La Lettre du Gynécologue - n° 317 - décembre 2006
Dossier
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Rubéole congénitale
Le virus de la rubéole peut se transmettre de la mère au fœtus
tout au long de la grossesse. Cependant, contrairement au
toxoplasme et au cytomégalovirus, le taux de transmission du
virus de la rubéole est extrêmement élevé en début de gros-
sesse (environ 90% au premier trimestre) (5). Les anomalies
les plus fréquentes et les plus sévères (atteinte du cœur, de
l’œil, de l’oreille, du système nerveux central) s’observent éga-
lement au premier trimestre. Ensuite, jusqu’à la 18e semaine
d’aménorrhée (SA), l’anomalie la plus fréquemment observée
est la surdité. On considère qu’après la 20e SA, on n’observe
plus d’anomalies sévères qui pourraient justifier une interrup-
tion de grossesse (6).
Les anomalies échographiques les plus fréquemment retrou-
vées semblent être au niveau cardiaque et oculaire. On peut
également retrouver une microcéphalie, une hépatomégalie,
une splénomégalie ou un retard de croissance intra-utérin
(7). Dans notre expérience, l’anomalie la plus fréquemment
observée est le retard de croissance intra-utérin isolé. Il est
important de noter que l’absence d’anomalies échographi-
ques ne permet pas de rassurer la femme enceinte. En effet,
récemment, nous avons eu connaissance d’enfants gravement
atteints alors qu’aucune anomalie n’avait été décelée à l’écho-
graphie.
PLACE DE LA SÉROLOGIE DANS LA SURVEILLANCE
DE L’INFECTION RUBÉOLIQUE
La sérologie qui permet de mettre en évidence les Ac a un
double rôle : d’une part déterminer le statut immunitaire du
sujet testé et, d’autre part, confirmer ou infirmer le diagnostic
de rubéole, particulièrement chez la femme enceinte.
Détermination du statut immunitaire
Cette détermination a pour but de savoir si le sujet testé a été
infecté par le virus de la rubéole, sans préjuger de la date de
l’infection, ou s’il a été correctement vacciné.
La détermination du statut immunitaire devrait toujours se
faire en dehors de la grossesse, car, comme nous le verrons
ultérieurement, les sérologies effectuées pendant la grossesse
peuvent être très difficiles à interpréter.
Comment interpréter les résultats ?
Le laboratoire rend les résultats par rapport à un “seuil”. Il
faut savoir que c’est un seuil de spécificité et non un seuil
de protection. Cela signifie que lorsque le résultat est supé-
rieur au seuil, le fabricant de réactifs garantit la présence
d’Ac. Le seuil est fixé à 10 UI/ml (normes américaines) ou à
15 UI/ml. Dans la zone “équivoque”, la présence d’anticorps
est incertaine et le sujet doit être considéré comme non
immunisé, même si, dans l’immense majorité des cas, il est
effectivement immunisé. Le principal problème que se pose
le clinicien est la valeur d’un titre faible (entre 10 UI/ml et
20 UI/ml).
Le sujet est-il protégé si le titre d’Ac est faible ? Doit-il être
revacciné ?
En fait, la protection est un phénomène complexe qui ne
repose pas seulement sur le titre des Ac. Elle est également liée
à la qualité de la réponse humorale (anticorps neutralisants,
avidité des IgG) et surtout à la qualité de la réponse cellulaire.
À partir du moment où des Ac sont dépistés (quel que soit leur
titre), on peut considérer que le sujet est protégé.
Diagnostic d’une primo-infection rubéolique
Le diagnostic d’une infection rubéolique peut s’effectuer lors
d’un dépistage systématique, pendant la grossesse, ou en pré-
sence d’un contexte clinique évocateur (contage, signes clini-
ques). Les problèmes étant essentiellement liés au dépistage
systématique, nous ne traiterons que ce sujet.
La législation
Le décret n° 92-143 du 14 février 1992 stipule que lors du pre-
mier examen prénatal, le dépistage des anticorps de la rubéole
doit être effectué en l’absence de résultats écrits permettant de
considérer l’immunité comme acquise. Selon ces dispositions
légales, un seul examen est à faire en cours de grossesse chez
toute femme séronégative ou ignorant son statut immunitaire.
En fait, en cas de séronégativité, il est recommandé d’effectuer
au moins une deuxième sérologie vers la 20e SA pour vérifier
qu’il n’y a pas eu séroconversion entre-temps, à une période
critique de la grossesse.
D’un point de vue légal, seules les IgG spécifiques doivent être
recherchées lors d’un dépistage systématique. Cependant, en
raison des difficultés d’interprétation de la présence d’IgG,
un certain nombre de laboratoires pratiquent, en parallèle, la
recherche des IgM. Il faut savoir que, dans le cadre d’un dépis-
tage systématique, cette recherche n’est pas remboursée par la
Sécurité sociale. Il n’est pas rare, non plus, que lorsque les IgG
sont positives, les laboratoires demandent un deuxième pré-
lèvement pour éventuellement mettre en évidence une aug-
mentation des anticorps et détecter des infections rubéoliques
asymptomatiques ou non renseignées cliniquement.
Interprétation des résultats : les pièges
Que signifie un titre élevé d’Ac anti-virus de la rubéole ?
Rien de particulier et, en tout cas, un titre élevé n’est abso-
lument pas évocateur d’une infection récente ! En l’absence
de contage ou de signes cliniques, il est tout à fait inutile de
demander une recherche d’IgM spécifiques.
Quelle est la signification d’une séroconversion ?
Un séroconversion est une apparition d’Ac. En l’absence de
vaccination, l’observation d’une séroconversion est souvent
corrélée à une primo-infection. Cependant, en ce qui concerne
la sérologie de la rubéole, le seuil de positivité des techniques
de détection des IgG est élevé, se situant, comme nous l’avons
vu, entre 10 et 15 UI/ml. Dans ces conditions, il peut arriver
qu’une apparente séroconversion ne représente, en fait, qu’une
augmentation des Ac, non systématiquement liée à une primo-
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