La prévention primaire : l’information, une priorité

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La prévention primaire :
l’information, une priorité
Les conséquences sur le fœtus de l’exposi-
tion prénatale à l’alcool sont maintenant
bien établies (1, 2). Et pourtant, les femmes
ne le savent pas. Ainsi, en 1996, une étude
(3) montrait que si, 95 % des femmes
enceintes interrogées avaient connaissance
des risques liés au tabagisme gravidique,
seulement 65 % connaissaient les risques
de l’association alcool-grossesse. De plus,
seulement 10 % avaient reçu une informa-
tion sur les risques liés à la consommation
d’alcool.
La Société française d’alcoologie a rendu
publique, les 10 et 11 octobre 2002, ses
Recommandations, intitulées “Les conduites
d’alcoolisation au cours de la grossesse”
(4) (tableau I). Les auteurs insistent notam-
ment sur la diffusion des connaissances
tant en direction des professionnels que du
grand public. Suivant les préconisations de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
(tableau II), qui a établi notamment des
seuils de consommations d’alcool, ils
conseillent l’abstinence durant toute la
durée de la grossesse. La prévention pri-
maire doit donc se développer. Il existe trop
peu de campagnes d’information en
France, notamment auprès des jeunes (5).
L’Association nationale de prévention en
alcoologie et addictologie (ANPAA), en
collaboration avec l’Institut national de
prévention et d’éducation pour la santé
(INPES) ont un rôle majeur à jouer dans la
mise en place de cette action de prévention
primaire de l’alcoolisation durant la gros-
sesse.
Stratégies de dépistage
Les difficultés du dépistage
Si, comme l’exprime B. Rueff (6), “la
grossesse est un bon moment pour repérer
les femmes en danger à cause de leur
consommation et pour délivrer un message
de sobriété qui a de bonnes chances d’être
entendu”, il n’en demeure pas moins que
ce dépistage est loin d’être réalisé dans les
maternités et qu’il présente de nombreuses
difficultés. Tout d’abord que doit-on repé-
rer ? Il convient d’avoir bien présent à l’es-
prit les différentes modalités d’usage de
l’alcool, telles que les a définies la SFA
dans ses Recommandations pour la pra-
tique clinique : Les conduites d’alcoolisa-
tion. (7) (figure).
En France, seulement 30 % des femmes
sont abstinentes de première intention,
c’est-à-dire qu’elles n’ont jamais bu une
goutte d’alcool (8, 9).
La SFA dans ses Recommandations insiste
sur le repérage des conduites d’alcoolisa-
tion au cours de la grossesse. En effet, les
professionnels de la santé, et notamment
ceux de la périnatalité, sont souvent peu
enclins à aborder le sujet. Pourtant les
gynécologues obstétriciens et les sages-
femmes ont un rôle capital à jouer en la
matière. Le groupe d’experts de ces
Recommandations préconise de s’enquérir
des pratiques de consommation d’alcool
chez toutes les femmes enceintes ou qui
désirent une grossesse.
Il faut souligner l’importante sous-évaluation
par les femmes enceintes de leur niveau de
consommation d’alcool. Elles ne savent pas,
notamment quelles quantités d’alcool
contiennent les différentes boissons qu’elles
sous-évaluent d’environ 30 % (10).
L’entretien de parentalité souhaité par le
législateur, de même que les séances de
préparation à la naissance ou les consulta-
tions obstétricales prénatales pourraient
être des opportunités que l’ensemble des
cliniciens concernés par la grossesse
devrait savoir saisir pour interroger la
femme enceinte sur ses pratiques addic-
tives. Les services départementaux de pro-
Dépistage et prise en charge en réseau
des mésusages d’alcool
D. Boussiron*
En France, les femmes en âge d’avoir des enfants, et de manière
générale, l’ensemble de la population, ne sont pas assez
informées des conséquences néfastes des conduites
d’alcoolisation, même occasionnelles, durant la grossesse.
Et pourtant, seulement 30 % des femmes n’ont jamais bu une
goutte d’alcool ! Les femmes enceintes qui font un mésusage
d’alcool et, a fortiori celles qui ont une dépendance à l’alcool,
doivent être mieux repérées, accompagnées et prises en charge
en réseau. Comme le préconise depuis les 10 et 11 octobre
2002 la Société Française d’Alcoologie et d’Addictologie.
* Praticien hospitalier, centre hospitalier
Sainte-Marie de Clermont-Ferrand, directeur
scientifique Médidep.
Recommandations pour la diffusion des
connaissances et des messages concer-
nant l’exposition prénatale à l’alcool :
conseiller l’abstinence ;
former les professionnels ;
informer le grand public.
Recommandations pour le repérage et
la prise en charge des conduites d’al-
coolisation chez la femme enceinte :
repérer les conduites d’alcoolisation
durant la grossesse ;
aider et accompagner les femmes
enceintes qui s’alcoolisent ;
faciliter leur accès aux soins ;
aider et accompagner la mère et l’enfant
lorsqu’il y a eu alcoolisation durant la
grossesse.
Tableau I. Recommandations de la Société
française d’alcoologie (SFA) : conduites
d’alcoolisation au cours de la grossesse,
10-11 octobre 2002.
Consommations régulières :
femmes : pas plus de 2-3 unités d’al-
cool par jour (< 14 verres par semaine) ;
hommes : pas plus de 3-4 unités d’al-
cool par jour (< 21 verres par semaine) ;
au moins une fois par semaine sans
boissons alcoolisées.
Consommations occasionnelles :
pas plus de 5 unités en une seule occa-
sion ;
pas d’alcool pendant la grossesse.
Tableau II. Les seuils de consommation
d’alcool de l’OMS.
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tection maternelle et infantile comptent
dans leurs missions l’organisation de
consultations prénuptiales, prénatales et
postnatales et des actions de prévention
médico-sociale concernant les femmes
enceintes. Il est évident que ces services de
PMI devraient être des acteurs privilégiés
de la prévention secondaire des conduites
d’alcoolisation au cours de la grossesse.
Outre-Atlantique, les praticiens interrogent
plus facilement les femmes enceintes sur
leurs pratiques addictives. Ainsi, une étude
(11) de l’American College of Obstetricians
and Gynecologists (ACOG) montre que
97 % de ceux-ci interrogent les femmes
enceintes sur leur usage d’alcool ; 48 %
interrogent eux-mêmes la femme enceinte au
cours de la visite prénatale ; 41 % délè-
guent aux sages-femmes. Il est à noter que
dans cette étude 23 % utilisent un question-
naire standardisé de screening de mésusage
d’alcool (en l’occurrence le questionnaire
CAGE composé de 4 items).
Les moyens
L’ e xpertise collective de l’Inserm
Alcool, effets sur la santé” (12) recom-
mande notamment que, “dans le cadre
d’études transversales répétées, la consom-
mation d’alcool durant la grossesse soit
contrôlée systématiquement dans les
maternités à l’aide de questionnaires, afin
de relever la fréquence de consommation
mais également de suivre son évolution au
cours du temps.Il y est aussi précisé que
“ce contrôle bénéficierait du développe-
ment d’un marqueur biologique simple et
fiable de la consommations d’alcool.
Les questionnaires de dépistage standardi-
sé de mésusage d’alcool (13, 14) peuvent
constituer un appoint à l’entretien. Ils sont
encore peu répandus dans la communauté des
obstétriciens et des sages-femmes. Un des
plus utilisé dans le repérage du mésusage
d’alcool en population générale est l’auto-
questionnaire AUDIT. Il permet d’étayer le
diagnostic différentiel entre le mésusage d’al-
cool avec ou sans dépendance. La SFA
recommande de définir la valeur seuil du
score prédictif du questionnaire AUDIT chez
la femme enceinte. La validation en français
du questionnaire T-ACE, considéré comme
étant le questionnaire présentant les
meilleures sensibilité et spécificité pour le
repérage des conduites d’alcoolisation chez la
femme enceinte est recommandé.
Les trois marqueurs biologiques de
mésusage d’alcool (13-
15) sont :
Le volume globulaire
moyen (VGM), marqueur
d’une alcoolodépendan-
ce déjà installée. Il est
peu sensible et peu spéci-
fique. Toutefois la gros-
sesse n’a pas d’influence
sur ce marqueur, c’est-à-
dire qu’elle ne modifie
pas les valeurs seuils.
La gammaglutamyltrans-
peptidase (
γ
GT) est une
enzyme membranaire
d’origine hépatique. Sa
sensibilité dans l’abus
d’alcool est de l’ordre de
40 % avec une spécifici-
té de 76 %. Dans l’alcoo-
lo-dépendance, sa sensi-
bilité augmente à 80 %
mais toujours avec une
spécificité assez faible.
Ce marqueur est égale-
ment non influencé par la
grossesse.
Dans plusieurs études
(16), il a été observé une corrélation entre le
taux de γGT de femmes enceintes et le retard
de croissance intra-utérin, des anomalies
congénitales ou bien des complications péri-
et postnatales. Pour certains auteurs, l’aug-
mentation des γGT est prédictive d’effet de
l’alcool sur le fœtus dans 61,5 % des cas avec
un risque relatif de 2,4 (17).
La Carbohydrate Deficient Transferrine
(CDT) est une bêtaglycoprotéine, la transfer-
rine, participant au transport du fer. Il existe 9
isoformes. Cette protéine est influencée par la
grossesse qui en augmente les taux. De nom-
breuses études ont montré que la CDT dans
les problèmes d’alcool a une très bonne sen-
sibilité (82 %) et surtout une excellente spéci-
ficité. Son intérêt dans le mésusage d’alcool
chez la femme enceinte doit être davantage
documenté.
Éléments de la prise en charge
Comme le soulignent les auteurs des récentes
Recommandations de la SFA, les profession-
nels de l’addictologie doivent tout mettre en
œuvre pour faciliter l’accès aux soins des
femmes qui s’alcoolisent. De ce point de vue,
les équipes de liaison et de soins en addicto-
logie (ELSA), telles que les a prévues la cir-
culaire du 8 septembre 2000, ont un rôle
majeur à jouer dans l’initiation de cette prise
en charge. Cette circulaire insiste, notamment,
sur le fait qu’une attention particulière sera
portée aux maternités et sur la nécessité de
renforcer les formations en addictologie des
sages-femmes.
Idéalement, comme cela existe déjà dans cer-
taines régions, la prise en charge de ces
femmes enceintes devrait s’effectuer dans le
cadre d’un réseau intégrant les professionnels
de l’addictologie, ceux de la grossesse et ceux
de la petite enfance.
L’ensemble des professionnels de la grossesse
et de la périnatalité se doivent de passer outre
les contre-attitudes positives (banalisation de
la consommation d’alcool) ou négatives
(jugement de valeurs) qu’ils peuvent avoir sur
les femmes enceintes qui s’alcoolisent. Parler
aux femmes enceintes de leur consommation
d’alcool, vaincre leur déni, leur honte ou bien
leur culpabilité, tels sont les enjeux à partir
desquels une relation d’aide pourra devenir
une relation thérapeutique.
Prise en charge de la femme enceinte
ayant un mésusage d’alcool (18)
Dans ses recommandations, la SFA préco-
nise de développer les entretiens motiva-
tionnels et les interventions brèves. Celles-
1 contact
er
Expériences
apprentissage
Usage
Usage à
risque
Usage
nocif Usage avec
dépendance
non
usage
MÉSUSAGE
Figure. Représentation schématique et dynamique des diffé-
rentes catégories de conduites d’alcoolisation et des principales
voies de passages de l’une à l’autre.
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ci ont, en effet, fait la preuve de leur effi-
cacité dans cette population si spécifique
des femmes enceintes en mésusage d’al-
cool afin qu’elles modifient leur comporte-
ment de consommation (19).
Prise en charge de la femme enceinte
alcoolodépendante (18, 20)
Il faut savoir que chez la femme la sympto-
matologie physique et psychique de l’alcoolo-
dépendance est plus marquée que chez l’hom-
me. Ainsi, les complications somatiques sont
plus précoces et plus sévères, notamment la
cirrhose (21).
La comorbidité psychiatrique (21-23) est
plus fréquente chez la femme alcoolodépen-
dante que chez l’homme. Les pathologies psy-
chiatriques les plus fréquemment associées
sont les épisodes dépressifs, les troubles
anxieux, certains troubles de la personnalité
(personnalité hystérique et borderline) et des
conduites alimentaires. La prévalence de la
dépression chez la femme alcoolodépendante
est trois fois plus élevée que chez la femme
non alcoolique. Cette dépression est aussi plus
souvent primaire, c’est-à-dire débutant avant
la conduite alcoolique. Pour Dayan (21) :
“Cette fréquence de la dépression primaire est
la principale différence entre alcoolisme fémi-
nin et masculin.En ce qui concerne les
troubles anxieux fréquemment associés, on
retrouve la phobie sociale, le trouble anxieux
généralisé, le syndrome de stress post-trauma-
tique. Un facteur de risque à bien chercher
dans les antécédents est celui de violences phy-
siques et abus sexuels subis pendant l’enfance.
Il est bien évident que cette comorbidité psy-
chiatrique complique la prise en charge de la
femme enceinte alcoolo-dépendante tant sur
le plan du diagnostic que sur celui du choix
des thérapeutiques adaptées. En effet, comme
le souligne Dayan (21) : “Il paraît illusoire, du
fait de la fréquence des alcoolismes secon-
daires chez la femme, d’entreprendre un trai-
tement spécifique de l’alcoolisme, y compris
en période périnatale, sans y adjoindre le trai-
tement des troubles associés…”
La comorbidité addictive : classique-
ment, il y a lieu de rechercher chez la femme
en mésusage d’alcool, une dépendance taba-
gique et un abus ou une dépendance aux
tranquillisants notamment benzodiazépi-
niques. Chez les femmes jeunes, les données
épidémiologiques récentes nous incitent
aussi à rechercher une consommation asso-
ciée de cannabis.
Aspects pharmacologiques et psycho-
thérapeutiques du sevrage.
La SFA dans la conférence de consensus :
Objectifs, indications et modalités du sevrage
du patient alcoolodépendant (20) souligne
que, chez la femme enceinte, le risque de mal-
formations pour le nouveau-né justifie l’indi-
cation impérative d’un sevrage thérapeutique.
Le sevrage en milieu hospitalier est préférable
au sevrage ambulatoire. L’utilisation de ben-
zodiazépines (oxazépam) sur une courte
période (environ dix jours) est préconisée.
Pour l’accompagnement et le maintien de
l’abstinence, la naltrexone et l’acamprosate
n’ont fait l’objet d’aucune étude dans cette
indication et ne peuvent donc être prescrits.
En ce qui concerne le disulfirame, son utili-
sation est formellement contre-indiquée, de
nombreuses études ayant montré sa tératogé-
nicité.
L’accompagnement psychothérapique est
habituel, qu’il s’agisse d’une psychothérapie
de soutien ou d’une psychothérapie d’inspira-
tion analytique ou bien d’une psychothérapie
brève prénatale (21). Dans tous les cas, il est
recommandé que l’accompagnement avant,
pendant, et après la grossesse d’une femme
ayant un mésusage d’alcool prenne en comp-
te l’importance du lien mère-enfant. La pré-
vention de la séparation mère-enfant doit en
effet être une priorité.
Faut-il aller jusqu’à une mesure d’hospi-
talisation sous contrainte ? Brousse (24)
pose une question éthique : dans quelle mesu-
re une femme enceinte qui s’alcoolise ne met-
elle pas en danger l’enfant qu’elle porte ?
Qu’en est-il de son droit, qu’en est-il des
droits de l’embryon et du fœtus ? Peut-on par-
ler de maltraitance à fœtus ? (25). Mais
comme l’écrit Blazy (26) : “Criminaliser la
maltraitance à fœtus ne fait qu’isoler davan-
tage une population en manque de soins médi-
caux et sociaux.Nous n’avons pas de
réponses claires à apporter à toutes ces inter-
rogations légitimes. Elles dépassent le cadre
nécessairement limité de la thérapeutique et
nous conduisent dans le champ de l’éthique, et
plus généralement dans celui des valeurs
morales de notre société.
Conclusion
L’arrêt de la consommation de boissons alcoo-
lisées est recommandé chez la femme encein-
te à tout moment de la grossesse. Les femmes
enceintes qui continuent de s’alcooliser durant
la grossesse doivent être davantage repérées,
notamment à l’aide de questionnaires de dépis-
tage standardisé et/ou de marqueurs biolo-
giques. L’accès aux soins des femmes
enceintes présentant un mésusage d’alcool doit
être une priorité pour les professionnels de
l’addictologie. Les modalités de sevrage chez
la femme enceinte sont bien établies, de même
que les modalités d’accompagnement. Les
Équipes de liaison et de soins en addictologie
(ELSA) ont un rôle majeur à jouer à la fois
dans le dépistage et l’orientation de ces
femmes enceintes. Ces équipes se doivent de
développer un partenariat durable avec les dif-
férents professionnels médico-psycho-sociaux
des services de maternité, néonatologie, méde-
cine, centres hospitaliers spécialisés, de la
PMI. La mise en place de professionnels réfé-
rents en addictologie (sages-femmes, obstétri-
ciens, pédiatres, puéricultrices…), au sein des
pôles mère-enfant, nous paraît être un objectif
de première intention qui ne peut se concevoir
sans l’engagement des chefs de service
concernés, afin qu’ils puissent l’intégrer dans
leur projet de service.
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Trouble des conduites
chez l’enfant et l’adolescent
Le dépistage, la prévention et la prise en charge
médicale du trouble des conduites restent insuffisants en France en
regard de ses conséquences (risque de mort prématurée, troubles
associés…) et du coût pour la société (instabilité professionnelle,
délinquance,criminalité…).Afin d’aider à mieux définir les actions de
santé publique et de recherche nécessaires,la Canam (Caisse natio-
nale d’assurance maladie des professions indépendantes) a sollicité
l’Inserm pour réaliser, selon la procédure d’expertise collecti-
ve,en complément de celle sur les troubles mentaux publiée en
2002, un bilan des connaissances scientifiques et médicales sur le
trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent (désobéissance et
colères répétées, agressivité chez l’enfant, coups, blessures, dégrada-
tions,fraudes et vols chez l’adolescent…).Le DSM-IV les caractéri-
se comme un trouble mental accompagné de différents symptômes,
classés en quatre catégories :
conduites agressives envers des personnes ou des animaux ;
destruction de biens matériels sans agression physique ;
fraudes ou vols ;
violations graves de règles établies.
La constatation préliminaire de cette expertise qui a déjà suscité dans la
presse grand public une levée de boucliers est que :“contrairement à l’idée
reçue,le trouble des conduites ne se manifeste pas uniquement à l’adolescence
mais également chez l’enfant,avec une forte stabilité du trouble dans le temps.
Ainsi,les deux tiers des enfants présentant un trouble des conduites répondent
toujours aux critères diagnostiques à l’adolescence”,dit le communiqué de
presse de l’Inserm à propos de cette expertise. Il précise pourtant : “au
cours du développement de l’enfant,ces symptômes s’expriment à la maison,à
l’école ou à l’extérieur,de manière spécifique selon l’âge de l’enfant et de l’ado-
lescent.Ils doivent être différenciés des conduites normales.Ainsi, les manifesta-
tions telles que les agressions physiques,les mensonges ou les vols d’objets,rela-
tivement fréquentes chez le petit enfant,ne deviennent “anormales”que si elles
sont très fréquentes et perdurent au-delà de l’âge de 4 ans.
En conséquence,le groupe d’experts recommande d’étudier en France
une cohorte d’enfants de la période anténatale
à l’adolescence pour appréhender les effets des
événements précoces (mère très jeune, consom-
mation de substances psychoactives pendant la gros-
sesse,faible poids de naissance, complications autour de la naissance,cri-
minalité au sein de la famille...),la transformation des symptômes au cours
du développement, l’apparition des troubles associés et l’impact de ces
troubles sur l’adaptation sociale.
Il recommande un repérage des familles présentant ces facteurs de
risque au cours de la surveillance médicale de la grossesse et préconise
de promouvoir la rencontre au sein des maternités de différents profes-
sionnels concernés par la prévention pour aborder avec les parents les
soins nécessaires à l’enfant.
Il demande que les professionnels de santé puissent prendre connaissan-
ce des critères définissant ce trouble par la formation initiale et conti-
nue.Les intervenants dans les services de protection maternelle et infan-
tile (PMI),les centres médico-psychologiques (CMP) et les centres médi-
co-psycho-pédagogiques (CMPP),les services de l’aide éducative (AEMO)
et le personnel médical de l’Éducation nationale doivent être formés à la
reconnaissance des symptômes du trouble des conduites.
Le groupe d’experts recommande également de favoriser les échanges
entre les professionnels de santé, les juges pour enfants et les juges aux
affaires familiales pour une meilleure information sur les caractéristiques
du trouble des conduites.
L’expertise collective accorde par ailleurs une place particulière à l’une
des pathologies psychiatriques qui lui sont les plus fréquemment asso-
ciées : le déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH),très souvent
considéré comme un précurseur d’autres troubles mentaux (dépressifs et
anxieux), comme initiateur précoce et facteur de maintien d’usages et
abus de substances psychoactives.À ce propos,l’expertise fait état de plu-
sieurs études qui ont mis en évidence un lien entre la présence d’un
trouble des conduites chez l’enfant et l’existence d’une personnalité anti-
sociale chez les parents. Les enfants dont les pères avaient à la fois une
dépendance,en particulier à l’alcool,et une personnalité anti-sociale pré-
sentaient un risque élevé de trouble des conduites et de troubles déficit
de l’attention-hyperactivité (TDAH).
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