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Le Canard du Caucase
3ème année – Numéro 15 novembre 2014
Sommaire
p3 Tranches de vie.
p5 La grande
guerre dans le
Caucase (1914-
1918).
p9 Imbroglio divin
aux abords du
Kazbek.
p13 Bande dessinée
- Un conte
caucasien.
Mensuel francophone libre, indépendant et gratuit
Comité de Rédaction pour ce numéro
Mery François-Alazani, Nicolas Guibert, Sophie Tournon.
Email:lecanardducaucase@yahoo.fr
Facebook: www.facebook.com/lecanardducaucase
Photo Mery François-Alazani. Les ocres de Nekressi.
Important
Le Canard du Caucase se dégage de toute responsabilité quant
aux propos tenus dans ces pages. Ceux-ci sont des propos
personnels qui n’engagent que leurs auteurs.
Page 2 Le Canard du Caucase N°15 - novembre2014!
BREVES EN VRAC Par Nicolas Guibert.
Traité de sémantique
Les Russes ont proposé le
13 octobre un nouveau
trai aux Abkhazes, un
traité qui ne dit pas son
vrai nom. Un nom qui
s’exprime différemment
selon la langue :
-en russe: Alliance et
intégration.
-en abkhaze: Alliance et
partenariat stratégique.
-en géorgien: Annexion.
-en ukrainien:
Criméesation.
La thode Co
« Rien n’arrêtera
l’engagement de la
orgie vers l’intégration
Euro-Atlantique ».
« Rien n’arrêtera
l’engagement de la
Géorgie vers l’intégration
Euro-Atlantique ».
Je réitère : « Rien
n’arrêtera l’engagement
de la Géorgie vers
l’intégration Euro-
Atlantique ».
Chaque jour,
inlassablement, la phrase
revient dans la bouche du
gouvernement et des
leaders géorgiens.
Autopersuasion ? Doute ?
Imposture ? Fabulation ?
Psychose ?
Endoctrinement ?
Si seulement le bon Dieu
avait pu placer la Géorgie
plus à gauche sur la carte !
Tout aurait ési simple.
Califechvili
Tamaz Batirachvili,
Tarkhan Batirachvili et
Murad Margochvili,
trois noms qui sentent
bons les khinkalis et le
Saperavi. Mais qui sont
en fait ces nouvelles
‘stars’ géorgiennes ?
a. des chanteurs
polyphoniques.
b. des joueurs de rugby.
c. des danseurs étoile.
d. des apprentis califes.
Réponse : d.
Sakharov d’argent
Leyla Yunus, militante
distinguée des Droits de
l’Homme en Azerbaïdjan,
monte sur le podium
mais rate la 1ère marche
pour le prix Sakharov.
L’Histoire ne retient pas
les seconds. Elle croupira
en prison, comme (mais
pas avec) son mari.
gociateurs
d’atmosphère
Le président français
Hollande a reçu le 27
octobre à l’Elysée ses
homologues
azerbaïdjanais et
arménien pour tenter de
relancer les gociations
dans le conflit du Haut-
Karabakh, gelé depuis
plus de vingt ans.
La rencontre s’est
déroulée « dans une
atmospre
constructive », selon la
formule usitée. La même
depuis 20 ans. 20 ans que
les négociateurs
construisent de
l’atmosphère. Rien
d’autre. Des experts en
brassage d’air. Allez hop,
du vent ! Dégagez ! Des
ventilateurs coûteront
moins chers.
Alassania est un traître,
aventurier, stupide et
ambitieux.
Margvelachvili
rabaisse la fonction
présidentielle.
Le pays ne devrait
pas être gouverné
en coulisse.$
Petit échange entre (ex) amis. Le 4 novembre le Premier Ministre géorgien (à g.) limogeait
son populaire ministre de la Défense d.). Depuis la coalition au pouvoir risque l’implosion.
Ils veulent détruire un
rival politique potentiel,
mais ils échoueront.
Page 3 Le Canard du Caucase N°15 - novembre2014!
TRANCHES DE VIE
L’étourneau et le cerisier. Georges Joliani.
Je m’approche doucement de la fenêtre. Il est déjà là. Il, c’est l’étourneau qui a
pris l’habitude de manger des cerises. Il y a un très beau cerisier juste devant mes
fenêtres. Les cerises sont de couleur ivoire, passant doucement au rose. Tous les
matins, quand le soleil se lève, en inondant le voisinage de torpeur laiteuse, il est
fidèle au rendez-vous. Je sais qu’il me voit, mais il ne fait pas attention. Il s’assied
sur sa branche préférée et il commence
- Allô, batono Georges, comment ça va ? Je vous léphone pour vous dire une
chose. Vous voyez le cerisier en face de vos fenêtres ? Il est à moi. C’est mon
père qui l’a planté. D’accord ? Donc, tout ce qui est dessus, c’est à moi aussi. Bon
allez, bonne journée, je compte sur vous.
En gardant l’équilibre sur une patte, il accroche une cerise avec l’autre patte. licatement, sans arracher le fruit de
sa tige, il enlève le noyau. Et, dans un geste élégant, il jette le fruit en l’air et l’envoie directement dans son gosier. Et la
procédure recommence
- Batono Georges, excusez-moi de vous ranger. Hier je suis passé devant votre maison, et quand je vous ai appelé, je
me suis peut-être mal exprimé. En fait, c’est un cerisier familial, quoi. Vous pouvez arracher et manger autant de fruits
que vous voulez. Et si quelqu’un vous dit quelque chose, je m’en occupe. Ils sont très bons, cueillez-les et mangez-les,
je compte sur vous.
Une fois bien rassasié, il se retourne vers moi et se met à nettoyer soigneusement son bec. Et comme ça, tous les
matins. Lui il mange, et moi je le regarde. C’est pratiquement devenu un rituel. Il est six heures, la rue est silencieuse et
mon étourneau déguste ses cerises.
- Batono Guiorgui, vous n’aimez pas mes cerises ? Alors si vous les aimez, pourquoi ne les mangez-vous pas ?
Comment ça, vous n’en avez pas envie ? Vous mangez uniquement quand vous en avez envie ? On n’est pas des
animaux quand même ! Bon ben, bonne journée alors…
Le carrefour de l’hôpital. Georges Joliani.
Enfin tu es là, rentre, rentre.
Je lui passe ma bouteille de vin et elle m’installe dans le salon. Mes deux amis y sont déjà attablés.
Asseyez-vous. Ne commencez rien sans moi, je vais chercher les fruits dans la cuisine, dit-elle en disparaissant.
Je suis furieux, dis-je. Je viens de passer devant ce foutu carrefour près de l’hôpital. Je hais ce croisement, le
plus dangereux de la ville. Les voitures boulent de partout, et je suis sûr que le seul endroit d’où elles ne
surgissent pas, c’est du ciel. Ils ne sont même pas foutus de mettre un feu ! Au lieu de ça, ils ont construit un
immense hôpital juste à côté, comme pour dire que dès qu’il y aura un accident, on sera . Vraiment, c’est de
l’anti-prévention, typiquementorgien.
Je m’assieds sur un fauteuil libre près de mes amis.
Je vous avais dit de ne pas commencer sans moi. Voilà les fruits, j’apporte le khatchapouri tout de suite, mais
attendez-moi, hein, dit-elle en quittant de nouveau la pièce.
Mais non, torque mon ami. Tu n’as rien compris, vieux. En réalité, ils ont d’abord construit l’hôpital, mais
comme les patients manquaient, ils ont construit un carrefour dangereux juste à té, pour s’assurer la clientèle.
Tu sais bien qu’on est une nation pragmatique. A chaque « problème » sa « solution » !
On sourit tous les trois.
Page 4 Le Canard du Caucase N°15 - novembre2014!
Attention, c’est brûlant ! Il est au fromage frais de la montagne. De quoi vous
parlez ? Ah non, les enfants m’appellent. J’arriiiiiiive ! J’en ai pour une minute,
je reviens, attendez-moi hein! Et elle nous quitte de nouveau.
Mais non, c’est pas du tout ça, nous dit le troisième en roulant un gros morceau
de fromage chaud dans sa bouche. C’est tout l’inverse ! Nous ne sommes pas
une nation cynique ni rationnelle. Nous sommes des esthètes, voyons ! Ce
croisement a été créé uniquement pour savourer en direct la tragédie de la vie.
L’hôpital, il suffit de voir son toit tallique en forme de pique géante visible
depuis l’aéroport : il n’a que trois étages utilisables sur 10 de construits. Les
Géorgiens sont un peuple dramatique par excellence, tout geste est fait
uniquement pour sa beauté, dit-il en avalant enfin son morceau de fromage.
On sourit de connivence de nouveau.
Ah, vous avez quand me parsans moi, dit-elle en rassemblant ses cheveux. Vous parlez de ce carrefour
horrible ? Vous savez que le cousin du deuxième mari de Naziko a eu un accident -bas ? Et il est mort, bien
sûr. Sur place, bien entendu. Ils n’ont pas eu le temps de réagir. En plus, ils ignoraient qu’il y avait un hôpital
juste à côté… Alors, mon khatchapouri ?
Visa, visa, dis-moi qui tu choisiras? Sophie Tournon.
Depuis septembre, et même un peu avant, le thème qui préoccupe les
expatriés en Géorgie est le nouveau système de contrôle des immigrés.
Inspiré du modèle euroen et instauré en prévision d'un rapprochement
fusionnel à venir, les autorités géorgiennes ont cidé de d'imposer aux
étrangers étudiant, travaillant ou passant un long temps en Géorgie d'avoir un
visa pour 3 mois consécutifs, plus un permis de séjour s'ils doivent y sider
davantage. Problème: l'obtention du sésame n'est pas aisée pour tous.
Les obstacles sont de trois sortes, d'après les témoignages recueillis: cas
d'incompétences des guichetiers mal formés, de communication défaillante vers les étrangers et d'arbitraire lors de la
délivrance du précieux document.
Parmi les soucis rencontrés: *la transcription des noms et prénoms (Jean-Charles Martin devenant jéani charléssi
martini, par exemple), *le paiement du visa surtaxé par les banques pour raison de sécurité de transfert (40 euros le visa,
15 euros le transfert, 8 euros l'assurance parfois obligatoire), *le document prouvant la location de l'appart paau noir,
comme dans 99,9% des cas de locations en Géorgie (le proprio refusant parfois d'officialiser la location par crainte de
taxes, des amis logeant soudainement plein d'étrangers pour dépanner...).
Pour l'anecdote, citons le choix de pas mal d'expatriés de faire la demande de la double nationalité, pour eux et/ou leurs
enfants (l'année 2014 va connaître un baby boom intéressant)... La com' n'a pas toujours été à la hauteur, la faute aux
autorités débutantes, aux ambassades relais embrouillées, aux employeurs peu compréhensifs ou aux universités prises
de cours. La palme du pire est à attribuer aux quelques cas scandaleux de racisme éhon: la couleur de la peau ou le
lieu de naissance exotique ne plaisent pas au guichetier qui refuse tout simplement de traiter le dossier...
Face aux expatriés (américains) proches des cercles de décision qui se sont fait les relais des problèmes rencontrés, le
Premier ministre a présenté ses excuses pour les sagréments subis et a promis de travailler sur ce sujet. En attendant,
beaucoup d'expatriés expriment leur mécontentement, voire leur incompréhension face au système de visa, arguant
d'une absurdité nuisible au veloppement de la orgie, pays autrefois ouvert, accueillant et jouissant d'une attractivité
grandissante, notamment grâce à sa politique d'accueil de tous, bohèmes et investisseurs, tous taxés à 20% et ne
jouissant d'aucune politique sociale redistributive.
A suivre.
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HISTOIRE
La grande guerre dans le Caucase (1914-1918). Par Bruno Elie, chercheur indépendant.
Ce texte est issu d’une conférence donnée le 15 septembre à Tbilissi, à l’initiative de l’Institut français de
Géorgie, à l’occasion de la commémoration du Centenaire de la Premre Guerre mondiale.
La Grande Guerre, on en parle beaucoup, surtout au moment du centième anniversaire de son début. Mais chacun y
voit une guerre différente, celle que son pays a subie : pour les Français, ce sont les batailles des Flandres aux Vosges,
pour les Russes, le front germano-russe, de la Baltique à la Roumanie, pour les Serbes, du Vardar au Danube, etc.
Les deux protagonistes de la Grande Guerre dans le Caucase, les Empires russe et ottoman ont disparu. Leurs
successeurs, l’URSS et la République de Turquie, ont longtemps maintenu dans les oubliettes de l’Histoire, pour l’une
les victoires de la Russie imriale, pour l’autre le désastre ottoman de Sarikamis.
Il y a pourtant eu un véritable front de plus de 600 km de longueur, de la Mer Noire au Lac d’Ourmiah, sur lequel se
sont affrontées des armées de l’ordre de 150 000 hommes de part et d’autre.
Le déroulement de la guerre
En 1914 les deux Empires ottoman et russe sont encore deux géants mais deux géants malades. La guerre leur sera
d’ailleurs fatale : ni l’un ni l’autre n’y survivront. En 1914 ils ont un certain nombre de points communs : ce sont deux
régimes autocratiques qui se sont empressés dès l’ouverture du conflit de verrouiller la faible représentation populaire
qui existait chez eux. Tous deux ont connu la défaite depuis le but du XXe siècle : Guerres balkaniques de 1912-1913
pour les Ottomans, Guerre russo-japonaise de 1904-1905pour les Russes, avec dans l’un et l’autre cas perte de territoires et
de prestige. Tous deux ont aussi traver un épisode révolutionnaire, « Révolution » de 1908-1909 pour l’Empire
ottoman, Révolution de 1905 pour l’Empire russe. Tous deux sont multiethniques et rencontrent des problèmes avec
leurs minorités ethniques ou religieuses : Arabes, Arméniens grégoriens, Grecs orthodoxes pour les Ottomans, Musulmans du
Caucase et d’Asie Centrale, Polonais catholiques pour les Russes. Tous deux ont des finances en mauvais état.
Mais il y a aussi des différences majeures. La première est mographique : l’Empire ottoman ne passe pas 24
millions d’habitants, l’empire russe atteint 170 millions d’habitants, avec comme conséquence importante que les
Ottomans ne peuvent guère mobiliser plus de 800.000 hommes tandis que les Russes pourraient mobiliser jusqu’à 12
millions d’hommes ! L’Empire ottoman a des ressources agricoles limitées, peu de ressources minérales, très peu de
pétrole en exploitation ; l’Empire russe a des ressources quasi-inépuisables en charbon, en fer, en pétrole, en bois, en
or… L’Empire ottoman est endetté et ses créanciers se payent eux-mêmes sur le pays sans favoriser son développement
tandis que l’endettement de la Russie a servi à financer sa modernisation économique. En conséquence l’Empire
ottoman est très peu industrialisé, avec des infrastructures médiocres, alors qu’en Russie l’industrialisation et les
infrastructures sont en plein développement. La Russie est depuis le but du XXe siècle dans un système d’alliances et
quand elle soutient la Serbie face à l’Autriche, ses alliées, la France et la Grande Bretagne, entrent en guerre à ses tés.
L’Empire ottoman n’est dans aucune alliance, hésite beaucoup. Quelques personnalités l’entraînent finalement vers
l’Allemagne.
Les buts de guerre aussi sont dissemblables : l’Empire ottoman cherche d’abord à reprendre à la Russie les districts
perdus en 1878 (Ardahan, Artvin, Batoum et Kars), ensuite à donner la main aux peuples turco-musulmans de l’Asie
Centrale en rêvant de les soulever contre la Russie chrétienne. La Russie convoite Constantinople mais elle s’est laissée
persuader par la France que le chemin en passait par Berlin. Il faut d’abord vaincre l’Allemagne. La Grande Bretagne,
quant à elle, est fermement décidée à ne pas laisser les Russes arriver seuls à Constantinople.
Pour la guerre elle-même, rappelons qu’elle dure pour l’Empire ottoman du 2 novembre 1914 au 30 octobre 1918
(Armistice de Moudros), pour la Russie du 1er août 1914 au 3 mars 1918 (Traité de Brest-Litovsk).
La guerre se déroule pour la Russie sur un front énorme, appelé Front oriental, depuis la Finlande jusqu’à la mer Noire
et sur un front secondaire de la mer Noire à la Perse. La partie qui nous intéresse se trouve sur ce front secondaire,
dans le Caucase, depuis Hopa sur la mer Noire jusqu’à la rive Sud du lac de Van. Pour l’Empire ottoman, elle se déroule
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