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de taxer du souverain. Il en va ainsi des retraites des fonctionnaires lorsqu’elles sont versées
directement par la caisse du souverain, mais aussi des retraites par répartition qui reposent sur
une délégation par le souverain de son pouvoir de taxer, en rendant les cotisations à ces
régimes obligatoires. Ces droits, considérables en France et d’autres pays d’Europe
continentale, sont assimilables à de la dette publique ; ou, s’ils ne le sont pas, ils amputent
d’autant le pouvoir de taxer du souverain pour faire face à sa propre dette.
La question de la séniorité des deux types de dette n’est pas évidente. A priori, il est plus
facile au souverain de déprécier les engagements de retraite en modifiant plus ou moins à la
marge les règles d’attribution et de revalorisation, de pratiquer ainsi une sorte de défaut furtif.
Mais, si le souverain est élu, il heurte une fraction substantielle de l’électorat.
Le PIB correspond grosso modo à un revenu. Mais c’est un revenu national, le revenu des
sujets, et non pas celui du souverain. Le souverain ne peut prélever qu’une part du revenu
national, et la taille du revenu national n’est pas indépendante de la part qu’il veut prélever.
Il existe des limites économiques au montant du tribut que le souverain peut extirper de sa
juridiction (Jules Dupuit, Arthur Laffer). Il existe aussi des limites politiques, souvent
qualifiées « d’acquiescement à l’impôt ».
Dans le cas de la France, la charge des prélèvements est extrêmement lourde, l’une des plus
élevées au monde, et elle se concentre de plus en plus sur une minorité. On n’est sans doute
pas loin de la loi des 20-80 : 20 % de la population, active et épargnante, est à l’origine de
60 % de la création de richesse et verse 80 % des prélèvements en tous genres. De l’autre côté,
les dépenses se concentrent de plus en plus sur des catégories différentes de celles qui
contribuent : multiplication des conditions de ressources pour les prestations et subsides
publics.
Historiquement, le souverain prélevait un tribut, d’abord sur les nations vaincues, puis sur ses
propres sujets. En retour, il leur fournissait quelques services, le plus important étant la
protection de leur personne et de leurs biens. Aujourd’hui, le souverain s’implique dans de
multiples activités, et un écart grandissant se creuse entre les contributeurs et les bénéficiaires,
ce qui ne peut manquer de fragiliser la base fiscale.
Le bilan d’un souverain est relativement simple. L’essentiel de son actif est constitué de la
valeur actualisée des prélèvements futurs qu’il peut imposer (d’où l’importance du
dynamisme de la base taxable et donc de l’économie). Le souverain a peu d’actifs productifs,
et on estime souvent qu’il en obtient un rendement inférieur à celui d’un propriétaire privé,
d’où la pression à la privatisation pour les souverains en difficulté. C’est la valeur actualisée
des prélèvements futurs qui constitue le gage que la dette, et les autres passifs, seront honorés.
La capacité du souverain de prélever une fraction soutenable d’une base dynamique est donc
essentielle.
Que faire face au risque souverain ?
On pense tout d’abord à tout ce qui peut être fait pour canaliser l’action du souverain, lui
imposer des normes destinées à lui éviter de se trouver en situation délicate. Ces normes
peuvent être des engagements internationaux, en particulier européens, ou des normes internes
de nature légale ou constitutionnelle. Le problème est que le souverain se rebiffe volontiers,