple) présentent plusieurs avantages par rapport
aux agents pathogènes entiers inactivés, pour la mise au point d’épreuves diagnostiques sensibles, spécifiques et sans
risques. Le premier de ces avantages est la «sensibilité» conférée par le fait qu’une protéine recombinante est un
antigène pur et défini qui peut être incorporé quantitativement dans le test. Cette méthode apporte également la
«spécificité» car tous les autres antigènes susceptibles de provoquer une réaction croisée avec les anticorps sériques
cibles peuvent être éliminés. Par ailleurs ces antigènes sont sans danger car aucun agent pathogène infectieux n’est
employé à aucun stade de la préparation du test. Parmi les exemples, on peut citer l’un des antigènes de nucléocapside
(VP7) des orbivirus qui a été utilisé dans les dosages ELISA (dosages immuno-enzymatiques) destinés à identifier les
espèces virales (sérogroupes), et l’antigène 3ABC du virus de la fièvre aphteuse. Cette approche est utilisée
actuellement pour mettre au point des tests visant à différencier les animaux vaccinés et infectés.
Anticorps monoclonaux. Les anticorps monoclonaux ont de nombreux avantages par rapport aux sérums polyclonaux
classiques dans la préparation des épreuves diagnostiques. Ils possèdent une spécificité définie vis-à-vis d’un
déterminant antigénique connu et, en tant que tel, peuvent être sélectionnés pour leur spécificité de groupe, de type ou
de sous-type. Les anticorps monoclonaux peuvent être produits indéfiniment en culture, représentant ainsi une source
illimitée et invariable de réactif. Cet avantage permet à tous les laboratoires de disposer du même réactif, de sorte que la
standardisation et l’harmonisation internationales des contrôles utilisés à l’importation et à l’exportation sont devenus
des objectifs réalistes. L’utilisation des anticorps monoclonaux sera illustrée par une méthode ELISA de compétition
appliquée à la peste bovine et au diagnostic différentiel de la maladie hémorragique épizootique des cervidés et de la
fièvre catarrhale du mouton.
4. PROGRÈS ET INNOVATIONS DANS LE DOMAINE DES VACCINS
Atténuation contrôlée. Le développement de nombreux vaccins reposait jadis sur l’atténuation empirique d’un agent
pathogène, généralement par passages en série sur un hôte non naturel ou sur des cultures tissulaires. Les techniques de
génétique moléculaire peuvent être employées pour obtenir la délétion spécifique des gènes dont dépendent les
caractères pathogènes ou qui déterminent des fonctions enzymatiques non essentielles mais confèrent des
caractéristiques de croissance avantageuses, afin de produire des formes atténuées de l’agent pathogène pour la
préparation de vaccins. L’un des premiers exemples de cette approche était le virus de la pseudorage porteur d’une
délétion du gène de la thymidine kinase (TK), utilisé comme vaccin contre la maladie d’Aujeszky. Plusieurs virus de la
pseudorage génétiquement modifiés ont été produits depuis lors pour servir de vaccins. Les équivalents bactériens de
l’herpèsvirus ou du virus de la variole TK- sont les mutants AroA- de Salmonella, qui sont dénués de virulence et
pourraient être des vaccins intéressants. La délétion sélective des gènes qui codent pour des caractères pathogènes,
plutôt qu’uniquement pour des caractéristiques de croissance, permettra peut-être d’obtenir un jour un nouvel ensemble
de souches vaccinales atténuées.
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Vaccins marqués. Outre l’atténuation, les manipulations génétiques peuvent servir à obtenir la délétion ou l’addition
d’une séquence de codage à un vaccin existant, afin de lui conférer un marquage spécifique qui permettra de
reconnaître les animaux ayant reçu ce vaccin des animaux infectés naturellement. Ces vaccins marqués constituent des
outils importants dans toute campagne d’éradication comprenant des vaccinations.
Vaccins à vecteurs vivants. Il existe de nombreux exemples de vaccins expérimentaux vivants recombinants, mais peu
sont parvenus au stade de la commercialisation. L’un des exemples les plus anciens et les mieux connus est le virus de
la vaccine génétiquement modifié exprimant la glycoprotéine du virus de la rage, utilisé avec succès pour la
prophylaxie de la rage selvatique vulpine. Dans les vaccins de ce type, le vecteur est souvent une souche atténuée d’un
virus à ADN tel que virus de la variole, herpèsvirus ou adénovirus, ou encore une bactérie atténuée telle que
Salmonella. Le principe est toujours le même : un gène de l’agent pathogène cible codant pour un antigène protecteur
est couplé à un promoteur adapté et inséré dans le génome de l’organisme vecteur. Le gène est exprimé durant le cycle
de réplication du vecteur, induisant ainsi une réponse immunitaire protectrice dirigée contre la protéine de l’agent
pathogène donc contre la maladie à laquelle il sera confronté. Le principe sera illustré à l’aide de vaccins recombinants
contre la maladie de Marek et d’un virus de la variole caprine portant et exprimant des gènes du virus de la peste bovine
qui protègent à la fois contre la dermatose nodulaire contagieuse et la peste bovine.
5. GÈNES DE L’HÔTE
Identification des gènes de résistance aux maladies. Une infection par un agent pathogène donné peut induire une
réponse très différente selon les animaux, mais seules les comparaisons entre races pures permettent de démontrer
clairement et d’étudier les bases génétiques de ce phénomène. Certaines différences génétiques sont à rechercher dans
les déterminants du système immunitaire (voir ci-après), bien qu’il existe aussi des gènes qui exercent des effets
majeurs sur l’évolution d’une infection mais n’ont aucun le direct dans la réponse immunitaire. L’un des gènes de
résistance bien caractérisés est le gène PrP (protéine du prion) dont dépend la sensibilité à la tremblante chez les ovins
et les caprins (et d’autres espèces). La connaissance de son rôle dans la tremblante permet d’appliquer des programmes
de prophylaxie reposant sur des examens génétiques et la sélection correspondante du gène PrP. Il est également
évident que l’évolution de plusieurs maladies aviaires, dont la salmonellose et la maladie de Marek, sont sous la
dépendance de gènes dominants uniques présents dans le génome de la poule.
Facteurs conditionnant la réponse aux vaccins. De même que les gènes de l’hôte peuvent influencer l’évolution d’une
infection, ils peuvent conditionner la réponse d’un animal à un vaccin. Ainsi, l’efficacité d’un vaccin peut-elle être
améliorée par la sélection d’animaux capables d'une très bonne réponse immunitaire. L’un des principaux déterminants
de la réponse à la vaccination est le génotype du complexe majeur d’histocompatibilité de l’animal hôte.
6. ÉPIDÉMIOLOGIE MOLÉCULAIRE
Recherche des origines et des causes des foyers. La connaissance de la séquence nucléotidique d’une partie très
variable du génome d’un agent pathogène peut être un très bon outil pour rechercher l’origine d’un foyer. Les régions
VP1 du virus de la fièvre aphteuse sont hautement variables et la similitude génétique des virus, basée sur la séquence
de cette protéine, a été utilisée pour étudier les foyers de fièvre aphteuse de types A et O en Europe. Ces informations
ont permis de rétablir une zone tampon en Turquie d’Europe. Elles mettent également en évidence le risque persistant
pour les pays indemnes de fièvre aphteuse qui importent de la viande non désossée en provenance de pays où cette
maladie est endémique ou sporadique. Des études de ce type ont été retenues pour justifier l’arrêt des vaccinations
contre la fièvre aphteuse en Europe, car elles ont permis de relier un certain nombre de foyers européens à des vaccins
de mauvaise qualité (à virus incomplètement inactivés) ou à la libération du virus par des laboratoires producteurs de
vaccins.
Les méthodes reposant sur la PCR se révèlent également intéressantes pour analyser la complexité des maladies
respiratoires des poules. Grâce à la PCR, on peut rechercher la présence de différentes souches vaccinales et naturelles
du virus de la bronchite infectieuse ainsi que des souches du virus de la rhinotrachéite aviaire pendant toute la durée de
vie d’un élevage de poulets de chair. Ces informations permettent d'identifier les agents pathogènes qui provoquent
effectivement des maladies dans les élevages et de trouver les vaccins les mieux adaptés.
Limites des variations antigéniques. Le séquençage des nucléotides du virus de la fièvre aphteuse a montré que les
acides aminés de surface varient considérablement selon les sérotypes, ce qui indique qu’à très long terme, des
modifications importantes se sont produites, les zones les plus exposées ayant été totalement altérées par une variation
de séquence. Par ailleurs, la capacité d’un virus de la fièvre aphteuse à se modifier rapidement sous la pression sélective
d'anticorps monoclonaux neutralisants se limite à un ensemble bien défini de résidus de surface pour lesquels les
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changements sont tolérés. Certaines des mutations qui conférent la résistance aux anticorps monoclonaux sont
partiellement délétères et ne se rencontrent pas dans les conditions naturelles. Le positionnement de résidus variants sur
le modèle structural atomique du virus de la fièvre aphteuse montre que les modifications sont limitées aux acides
aminés de surface ayant des chaînes latérales orientées vers l’extérieur.
7. PERSPECTIVES
Connaissance des interactions hôte/agent pathogène. La maladie est la résultante d’une série d’interactions entre
l’agent pathogène et l’hôte. Pour certains agents pathogènes, les souches étroitement apparentées peuvent avoir des
effets pathogènes très différents. Pour les programmes de prophylaxie et pour l’élaboration de vaccins efficaces, il est
essentiel de comprendre la nature des interactions et de savoir pourquoi telle souche provoque une maladie grave alors
que telle autre, qui lui est étroitement apparentée, n’induit que des signes cliniques mineurs (ou reste sans effet). Ainsi,
les études sur le virus de la peste porcine africaine ouvrent des perspectives étonnantes sur la complexité des
interactions entre le virus et l’hôte. La détermination de la séquence nucléotidique complète du génome de ce virus a
permis d’identifier plusieurs gènes viraux qui présentent de grandes homologies avec les gènes de l’hôte, ce qui semble
indiquer que durant son évolution le virus a récupéré et adapté à ses propres besoins plusieurs séquences de codage de
l’hôte. On peut citer comme exemple le gène A238L du virus de la peste porcine africaine qui code pour un inhibiteur
d’une protéine de l’hôte, la phosphatase 2B, nécessaire à l’activation des protéines immunomodulatrices dont le rôle est
important au cours de la réponse immunitaire normale. L’inhibition de la phosphatase 2B par le virus de la peste
porcine africaine module donc cette réponse immunitaire chez l’hôte.
Identification de nouvelles cibles thérapeutiques. La lutte biologique contre les maladies reposant sur l’administration
de vaccins sûrs et efficaces et sur des connaissances rationnelles tirées de la surveillance restera toujours la meilleure
approche immédiate. Dans certaines situations, il restera cependant nécessaire de recourir à des médicaments efficaces,
à visée préventive ou curative, notamment en présence d’infections bactériennes et parasitaires. Pour de nombreux
agents pathogènes, le développement de médicaments efficaces a été partiellement fortuit, mais à mesure que l’on
dispose des structures moléculaires d’agents pathogènes entiers ou de leurs constituants, il devient possible de
concevoir des produits qui visent à inhiber les étapes clés du cycle de réplication. Citons comme exemple l’interaction
moléculaire entre le virus de la fièvre aphteuse et l’héparine, qui exerce une faible activité antivirale dans un système
d’essai sur plaque. Cette information pourrait servir à concevoir et à modéliser des molécules dotées d’une activité
antivirale plus spécifique et plus marquée.
Remerciements
Cette présentation sera illustrée par des exemples fournis par les Laboratoires de de l’Institut de santé animale à
Compton, Edimbourg et Pirbright. Nous tenons à remercier tout particulièrement John Anderson, Tom Barrett, Nat
Bumstead, Dave Cavanagh, Linda Dixon, Alex Donaldson, Edouard Galyov, Nora Hunter, Jim Kauffman, Andrew
King, John McCauley, Dave McKay, Peter Mertens, Ivan Morrison et Norman Ross.
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