D É C O U V E R T E S Le BDNF contrôle la transmission dopaminergique : implications dans la maladie de Parkinson ● O. Guillin* * Unité de neurobiologie et pharmacologie moléculaire de l’INSERM, centre Paul-Broca, Paris, et service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique, centre hospitalier Sainte-Anne, Paris. 18 a b c 4 125 3 100 Rotations L Nous avons montré que l’expression du récepteur D3 était contrôlée par le BDNF. En effet, chez des souris dont le gène du BDNF est invalidé, la synthèse de la protéine et de l’ARNm du récepteur D3 est absente au cours du développement et à l’âge adulte. De plus, la destruction des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale entraîne une diminution de l’ARNm et de la protéine du récepteur D3 dans le noyau accumbens qui est restaurée par l’apport exogène de BDNF. En utilisant un antagoniste spécifique du BDNF, nous avons montré, dans le striatum dénervé de rats hémiparkinsoniens traités par des injections répétées de L-dopa, que l’induction du récepteur D3 était abolie et que D3 receptor es récepteurs dopaminergiques sont classés en deux sous-familles, récepteurs de la sous-famille D1 et D2. Cette classification repose sur des critères fonctionnels, pharmacologiques et d’organisation génique. Le récepteur D3 de la dopamine appartient à la sous-famille des récepteurs D2 et il est exprimé dans le cerveau, principalement dans des régions où la dopamine est impliquée dans le contrôle des émotions, de la motivation et dans les effets des drogues. Cette expression restreinte aux zones limbiques du cerveau a permis de proposer ce récepteur comme une cible pour les antipsychotiques (1). De plus, chez le rongeur, l’administration chronique de neuroleptiques ne modifie pas son expression (1), ce qui est cependant le cas du récepteur D2. L’étude de la régulation de l’expression du récepteur D3 a montré que, chez le rat normal, elle est indépendante de la dopamine, alors que, chez le rat hémiparkinsonien traité par des injections répétées de L-dopa, on observe une induction de ce récepteur dans le striatum dénervé sous l’effet d’une stimulation des récepteurs D1 (2, 3). La régulation génique de ce récepteur paraît donc paradoxale à double titre : – elle est opposée à celle du récepteur D2 ; – elle est indépendante en situation normale de la dopamine et dépendante de cette amine dans un modèle pathologique. Les études post mortem chez les patients souffrant de maladie de Parkinson, de schizophrénie et de dépendance à la cocaïne confirment que l’expression du récepteur D3 est opposée à celle du récepteur D2 (4-6). Les neurotrophines constituent une famille de protéines dont le chef de file est le Nerve Growth Factor (NGF) et qui comprend le Brain-Derived Neurotrophic Factor (BDNF), la neurotrophine 3 (NT-3) et la neurotrophine 4/5 (NT-4/5). Cette famille est définie par une haute homologie de séquence entre ses membres et une haute affinité pour une famille de récepteurs tyrosine kinase, les Trk (tropomyosin-related kinase) (7). Le rôle du BDNF dans la survie et la différenciation des neurones périphériques au cours du développement est bien établi (7). Dans le système nerveux central, plusieurs résultats semblent indiquer que cette neurotrophine pourrait agir comme un neurotransmetteur (8). 2 1 0 Première injection de L-dopa Dernière injection de L-dopa 75 50 25 0 0,05 0,5 [IgG-TrkB] (µg/h) 0 0 0,05 0,5 [IgG-TrkB] (µg/h) Figure. Le BDNF déclenche la sensibilisation comportementale à la L-dopa en contrôlant l’expression du récepteur D3. a. Signaux obtenus en hybridation in situ pour l’ARNm du récepteur D3 chez des animaux qui reçoivent une infusion continue d’IgG ou d’un antagoniste du BDNF (IgG-TrkB) dans le striatum dénervé* pendant 7 jours. Du côté lésé, l’injection répétée de L-dopa (50mgk, I.P. pendant 5 jours) induit une surexpression du récepteur D3 (côté gauche chez l’animal qui reçoit l’IgG). b. L’infusion de l’antagoniste du BDNF prévient l’apparition de cette induction. c. L’injection répétée de L-dopa entraîne une sensibilisation comportementale qui s’exprime par l’augmentation du nombre de rotations mesuré (nombre de rotations à la première injection vs celui à la dernière injection dans le groupe ne recevant pas d’IgG-TrkB). L’infusion de l’antagoniste du BDNF empêche l’expression de la sensibilisation comportementale à la L-dopa. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. VII - janvier 2003 Découvertes l’expression de la sensibilisation comportementale à la L-dopa n’était plus possible. Nous avons donc conclu que le BDNF contrôlait l’expression du récepteur D3 induite par la L-dopa et celle de la sensibilisation comportementale. Nous avons ensuite montré que l’expression du récepteur D3, induite par la L-dopa dans le striatum dénervé, résultait de la synthèse de BDNF dans le cortex frontal sous l’effet d’une stimulation des récepteurs D1. Ces résultats mettent en évidence un nouveau rôle du BDNF, celui qui consiste à moduler la transmission dopaminergique en contrôlant le niveau d’expression de l’un des récepteurs de ce neurotransmetteur. Les dyskinésies observées pendant un traitement par la L-dopa chez les patients souffrant de maladie de Parkinson répondent aux critères d’une sensibilisation comportementale car : – elles n’avaient jamais été observées avant l’utilisation de ce médicament (9) ; – elles disparaissent lorsque l’effet du médicament cesse (9) ; – elles apparaissent après une durée prolongée d’administration du traitement (10). La démonstration du rôle de la surexpression du récepteur D3 dans l’expression de la sensibilisation comportementale à la L-dopa indique donc qu’un traitement capable de moduler la transmission dopaminergique, comme un agoniste partiel et sélectif du récepteur D3, pourrait être utile dans le traitement des dyskinésies induites par la L-dopa (11). ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Sokoloff P et al. Molecular cloning and characterization of a novel dopamine receptor (D3) as a target for neuroleptics. Nature 1990 ; 347 : 146-51. 2. Lévesque D et al. A paradoxical regulation of the dopamine D3 receptor expression suggest the involvement of an anterograde factor from dopamine neurons. Proc Natl Acad Sci USA 1995 ; 92 : 1719-23. 3. Bordet R et al. Induction of dopamine D3 receptor expression as a mechanism of behavioral sensitization to levodopa. Proc Natl Acad Sci USA 1997 ; 94 : 3363-7. 4. Staley JK, Mash DC. Adaptive increase in D3 dopamine receptors in the brain award circuit of human cocaine fatalities. J Neurosci 1996 ; 16 : 6100-6. 5. Gurevich EV et al. Mesolimbic dopamine D3 receptors and use of antipsychotics in patients with schizophrenia. A post mortem study. Arch Gen Psychiatry 1997 ; 54 : 225-32. 6. Ryoo HL, Pierrotti D, Joyce JN. Dopamine D3 receptor is decreased and D2 receptor is elevated in the striatum of Parkinson’s disease. Mov Disord 1998 ; 13 : 788-97. 7. Thoenen H. Neurotrophins and neuronal plasticity. Science 1995 ; 270 : 593-8. 8. Altar CA, DiStefano PS. Neurotrophin trafficking by anterograde transport. Trends Neurosci 1998 ; 21 : 433-7. 9. Rascol O. Arguments en faveur du traitement précoce de la maldie de Parkinson par les agonistes dopaminergiques. Rev Neurol 1999 ; 155 : 35-42. 10. Marsden C. Parkinson’s disease. J Neurol Neurosurg Psy 1994 ; 57 : 672-81. 11. Pilla M. 11. Selective inhibition of cocaine-seeking behaviour by a partial dopamine D3 receptor agonist. Nature 1999 ; 400 : 371-5. Guillin O, Diaz J, Carroll P et al. BDNF controls dopamine D3 receptor expression and triggers behavioural sensitization. Nature 2001 ; 411 (6833) : 86-9. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. VII - janvier 2003 19