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Multifocalité, multicentricité et bilatéralité du cancer
du sein : quelle imagerie ?
Multifocality, multicentricity and bilaterality in breast cancer: the optimal radiological approach
● E. Netter*, E. Roussel-Andry*, R. Jacquet*, L. Cannard*, L. Debelle*
L
‘
évolution de la prise en charge thérapeutique du cancer du sein (ganglion sentinelle, mastectomie,
reconstruction, oncoplastie) a modifié de façon
importante la démarche diagnostique.
À l’heure du dépistage radiologique, le rôle du radiologue sénologue est de diagnostiquer des lésions souvent infracliniques.
Les multiples techniques d’imagerie actuellement disponibles
placent le radiologue au centre des procédures diagnostiques en
étroite relation avec les cliniciens, les chirurgiens, les cytopathologistes, les anatomopathologistes.
Les bonnes pratiques font que l’on ne devrait plus opérer un
cancer du sein sans diagnostic anatomopathologique. Les
microbiopsies échoguidées et radioguidées sont devenues
essentielles.
La découverte de multifocalité (présence de lésions cancéreuses
dans un même quadrant du sein), de multicentricité (présence
de lésions cancéreuses dans différents quadrants du même sein)
et de bilatéralité peut également modifier l’acte thérapeutique
chirurgical vers des biopsies larges ou des mammectomies.
Les études histologiques des pièces de mammectomies ont
montré la présence de lésions multiples dans 20 à 63 % des cas
dont 20 à 47 % sont multicentriques, 19 à 67 % sont invasives ;
Dans d’autres études plus anciennes, le risque de multifocalité
pour les lésions in situ est de 8 % (1-4), sans doute plus de nos
jours. Les techniques d’imagerie peuvent-elles dépister toutes
ces lésions histologiques ? Et quelle est leur place actuelle dans
le bilan préthérapeutique ?
LA MAMMOGRAPHIE
La mammographie reste l’examen de référence pour le diagnostic du cancer du sein, toutefois, sa sensibilité varie de 63 à
98 %.
Elle est inversement proportionnelle à la densité mammaire (5)
et s’abaisse alors à 30-48 % pour les seins denses de types 3 et 4
de la classification de BI-RADS.
D’autre part, la sensibilité de la mammographie pour la détection de lésions multifocales ou multicentriques varie de 15 à
45 % (6, 7).
Une lésion peut en cacher une autre. Tout radiologue qui visua* SEL de radiologie, 125, rue Saint-Dizier, Nancy.
La Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
lise une lésion fortement évocatrice d’un cancer du sein sait
qu’il faut rechercher, de façon systématique, d’autres lésions
homolatérales et ne pas méconnaître une lésion controlatérale.
Il ne faut pas hésiter à s’aider d’incidences complémentaires, de
clichés localisés ou d’agrandissements radiologiques.
L’ÉCHOGRAPHIE
L’échographie, au-delà de la détection ou de la caractérisation
de l’image principale, permet aussi de diagnostiquer des lésions
multifocales infracliniques homo- ou controlatérales et non
visibles sur la mammographie.
Gordon (8) souligne l’intérêt de l’échographie pour le diagnostic de multifocalité : 12 % de nodules supplémentaires chez
12 706 femmes présentant une lésion bénigne ou une mammographie normale : 3 % de cancers dont 34 % de multifocalité
contre-indiquant d’emblée le traitement conservateur.
Dans la recherche de la multifocalité, Berg (9) montre la valeur
supérieure de l’échographie par rapport à la mammographie. Il
préconise une échographie complémentaire de tout le sein en
préopératoire quand un traitement conservateur est envisagé.
Dans une série de 40 patientes présentant une lésion clinique ou
une mammographie ACR 5, il retrouve 17 % de lésions supplémentaires, modifiant ainsi le schéma thérapeutique initialement
prévu.
Kolb (5), sur une série de 150 cancers dans des seins denses,
note 11 % de lésions malignes supplémentaires à l’échographie,
dont 80 % dans le même sein.
Moon (10) étudie l’efficacité de l’échographie bilatérale systématique à l’aide de sondes à haute fréquence (10-13 MHz) dans
l’évaluation préopératoire de 201 patientes porteuses d’un cancer du sein. Les US ont permis la détection de lésions multifocales ou multicentriques chez 14 % des patientes et de cancers
controlatéraux chez 4 %, taux variables selon la densité du sein
(tableau I). Les faux positifs de l’échographie ont été de 8 %.
La sensibilité, la spécificité, la VVP et la VPN pour les nodules
solides en échographie sont de 100 %, 51 %, 64 %, et 100 %.
L’attitude thérapeutique a été modifiée dans 16 % des cas.
L’échographie dépiste plus de tumeurs occultes en cas de
tumeur de plus de 2 cm, ou de tumeur palpable et de seins
denses. L’évaluation sur la survie et le taux de récidives reste à
étudier.
11
D
O
S
S
I
E
R
Tableau I. Lésions multifocales en échographie (10).
Type de BI-RADS
2
3
4
Cancers multifocaux échographiques (%)
3 (8)
13 (36)
20 (56)
Wilkinson (11), dans une étude plus récente, a évalué la contribution de l’échographie bilatérale et complète des deux seins
sur le diagnostic et la conduite thérapeutique chez 102 patientes
avec un cancer du sein par rapport à un groupe témoin de 124
patientes n’ayant eu que des échographies ciblées. Le diagnostic préopératoire de lésions multifocales ou multicentriques a
été fait respectivement chez 34 % et 18 % pour le groupe étudié
contre 15 % et 8 % pour le groupe témoin. Cela a modifié de
façon significative l’acte chirurgical dans 8 % des cas de la
population étudiée. L’augmentation des biopsies pour lésions
bénignes n’est pas significative. Il retrouve dans cette série
4 cancers controlatéraux.
PLACE DE L’IRM
L’IRM a une sensibilité importante : de 94-100 % pour la détection du cancer du sein, mais une faible spécificité : de 37 à 97 %
(12, 13).
Les indications de l’IRM (14) sont actuellement bien établies
dans les situations suivantes :
– bilan étiologique d’une adénopathie axillaire avec mammographie et échographie normales ;
– image suspecte visible sur une seule incidence mammographique ;
– image de récidive qui n’a pas fait sa preuve dans un sein traité ;
– discordance radio-histologique après un prélèvement percutané.
Son utilisation dans la recherche de multifocalité et multicentricité (15) a fait l’objet de plusieurs publications, mais son indication n’est pas encore établie.
La revue des critères diagnostiques morphologiques et dynamiques (16) et les pièges à éviter (17) en IRM ont pour but
d’augmenter la spécificité des prises de contraste observées à
distance de la lésion connue.
Libermann (18) en 2003, dans une étude rétrospective de
70 IRM préopératoires, a montré que 19 femmes (27%) ont des
lésions soit multifocales (14 cas), soit multicentriques (3 cas).
La probabilité d’avoir un autre foyer découvert à l’IRM est plus
importante s’il existe des facteurs de risque familial, si l’on est
en présence d’un carcinome lobulaire invasif, mais il n’y a pas
de rapport avec le statut de ménopause, avec la densité mammaire ou la taille de la lésion.
Sardanelli (19) a étudié la mammographie et l’IRM en considérant comme gold standard l’étude histologique complète de la
pièce de mammectomie de 99 seins (188 lésions malignes),
52 sont unifocales, 29 multifocales et 18 multicentriques. Le
bilan d’extension local par la mammographie et l’IRM a sousestimé des lésions dans 30 et 19 % des cas et surestimée dans
19 et 30 % des cas respectivement. Pour l’auteur, la différence
de sensibilité pour la détection de la multifocalité est significa12
tive (tableau II) entre la mammographie et l’IRM et apparaît
comme un atout majeur pour l’IRM.
Bedrosian (20) retrouve des anomalies additionelles sur l’IRM préTableau II. VPP et sensibilité de la mammographie et IRM chez 90 patientes
(19).
VPP
Mammographie IRM
(%)
(%)
Global
76
68
Seins denses
78
71
Seins graisseux
73
65
C invasifs
C in situ
Mulitifocalité
Sensibilité
Mammographie
IRM
(%)
(%)
66
81
60
81
75
80
72
89
37
40
60
80
opératoire sur une série de 267 patientes dont 71% (49 patientes)
se sont révélées malignes à l’histologie. Il y a eu 20 faux positifs de l’IRM ayant entraîné néanmoins deux mammectomies,
16,5 % des patientes ont vu le traitement conservateur initial
modifié en mammectomie.
Globalement, l’IRM permet donc de retrouver des sites additionnels cancéreux du sein homolatéral dans 6 à 34 % des
femmes qui n’ont aucune traduction clinique ou mammographique (18) entraînant des changements de thérapeutique initialement prévue entre 8 et 20 % des cas (20).
ASSOCIATION DE L’ÉCHOGRAPHIE ET DE L’IRM
Halwastch (6) a comparé la valeur diagnostique de l’échographie et de l’IRM à celle de l’examen clinique et de la mammographie. Sur 104 patientes présentant des lésions suspectes, 27
ont des lésions multifocales ou multicentriques, 48 % sont diagnostiquées correctement par la mammographie seule, 63 % par
la mammographie et l’échographie et 81 % par l’IRM.
L’échographie a été bénéfique pour 13 patientes et délétères
pour 2. L’IRM a été bénéfique pour 7 patientes, mais au prix de
8 faux positifs. Au total, 93 % des patientes de cette série n’ont
pas bénéficié de l’IRM. Les auteurs concluent que si l’IRM est
très sensible pour la détection de petites tumeurs, elle n’est pas
utile dans la majorité des cas, lorsque la mammographie et
une échographie complète des deux seins ont été réalisées car
l’IRM génère trop de faux positifs. Son indication doit rester
limitée à des cas difficiles lors de seins denses et d’échostructure inhomogène.
Berg (21) étudie également, dans une étude prospective, le rôle
supplémentaire de l’échographie et de l’IRM par rapport à
l’examen clinique et la mammographie dans le bilan d’extension pré thérapeutique chez 111 patientes chez qui 177 lésions
malignes ont été diagnostiquées. La sensibilité et la VPP des
différents examens sont résumées dans le tableau III. Le risque
de faux positifs de l’échographie et de l’IRM fait que la fiabilité
de l’échographie seule (67,8 %) ou de l’IRM seule (72,9 %) ou
en combinaison avec l’examen clinique et la mammographie
n’est pas supérieure à celle de la mammographie seule (70,2 %).
La fiabilité dans les seins denses pour les US ou l’IRM seule
reste inférieure à celle de la mammographie seule ou associée à
l’examen clinique. La prévision d’un traitement conservateur
La Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
Tableau III. Performance diagnostique dans l’étude de Berg (21) des différentes techniques.
Mammographie
Mammographie, examen clinique
Mammographie, examen clinique
et US
Mammographie et US
Mammographie, examen clinique
et IRM
Sensibilité (%) VVP (%) Fiabilité (%)
67,8
85,7
70,2
93,2
72,4
75,6
77,4
91,5
85,6
72,3
70,9
70,2
99,4
70,1
70,5
après l’examen clinique et mammographique a été modifiée
dans 31 % des cas. L’échographie a permis de détecter des
lésions supplémentaires dans 18 % des cas (17 lésions) et l’IRM
dans 30 % (29 lésions), mais avec une surestimation de 12 % en
échographie et 21 % en IRM et une sous estimation de 16 %
pour l’échographie et 1 % à l’IRM. L’échographie réalisée
après l’IRM n’a pas amélioré la détection.
Malur (22), sur une série de 413 patientes, constate des lésions
multifocales chez 42 patientes. Leur taux de détection est de
35,7 % avec la mammographie associée à l’échographie et de
73,8 % lors de l’association mammographie et IRM.
LE SEIN CONTROLATÉRAL
Le risque de cancer du sein controlatéral est retrouvé par l’examen clinique, la mammographie ou les deux dans 2 et 7,4 %
des cas (23, 24). Le risque de développer un cancer métachrone
est de 0,5 à 1 % par an (25, 26). Le diagnostic de lésion controlatérale chez des patientes présentant un cancer du sein non
décelable en mammographie varie de 4 à 24 % (10, 23, 24, 27).
Dans une étude rétrospective (23) chez des femmes dont un
cancer a été diagnostiqué dans les 6 mois précédents, 223 IRM
mammaires de seins controlatéraux, dont la mammographie a
été jugée normale, ont été effectuées, 72 biopsies ont été
recommandées et réalisées chez 61 femmes, 37 échographies
ont été faites et positives dans 7 cas (19 %) 13 cancers ont été
détectés en IRM (20%) soit 5 % des femmes ayant eu une IRM.
Des biopsies pour des lésions bénignes ou à haut risque ont été
pratiquées chez 80 % des femmes opérées et 22 % des femmes
ayant eu une IRM.
La VPP de la biopsie induite par l’IRM a été décrite entre 49 et
80 % dans la littérature (23) et 18-64 % chez les femmes à haut
risque de cancer du sein.
Dans cette étude, il existe des sous-groupes de femmes à risque
de cancer controlatéral : antécédent de cancer du sein familial
de premier degré ou cancer lobulaire infiltrant pour la lésion
princeps. L’auteur met en garde les cliniciens sur le risque de
demande accrue de mammectomie prophylactique après la mise
en évidence de lésions IRM, d’autant plus que la spécificité de
cet examen reste faible et que l’impact du diagnostic de ces
cancers controlatéraux sur la survie est mal connu.
Dans la série de Berg (21), une lésion controlatérale a été
retrouvée chez 9 % des patientes (10 cas) dont 6 visibles à la
mammographie, 8 à l’échographie dont 3 occultes à la mammographie et 9 à l’IRM.
Dans l’étude de Lee (28), 8,2 % (15 patientes) ont une lésion
La Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
suspecte à l’IRM sur le sein controlatéral parmis les 182
femmes ayant un diagnostic de cancer du sein : 11 de ces
lésions sont occultes à la mammographie ; 7 cancers sont diagnostiqués (3,8%) dont 4 uniquement visibles en IRM. Il y a eu
4,4 % de faux positifs de l’IRM ayant entraîné deux mammectomies. Les auteurs n’ont pas trouvé de sous-groupe à risque
que ce soit l’âge, les antécédents familiaux ou l’histologie de la
lésion primaire. Le taux plus faible de ces formes controlatérales pourrait être expliqué par la sélection des patientes qui
étaient éligibles pour un traitement conservateur.
Tableau IV. Cancers controlatéraux et IRM.
N
Liberman
Berg
Lee
1336
111
182
Lésions IRM
controlatérale
223
15
Cancer
controlatéral (%)
12
10 (9)
7 (3,8)
LES SEINS DENSES
Van Goethem (29) a étudié l’impact de l’IRM préopératoire
dans les seins denses de types 3 et 4 de la classification BIRADS, chez 67 patientes dont 20 avaient des lésions multifocales ou multicentriques. Ainsi, 35 % sont vues à la mammographie, 30 % à l’échographie et 100 % à l’IRM avec des taux
de faux positifs de 12,5, 14 et 23 % respectivement. Un changement de thérapeutique a été réalisé de façon correcte chez
32,3 % des patientes, ce taux étant plus élevé par rapport aux
séries de Orel (30) et Fischer (27).
Pour Sardanelli (19) et Echevarria (31), la forte sensibilité de
l’IRM pour la détection de lésions multifocales dans les seins
denses est un atout majeur pour l’IRM, car elle est supérieure à
l’association mammographie et échographie.
LES FAUX NÉGATIFS, LES FAUX POSITIFS
Ghai (32), dans une étude de 104 IRM préthérapeutiques chez
des femmes présentant une lésion mammographique et/ou
échographique du sein, montre que 9 lésions étaient occultes à
l’IRM, toutes vues à la mammographie et 6 visibles à l’échographie. Teifke (33) décrit également 12 % de faux négatifs à
l’IRM.
À l’inverse, il reprend une série de prises de contraste fortuites
(34) chez 1 273 patientes dont 21 % avaient une suspicion de
lésions malignes à la mammographie. 274 lésions fortuites sur
l’IRM ont été rapportées (25 %) dont 41 % ont eu une histologie. 54 cancers ont été identifiés soit 20 % des lésions fortuites
détectées par l’IRM. Le traitement initialement prévu a été
modifié chez 3,6 % des patientes. Le taux de lésions additionnelles chez les patientes ayant des lésions suspectes à la mammographie a été de 7,6 %.
LES RÉCIDIVES HOMOLATÉRALES
Fischer (35) a étudié le rôle de l’IRM préopératoire sur le taux
de récidives homolatérales. Les taux de récidives homolatérales
et de cancers controlatéraux sur un suivi de 40 mois sont plus
13
D
O
S
S
I
E
R
importants dans le groupe de femmes n’ayant pas eu d’IRM
préopératoire (6,8 versus 1,2 % et 4 versus 1,7 %).
Les taux de récidive seraient corrélés à l’extension intracanalaire
péritumorale (36, 37) de même que le risque de multifocalité.
Le rôle de l’IRM dans ce diagnostic permettrait donc de réduire
le risque de récidive. L’auteur trouve que le terme même de
récidive dans le lit tumoral est impropre et que ces lésions préexisteraient lors du diagnostic initial.
LE CARCINOME LOBULAIRE INVASIF (CLI)
Une place particulière doit être faite au carcinome lobulaire
invasif. Son diagnostic sur la mammographie est souvent difficile avec des faux négatifs pouvant atteindre 44 %. La sensibilité de l’échographie est également faible (68 à 87 %). La tendance du CLI à la multifocalité est actuellement reconnue (38)
ainsi que sa bilatéralité (26).
Selinko (39) retrouve, dans une série de 62 cas, une sensibilité
supérieure de l’échographie (98 %) par rapport à la mammographie (65 %) et a permis le diagnostic de multifocalité dans 21 %
des cas. La fréquence de la multifocalité de cette forme histologique (20, 23) est également plus souvent retrouvée en IRM
que pour les formes canalaires invasives (55 versus 22 %).
Dans la série de Bédrosian (20), sur 24 patientes présentant un
carcinome lobulaire invasif, la procédure thérapeutique initiale
prévue a été modifiée après l’IRM chez 11 patientes avec une
mammectomie chez 8, et ce à bon escient chez 82 % des
patientes (9 cas sur 11).
Pour Weinstein (40), la prise en charge thérapeutique a été modifiée chez 50 % des 32 patientes atteintes d’un cancer lobulaire
invasif et dans 8 cas sur 11 dans l’étude de Fabre Demard (41).
L’atteinte du sein controlatéral occulte cliniquement et à la
mammographie (23, 42) est également plus fréquente dans cette
forme histologique (13 versus 4 %).
L’absence de rehaussement en IRM du carcinome lobulaire
invasif a été signalée par de nombreux auteurs, mais avec des
taux variables (13, 33, 40-43) dus, d’une part à l’évolution des
protocoles d’imagerie et, d’autre part à la faible néovascularisation de ces lésions liée à l’architecture en file indienne de ces
cellules malignes au sein du tissu mammaire dont la capillarité
vasculaire suffirait à la croissance de ces tumeurs.
DISCUSSION
Il n’existe pas d’imagerie parfaite pour détecter et caractériser
toutes les lésions mammaires chez une femme de risque normal.
La mammographie reste l’examen de référence pour le diagnostic de cancers du sein bien que sa sensibilité ne soit pas optimale. La recherche de multifocalité ou de bilatéralité doit être
le premier réflexe du radiologue sénologue.
L’échographie est devenue l’examen complémentaire incontournable, peu coûteux et facile d’accès, réalisable d’emblée au
décours de la mammographie. Son indication dans les seins
denses de types 3 et 4 de la classification de BI-RADS est
acquise. Elle permet le diagnostic de lésions multifocales ou
multicentriques purement échographiques, pouvant modifier
l’acte thérapeutique et ceci à moindre coût par rapport à l’IRM.
14
La preuve histologique de la malignité de ces lésions reste
actuellement facilitée par des prélèvements échoguidés ou
radioguidés et le rôle du radiologue dans cette démarche, en
amont de l’acte chirurgical, est devenu primordial.
La sensibilité de l’IRM est certes supérieure aux autres techniques (examen clinique, mammographie, échographie), mais la
meilleure sensibilité est obtenue par l’association de ces différents examens (95,5 %). Une IRM négative ne doit pas influencer la prise en charge des lésions suspectes vues sur les autres
examens et la preuve histologique devra être obtenue par le
biais de ces autres techniques. L’IRM ne peut pas se substituer
aux autres examens (13, 32).
La spécificité de l’IRM reste néanmoins faible pouvant induire
des biopsies inutiles ou des surveillances itératives. Sa forte
valeur prédictive négative est utile dans des cas difficiles.
L’efficacité de l’IRM dans la recherche de multifocalité ou
multicentricité est actuellement prouvée. Son impact thérapeutique actuel modifie les indications de traitement conservateur
vers des exérèses plus larges, voire des mammectomies dans
10 à 25 % des cas.
L’intérêt de l’IRM, d’une part dans le choix de la démarche diagnostique de multifocalité et, d’autre part dans l’attitude thérapeutique, est difficile à comparer entre les différentes études,
car les groupes de patientes sont hétérogènes. De plus, les prélèvements guidés par IRM sont à ce jour d’accès limité.
Il reste à dégager des populations cibles pouvant bénéficier de
l’ensemble de ces techniques : doit-on faire une IRM à toutes
les femmes présentant une lésion a priori unifocale sur la mammographie, voire sur l’échographie ? Doit-on limiter cette indication aux seins denses, aux femmes ayant un risque familial,
aux femmes jeunes ? Des études randomisées sont nécessaires
pour évaluer cette pratique sur le taux de récidive, la qualité de
vie et le taux de survie.
Sa place dans le bilan d’extension d’une lésion lobulaire invasive semble se dessiner dans l’ensemble des études réalisées.
Cette recherche de multifocalité est d’autant plus importante
chez des femmes porteuses (ou à haut risque de l’être) d’une
mutation génétique de cancer du sein (44, 45) et pourrait devenir une prochaine indication validée.
CONCLUSION
La preuve histologique de la multifocalité et multicentricité
d’un cancer du sein est indispensable pour le chirurgien afin
d’adapter au mieux son acte chirurgical selon les données
actuelles de bonnes pratiques thérapeutiques. La place du radiosénologue au sein de l’équipe des thérapeutes est devenue primordiale dans la recherche de ce diagnostic et l’apport de cette
preuve par des prélèvements guidés.
L’indication de l’IRM dans la recherche de multifocalité et
multicentricité n’est pas actuellement validée en France. Outre
le problème des nombreux faux positifs, la faible disponibilité
des machines, le faible nombre de machines équipées en dispositifs de ponctions et repérage sous IRM et le coût de ces examens, il reste indispensable de valider son impact sur la survie
■
et la qualité de vie des patientes.
La Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
R
É F É R E N C E S
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