Données disponibles pour l’évaluation des risques liés aux bioaérosols émis par les installations de stockage des déchets ménagers et assimilés. Rapport final Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable L. DELERY Unité Evaluation des Risques Sanitaires (ERSA) Direction des Risques Chroniques (DRC) Décembre 2003 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Données disponibles pour l’évaluation des risques liés aux bioaérosols émis par les installations de stockage des déchets ménagers et assimilés. Rapport final Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable DECEMBRE 2003 Ce document comporte 30 pages (hors couverture et annexes). Rédaction Vérification Approbation NOM Laure DELERY Roseline BONNARD André Cicolella Qualité Unité Evaluation des risques sanitaires Unité Evaluation des risques sanitaires Unité Evaluation des risques sanitaires, Direction des risques chroniques Visa 2/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols TABLE DES MATIERES 1. RÉSUMÉ................................................................................................................... 4 2. INTRODUCTION .................................................................................................... 5 3. SYNTHÈSE DES DONNÉES EXISTANTES ....................................................... 6 4. 3.1 Caractérisation biologique des déchets ménagers et assimilés ......................... 6 3.2 Caractérisation biologique des émissions atmosphériques d’un centre de stockage........................................................................................................... 11 3.3 Exposition des riverains des installations ....................................................... 17 3.4 Effets sur la santé des agents biologiques aeroportes ..................................... 25 TRAVAUX EN COURS AU NIVEAU NATIONAL .......................................... 28 4.1 INRS ............................................................................................................... 28 4.2 CSTB............................................................................................................... 28 4.3 LHVP .............................................................................................................. 28 4.4 ADEME.......................................................................................................... 28 4.5 RSD…………................................................................................................. 28 4.6 RSEIN ............................................................................................................. 29 5. CONCLUSION ....................................................................................................... 29 6. BIBLIOGRAPHIE................................................................................................. 30 7. LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................... 31 3/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 1. RESUME La génération de poussières dans les alvéoles en cours d’exploitation lors de certaines opérations spécifiques (déversement, compactage des déchets) est la principale source d’émission de bioaérosols dans un centre de stockage. Dans l’ambiance des sites, on retrouve, d’après les données disponibles, des concentrations de l’ordre de 103 -105 CFU1 /m3 en bactéries et de 103 -104 CFU/m3 en champignons. Les alvéoles en cours d’exploitation sont caractérisées par la présence dominante de bactéries à Gram positif et de champignons représentés principalement par les genres Aspergillus et Penicillium. Le biogaz est plutôt caractérisé par la présence dominante de bactéries à Gram négatif et de champignons classiques de l’environnement extérieur. La production d’endotoxines par les bactéries à Gram négatif est généralement faible (quelques ng2 /m3 ). A la lumière des connaissances actuelles, les activités de stockage n’augmentent pas de manière significative les concentrations en bioaérosols dans l’air inhalé par les riverains des installations. Les concentrations mesurées dans l’environnement sous influence des sites sont en général assez faibles et du même ordre de grandeur que celles retrouvées dans l’air extérieur. Le bruit de fond en bioaérosols est natuellement important dans l’air des campagnes, forêts et villes. En conclusion, le risque sanitaire lié aux bioaérosols émis par les centres de stockage est jugé faible pour les riverains et la zone protectrice de 200 m prévue par la réglementation est estimée suffisante dans la majorité des situations. Il est recommandé toutefois de compléter l’état des connaissances sur les pics d’émission et les niveaux correspondant en bactéries à Gram positif sporulantes (Bacillus, actinomycètes thermophiles) et en champignons (Aspergillus et Penicillium) en conditions météorologiques particulières à savoir humide, venté et peu ensoleillé qui peuvent conduire à des expositions particulières des populations. 1 Colonie Formant Unité 2 10-9 gramme 4/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 2. INTRODUCTION Les installations de traitement de déchets ménagers sont classées sous la rubrique 322 de la nomenclature des installations classées. Ces installations relèvent de l’autorisation préfectorale et à ce titre, l’exploitant de l’installation est tenu de fournir une étude d’impact permettant d’apprécier les effets de l’installation sur l’environnement et notamment sur la santé des populations riveraines. Dans une installation de stockage, les émissions atmosphériques d’agents biologiques ont essentiellement pour origine le déversement et tassement des déchets frais dans l’alvéole en cours d’exploitation, et dans une moindre mesure les fuites de biogaz formés lors de la dégradation des déchets et le brassage des lixiviats en station d’épuration. En ce qui concerne la gestion des émissions, les prescriptions se sont renforcées avec les diverses réglementations adoptées successivement. D’une façon générale, les lixiviats sont traités et le biogaz capté est brûlé en torchère ou valorisé en production d’énergie ou comme combustible. Ce travail préliminaire est centré sur l’étude des bioaérosols. On désigne couramment sous le nom de bioaérosols l’ensemble des micro-organismes et des vecteurs particulaires en suspension dans l’air (Fabriès, 2001). L’objet de cette étude est de synthétiser les données disponibles pour évaluer les risques sanitaires liés aux bioaérosols (risque infectieux et chimique lié aux métabolites biologiques) afin de dégager les priorités d’actions à mettre en œuvre pour compléter les connaissances. 5/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3. SYNTHESE DES DONNEES EXISTANTES 3.1 CARACTERISATION BIOLOGIQUE DES DECHETS MENAGERS ET ASSIMILES Les déchets ménagers et assimilés sont des produits hétérogènes et non inertes. En 2000, les installations françaises ont admis les ordures ménagères (OM) à hauteur d’un peu plus de 42 % des déchets ménagers et assimilés (DMA). Les déchets industriels banals représentent 29 % (mélange 77 %, bois 13 %, papier/carton 3%…) des déchets admis. Le restant des déchets est principalement composé de résidus de traitement tels que refus de tri, refus de compostage, mâchefers, boues de stations d’épuration. Bien que l’on constate une évolution dans la nature des déchets orientés vers le stockage du fait du développement de la collecte sélective et du recyclage, on ne constate pas, au niveau global, de changement majeur dans la nature des déchets orientés vers le stockage. (GTInVS, 2003). D’après les études de la littérature, on dénombre une centaine d’espèces bactériennes et fongiques fréquemment identifiées dans les ordures ménagères fraîches (Nédellec and Mosqueron, 2002). Les auteurs distinguent les bactéries des micromycètes. Les résultats de l’inventaire sont reproduits dans les 2 tableaux suivants. 6/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Tableau 1 : Bactéries présentes dans les ordures ménagères fraîches (d’après Nédellec et Mosqueron, 2002) Bactéries identifiées Achromobacter Acinetobacter anitratum, Acinetobacter calcoaceticus, Acinetobacter lwoffi Aeromonas spp., Aeromonas hydrophila Alcaligenes faecalis Arisona hinshawii Arthrobacter spp. Bacillus spp., Bacillus subtilis, Bacillus anthracis, Bacillus cereus Bordetella pertussis Borrelia burgdorferi, B. duttonii, B. recurrentis Brucella abortus, B. melitensis, B. suis Campylobacter jejuni, C. perfringens Citrobacter diversus, C freudii Chlamydia psittaci Chromobacterium violaceum Clostridium botulinum, C. tetani Corynebacterium spp. C. pyrogenes Cytophaga allerginae Enterobacter agglomerans (Erwinia herbicola), E. aerognene, Enterobacter hafnia Erysipelothrix rhusiopathiae Escherichia coli (souches non cytotoxiques) Francisella tularensis Klebsiella spp., Klebsiella pneumoniae, K. ozaenae, K. rhinoscleramatia Lactobacillus spp. Legionella pneumophila Leptospira icterohaemorrhagiae, L. interrogans Listeria spp., Listeria monocytogenes Micrococcus spp. Micropolyspora faeni Moraxella spp. Mycobacterium bovis, M. kansasii, M. tuberculosis, M. xenopi Neisseria meningitidis, N. pharingis Nocardia spp. Pasteurella pseudotuberculosis Pediococcus spp. Proteus spp., P. mirabilis, P. vulgaris Providencia spp. Pseudomonas aeruginosa, P. maltophila, P. putida, P. stutzeri, P. vesiculare, P. mallei Rickettsia rickettsii Samonella spp. Saccharomonspora viridis Serratia liquefaciens, S. marcescens, S. rubiae Shigella spp. Staphylococcus spp., S. aureus Streptobacillus moniliformis Streptococcus spp., Streptococcus pneumoniae, S. pyrogenes Streptomyces albus, S. olivaceus, S. thermohygroscopicus Thermoactinomyces vulgaris, T. candidus, T. talpophilus Vibrio cholerae, Vibrio parahaemoliticus Yersinia enterolitica En gras, les bactéries pour lesquelles il existe un classement du pouvoir infectieux au titre de la directive 2000/54/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents biologiques au travail. 7/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Tableau 2 : Micromycètes présents dans les ordures ménagères fraîches (d’après Nédellec et Mosqueron, 2002) Champignons Absidia spp., A. ramosa, A. blaksleana, A. corymbifera, A. fusca, A. heterospora Acremonium Actinomucor elegans Alternaria spp., A. tenuis Aspergillus flavipes, A. niger, A. nidulan, A. niveus, A. ochraceus, A. clavatus, A. flavus, A. fumigatus, A. parasiticus, A. sclerotiorum, A. sydowi, A. unguis, A. terreus, A. umbrosus, A. versicolor Aureobasidium Blastomyces dermatitidis Botrytis Candida spp., C. albicans, C tropicalis,C. guillermondii, C. krusei Cephalosporium spp. Chaetomium spp. Circinella rigida Cladosporium spp. Coccidioides immitis Cryptococcus neoformans Cryptostroma corticale Cunninghamella elegans Doratomyces oligosporus Emercella spp. Epidermophyton spp., E. floccosum Eurotium herbarium Fusarium spp. Geotrichum spp., G. candidum Histoplasma capsulatum Hyalodendron Microsporum spp. Monilia Mucor spp., M. fragilis, M. hiemalis, M. pusilus, M. variens Mycelia sterilia Neurospora Paecilomyces, P. varioti Papularia spp. Penicillium spp, P. corylophilum, P. chrysogenum, P. cyclopium, P. frequentans, P. funicolosum, P. purpurogenum, P. oxalicum, P. spinulosum, P. verrucolosum, P. roqueforti Phialophora richardsii Rhizopus spp.,R. nigricans, R. oligosporus Sartorya fumigatta Scopulariopsis spp., S. brevicolis, S. candida Serpula lacrimans Sporothrix spp., S. shenckii Stachybotrys atra Syncephalastrum racimosum Trichoderma citrinoviride Trichosporon cutaneum Tricophyton verrucosum, T. mentagrophytes, S. rubrum Uclocladium Wallemia sebi En gras, micromycètes pour lesquels il existe un classement du potentiel infectieux au titre de la directive 2000/54/CE 8/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Déportes (1995) a dressé une liste des micro-organismes pathogènes isolés des déchets municipaux solides et de boues de stations d’épuration (virus, bactéries, champignons, protozoaires et helminthes). Les données complémentaires (virus, protozoaires et helminthes) par rapport à la liste de Nédellec sont présentées dans le tableau 4. Tableau 3 : Pathogènes isolés de déchets urbains solides et de boues de station d’épuration (Déportes, 1995) Virus Protozoaires Helminthes Enterovirus Poliovirus Coxsachivirus Echovirus Mixovirus Adenovirus Astrovirus Calicivirus Coronavirus Parvovirus Reovirus Rotavirus Norwalk virus Hepatitis E virus Acanthomoeba Diantamoeba fragilis Entamoeba histolityca Giardia intestinalis Isospora belli Naegleria fowleri Balantidium coli Sarcocystis spp. Toxoplasma gondii Balstocystis hominis Cryptosporidium parvum Ankylostoma duodenale Ascaris lumbricoides Echinococcus granulosus Echinococcus multilocularis Enterobium vermicularis Hymenolepsis nana lumbricoides Nectator americanus Strongyloides stercoralis Taenia saginata Toxocara cati Toxocara canis Trichuris trichura Les micro-organismes retrouvés varient qualitativement et quantitativement en fonction du type de déchet entrant, du pH, de la température, du mode de stockage initial et du traitement des déchets. 9/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols D’après les données disponibles, les concentrations en bactéries viables peuvent varier de 4.106 à 7.108 CFU/g déchet. Les bactéries sont souvent représentées par des bacilles Gram négatif (ces microorganismes peuvent libérer des endotoxines) très répandus dans l’environnement mais aussi par des germes témoins de contamination fécale provenant du tube digestif des mammifères (GTInVS, 2003). Les déchets contiennent aussi des bactéries à Gram positif dont des actinomycètes, des levures (surtout Candida albicans) et des champignons (production de mycotoxines) appartenant pour la plupart aux genres Aspergillus sp. et Penicillium sp., 2 espèces banales allergisantes (RSD, 2000). Les concentrations en champignons thermophiles dans les ordures ménagères sont comprises entre 103 et 105 CFU/g déchets secs (Deloraine, 2002). Aucune mycotoxine n’a jamais été retrouvée dans les OM. Les virus pathogènes (Coxsackie, Rotavirus, Echovirus, Poliovirus, hépatites, HIV) sont susceptibles de se retrouver au niveau de couches jetables et des serviettes hygiéniques ou des déchets issus d’activités de soins mélangés aux ordures ménagères. Ils disparaîtront dans des délais variables suivant les virus du fait de la difficulté à se reproduire en l’absence de cellules d’un tissu vivant qui leur est indispensable (GTInVS, 2003). Une thèse récente (Bichet-Hebe, 1998) a eu pour objet de caractériser des déchets ménagers appartenant à des strates d’âge différent (1, 2 et 5 ans) de 2 alvéoles d’installations de stockage de déchets ménagers et assimilés. Les résultats montrent qu’il existe une forte hétérogénéité des concentrations bactériennes au sein d’une strate de même âge. Par ailleurs, la concentration en bactéries revivifiables ne varierait pas en fonction de l’état de décomposition de la matière organique. La flore totale revivifiable aéro-anaérobie représente 2,8.106 à 7.107 CFU/g déchets secs. En ce qui concerne la présence de pathogènes, les germes d’origine intestinale ont été recherchés par la mise en évidence d’indicateurs fécaux dans les déchets. Ainsi certaines études citées par l’auteur ont mis en évidence une concentration élevée en coliformes et en streptocoques fécaux dans les déchets frais représentant environ 108 bactéries/g déchets alors qu’une autre étude n’en dénombrait qu’environ 103 . Ces bactéries d’origine intestinale supportent mal les conditions d’enfouissement et disparaissent généralement lors de la 1ère phase de décomposition des ordures ménagères. Klebsiella sp., Salmonella sp. et Moraxella sp. ont déjà été détectées dans les OM fraîches et Clostridium perfringens dans des échantillons de déchets de 1 et 5 ans. Aucun virus ou protozoaire pathogène n’a été isolé dans les couches de déchets échantillonnés dans une étude mentionnée par l’auteur. Lorsqu’ils sont mis en centre de stockage, les déchets vont subir une dégradation de nature biologique et physico-chimique relativement lente pouvant intervenir sur plusieurs dizaines d’années (contrôle de longue durée). Lorsque la température augmente, comme les déchets se décomposent, cela inactive de nombreuses bactéries pathogènes et virus (Collins, 1992). Au bout de quelques semaines, la flore bactérienne devient relativement monomorphe avec une présence majoritaire de Bacillus, Citrobacter, Agrobacter, Enterobacter, Pseudomonas (GTInVS, 2003). 10/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.2 CARACTERISATION BIOLOGIQUE DES EMISSIONS ATMOSPHERIQUES D’UN CENTRE DE STOCKAGE 3.2.1 Généralités Les agents biologiques ont déjà été détectés dans les lixiviats de décharge mais le plus souvent en nombre assez faible du fait supposé de la nature antimicrobienne des lixiviats (Fedorak, 1991). Aucune donnée n’a pu être trouvée concernant les densités bactériennes résultant du brassage des lixiviats lors de leur stockage ou de leur traitement ainsi que sur leur dispersion. Les agents biologiques émis dans l’air sont généralement adsorbés à la surface des poussières et ainsi véhiculés dans l’air. Il existe une corrélation étroite entre les niveaux de particules mesurées dans les ambiances de travail et la charge microbiologique des prélèvements d’air réalisés (Parat et al., 1999). La plupart du temps, la concentration en poussières est dépendante de la quantité et qualité des déchets stockés, de la méthode de compactage dans les alvéoles et des conditions météorologiques (chaleur, vent sont propices à la dispersion). Les poussières totales (0,5 µm <∅< 20 µm) et alvéolaires (0,5 µm <∅< 5 µm) ont été mesurées dans l’étude du Réseau Santé Déchets (RSD). Les poussières totales ne dépassent pas 1 mg/m3 dans l’ambiance des sites. Quant aux poussières fines, les mesures dans les ambiances de sites varient entre 3 et 340 µg/m3 . Par ailleurs, un suivi dynamique des concentrations montre que les teneurs fluctuent énormément au cours du temps. Des pics à 2 mg/m3 en poussières fines ont, par exemple, été relevés dans l’ambiance d’un des sites étudiés. Les concentrations en poussières mesurées par Rahkonen en 1987 (∅ > 0,8 µm) varient en moyenne de 0,15 à 2,7 mg/m3 avec une concentration maximale de 5 mg/m3 mesurée dans le plus grand site de stockage en août par un temps venté. Les moyennes sur l’ensemble des sites par saison sont de 1,7 mg/m3 (n=8) en été, 0,2 mg/m3 (n=7) en automne et 0,9 mg/m3 (n=1) en hiver. Des pics de concentration supérieurs à 103 CFU/m3 ont été observés par tous les auteurs. La flore fongique observée est souvent polymorphe mais des pics d’A. fumigatus ont été signalés dans plusieurs études, les autres champignons présents (Penicillium, Cladosporium) étant également des champignons allergisants. Les mycotoxines, notamment les aflatoxines et les stérigmatocystines qui sont potentiellement cancérigènes, sont émises par les genres Aspergillus sp. et Penicillium sp.. On retrouve ces champignons en abondance dans les émanations d’OM. D’autres constituants de la paroi fongique comme le (1→3)-β-D-glucan sont retrouvés dans les émanations d’OM. Généralement les virus ne sont pas retrouvés dans les prélèvements atmosphériques autour des opérations de manutention d’OM. Ils sont rarement recherchés à cause des difficultés de mesurage (complexité des méthodes de détection dans l’air et difficultés d’application) et d’une faible capacité de survie dans l’environnement. D’après Air&Bio (Air&Bio, 2002), une autre raison pour laquelle les virus sont très peu étudiés dans l’air est que la transmission inter-humaine est prépondérante. Les œufs d’helminthes et les kystes de protozoaires ne seraient pas recherchés dans l’air, notamment en raison de leur vitesse de déposition élevée (Nédellec and Mosqueron, 2002). Les endotoxines produites lors du déversement des OM restent à des concentrations atmosphériques relativement peu élevées (quelques ng/m3 ). 11/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.2.2 Etudes disponibles Quatre principales études permettent de caractériser les émissions atmosphériques d’installations de stockage de déchets ménagers : celles de Rahkonen en 1987 et 1990, celle de Reinthaler en 1999 et celle réalisée par le Réseau Santé Déchet en 2000. De façon générale, il faut prendre en compte le fait que les résultats de mesure des différentes études sont difficilement comparables du fait d’un certain nombre de paramètres variables d’une étude à l’autre (échantillonnage, techniques d’extraction, méthodes de dénombrement et d’analyse, type de déchets stockés, taille du centre de stockage, fréquence de couverture des alvéoles, technique de compactage, météorologie…). De plus, les données ne sont pas forcément représentatives de la situation française. 3.2.2.1 Rahkonen (1987 et 1990) Dans la première étude de Rahkonen, 5 centres de stockage finlandais ont été investigués pour la mesure des bioaérosols en automne, été et hiver entre juillet 1985 et janvier 1986. La fréquence de couverture des alvéoles était de journalière à hebdomadaire selon les sites. Toutes les concentrations mesurées (bactéries, champignons) dépendent de la saison. Les champignons identifiés sont Aspergillus, Cladosporium, Penicillium et levures. 60 % des bactéries et 80 % des champignons sont dans la fraction respirable. Les bactéries (totales, coliformes totaux, entérocoques et actinomycètes thermophiles) et les champignons (mésophiles et thermotolérants) ont été mesurés aux concentrations moyennes de 500 à 7.103 CFU/m3 pour les bactéries totales et de 800 à 3,8.103 CFU/m3 pour les champignons mésophiles. 68 % des échantillons de bactéries avaient des concentrations supérieures à 500 CFU/m3 . Les résultats de la seconde étude de Rahkonen (1990) apportent les informations suivantes : § Les concentration en bactéries mésophiles sont comprises ente 3,5.102 et 105 CFU/m3 . Les Gram négatif les plus fréquemment isolées sont Pseudomonas sp., Enterobacter sp., et le Gram positif Bacillus sp. Les concentrations sont 5-20 fois plus élevées que les concentrations ambiantes extérieures, § Les concentrations en champignons sont comprises entre 102 et 3,4.104 CFU/m3 (2-30 fois plus élevé que les concentrations ambiantes). Les genres de champignons les plus abondants sont : Penicillium spp. et Aspergillus spp (fumigatus et niger), Cladosporium, Acremonium et Fusarium § La concentration moyenne en endotoxines est de 5,3 ng/m3 , § La répartition des micro-organismes en fonction de leur diamètre aérodynamique a mis en évidence que 40 % des bactéries prélevées par impacteur et 80 % des champignons font partie de la fraction respirable. L’auteur de l’étude conclut que la plupart des bactéries retrouvées sont des bactéries environnementales (retrouvées dans les sols, eau, plantes et produits alimentaires) et des pathogènes opportunistes. 3.2.2.2 Rheintaler 1999 L’étude a porté la mesure des bioaérosols autour d’une installation de stockage de déchets ménagers (21 ha et 2,4 millions de m3 ). 5 points de prélèvement ont été retenus : un au centre de l’installation, un autre à la périphérie (250 m), un autre dans un pré (300 m) et 2 au niveau de l’entrée de la ville la plus proche (450 et 1200 m). Aucune situation par rapport aux vents dominants n’est justifiée. 12/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols En ce qui concerne les émissions sur site (points 0 m), l’auteur rapporte une concentration médiane en bactéries totales cultivables de 6,1.103 CFU/m3 (maximum 4,3.104 CFU/m3 ). Pour les champignons, la concentration médiane est de 1,3.103 CFU/m3 (maximum de 5.103 CFU/m3 ). Les Aspergillus fumigatus ont été mesurés à la concentration moyenne de 27 CFU/m3 (maximum de 140 CFU/m3 ). 3.2.2.3 Etude du RSD (2000) Deux centres de stockage de classe II ont été étudiés (site 1 15 ha, site 2 62,5 ha). Le premier objectif de l’étude menée par le RSD était la métrologie des sources d’émissions atmosphériques (alvéoles en cours d’exploitation, fissures de biogaz …) et dans l’ambiance des sites (alvéoles, bureau de réception, proximité des effluents de biogaz). Pour les prélèvements à l’émission, la plupart des prélèvements ont été effectués sous bâche sur les 2 sites étudiés ce qui peut entraîner une concentration des émissions en micro-organismes. 3.2.2.3.1 Métrologie à l’émission Pour les 2 sites, des concentrations bactériennes élevées sont retrouvées dans le biogaz (2,8.104 CFU/m3 pour le site 1,3-5.103 CFU/m3 pour le site 2) avec une forte proportion de Gram négatif et au niveau de l’alvéole en cours d'exploitation (1,5-6.103 CFU/m3 pour le site 1, 0,9-1,7.105 CFU/m3 pour le site 2) avec une prédominance de bactéries Gram positif. L’identification des Gram positif ne montre pas de particularités par rapport à d’autre types d’environnements ; des actinomycètes thermophiles sont détectés en différents points mais à des concentrations relativement peu élevées. Au niveau de la station d’épuration du site 2, des concentrations élevées sont détectées près de la lagune où un aérosol était émis lors du brassage de l’eau ; aux autres points les concentrations étaient beaucoup plus basses. En ce qui concerne les champignons, les plus fortes concentrations sont relevées au niveau du biogaz (4.103 CFU/m3 pour le site 1, 1,2-1,8.104 CFU/m3 pour le site 2), et également au niveau de l’alvéole en cours d’exploitation (déchets récents de 10 j, 0,2-3.103 CFU/m3 pour le site 1, 0,5-4.104 CFU/m3 pour le site 2) avec une nette prédominance d’Aspergillus fumigatus témoignant de la décomposition des déchets. Au niveau des déchets du jour les concentrations sont plus basses (>103 CFU/m3 pour le site 1) et moins monomorphes. Au niveau des fissures, la flore fongique est relativement abondante mais les espèces identifiées sont classiques de l’environnement extérieur et de la saison (prédominance de Cladosporium et Alternaria). 3.2.2.3.2 Métrologie dans l’ambiance des sites Au niveau de la réception des déchets, les concentrations bactériennes sur les 2 sites (comprises entre 2 et 7.103 CFU/m3 ) sont supérieures à celles habituellement retrouvées dans l’air intérieur. La proximité du passage des camions lors de la pesée et l’ouverture fréquente des portes est probablement responsable des niveaux mesurés. Les concentrations fongiques sont variables (entre 2.102 et 3,5.103 CFU/m3 ). On retrouve des prédominances variables en type de microorganismes témoignant de l’influence d’élements extérieurs variables et non d’une source interne. 13/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Au niveau de l’alvéole en cours d’exploitation, les concentrations bactériennes sont très variables (3.102 à 2.104 CFU/m3 sur le site 1,2.103 à 2.105 CFU/m3 pour le site 2) mais peuvent atteindre des niveaux très élevés, supérieurs (facteur 100 pour le site 1 et 1000 pour le site 2) à ceux habituellement retrouvés dans un environnement classique extérieur. Comme à l’émission, on retrouve essentiellement des bactéries Gram positif. Les plus fortes concentrations supérieures à 105 CFU/m3 ont été mesurées sur le site 2 pendant le déchargement d’un camion, ce qui confirme la possibilité d’émission de pics et l’importance des conditions environnementales (activité exercée à proximité, vent…). Les concentrations en champignons sont de l’ordre de 103 sur le site 1 et de 104 CFU/m3 sur le site 2. La composition est variable avec souvent la prédominance de Penicillium ou de levures sur le site 2, et la prédominance d’une espèce ou d’une autre sur le site 1. Dans tous les cas, il s’agit d’une flore qualitativement différente d’une flore extérieure classique. Les concentrations en endotoxines sont basses (< 1 ng/m3 ) et reflètent un niveau moyen d’exposition (prélèvements effectués sur plusieurs heures). A proximité des effluents de biogaz sur le site 2, les concentrations en bactéries totales varient de 2.103 à 1,2.104 CFU/m3 avec des concentrations relativement importantes de bacilles Gram négatif polymorphes atteignant 103 CFU/m3 (Pasteurella pneumotropica, Ochrobactrum anthropi, Stenothromonas maltophila). Les concentrations de levures et champignons varient entre 2.103 et 1,2.104 CFU/m3 . Le genre Penicillium est prédominant mais non isolé. Le pompage des lixiviats (site 1) peut générer des pics de concentrations microbiologiques mais avec des espèces bactériennes et fongiques classiques de l’environnement extérieur ; le brassage des lixiviats en lagune (site 2) est une source importante de bacilles Gram négatif polymorphes (1,5-8,4.103 CFU/m3 ) et de champignons polymorphes à des niveaux comparables aux stations d’épuration. Les concentrations atmosphériques sont variables selon le moment du prélèvement et le brassage augmente les concentrations bactériennes. Les concentrations d’endotoxines mesurées sous le vent du site 2 sont de 0,13 et 0,14 ng/m3 . 3.2.2.3.3 Conclusion Les alvéoles en cours d’exploitation sont des sources d’émission de bactéries 103 à 104 CFU/m3 ) et notamment présence dominante de bactéries à Gram positif avec bactéries caractéristiques d’un environnement extérieur (Bacillus sp, corynébactéries, microcoques staphylocoques à coagulase négative). Les champignons filamenteux sont aussi retrouvés à des concentrations importantes avec une large majorité d’Aspergillus fumigatus. Pour tous les microorganismes, les concentrations semblent augmenter avec la taille de la décharge et avec l’âge des déchets. Le biogaz émet à la fois des bactéries Gram positif (>2.104 CFU/m3 ) mais également des Gram négatifs (9.103 CFU/m3 ) et des Aspergillus fumigatus en nombre considérable. Le brassage des lixiviats peut être à l’origine de niveaux bactériens importants dans l’air à proximité des lagunes caractérisés par des pics de concentration. Les niveaux mesurés dans l’air des sites sont dans l’ensemble assez élevés. 14/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.2.3 Devenir des bioaérosols dans l’air (Fedorak, 1991) La vitesse de dispersion d’un bioaérosol est fonction de la taille et de la densité de la particule qui le supporte. De plus, les agents biologiques subissent des conditions supplémentaires défavorables qui réduisent leur survie dans l’air. Par exemple, la lumière solaire possède un fort pouvoir germicide sur les cellules bactériennes. Les radiations UV sont létales pour les cellules végétatives aéroportées et l’interaction entre lumière visible et oxygène moléculaire à l’intérieur d’une cellule microbienne forme une espèce très réactive de l’oxygène provoquant la mort cellulaire. Malgré ces conditions difficiles, certains micro-organismes peuvent survivre à l’état aéroporté. Les cellules qui contiennent des pigments caroténoides sont protégés de l’effet létal de l’oxygène réactif et peuvent survivre plus longtemps que d’autres cellules non-pigmentées. Les spores bactériennes et fongiques sont particulièrement adaptées à la survie dans l’air. Leur enveloppe épaisse réduit la dessication et leur pigmentation les protège des effets délétères des radiations. Leur faible densité leur permet de rester dans l’air plus longtemps. 15/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.2.4 Synthèse des résultats Tableau 4 : Concentrations en bioaérosols au niveau des installations de stockage rapportées dans la littérature Activité 5 centres de stockage 2 centres de stockage (23 000 et 70 000 t/an) 1 centre de stockage OM 2 centres de stockage OM bactéries totales (CFU/ m3) identification endotoxines (ng/m3) champignons (CFU/ m3) identification Aspergillus, 800 (automne) à 3800 (hiver) 500 (hiver) à 7300 (été) actinomycètes Cladosporium, max 29700 (hiver) max 17000 entérocoques… Penicillium Aspergillus fumigatus et niger 0,4-29 Pseudomonas Cladosporium 400 à 100 000 700 à 30000 moyenne 5,3 spp, Enterobacter Acremonium spp, Bacillus spp, Fusarium Aspergillus fumigatus (my 500-5000 (médiane 1300) 670- 43000 (médiane 6100) 27 UFC/ m3) Gram positif ambiance alvéole : 400 à 20000 A. fumigatus, ambiance alvéole: 20000 à Gram négatif Penicillium 0,13-1,1 biogaz : 2000 à 40000 180000 biogaz: 1500 à 170000 réception :150 à 3500 réception: 2200 à 700000 16/32 source Rahkonen, 1987 Rahkonen, 1990 Reinthaler, 1999 RSD, 2000 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.3 EXPOSITION DES RIVERAINS DES INSTALLATIONS Cette partie concerne la description des approches disponibles pour évaluer l’exposition, les données de la littérature sur l’exposition des riverains des installations de stockage des déchets ménagers et enfin une présentation des données de concentrations environnementales hors influence des sites de stockage. 3.3.1 Approches disponibles Il existe trois approches pour appréhender l’exposition des populations à un agent environnemental : § la mesure, § la modélisation, § l’utilisation des biomarqueurs. 3.3.1.1 Métrologie 3.3.1.1.1 Méthodologie Le mesurage des micro-organismes dans l’air ambiant fait appel à des techniques spécifiques. Les micro-organismes concernés sont les bactéries et les moisissures, à l’exclusion des virus (Fabriès, 2001). Les techniques spécifiques de mesurage sont essentiellement des techniques d’échantillonnage de l’air, suivies d’une identification et d’une quantification des agents biologiques. Ces techniques sont nombreuses : § Mesure des micro-organismes viables, § Mesure des micro-organismes totaux (viables et non viables), § Mesure des composants de micro-organismes (endotoxines, glucans, antigènes/allergènes, polysaccharides extracellulaires, composés organiques volatils d’origine microbiologique MVOC, ergostérol, mycotoxines). Elles sont décrites et analysées en détail dans 3 documents (par ordre chronologique: Fabriès, 2001, Deloraine, 2002, Air&Bio, 2002). Le consensus sur le mesurage des micro-organismes est récent en Europe : la norme AFNOR EN 13098-2000 définit les règles pour le mesurage de micro-organismes et d’endotoxines en suspension dans l’air, ainsi que les principes d’échantillonnage et la méthode d’analyse ; elle a surtout été établie pour évaluer l’exposition sur les lieux de travail. Aux erreurs de mesure classiques (variation d’échantillonnage, erreurs d’évaluation, erreurs instrumentales), on peut rajouter, dans le cadre des méthodes de mesures des microorganismes viables, des causes de variation supplémentaires qui vont en général dans le sens d’une sous-estimation du comptage des micro-organismes dans l’air. Ces causes de variation sont bien listées qualitativement, mais quantitativement, l’ampleur de ces variations n’est souvent pas précisée (Deloraine, 2002). 17/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.3.1.1.2 Interprétation Elle est rendue complexe essentiellement car il n’existe pas de valeurs limites d’exposition consensuelles. Elle est basée sur différents éléments : • La comparaison des concentrations mesurées dans l’air extérieur soumis ou non à l’influence du site investigué en tenant compte des variations saisonnières, • L’identification des agents biologiques isolés et en particulier la détection d’agents pathogènes. Un aspect monomorphe des colonies évoquant une sélection d’espèces peut attirer l’attention sur un impact du site. 3.3.1.2 Modélisation (Deloraine, 2002) La modélisation de la dispersion des bioaérosols dans l’atmosphère a donné leu à quelques publications. Les modèles proposés sont des modèles gaussiens développés par Pasquill (distribution normale de l’aérosol sur l’axe central du panache). A ces modèles a été rajouté, pour les particules viables, un paramètre lié à la survie et au dépôt microbien. Ce type de modèle est valable pour l’estimation des concentrations à plus de 100 m de la source. La difficulté d’utilisation de ces modèles provient de la détermination du volume d’émission mais aussi des facteurs biologiques tels que la vitesse de déposition et le taux de mort des micro-organismes, qui est déterminé expérimentalement dans des conditions éloignées de la réalité. La description et la validation de ces modèles ont surtout été réalisés dans le cadre de la dispersion de bioaérosols humides provenant en particulier des tours de refroidissement. Un modèle de dispersion atmosphérique de poussières d’une usine de compostage de la Fraction Fermentescible des Ordures Ménagères (FFOM) en silo a été proposé en 1997 mais il n’a pas été validé de manière satisfaisante avec des données de terrain (Déportes 1996 et 1997b, cité par Deloraine). Enfin, un modèle de dispersion a été utilisé pour évaluer les risques microbiologiques liés à l’épandage de boues de station d’épuration (STEP). L’évaluation a porté sur Salmonella typhi et Coxsackie virus B3 pour lesquels des relations dose-réponse existent (Dowd 2000, cité par Deloraine). 3.3.1.3 Biomarqueurs (Deloraine, 2002) L’exposition peut aussi être évaluée par le dosage de biomarqueurs de l’exposition. Les marqueurs d’exposition aux micro-organismes aéroportés sont les anticorps précipitants (précipitines) dosées dans le sérum des personnes exposées. Des antigènes spécifiques sont également commercialisés essentiellement pour les actinomycètes thermophiles. Les biomarqueurs représentent une exposition globale mais leur utilisation reste peu applicable car elle fait appel à des méthodes invasives nécessitant un prélèvement, qui ne peuvent donc pas être utilisées directement et facilement pour des contrôles d’exposition. 18/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.3.2 Données d’exposition des riverains D’après l’arrêté du 9 septembre 1997, la zone d’exploitation des installations de stockage des déchets ménagers et assimilés doit être située à plus de 200 mètres de la limite de propriété du site. Cette obligation réglementaire entraîne, de fait, que l’exposition des populations riveraines des installations de stockage n’est actuellement pas estimée à partir de mesures mais au travers d’un indicateur sanitaire sommaire : la distance du lieu d’habitation à l’installation des stockage (GTInVS, 2003). L’état des connaissances sur l’exposition réelle des populations aux biocontaminants émis par les installations de stockage est donc restreint à des études dont la représentativité est limitée. 3.3.2.1 Résultats de l’étude du RSD (2000) Le deuxième objectif de l’étude du RSD portait sur la métrologie des biocontaminants à proximité de premières habitations des installations de stockage étudiées. Les endotoxines n’ont pas été mesurées car les concentrations sur site étaient déjà basses. 3.3.2.1.1 Mesures dans l’environnement des sites Site 1 : entre 100 et 400 m en aval du site pa rapport au vent (vers les riverains), les mesures effectuées révèlent des concentrations bactériennes relativement basses, inférieures à 200 CFU/m3 avec des espèces tout à fait classiques d’un environnement extérieur. Les concentrations sont supérieures à celles mesurées en amont du site (37 CFU/m3 ) mais restent correctes pour de l’air extérieur. Les concentrations en champignons sont comprises entre 500 et 1300 CFU/m3 mais restent équivalentes à celles mesurées en amont du site par rapport au vent et surtout sont représentées par des espèces caractéristiques de l’air extérieur (majorité de Cladosporium, Alternaria et peu par des espèces caractéristiques du site telles qu’Aspergillus fumigatus, Penicillium spp.. Au cours d’un déchargement d’ordures ménagères, des concentrations importantes de levures ont été mesurées (9000 CFU/m3 ) à 100 m en aval du site. Du fait de l’importante dilution dans l’air extérieur, le retentissement quantitatif du fonctionnement de l’installation sur l’environnement des riverains semble rester faible au vu de ces premiers résultats. Site 2 : on observe bien une décroissance des concentrations en fonction de l’éloignement du point de prélèvement pour les bactéries et les champignons. On retrouve essentiellement les mêmes espèces bactériennes que sur l’alvéole (bactéries Gram positif essentiellement) ; pour les champignons, la plus forte concentration (722 CFU/m3 au point aval 85 m) est essentiellement liée à la présence d’ Aspergillus fumigatus (80 %) caractéristique de l’alvéole également. Les mesures confirment qu’un retentissment est bien mesurable dans l’environnement des riverains sous le vent de l’alvéole. Les concentrations mesurées restent peu élevées par rapport à celles au niveau de l’alvéole et du même ordre de grandeur que celles habituellement retrouvées dans l’air extérieur. Du fait des durées de prélèvement brèves, ces mesures montrent l’existence de pics de concentration monomorphes ou à large prédominance, caractéristique de l’alvéole. 19/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.3.2.1.2 Conclusions Au vu des résultats de cette étude préliminaire, les conclusions sont les suivantes : § dans l’environnement, les niveaux de biocontaminants observés sont faibles mais il peut y avoir de façon ponctuelle des pics élevés ; § du fait des techniques de mesures actuellement disponibles et validées, les échantillons d’air sont de courte durée et les mesures sont par conséquent entachées d’une incertitude non quantifiables et rendent difficilement compte de l’exposition moyenne des sujets. En revanche, ces méthodes permettent de détecter des pics d’exposition qui peuvent avoir une incidence sur l’apparition de symptômes notamment immuno-allergiques. Une approche plus approfondie basée sur des mesures répétées en un même point exposé serait à mettre en œuvre pour mieux évaluer la fréquence des pics et leur importance, de les mettre en relation avec les conditions météorologiques ou d’activité du site ; § ces résultats nécessitent d’être validés par de nouvelles campagnes de mesure au niveau des populations avoisinantes, à des périodes différentes et lors de la réalisation de travaux exceptionnels ; § seuls les micro-organismes viables et cultivables sont actuellement recherchés alors que les micro-organismes totaux sont susceptibles d’engendrer des manifestations pathologiques (notamment immuno-allergiques et toxiniques). Les techniques qui permettent de mesurer les micro-organismes totaux sont encore à l’état de recherche et non disponibles en routine. Elles ne permettent pas l’identification des espèces (indispensable dans l’interprétation) mais admettent des durées de prélèvement plus longues ce qui permet d’obtenir des données plus intégrées dans le temps. Elles constituent donc un complément intéressant dont il faudrait tenir compte dans les prochaines campagnes. 3.3.2.2 Résultats de l’étude de Reinthaler (1999) A 450 m du site investigué, la concentration médiane en bactéries totales cultivables est de 280 CFU/m3 (maximum de 2700 CFU/m3 ), celle en champignons est de 1400 CFU/m3 (maximum de 4100 CFU/m3 ). En moyenne, on ne retrouve pas d’Aspergillus fumigatus. Une concentration maximum de 18 CFU/m3 est rapportée. 3.3.2.3 Tableau de synthèse Tableau 5 : Concentrations en bactéries totales et champignons mesurées dans l’environnement des riverains d’installations de stockage source bactéries totales (CFU/ m3) champignons (CFU/ m3) RSD, 2000 <200 (100-400 m) 500-1300 (site 1, 100 m) 722 (site 2, 85 m, Aspergillus fumigatus) 20/32 Reinthaler, 1999 35-2700 (médiane 280) 450m 500-4100 (médiane 1400) 450 m INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.3.3 Concentrations ambiantes extérieures (bruit de fond) Les concentrations en bactéries totales de l’environnement extérieur hors zone d’influence du site rapportées dans les études analysées par Nédellec (2002) varient de 100 à 5 800 CFU/m3 avec un facteur 100 entre les concentrations sur site et celles dans l’air ambiant extérieur. Pour les champignons, les concentrations ambiantes extérieures varient de 40 à 9,9.103 CFU/m3 . Pour les endotoxines, on rapporte des concentrations comprises ente 0,17 et 2,5 ng/m3 . Les résultats de prélèvements atmosphériques au voisinage des centres de tri ou de stockage d’OM montrent qu’à partir de 150 à 300 m de distance, les concentrations en microorganismes ne sont plus différentes du bruit de fond local. Les concentrations aériennes en bactéries sont bien corrélées à la fraction particulaire supérieure à 5 µm. La vitesse de déposition pourrait expliquer partiellement la décroissance rapide des concentrations atmosphériques observées à distance des sources émettrices. Les études analysées par le Deloraine (2002) indiquent que les concentrations bactériennes retrouvées dans l’air ambiant dépassent rarement 200 CFU/m3 . Il y a assez peu de différence de concentration entre les lieux investigués mais il y a une relation avec la saison (concentrations plus élevées relevées pendant l’été). Les spores de champignons sont presque toujours présentes dans l’air mais leur nombre et leurs types changent avec la période du jour, le temps, la saison, la localisation géographique et la présence de sources locales de spores. Les espèces Cladosporium et Alternaria prédominent durant les jours secs dans la plupart des endroits dans le monde, en particulier l’été. En revanche, ascopores et basidiospores prédominent la nuit après la pluie. Les concentrations habituelles sont de l’ordre de 10-103 spores/m3 . Les champignons mésophiles ont le plus souvent été mesurés mais les résultats sont difficilement comparables entre auteurs (échantillonneurs, temps de pose des appareils, milieux de culture). Pour les 2 études qui ont utilisé un impacteur Andersen, les médianes ou moyennes géométriques sont d’environ 200 CFU/m3 . Les mesures d’Aspergillus fumigatus dans l’air extérieur vont de 0 à 700 CFU/m3 en environnement urbain. Pour les 2 sites investigués par le RSD (2000), la flore bactérienne retrouvée au niveau des points témoins est polymorphe et tout à fait classique pour un environnemnent extérieur. Les concentrations bactériennes sont classiques pour le site 1 (moyenne de 400 CFU/m3 ) et relativement élevées pour le site 2 (500 à 2000 CFU/m3 ). Pour les champignons, les concentrations sont classiques pour un environnement extérieur (de l’ordre de 100 CFU/m3 ) avec une flore polymorphe et notamment pour le site 1, une flore caractéristique de l’air extérieur (Cladosporium et Alternaria). La flore fongique de 2407 échantillons d’air extérieur (d’origine variée et non connue mais à proximité de bâtiments d’habitation) a été analysée par Shelton (Shelton et al., 2002) de 1996 à 1998 à différentes saisons de l’année. Les champignons cultivables aéroportés les plus communs pour toutes les saisons sont Cladosporium, Penicillium, les champignons non sporulants et Aspergillus. La concentration médiane était environ de 500 CFU/m3 avec les concentrations les plus élevées en automne et en été et les plus basses au printemps et en hiver. 21/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Tableau 6 : Concentrations ambiantes en bioaérosols hors influence de sites rapportées dans la littérature source Reinthaler 1999 RSD 2000 Deloraine 2002 bactéries totales (CFU/ m3 ) 80 - 1300 My 400 200-500 Shelton 2002 Nédellec 2002 - 100-5800 Médiane 500 Cladosporium Médiane 200 (CI95% 18-1849) Penicillium Médiane 50 (CI95% 12-377) Aspergillus Médiane 20 (CI95% 12-170) non sporulant médiane 100 (CI95% 12-901) 40 à 9900 (médiane 150) (site 1) 500 à 2000 (site 2) champignons 40-9900 (CFU/ m3 ) (médiane 1200) de l’ordre 100 de 200 (jusqu'à 700 pour Aspergillus fumigatus Aspergillus fumigatus : 0-20 (médiane 5) 3.3.4 Données de référence pour l’interprétation des résultats A l’exception des endotoxines, il n’existe pas de valeur toxicologique de référence pour évaluer les risques biologiques dus aux bioaérosols. En effet, les données disponibles et notamment les études épidémiologiques ne permettent pas d’établir clairement des relations dose-effet pour les bioaérosols. Il n’y a pas de valeurs limites d’exposition proposées par l’ACGIH (ACGIH, 2003) pour les raisons suivantes : • Les agents cultivables totaux sont des mélanges complexes de particules d’origine microbienne, animale et végétale, • Les effets sur la santé humaine des bioaérosols sont variés en fonction du bioaérosol spécifique impliqué et de la sensibilité de l’individu ; par conséquent, une limite d’exposiiton appropriée pour un bioaérosol pourrait ne pas l’être pour un autre, • Les différentes méthodes d’échantillonage et d’analyse des bioaérosols qui existent actuellement peuvent déboucher sur des estimations de concentrations en agents biologiques différentes, • Les informations établissant le lien entre les agents biologiques cultivables et les effets sur la santé sont généralement insuffisantes pour décrire les relations dose-réponse, • Pour les biocontaminants (endotoxines, mycotoxines etc…), les preuves ne sont pas actuellement jugées suffisantes pour établir des valeurs limites d’exposition. 22/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols Des valeurs guides sont par contre proposées par différents auteurs (voir tableau de synthèse); elles sont valables pour des situations professionnelles relativement bien délimitées et incluant parfois des conditions d’échantillonnage et d’analyse (Fabriès, 2001). Ainsi la norme française X43-401 reprend, dans son annexe informative, des valeurs observées dans les environnements à usage de bureaux et à la prise d’air neuf de référence issues d’un rapport européen (Biological particles in indoor environment report n°12 –European collective action, Indoor air Quality & its impact on man). Fabriès conclue « la métrologie permet de déterminer à quels micro-organismes et à quels niveaux de concentration des populations sont exposées. Par contre, l’évaluation des risques biologiques ne peut reposer uniquement sur la métrologie, et il est même souvent conseillé de ne pas commencer par une stratégie de contrôle impliquant de nombreux mesurages de la qualité microbiologique de l’air, notamment dans le cas du risque infectieux. Par contre, la comparaison des niveaux de concentration à des valeurs de référence ou des valeurs guides valables pour le même type d’environnement est utile dans le cadre de l’appréciation des risques immuno-allergiques (dus par exemple à la dispersion dans l’air de spores fongiques ) et toxiniques (liés par exemple aux endotoxines des bactéries Gram négatifs) ». Aux Pays-Bas, les valeurs de référence dans l’air extérieur sont situées autour de 500 CFU/m3 . 3.3.4.1.1 Microorganismes viables et cultivables § En France, l’INRS recommande des valeurs limites de 104 CFU/m3 en bactéries totales, 103 CFU/m3 en bactéries Gram-négatif (Fabriès, 1997), § Pour la flore fongique, les valeurs guides varient entre 103 et 104 CFU/m3 , avec moins de 500 CFU/m3 d’une même espèce (valeur citée par le RSD, 2000). 3.3.4.1.2 Endotoxines En pratique, selon l’espèce de bactéries Gram négatif qui produit l’endotoxine, 1 ng/m3 correspond à 10 à 14 EU/m3 . § Selon Rylander (1997, cité par Deloraine), les effets sont dose-dépendants : 20 ng (200280 EU)/m3 entraînent une augmentation de la réactivité bronchique, 200 ng (20002800 EU)/m3 entraînent une altération de la fonction pulmonaire, 300 ng (30004200 EU)/m3 entraînent des symptômes d’oppression respiratoire et 1000 ng (10000 à 14 000 EU)/m3 entraînent une pneumopathie toxique. § La valeur limite de 4,5 ng/m3 (50 EU/m3 ) est proposée par les Pays-Bas (Dutch Expert Committee on Occupational Standards) pour une exposition de 8 heures par jour. Dans la littérature, les niveaux d’exposition n’entraînant pas d’effet par inhalation d’endotoxines sont compris entre 9 et 170 ng/m3 . Le NOAEL de 9 ng/m3 basé sur des effets respiratoires aigus observés dans une étude sur la population générale ayant été exposée à des endotoxines provenant de poussières de coton a été retenu. Un facteur de sécurité de 2 a été appliqué pour prendre en compte la sensibilité des travailleurs et le fait que les endotoxines peuvent avoir des effets pulmonaires chroniques à des concentrations inférieures à celles entraînant des effets aigus. (Heederick and Douwes, 1997) 3.3.4.1.3 Autres composés Aucune norme ou valeur de référence n’est pour l’instant proposée pour les autres composés. 23/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.3.4.1.4 Synthèse Tableau 7 : Propositions de valeurs guides de microorganismes aéroportés et d’endotoxines dans différentes études de la littérature Appellation Bactéries totales Bactéries gram négatif Endotoxines Champignons totaux Référence Valeurs guides Dutch Occupational Health Association 104 103 - 104 avec 0,5.103 /espèce Heida, 1995 Valeurs limites 104 103 50 EU/m3 Rapporté par RSD, 2000 - Fabriès, 1997 5.104 Dutkiewicz, 1997 soit 4,5 ng/m3 Valeurs limites Scandinavie (OEL) Pologne Valeur limite sur la base d’une exposition de 8 heures par jour (DECOS) 5.103 à 1.104 103 - 105 2.104 - - 3 - 50 EU/m 24/32 - Heederick, 1997 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.4 EFFETS SUR LA SANTE DES AGENTS BIOLOGIQUES AEROPORTES Les agents biologiques peuvent, soit entraîner des infections, soit induire des réactions allergiques et/ou inflammatoires relevant, le plus souvent, de pathologies respiratoires aiguës. Ces derniers mettent en jeu des mécanismes d’action complexes qui peuvent être isolés ou associés. Une des caractéristiques des risques biologiques est la possibilité de synergie entre différents agents produisant des réactions allergiques et inflamatoires (endotoxines, champignons, COV par exemple). La directive 2000/54/CE (18/09/2000) concernant la protection des travailleurs contre les risques biologiques au travail classe les agents biologiques en quatre groupes de risque en fonction de l’importance du risque d’infection qu’ils présentent. Le CIRC propose un classement de certaines mycotoxines (par exemple les aflatoxines) en fonction de leur pouvoir cancérigène. 3.4.1 Principales pathologies (GTInVS, 2003, Air&Bio, 2002) Les mécanismes d’action mis en jeu lors de l’exposition par inhalation à de agents biologiques aéroportés sont de 3 ordres : • Infectieux • Immuno-allergique, • Inflammatoire. 3.4.1.1 Pathologies infectieuses Un agent infectieux est un agent capable de se multiplier dans l'organisme hôte. Une infection peut se traduire ou non par une maladie. Si le microorganisme se développe chez l'hôte sans provoquer d'effets délétères, on parle alors d'une infection asymptomatique (Bonnard, 2001). La pathogénicité d'un agent infectieux relève de différents facteurs. Selon les cas, l'effet pathogène peut être principalement de type invasif (inflammation ou ulcération des tissus), après colonisation superficielle des tissus ou pénétration plus profonde, ou être lié à la production et à l'action de toxines dans l'organisme hôte. Certains qualifient spécifiquement ce dernier processus par l'adjectif toxi-infectieux (Buchanan, 2000). Par ailleurs, le pouvoir pathogène est la résultante de l'action d'un microorganisme et de la réceptivité de l'organisme hôte. Ainsi, certains agents microbiens considérés comme des agents pathogènes redoutables peuvent être hébergés par un hôte sans occasionner le moindre trouble. On parle alors de porteurs sains. A l'inverse, certains microorganismes, naturellement saprophytes ou appartenant à la flore normale de l'individu peuvent se manifester comme pathogènes, lorsque les mécanismes de défense de l'hôte sont diminués. Les infections à micromycètes sont généralement opportunistes et concernent principalement Aspergillus fumigatus. Dans le cas des agents aéroportés, les pathologies connues sont les légionelloses (Legionella pneumophila) et les aspergilloses (Aspergillus fumigatus). 3.4.1.2 Les pathologies d’origine immuno-allergique Ce terme regroupe des phénomènes de stimulation des défenses (réponse spécifique ou non), la dépression immunitaire et ceux générant l’hypersensibilité. Ces mécanismes concernent les endotoxines libérées par les bactéries Gram négatives, des allergènes de champignons ou des actinomycètes, les mycotoxines et les protozoaires. 25/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols L’allergie est définie comme la capacité d’un individu à réagir de manière exacerbée à chaque nouveau contact avec un antigène environnemental. On distingue la pneumonie d’hypersensibilité (ou alvéolite allergique extrinsèque) et les asthmes allergiques professionnels. La pneumonie d’hypersensibilité est un syndrome respiratoire fébrile (tableau pseudo-grippal) avec des signes radiologiques et spirométriques dont un des tableaux classiques est celui du poumon de fermier. Les formes de pneumopathies peuvent être aiguës ou subaiguës et peuvent évoluer plus ou moins rapidement vers une insuffisance respiratoire. Dans les 2 cas, les symptômes disparaissent en général si l’exposition cesse. La forme chronique surviendrait surtout chez les sujets continuellement exposés à de petites quantités de façon régulière. Elle survient lors d’exposition supérieures à 108 CFU/m3 et après une sensibilisation par des expositions répétées (de 105 à 106 CFU/m3 ). Elle est essentiellement liée à l’inhalation chronique d’actinomycètes thermophiles (bactéries filamenteuses thermophiles à Gram positif) et de moisissures appartenant à des espèces classiques de l’environnement (Aspergillus, Penicillium, Alternaria, Cladosporium …) contenant des protéines allergisantes. D’autres micro-organismes (bactéries, protozoaires) ou encore endotoxines, mycotoxines et autres produits dérivés auraient aussi un rôle direct ou adjuvant sur la réponse immunologique. Les asthmes professionnels sont induits de façon spécifique par l’exposition répétée à des agents présents dans le milieu professionnel. Plus de 400 agents différents ont été rapportés comme cause possible de l’asthme professionnel. Les moisissures et les champignons sont les principaux agents microbiologiques incriminés. 3.4.1.3 Les pathologies d’origine inflammatoire La réaction inflammatoire est une réaction de défense très générale face à un agresseur. Elle est constituée d’afflux de cellules sanguines, de phénomènes de vasodilatation des capillaires et de l’apport de facteurs humoraux. L’inflammation dans les tissus exposés aux microorganismes aéroportés peut être due aux endotoxines, aux formes solubles des (1→3)-β-Dglucanes et aux mycotoxines. Même si les mécanismes d’action des moisissures sur le développement et la sévérité de l’asthme ne sont pas clairement établis, il est admis que l’exposition aux moisissures peut être une menace pour les patients atopiques ou asthmatiques Ce sont les bronco-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) et les fièvres d’inhalation comme le syndrome toxique des poussières organiques (ODTS). Les BPCO regroupent la bronchite et l’emphysème caractérisés par l’existence d’un trouble ventilatoire obstructif permanent. L’ODTS regroupe tous les cas de mycotoxicoses pulmonaires, allant du poumon de fermier aux fièvres d’inhalation, en passant par les fièvres des travailleurs du textile. L’ODTS est observé après une exposition très importante à des poussières organiques (< 5 µm). la présence d’endotoxines et de champignons tels que Aspergillus semble largement associée à cette pathologie. Il s’agit d’un mécanisme non allergique lié aux propriétés proinflammatoires des toxines. L’évolution est habituellement bénigne même si les récidives sont fréquentes. 26/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 3.4.1.4 Pathologies liées aux endotoxines Les endotoxines contenues dans la paroi des bactéries Gram négatif, entraînent la libération des médiateurs chimiques pyrogéniques conduisant à une nécrose tissulaire. Un exposition répétée peut entraîner une fatigue inexpliquée, des symptômes digestifs (nausées, vomissement, diarrhées…) et des maux de tête. Ces symptômes disparaissent au bout de 24 heures. Les endotoxines sont impliquées dans d’autres pathologies : elles pourraient ainsi exarcerber les réactions inflammatoires de l’asthme. 3.4.1.5 Pathologies liées aux mycotoxines Les mycotoxines aéroportées issues du métabolisme secondaire des moisissures (dans certaines conditions de température, d’humidité ou de substrat) sont solubles dans l’eau pulmonaire des alvéoles et passent dans la circulation. Leur action est cytotoxique direct et s’accompagne de troubles généraux (respiratoires, cutanés, neurologiques…) et plus ou moins spécifiques des organes. Certaines mycotoxines parmi lesquelles les aflatoxines (Aspergillus fumigatus, A. parasiticus), les stérigmatocystines (Aspergillus versicolor) sont classées par le CIRC pour leurs effets cancérigènes. 3.4.2 Données épidémiologiques (Nédellec and Mosqueron, 2002) La plupart des données de la littérature proviennent des pays d’Europe du Nord. Les études d’effets cliniques concernent de petits effectifs de salariés suivant des méthodologies transversales qui sont certainement grevées par le biais du « travailleur sain » ce qui peut expliquer les difficultés à mettre en évidence des relations cause-effet et surtout dose-effet. Les résultats des enquêtes convergent sur de nombreux points : certains symptômes sont régulièrement en excès chez les travailleurs de la collecte et du tri des OM (atteintes de l’appareil respiratoire, troubles du système digestif, irritations cutanéo-muqueuses). Les tableaux cliniques rapportés représentent tous les types de pathologie respiratoire aiguë (bronchoalvéolite allergique extrinsèque, aspergillose pulmonaire, syndrome ODTS, pneumopathie d’hypersensibilité). Ils ont pratiquement tous mis en cause la présence d’Aspergillus fumigatus en excès dans l’environnement de travail. Les risques infectieux liés à l’inhalation de champignons sont réservés à des personnes immunodéprimées ou très fortement exposées. La présence d’entérobactéries pathogènes ne conduit pratiquement jamais à des infections respiratoires y compris en cas de forte exposition. Les marqueurs sanguins de l’inflammation sont augmentés lors de l’exposition aux émanations d’OM ainsi qu’aux endotoxines. Les marqueurs sanguins de l’allergie sont peu influencés par ces expositions. Concernant le système digestif, une étude d’exposition de ramasseurs d’ordures a mis en évidence des relations dose-réponse significatives entre l’exposition aux endotoxines et les nausées d’une part, et entre les champignons ou les endotoxines et la diarrhée d’autre part (Ivens, 1999). D’après les données disponibles (GTInVS, 2003), en matière de pathologie chronique, tous les stades de la filière de traitement des OM ont donné lieu à des plaintes respiratoires de salariés. Les questions qui se posent concernent la démonstration épidémiologique claire de ces tableaux symptomatiques. La relation entre exposition aux microorganismes et troubles respiratoires observés chez les salariés n’est pas à ce jour établie en l’absence d’investigation spécifique. 27/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 4. TRAVAUX EN COURS AU NIVEAU NATIONAL 4.1 INRS Des travaux en cours portent sur la métrologie des bioaérosols. Les objectifs principaux de cette thématique sont d'étudier les techniques spécifiques de prélèvement et d'analyse des agents biologiques (micro-organismes et leurs toxines, en excluant les virus) dispersés dans l'air des lieux de travail et de rechercher les meilleures conditions d'utilisation en fonction des différents environnements rencontrés. Les systèmes d'échantillonnage des bioaérosols seront étudiés à la fois sur le plan de leur comportement physique et sur le plan microbiologique. Les conditions de prélèvement et de dosage des endotoxines et des glucans seront également étudiées. Les méthodes développées seront testées sur sites industriels afin de valider leurs conditions d'application. En dehors des méthodes traditionnelles d'analyse fondées sur la culture des micro-organismes sur gélose et sur leur identification suivant des critères biochimiques, l'apport des techniques de biologie moléculaire sera également étudié. 4.2 CSTB Les travaux en cours sont centrés sur la mise au point de nouvelles techniques de mesure et notamment les mesures de métabolites (ergostérol, MVOC, mycotoxines) ; le dosage d’ergostérol est au point. Il coordonne l’observatoire de la qualité de l’air intérieur sous la tutelle du ministère de l’équipement. Les objectifs de cette structure sont d’identifier les agents (chimiques et biologiques) représentant un risque pour la santé, d’évaluer l’exposition des populations en vue de mettre au point des recommandations sur la qualité de l’air intérieur. Une phase pilote a été menée sur 100 sites (écoles et logements), les résultats sont en cours d’analyse. une phase opérationnelle sera conduite sur 800 sites. 4.3 LHVP Outre ses interventions de diagnostic en tant que prestataire de service, le LHVP développe la mise au point de nouvelles techniques : épifluorescence, endotoxines, glucans, recherche d’allergènes par méthodes immunologiques… 4.4 ADEME Il existe un programme d’études et recherches sur « la qualité microbiologique de l’air » mais aucun détail n’a pu être obtenu des services de l’ADEME travaillant sur le sujet. 4.5 RSD En décembre 2002, le Réseau Santé-Déchet a effectué une étude bibliographique (P27) pour l’association RECORD (réseau coopératif de recherche sur les déchets) sur les organismes biologiques dans les déchets (OM, DIS…) et axée sur l’impact santé travailleurs. 28/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc DRC 06 2003, opération 1.2.a Bioaérosols 4.6 RSEIN Ce groupe d'experts français centre ses activités autour de la thématique de l'environnement intérieur. Les objectifs du réseau RSEIN sont d’une part de fournir un support d'information par la publication du bulletin trimestriel Info Santé Environnement Intérieur (rubrique biocontaminants), diffusé en encart de la revue Pollution Atmosphérique et mis en ligne sur le site Internet du réseau (http://rsein.ineris.fr/) et d’autre part de développer des programmes de recherche et d'étude afin d'élargir les connaissances sur les relations Santé - Environnement et d'assurer l'évaluation des risques sanitaires liés à l'environnement intérieur. Le bulletin comprend une rubrique « biocontaminants ». 5. CONCLUSION Cette analyse des données disponibles nous montre qu’il existe peu de données, à l’heure actuelle, sur l’exposition des riverains des centres de stockage d’OM. Les quelques résultats disponibles (RSD, 2001 et Reinthaler, 1999) indiquent que les concentrations mesurées dans l’environnement sont assez faibles dans l’ensemble avec, le plus souvent, des espèces classiques de l’environnement extérieur et des niveaux du même ordre de grandeur que dans l’air extérieur. Le risque sanitaire lié aux bioaérosols pour les riverains est jugé faible compte-tenu de la zone protectrice de 200 m prévue par la réglementation. Des campagnes de mesures supplémentaires devraient être envisagées pour mieux caractériser les pics de concentrations fongiques qui ont été observés lors de certaines manipulations des déchets sur site, notamment la flore fongique (Aspergillus fumigatus, Penicillium spp.) et ce, en fonction des conditions météorologiques (vitesse du vent, humidité, ensoleillement). 29/32 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc 6. BIBLIOGRAPHIE ACGIH (2003) TLVs and BEIs, threshold limit values for chemical substances and physical agents & biological exposure indices. Air&Bio (2002) rapport ADEME, Mesure de l'aérobiocontamination dans les bâtiments des secterus résidentiels et tertiaire: état des connaissances et pratiques, 49 p. Bichet-Hebe, I. (1998) Caractérisation microbiologique et physico-chimique de déchets ménagers en centre d'enfouissement technique In gestion et traitement des déchets, 174 p. Angers. Bonnard, R. (2001) Le risque biologique et la méthode d'évaluation du risque, 70 p. INERIS. Deloraine, A. (2002) Etude bibliographique sur l'évaluation des risques liés aux bioaérosols générés par le compostage des déchets, 215 p. CAREPS. Fabriès, J.-F. (2001) Métrologie des bioaérosols de l'air intérieur Evaluation des expositions In Biocontaminants de l'air intérieur, effets sur la santé et prévention, pp. 149-158 Faculté de Pharmacie, Université de Bourgogne, Dijon, France. GTInVS (2003) Le stockage des déchets et la santé publique. coordination InVS participation: InVS, INERIS, ADEME, AGHTM, RSD, SFSP. version provisoire de la contribution sur le risque biologique Heederick, D. & Douwes, J. (1997) Towards and occupational exposure limit for endotoxins ? Ann Agric Environ Med, 4, 17-19. Nédellec, V. & Mosqueron, L. (2002) Recensement des agents émis lors des déversements d'ordures ménagères en situation professionnelle et identification des dangers par inhalation. Environnement, Risques & Santé, 1, 164-177. Parat, S., Perdrix, A., Mann, S. & Baconnier, P. (1999) Contribution of particle counting in assessment of exposure to airborne microorganismes. Atmospheric Environment, 33, 951959. Shelton, B., Kirkland, K., Flaners, W. & Morris, G. (2002) Profiles of airborne fungi in buildings and outdoor environments in the United States. Applied and Environmental Microbiology, 68, 1743-1753. 30/31 INERIS DRC 03-45955/ERSA n°91-LDe/bioaérosols2003.doc 7. LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Bactéries présentes dans les ordures ménagères fraîches (d’après Nédellec et Mosqueron, 2002) .......................................................................................................... 7 Tableau 2 : Micromycètes présents dans les ordures ménagères fraîches (d’après Nédellec et Mosqueron, 2002) ...................................................................................................... 8 Tableau 3 : Pathogènes isolés de déchets urbains solides et de boues de station d’épuration (Déportes, 1995) ........................................................................................ 9 Tableau 4 : Concentrations en bioaérosols au niveau des installations de stockage rapportées dans la littérature ...................................................................................... 16 Tableau 5 : Concentrations en bactéries totales et champignons mesurées dans l’environnement des riverains d’installations de stockage ......................................... 20 Tableau 6 : Concentrations ambiantes en bioaérosols hors influence de sites rapportées dans la littérature ........................................................................................................ 22 Tableau 7 : Propositions de valeurs guides de microorganismes aéroportés et d’endotoxines dans différentes études de la littérature ............................................... 24 31/31