La Lettre du Sénologue • n° 48 - avril-mai-juin 2010 | 9
Résumé
comme elle montre beaucoup plus de lésions cancé-
reuses, elle induit un taux de mastectomies beaucoup
plus important que chez les patientes n’ayant pas
bénéficié de l’IRM. La seule étude randomisée exis-
tante retrouve 7 % de mastectomies dans le bras IRM,
contre 1 % sans IRM (2). Dans toutes les séries, le
taux de conversion supplémentaire en mastectomie
se situe entre 3,6 et 33,3 % (1). Le bénéfice clinique
de ces mastectomies supplémentaires en termes de
survie globale ou de survie sans récidive n’est abso-
lument pas démontré. Il en est de même pour les
24 % de mastectomies controlatérales présentées
par T. King à San Antonio.
On trouve même des publications rapportant des
mastectomies décidées sur la seule IRM, et jugées a
posteriori histologiquement non justifiées (2, 7). Le
lecteur découvre avec consternation des mastecto-
mies réalisées sur des images IRM de plurifocalité sans
preuve biopsique préopératoire ! Comme quoi le non-
respect des règles élémentaires de la chirurgie carci-
nologique peut mener à de vraies catastrophes. L’IRM
peut effectivement tout nous montrer, y compris ce
qui n’existe pas. Cet examen merveilleux est entaché
d’un taux non négligeable de faux positifs. Il peut
s’agir soit de “focis”, qui sont des petites prises de
contraste sans aucune lésion correspondante, soit
de toutes petites lésions bénignes dès lors qu’elle
sont bien vascularisées. Les mastoses fibrokystiques
donnent ainsi de superbes images…
Il faut bien réaliser que, si une patiente n’est pas
capable de lire sa mammographie ou son échogra-
phie, les planches imprimées en couleur de l’IRM sont
au contraire très lisibles. La patiente sera facilement
impressionnée, voire affolée, par les multiples focis
scintillants de son examen…
Le médecin prescripteur ne doit pas oublier qu’au
bout de son IRM se trouve toujours un chirurgien. Or,
un chirurgien prend des décisions binaires : opérer ou
surveiller, faire une mastectomie ou un traitement
conservateur.
Lorsqu’une patiente arrive alarmée à ma consul-
tation, je vais devoir dépenser un temps et une
énergie considérables à lui expliquer ce que sont
les faux positifs d’un examen que j’aurais souhaité
ne voir jamais exister. La répétition de l’exercice
devient vite lassante. Il y a urgence à expliquer aux
collègues prescripteurs les vertus de l’abstinence
dans ce domaine. Il ne faudra pas compter sur le
radiologue pour refuser de pratiquer un examen
qui lui est prescrit...
Aujourd’hui, en pratique, la prescription d’une IRM
en préopératoire doit donc être abordée avec la plus
grande prudence, et décidée au mieux en concerta-
tion pluridisciplinaire.
Le plus dangereux est sûrement de prescrire cette
IRM à mauvais escient. Les indications que je retiens
aujourd’hui en routine sont les lésions lobulaires, les
indications d’oncoplastie et les seins denses. C’est
une attitude pragmatique, partagée par beaucoup,
reposant sur l’expérience.
La difficulté majeure réside dans la possibilité de
contrôler histologiquement de nouvelles images
détectées par cette IRM. Environ une fois sur deux,
l’échographie orientée permettra cette biopsie.
Autrement, il faut pouvoir réaliser une biopsie guidée
par l’IRM, ce qui n’est accessible que dans des centres
spécialisés. En l’absence de biopsie, l’IRM aura créé
plus de problèmes qu’elle n’en aura résolus.
Conclusion
Le bénéfice clinique des mastectomies induites par
l’IRM lors du bilan initial d’un petit cancer du sein
ainsi que lors de la surveillance du sein controlatéral
n’est donc absolument pas prouvé à l’heure actuelle.
Le bon sens laisse penser que les patientes présen-
tant des plurifocalités volumineuses tireraient un
bénéfice d’une chirurgie plus large. Mais cette pluri-
focalité n’est-elle pas déjà triée par sa détectabilité
lors du bilan mammo-échographique classique ?
Tout ce que montre l’IRM en plus doit-il vraiment
modifier les indications opératoires ?
La réponse est au cas par cas aujourd’hui. Il y a un
besoin urgent d’autres études. Le problème est que si
l’objectif principal est d’améliorer le taux de récidives
locales ou la survie, comme les événements sont peu
nombreux, il faudra des effectifs énormes : de 6 000
à 14 000 patientes selon les hypothèses statistiques.
Autant dire que ces études ne seront jamais réalisées.
On peut aussi espérer à l’avenir voir apparaître des
produits de contraste plus spécifiques, qui distin-
gueront mieux entre bénin et malin et réduiront le
taux de faux négatifs. ■
L’imagerie médicale est à l’évidence une des spécialités qui a le plus évolué ces quinze dernières années et
son potentiel innovant reste encore énorme. À nouvelles possibilités nouveaux défis, mais aussi dérapages
possibles.
La place de l’IRM dans le bilan lésionnel initial est sans doute un des exemples les plus éloquents de déra-
page mal contrôlé.
Références
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Mots-clés
IRM
Cancer controlatéral
Chirurgie
Keywords
MRI
Contralateral breast
Surgical