Éditorial Éditorial Un consensus professionnel pour l’automesure de la pression artérielle par le patient Roland Asmar (Paris) * Institut cardiovasculaire, Paris. L ’utilisation de l’automesure de la pression artérielle (PA) par le patient a augmenté considérablement ces dernières années. Parmi les causes d’un tel développement, il y a, d’une part, l’apparition des appareils électroniques de faible coût, simples d’emploi et dont la diffusion a dépassé le contrôle de la prescription médicale, et, d’autre part, les recommandations de certaines sociétés savantes en faveur de l’automesure de la PA pour pallier les inconvénients de la mesure clinique dans certains cas. Malgré ce développement extraordinaire de l’automesure et en dehors de quelques indications d’ordre général sur son emploi, peu ou pas de recommandations précises sur son utilisation en pratique clinique n’étaient préconisées. Pour combler ce manque, le Groupe évaluation et mesure (GEM) de la Société française d’hypertension artérielle a organisé, sous l’égide des sociétés européennes et internationales d’hypertension artérielle, la première Conférence de consensus internationale sur l’emploi de l’automesure. Cette conférence a eu lieu à Versailles en juin 1999 ; la version complète des documents consensuels sera publiée prochainement dans Journal of Blood Pressure Monitoring et leur résumé dans Journal of Hypertension. Au cours de cette conférence, plusieurs aspects pragmatiques, allant des appareils aux indications en passant par la méthodologie et les intérêts de l’automesure, ont été abordés. Parmi eux : Les appareils d’automesure Pendant de nombreuses années, aucune réglementation n’était imposée pour la mise sur le marché des appareils d’automesure. Depuis quelques mois, le marquage CE (témoin d’un standard de fabrication) est devenu obligatoire pour tout appareil en vente sur le marché européen. De ce fait, la Conférence de consensus a permis de simplifier le protocole de validation des appareils d’automesure pour ne garder que la partie en relation avec la validation clinique, la validation technique étant vérifiée par le standard européen. Le protocole international ainsi défini pour la validation clinique des appareils est nettement plus simple que les protocoles employés auparavant, à savoir ceux de l’AAMI et de la BHS ; de plus, il permettra la comparaison entre les validations réalisées par différentes équipes. Parallèlement à la définition du protocole international, plusieurs outils de travail ont été développés pour faciliter la tâche des centres réalisant ces études : CD-ROM pour la certification des observateurs, logiciel pour l’analyse statistique, etc. Considérant la difficulté pour choisir tel appareil ou tel autre par absence, méconnaissance ou irrégularités de leur validation clinique, un état des lieux du marché des appareils électroniques sera publié chaque année. Dans l’attente, la Conférence de consensus conseille : 1. l’emploi des seuls appareils marqués CE et ayant satisfait aux exigences des protocoles de validation clinique ; 2. de préférer les appareils électroniques, simples d’emploi, sauf chez quelques rares patients pour qui la mesure automatique de la PA est impossible (exemple : arythmie) ; 3. d’utiliser les appareils qui mesurent la PA au bras ; ceux du poignet nécessitent une attention particulière pour éviter certaines causes d’erreur, alors que ceux au niveau digital sont à déconseiller ; 4. de préférer les appareils avec imprimante ou téléchargement ou télétransmission pour éviter la transcription des données. Les valeurs de référence Les valeurs de la PA déterminées par l’automesure sont généralement plus faibles que celles de la mesure clinique. Sur la base de certaines études de population, de métaanalyses et des résultats d’une étude pronostique, la Conférence de consensus conseille 135/85 mmHg comme limites supérieures de la normalité de la PA à l’automesure. D’autres études sont nécessaires pour confirmer la valeur pronostique de ce seuil et pour déterminer les valeurs de normalité chez certaines populations spécifiques, telles que l’enfant, le sujet âgé et la femme enceinte. Act. Méd. Int. - Hypertension (12), n° 4, avril 2000 375 Éditorial Éditorial Un consensus professionnel pour l’automesure de la pression artérielle par le patient Roland Asmar (Paris) Procédure d’utilisation La Conférence de consensus a insisté sur le fait que l’automesure de la PA est un geste médical dont la prescription et l’interprétation des résultats doivent être effectuées avec l’aide du corps médical. Dans ce cadre, une information du patient sur le risque cardiovasculaire et sa formation à l’automesure sont nécessaires pour obtenir une automesure de qualité. Plusieurs documents destinés aussi bien à la formation du corps médical qu’à l’éducation du patient ont été rédigés. Ainsi, bien que la procédure d’utilisation de l’automesure reste sujet à discussion et à adapter chez certains patients, il a été préconisé d’effectuer en général deux mesures le matin et le soir pendant une semaine en éliminant les valeurs du premier jour. Le nombre minimum de mesures analysables pendant une période de surveillance est de douze. La moyenne de toutes les mesures sera considérée pour la comparaison aux valeurs de référence. Automesure et diagnostic de l’HTA L’automesure de la PA permet de pallier certaines limites de la mesure clinique de la PA, elle constitue une aide appréciable pour le diagnostic de l’HTA chez certains patients. En effet, chez les sujets à faible risque cardiovasculaire, ou en cas de suspicion d’une HTA “blouse blanche”, l’automesure permet de confirmer ou non le diagnostic, et peut se révéler utile pour leur suivi à long terme. Parallèlement, l’automesure peut être employée pour mieux appréhender le niveau tensionnel dans certaines populations telles que le sujet âgé et la femme enceinte mais des études complémentaires sont encore requises. Intérêts pronostiques de l’automesure L’automesure est mieux corrélée que la mesure clinique de la PA à certains indices d’atteintes organiques consécutives à l’HTA telles que l’hypertrophie ventriculaire gauche. Par ailleurs, certains travaux ont montré l’intérêt de l’automesure pour prédire l’évolution future de la PA chez des sujets porteurs d’une HTA “blouse blanche”. Une étude japonaise permet de penser qu’elle présente une puissance prédictive pour la mortalité cardiovasculaire et la mortalité globale ainsi que pour la morbidité cérébrovasculaire, supérieure à celle de la PA occasionnelle mesurée en clinique. L’automesure en thérapeutique Elle peut se révéler particulièrement utile pour étudier les effets du traitement antihypertenseur à la fois pour le suivi de certains patients hypertendus traités et pour l’évaluation de ces médicaments dans les essais cliniques. En effet, pour les experts de la Conférence de consensus, l’automesure est particulièrement utile chez les patients présentant une HTA résistante, puisqu’elle permet d’identifier ceux qui présentent une HTA isolée en clinique avec une fausse HTA réfractaire ; aussi, elle augmenterait l’observance au traitement. Sur le plan pharmacologique, elle constitue une méthode reproductible et sensible, ce qui permet de l’utiliser comme un outil pharmacologique pour l’évaluation des antihypertenseurs. Conclusion Si l’automesure présente un nombre d’avantages et d’intérêts, elle a aussi certaines limites qu’il faut connaître pour l’employer à bon escient parmi les nombreuses méthodes de mesure de la PA mises à notre disposition. Pendant de longues années, elle a été utilisée essentiellement par les patients de leur propre initiative, dépassant ainsi le cadre habituel de la prescription médicale. Cela était lié entre autre à l’absence d’indications pratiques émanant d’organismes scientifiques reconnus. La Conférence de consensus a pallié ce manque par la publication de recommandations précises. Pour l’heure, il nous reste à les diffuser et les appliquer au mieux dans notre pratique clinique. Act. Méd. Int. - Hypertension (12), n° 4, avril 2000 376