Invasions barbares

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15/04/2015 |
Invasions barbares
Les termes d'"invasions barbares" désignent les mouvements de peuples qui franchissent les frontières de
l'Empire romain entre la fin du IIe et le VIIe s. et qui, profitant de l'affaiblissement du pouvoir impérial, créent
des royaumes indépendants en Europe occidentale et en Afrique du Nord. L'historiographie actuelle considère
ces événements comme un processus d'acculturation et non plus comme une vague d'invasions violentes. Le
mot allemand Völkerwanderung, littéralement "migration de peuples", donne une idée plus juste de ce qui fut
souvent une infiltration. "Barbare", pour un Grec ou un Romain, se réfère à tout ce qui est étranger.
Les sources écrites, relativement abondantes mais presque toutes issues du monde romain (chroniques,
textes de loi, vies de saints, correspondances etc.), offrent une image biaisée, en partie corrigée par
l'archéologie, l'anthropologie, l'onomastique ou la linguistique. Les peuples mentionnés dans les textes sont
en majorité germaniques (Burgondes, Francs, Alamans), moins souvent iraniens (Sarmates, Alains), turcs
(Huns) ou slaves. Ils ne forment pas des groupes ethniques homogènes, mais sont constitués de tribus ou
d'individus d'origines diverses qui, pour un temps, reconnaissent le même roi et appartiennent à la même
armée. Une longue appartenance à un groupe a pu aboutir à la formation d'un "peuple", avec une langue et
des coutumes propres. Les causes des déplacements sont multiples et souvent hypothétiques:
affaiblissement de l'Empire, migrations de peuples situés au-delà du Rhin et du Danube, voire en Asie
orientale, poussant les Germains vers l'ouest, phénomènes climatiques, économiques ou démographiques.
Le premier grand affrontement entre l'Empire et les barbares remonte au règne de Marc-Aurèle (161-180
apr. J.C.). Au IIIe s., les incursions se multiplient. Les Alamans occupent les Champs Décumates (Forêt-Noire,
sud de la Bavière) vers 260: la frontière de l'Empire est repoussée jusqu'au Rhin, le Plateau suisse et les cols
rhétiques sont dès lors en première ligne. En 275-277, les Alamans sont sur le Plateau et pillent des villes,
dont Augusta Raurica et Aventicum. Rome réagit. La frontière (Limes) rhénane est renforcée par l'édification
d'une série de fortins et de tours (Castrum) et de nombreuses agglomérations sont dotées de murailles
(Yverdon, Coire, Bellinzone). Au IVe s., plusieurs incursions alamanes et l'usurpation de Magnence (350-353)
nécessitent l'intervention successive des empereurs Constance II, Julien, Valentinien et Valens. Rome
incorpore en outre de nombreux barbares dans des troupes auxiliaires ou à titre individuel et, dès la seconde
moitié du IVe s., installe des groupes d'origine barbare pour défendre des régions particulièrement menacées,
leur accordant un traité (foedus), d'où leur nom de fédérés.
Ces mesures permettent de maintenir la frontière de l'Empire. Mais, en 376, les Wisigoths, attaqués par les
Huns, traversent le Danube, passent en Italie dès 401, pillent Rome en 410 et, en 418, créent en Aquitaine le
premier royaume barbare indépendant. En 401, pour leur faire face, le général romain Stilicon, au reste
d'origine barbare, a retiré les troupes du Rhin. Cette date fut longtemps considérée comme marquant la fin
de la domination romaine au nord des Alpes, mais on admet aujourd'hui que celle-ci s'est maintenue au
travers des institutions locales jusqu'à l'établissement des royaumes germaniques; le territoire de la Suisse
actuelle fait toujours partie de l'Empire après 401.
Les Wisigoths sont bientôt imités par plusieurs peuples qui ont franchi le Rhin en 406 et qui profitent de
l'affaiblissement de l'Empire: Vandales en Afrique, Suèves dans la péninsule Ibérique, Burgondes et Francs en
Gaule. Au milieu du Ve s., ce sont ces nouveaux venus qui aident le chef de l'armée romaine Aetius à arrêter
les Huns aux Champs Catalauniques (451). Vers 440, les Burgondes ont été installés par Aetius dans la région
lémanique en tant que fédérés. Peu nombreux, ils savent se concilier les élites locales grâce à leur politique,
processus facilité par la conversion au catholicisme du roi Sigismond au début du VIe s. Leur rapide intégration
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explique la rareté des témoignages archéologiques ou linguistiques qui leur soient propres.
En 493, les Ostrogoths fondent à leur tour un royaume en Italie. Quelques années après la mort de leur roi
Théodoric en 526, l'empereur d'Orient Justinien (il n'y a plus d'empereur d'Occident depuis 476) reconquiert
pour un temps l'Afrique et l'Italie, avant que l'arrivée des Lombards en 568 ne bouleverse à nouveau la
péninsule. La Ligurie, dont font partie les vallées du Tessin, est intégrée au royaume ostrogoth vers la fin du
Ve s. Au milieu du siècle suivant, la reconquête de Justinien voit la création du limes byzantin (Byzance), dont
a sans doute fait partie le castrum de Bellinzone. La continuité d'occupation par la population romane se
manifeste avant tout au travers de la langue, des églises et des sites funéraires. Seules quelques tombes à
armes (Stabio, Bellinzone, Castione), attribuées à des membres de la classe dirigeante lombarde, reflètent la
mise en place du nouveau royaume.
Dès la fin du Ve et au VIe s., les Francs étendent leur domination sur l'ensemble de la Gaule et au-delà du Rhin,
au détriment des Wisigoths, des Alamans et des Burgondes (Royaume franc). Ils vainquent les Alamans
(installés à la frontière rhénane depuis la fin du IIIe s.) en 496/497, puis en 506, et les soumettent à leur
autorité. Une partie de la classe dirigeante alémane trouve pour un temps refuge en Rhétie. Celle-ci,
englobée dans le royaume des Ostrogoths à la fin du Ve s., passe également sous domination franque en 536.
L'appartenance successive de la Rhétie à deux royaumes germaniques, ostrogoth puis franc, n'a guère
influencé son développement culturel. La continuité romane s'y manifeste au travers de la langue (Rhétoromanche), du maintien de l'organisation ecclésiastique ou encore de l'utilisation du droit romain. Seules
quelques tombes à armes sont mises en relation avec la présence de fonctionnaires francs (Tamins). Les
sources révèlent l'importance des élites locales qui semblent avoir conservé une relative autonomie au moins
jusque vers la fin du VIIIe s. Les Burgondes sont aussi définitivement vaincus par les Francs en 534.
A l'exception du Tessin, la quasi-totalité du territoire de la Suisse actuelle est donc placée sous l'autorité des
Francs dès le milieu du VIe s. Cette mainmise politique n'entraîne pas de grands déplacements de populations.
Les premiers témoignages d'une présence germanique sur le Plateau, perceptibles à partir du VIe s., sont mis
en relation avec des représentants de l'autorité franque (Bâle-Bernerring, Elgg). Parallèlement, la population
romane se maintient, non seulement dans les bourgs fortifiés (Kaiseraugst, Arbon), mais aussi dans les
campagnes (Gallo-Romains). Ce n'est qu'à partir du VIIe s. que des objets et des coutumes propres à la culture
germanique apparaissent plus fréquemment sur le Plateau; l'on perçoit alors une véritable immigration
alémane, notamment au travers de certaines riches sépultures découvertes dans des églises (Bülach, Altdorf
UR). Il s'agit là de l'amorce d'un processus pluriséculaire qui aboutira à la formation d'une région linguistique
et culturelle à dominante germanique (Allemand).
Bibliographie
– P. Riché, Les invasions barbares, 1953 (102003)
– A. Furger éd., Die Schweiz zwischen Antike und Mittelalter, 1996
– R. Kaiser Churrätien im frühen Mittelalter, 1998 (22008, éd. revue et augmentée)
– The Cambridge Ancient History, 14, 2000
– R. Marti, Zwischen Römerzeit und Mittelalter, 2 vol., 2000
– C. Azzara, Le invasioni barbariche, 2001 (22003)
– SPM, 5-6
– W. Pohl Die Völkerwanderung, 2002 (22005)
– R. Windler, M. Fuchs éd., De l'Antiquité tardive au haut Moyen Age (300-800), 2002
– M. Knaut, D. Quast éd., Die Völkerwanderung, 2005
– G.P. Brogiolo, A. Chavarría Arnau éd., I Longobardi, 2007
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– Rome et les barbares, cat. expo. Venise, 2008
– A. Barbero Barbares: immigrés, réfugiés et déportés dans l'empire romain, 2009 (ital. 2006)
Auteur(e): Lucie Steiner
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