A Comment évaluer sans se tromper

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Satisfaction des patients hospitalisés
Comment évaluer sans se tromper
Le CHU de Montpellier évaluait la satisfaction des
patients hospitalisés avant que l’accréditation n’en
fasse une obligation. Nadine Levallois, déléguée
qualité, nous aide à comprendre les résultats et les
risques d’erreur dans ces enquêtes.
A
l’heure de l’accréditation,
l’évaluation de la satisfaction du patient constitue une exigence réglementaire. « Elle offre en
outre des outils de communication,
souligne Nadine Levallois, déléguée qualité au CHU de Montpellier. Elle incite les professionnels
à prendre en considération les attentes des patients. Elle valorise les
équipes ayant mis en place des actions correctives et permet de suivre
l’impact de ces actions. »
Pour appréhender cet objet de
toutes les attentions dans le discours hospitalier – la “satifaction
des patients” hospitalisés –, un
questionnaire de sortie leur est remis à leur arrivée. Anonyme, ce
questionnaire porte sur l’ensemble
du séjour hospitalier. Il est recueilli
dans des boîtes aux lettres spécifiques, situées dans les services et
dans les halls des établissements,
le jour de la sortie du malade. Au
CHU de Montpellier, le traitement
statistique de ces questionnaires est
réalisé par l’équipe “démarche qualité” de la direction. Les résultats
trimestriels, adressés à chaque service, sont comparés à ceux du trimestre précédent ainsi qu’à ceux
de la moyenne de l’établissement.
Ils sont censés permettre de déceler tout “relâchement” et favoriser
la compétition pour la qualité.
Les points jugés satisfaisants
Selon les réponses aux questions sur leur séjour, les taux
de satisfaction des patients se
situent entre 65 et 96 % au CHU
de Montpellier. Les relations avec
les infirmières, l’accueil dans les
services et les soins reçus, recueillent respectivement 96, 95
16
et 94 % de bonnes opinions (1).
Parmi “les points très satisfaisants”, la Lettre du CHU cite aussi
« l’amabilité de l’accueil lors de la
prise de rendez-vous faite par téléphone, l’amabilité du personnel à
l’accueil de la consultation, la propreté de la salle d’attente, l’amabilité du médecin, la connaissance du
cas et la compréhension des problèmes par le médecin, le respect de
l’intimité et les conditions d’hygiène
lors de la consultation, le souci du
médecin de minimiser la douleur, et
la facilité à trouver la caisse ou le secrétariat administratif ».
Des progrès à poursuivre
Des améliorations sont ainsi observées au fil des ans, quant à
l’écoute des patients et à la gestion
de la douleur (2). Mais la clarté des
explications données au patient
par les médecins doit être améliorée (en tenant compte du fait
que le malade n’a pas fait d’études
médicales !). Le nombre de patients satisfaits est faible (77 % en
2000) pour un domaine aussi important, en termes d’observance
notamment.
En 2001, des actions prioritaires
doivent favoriser la diffusion systématique du livret d’accueil et du
questionnaire de sortie, l’information du patient et l’organisation de sa sortie (2).
Les points d’insatisfaction
« La restauration demeure le point recueillant le moins d’opinions favorables », précise Nadine Levallois.
Seuls 65 % des patients ne s’en
plaignent pas. « La restauration est
un domaine où le patient se sent à
l’aise pour répondre, ajoute-t-elle. Il
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 31 - novembre 2001
compare avec la nourriture de chez
lui. Toutefois, le CHU s’est fixé comme
objectif d’atteindre un meilleur taux
de satisfaction pour les repas, si possible 80 %. Dans d’autres domaines,
laissant à désirer, nous souhaitons atteindre 90 %. » Autre point noir : les
attentes. En effet, les indices de satisfaction montrent la nécessité
d’en améliorer les conditions sur
plusieurs points : « les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous, la
durée d’attente avant la consultation,
les informations données sur cette durée d’attente, l’aménagement de la
salle d’attente et la facilité à reprendre
contact avec le médecin après la
consultation » (2).
Gare au contre-sens !
Mais obtenir des résultats fiables
et les interpréter sans erreur
n’est pas si simple. Le taux de retours des questionnaires distribués dans le CHU était inférieur
à 1 % en 1996. Il atteint 14,3 %
en 2000 (2). Or, les statisticiens et
les instituts de sondage considèrent qu’un taux de réponses de
70 % d’un échantillon tiré au
sort demeure un minimum nécessaire pour qu’une étude soit
fiable. On est loin du compte
dans ces enquêtes de satisfaction. Nadine Levallois l’admet,
mais répond que le CHU dispose
tout de même d’une “masse critique” importante. Ce sont, certes,
10 000 questionnaires qui sont
ainsi traités chaque année, mais
ces répondants sont-ils représentatifs des patients hopitalisés ? Au
nom de la plus élémentaire rigueur méthodologique, épidémiologistes et statisticiens vous
répondront “non”. Les patients
“rouspéteurs”, donc décidés à répondre, ou les patients “dociles”,
sollicités de ce fait pour donner
une meilleure image du service
par leurs réponses, peuvent être
trop représentés. D’autres types
de patients – retraités, femmes,
classes supérieures, enseignants,
etc. – peuvent être sur- ou sousreprésentés. Sans échantillon “statistiquement significatif”, garanti
par un taux de réponses plus
proche de 70 % que de 14 %, on
n’est sûr de rien quant à la valeur des résultats. Consciente de
ce risque, l’équipe “démarche
qualité” réalise un autre test sur
150 patients (tirés au sort ceuxlà). « Nous vérifions si les résultats
de ce test sont bien corrélés aux résultats de l’étude globale », explique
Nadine Levallois.
D’autres vérifications sont effectuées. « Lorsque nous réalisons une
analyse factorielle, nous estimons
l’importance de cet élément dans la
satisfaction globale, précise Nadine Levallois. Il faut relativiser les
critères les uns par rapport aux
autres. » Cela permet, par une appréciation plus globale, d’estimer
le réel impact de chaque point de
mécontentement sur la satisfaction générale. « On ne peut se
contenter d’un chiffre en soi. Un
patient mécontent de l’alimentation
peut être globalement satisfait de
son séjour à l’hôpital. En revanche,
s’il n’est pas satisfait des informations sur les soins ou son état,
il sera globalement mécontent de
son séjour. »
Enfin, on peut se demander ce
qu’est un “bon” taux de satisfaction. Il n’existe pas de “fourchette” correspondant à des
résultats “bons”, “passables” ou
“mauvais”, selon Nadine Levallois. « Chaque établissement doit se
bâtir des seuils acceptables et des
seuils nécessitant des actions d’amélioration, dit-elle. Le Manuel d’accréditation n’a pas fourni d’échelle
nationale à laquelle se référer.
Chaque hôpital a son histoire. »
Marc Blin
(1) Nadine Levallois. Mesurer la satisfaction des patients hospitalisés. Objectif (journal interne du CHU de Montpellier) 2001.
(2) L’évaluation de la satisfaction des patients hospitalisés – Comparatif des résultats 1999-2000. Objectif 2001 ; 117.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 31 - novembre 2001
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