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C) Rôle du Déluge et des divinités.
1) Une royauté accordée par les dieux.
En plus de cette présence très marquée de héros pendant toute la première moitié de la liste, il
convient de noter que les dieux n’en sont pas absent, bien au contraire, même s’ils ne dirigent pas
eux-mêmes de cité. En effet, ce sont eux qui accordent la royauté : « La royauté étant descendue du
ciel, Eridu fut choisie » (l.1, se retrouve ligne 11). Le fait de « descendre du ciel » signifie en fait
être donnée par les dieux, ce qui peut être confirmé par certains des récits cités à l’instant, et on
peut supposer également que ce ne sont pas les hommes qui ont « choisi » la cité de la royauté mais
directement les dieux. Ce sont donc bien les dieux qui décident de donner cet élément-clé de la
civilisations aux hommes, et semble-t-il orientent, au moins au commencement, son exercice.
2) Rôle du Déluge comme rupture.
D’ailleurs, on peut au moins affirmer qu’ils continuent de la surveiller par la suite. En effet, le
Déluge, qui introduit une rupture importante dans la liste en « nivelant tout » (l.10), est, d’après
plusieurs mythes, un événement orchestré par les dieux afin de remettre de l’ordre sur Terre, et le
fait que la royauté « redescende » (l.11) ensuite du ciel n’était pas évidente. Le scribe ayant
mentionné cette événement dans une liste de roi, on voit donc que l’élément avait son importance
dans la notion de continuité de la monarchie, et donc que les dieux eux-mêmes avaient leur mot à
dire dans l’affaire. Pour faire une petite digression, nous pouvons rappeler rapidement l’histoire du
Déluge mésopotamien tel qu’il est relaté par des sources du I
er
millénaire puisant leurs racines dans
des mythes sumériens : les dieux sont divisés en deux classes, les dieux dominants appelés
Annunaki et les dieux inférieurs nommés Igigi. A l’origine, les Igigi travaillaient pour nourrir les
Annunaki qui ne faisaient pas grand chose, mais ils ont un jour cessé le travail en affamant ainsi les
Annunaki. Pour régler le problème, Enki/Ea, le dieu de la sagesse, créa alors des hommes à l’image
des dieux pour travailler sur Terre à la place des Igigi, et nourrir les dieux au moyen de sacrifice.
Toutefois, ces hommes étaient nettement plus résistants que nous, étant notamment immortels mais
capables de se reproduire : ils finirent ainsi par tellement prospérer que le bruit qu’ils faisaient en
travaillant importunait les dieux. Enlil, chef des dieux, décida d’en finir en envoyant aux hommes
divers calamités. Toutefois, Enki qui souhaitait que sa création survive parvenait systématiquement
à informer les hommes par l’intermédiaire d’un certain Uta-Napishtim, aussi connu sous le nom
d’Atrahsis ou de Ziusudra, et que certaines versions de la liste royale indiquent comme dernier roi
avant le Déluge, pour la ville de Shuruppak. Les hommes survécurent à chaque fois grâce à lui, et
lorsque pour en finir une fois pour tout Enlil décida d’envoyer un Déluge, il construisit un bateau
sur les indications d’Enki, y embarqua avec sa famille et des spécimens de tous les êtres vivants, et
pu ainsi survivre au Déluge. Au bout de dix jours, il lâcha un corbeau qui ne revint pas au navire, et
pu alors accoster. Enlil ayant finit par comprendre que détruire les hommes ne feraient que forcer
les dieux à travailler, accepta que ceux-ci reprennent leur vie normale, mais en réduisant leur durée
de vie et en leur infligeant divers maux comme les guerres ou les maladies pour éviter qu’ils ne
prolifèrent à nouveau, et il accorda l’immortalité à Atrahasis. On voit évidemment tout de suite le
rapport avec le récit biblique : même si les motivations ne sont pas les mêmes, absolument toute
l’histoire est identique, jusqu’aux détails de construction de l’arche calfatée au bitume...