Cancer bronchique Que penser du dépistage ? Environ 25 000 personnes meurent en France, chaque année, des suites d’un cancer bronchique. La prévention passe bien par l’arrêt du tabac, mais comment dépister plus tôt les tumeurs ? C ertains recours en justice montrent la difficulté d’un dépistage radiographique à un stade précoce. Certaines études ont démontré que la radiographie thoracique périodique apportait une amélioration significative dans ce dépistage. Parallèlement, les résultats d’autres essais ont conclu à un manque de réduction de mortalité si bien que des organismes de santé nord-américains se sont prononcés contre le dépistage radiographique ou cytologique de ce cancer. Est-ce pour cette raison que, depuis 20 ans, les taux de guérison à cinq ans du cancer bronchique avoisinent toujours 10 à 15 % ? D’autres études démontrent cependant que le dépistage radiographique permet de réduire de 20 % la mortalité. Le problème est que ces dernières études font aussi la démonstration que, si l’outil radiographique est idéal, il est également parfois dangereux. D’un côté, la radiographie thoracique est peu coûteuse, faiblement irradiante et accepté par la population. D’un autre côté, ce qui pèche, c’est la sensibilité de détection incertaine, variant de 16 à 85 %, la radiographie thoracique omettant 30 % des nodules pulmonaires qui ne seront découverts qu’a posteriori, lorsqu’ils seront volumineux ou symptomatiques. La radio n’a de valeur que par comparaison avec une radio précédente. En outre, le taux de faux positifs est élevé, entraînant des conséquences émotionnelles trop importantes. Dans ce type de dépistage, il est donc important de distinguer les populations à risque des autres. Le dépistage devrait passer par un savoir-faire des interprètes des radiographies et, pour les personnes à risque, par le scanner. L’article de C.I. Henchke et coll., souligné par The Lancet, sanctionne sévèrement la radiographie thoracique puisque, dans une population de 1 000 volontaires fumeurs asymptomatiques de plus de 60 ans, il y a trois fois plus de nodules pulmonaires radiographiques que scanographiques. 2,7 % de la population scanographiée ont un cancer contre 1 %. Les études actuelles mettent l’accent sur la cytologie de l’expectoration, l’autofluorescence et le scanner spiralé. Elles indiquent que, dans une population à risque soumise aux trois examens de dépistage, un cancer serait découvert par cytologie chez 1,7 % des sujets, par autofluorescence chez 2,2 % des sujets et par scanner chez 1 % d’entre eux. Réflexions Plusieurs réflexions sont citées par J. Rémy et M. Rémy-Jardin, du CHU de Lille, dans le Quotidien des Journées françaises de radiologie : “Le dépistage tomodensitométrique du très petit cancer bronchique ne s’adresse qu’au nodule pulmonaire, donc le plus souvent aux adénocarcinomes. Celui du cancer bronchique intrapariétal, sans développement péribronchique et à très faible développement endoluminal, ne semble pas prêt d’être réglé par l’endoscopie virtuelle. Le dépistage tomodensitométrique ne concernera donc qu’une partie des cancers, l’autre relevant de la cytologie et/ou de l’endoscopie. Le dépistage tomodensitométrique par l’œil humain n’est pas infaillible et, quelle que soit la technique d’acquisition, il y a et il y aura des erreurs par omission. Il faut donc trouver des moyens informatisés d’assistance à l’interprétation pour limiter l’erreur humaine. Il serait intéressant de connaître le coût global moyen d’un cancer bronchique en fonction de son stade de découverte, incluant les coûts de dépistage, du bilan d’extension, des traitements, de sa surveillance et de la mise en longue maladie, parce que l’impact économique d’un dépistage précoce comparera tôt ou tard le prix des traitements lourds et d’une surveillance courte de stades avancés à ceux du seul traitement chirurgical du microcancer longuement surveillé. Il faudra aussi majorer l’addition du coût du dépistage précoce par la découverte d’incidentalomes, dont le pourcentage actuellement estimé varie de 15 à 50 %. Multiplié par le nombre de fumeurs en France, il est à craindre que nos organismes de tutelle ne se précipitent pas vers un dépistage scanographique de masse”. Le dépistage radiographique a donc encore de beaux jours devant lui. Peut-être le dépistage TDM sera-t-il réservé à une population à haut risque, très ciblée, alors que le dépistage de masse sera réservé à une population à risque mais bien portante. Le dépistage ciblé, concernera la même population mais lorsqu’elle est victime d’un traumatisme, d’une pneumopathie, d’une douleur thoracique ou d’un symptôme banal. En attendant un scanner moins coûteux, il est donc essentiel de faire évoluer l’outil radiographique technologiquement et d’assister ceux qui l’utilisent pour améliorer leurs performances diagnostiques. A.-L.P. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 29 - septembre 2001 11