Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
souvent dans les premières semaines ou
mois de vie, avec la plus forte occurrence
au cours des trois premiers mois (80 % des
cas). On retrouve parfois la notion d’un
hydramnios. La polyurie et la soif exces-
sive, signes cliniques les plus typiques,
sont rarement reconnus à un âge précoce
(20 % des cas) en raison de la difficulté
d’évaluer la diurèse chez un nourrisson.
Cette polyuro-polydipsie peut être retardée
en cas d’allaitement maternel, en raison de
la faible teneur en osmoles du lait de
femme. La polyurie est diagnostiquée soit
à l’occasion d’un épisode de déshydrata-
tion hypernatrémique (70 % des cas), soit
devant des signes moins caractéristiques,
liés à l’état de sous-hydratation chronique :
fièvre récurrente (60 % des cas), troubles
digestifs à type d’anorexie, vomissements
et constipation (50 % des cas), mauvaise
prise de poids (80 % des cas), irritabilité
(20 % des cas).
Démarche diagnostique
La première étape diagnostique consiste à
prouver l’existence d’un trouble de
concentration des urines sans préjuger de
son niveau, c’est-à-dire éliminer le dia-
gnostic de polydipsie primaire.
Pour cela, il faut d’abord mesurer la natré-
mie, l’osmolalité plasmatique et de façon
concomitante l’osmolalité urinaire, sans
que l’enfant soit restreint en eau :
✓ La constatation d’une osmolalité urinaire
spontanément élevée, égale au pouvoir de
concentration maximal des urines (PCM)
pour l’âge (tableau I),alors que la
natrémie est inférieure à 143 mmol/l et
l’osmolalité plasmatique inférieure à
295 mOsm/kg, permet d’éliminer un
trouble de concentration des urines. On
peut affirmer qu’il s’agit d’une polydipsie
primaire et les épreuves dynamiques sont
inutiles.
✓ S’il existe une hypernatrémie supérieure
à 143 mmol/l et une hyperosmolalité plas-
matique supérieure à 295 mOsm/kg, il
existe un trouble de concentration des
urines d’origine centrale ou rénale. Dans ce
cas, l’épreuve de restriction hydrique est
inutile. L’osmolalité urinaire constatée
dans ces conditions correspond au PCM.
L’étape diagnostique suivante devra déter-
miner le niveau du trouble de concentration
(test à la dDAVP)
✓ Si la natrémie et l’osmolalité plasma-
tique sont normales et que l’osmolalité uri-
naire est basse, aucune conclusion ne peut
être tirée. Il faut alors effectuer un test de
restriction hydrique afin de s’assurer de
l’existence d’un trouble de concentration
des urines (figure 1, p. 240).
Le test de restriction hydrique doit être réa-
lisé dans des conditions de surveillance cli-
nique et biologique étroites afin d’être inter-
rompu avant le stade de déshydratation.
Pour ce faire, il est impératif qu’il soit réali-
sé de jour, en s’assurant avant le début de
l’épreuve que l’enfant est normohydraté. La
surveillance clinique doit apprécier l’état
volémique, la sévérité de la soif et le poids
toutes les heures. La natrémie, l’osmolalité
plasmatique et urinaire
doivent être mesurées à
chaque miction.
L’épreuve doit être inter-
rompue dès que la perte
de poids atteint 5 % du
poids du corps, la natré-
mie ne doit jamais dépas-
ser 150 mmol/l et l’osmo-
lalité plasmatique 310
mOsm/kg. En pratique,
cette épreuve dure rare-
ment plus de 2 à 4 heures
en cas de DIN, l’importante polyurie entraî-
nant vite une déshydratation sévère. Chez
les patients atteints de diabète insipide, l’os-
molalité urinaire reste inférieure à 300
mOsm/kg, même après perte de poids. En
fin d’épreuve, un prélèvement sanguin pour
dosage de l’AVP plasmatique, bien que non
indispensable au diagnostic de DIN, peut
confirmer l’origine rénale du trouble de
concentration : le taux d’AVP est corrélé à
l’osmolalité plasmatique simultanée et
s’accroît normalement lors de
l’augmentation de l’osmolalité plasma-
tique.
La deuxième étape diagnostique a pour but
de prouver que le diabète insipide est d’ori-
gine rénale. Au contraire des DI d’origine
centrale, l’administration de dDAVP ou
desmopressine(1-déamino[8D-
arginine]VP), un analogue synthétique de
l’AVP à très fort pouvoir antidiurétique,
n’entraîne pas de modification de l’osmo-
lalité urinaire et confirme donc la résistan-
ce rénale à l’AVP. Cette épreuve doit égale-
ment être menée sous stricte surveillance
médicale, en particulier en cas de suspicion
de DI d’origine centrale. L’apport des bois-
sons est libre, l’enfant devant être normo-
hydraté en début d’épreuve. L’enfant doit
être pesé au début de l’épreuve, puis toutes
les 2 heures. Chaque miction émise pen-
dant les 6 heures suivant l’administration
de dDAVP est recueillie pour mesure de
l’osmolalité urinaire. Chez les patients
atteints de DIN, l’administration de
dDAVP ne diminue pas la quantité de diu-
rèse ni l’osmolalité urinaire, qui restent
inférieures à 200 mOsm/kg, alors que chez
les patients atteints de DI central, l’admi-
nistration de dDAVP va être suivie d’une
diminution du volume d’urines émises et
d’une augmentation de l’osmolalité jus-
qu'aux valeurs maximales pour l’âge (5).
C’est dans ce dernier cas de figure que ce
test peut entraîner une hyponatrémie : tout
apport de liquide doit être stoppé si la prise
de poids excède 2,5 % du poids du corps.
Enfin, il ne faut pas oublier que le diagnos-
tic de DIN ne doit être porté qu’après
✓ ≤3 mois 750 ± 300 mOsm/kg
– Prématuré 300 ± 90 mOsm/kg
– Nouveau-né à terme
1 à 3 semaine(s) 385 ± 50 mOsm/kg
4 à 6 semaine(s) 565 ± 100 mOsm/kg
✓ 3 mois à 1 an 1 000 ± 300 mOsm/kg
✓ > 1 an 1 050 ± 250 mOsm/kg
Tableau I. Pouvoir de concentration maximal sous dDAVP (d'après 5).
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