Les Arabes maîtres de l’astronomie au Moyen Âge
L’expansion de l’Islam au Moyen Âge est intimement liée à l’astronomie. Depuis la nuit des temps, les étoiles
fascinent ; en étudiant leur position et leurs mouvements, l’homme a été capable de diviser le temps en jours, en mois et
en années mais également de se repérer dans l’espace. Entre l'époque de Ptolémée et celle de Copernic l’astronomie ne
connaît pas de développement significatif en Europe. Dans le monde islamique toutefois, cette science fait d’importants
progrès, entre les IXe et XIe siècles notamment, tant dans les outils mathématiques que dans les méthodes d’observation.
Cet âge d’or de l’astronomie musulmane naît sous le règne du calife al-Rashid puis de son fils al-Ma’mūn, qui fonde à
Bagdad la Maison de la Sagesse et le premier observatoire astronomique permanent.
Les astronomes arabophones de l’époque sont considérés comme des experts en la matière. Voyons pourquoi on peut les
voir aujourd’hui comme les gardiens de l’astronomie au Moyen Âge et en quoi leurs travaux ont laissé un héritage
scientifique indispensable dans cette discipline.
Le développement de l’astronomie est vivement encouragée par le calife abbasside al-Ma’mūn sous le règne duquel
Bagdad et Damas deviennent des pôles scientifiques majeurs avec la construction de puissants observatoires où sont mis
en œuvre des instruments gigantesques. Cette recherche est essentiellement motivée par son utilité dans la mesure du
temps et de l’espace pour la pratique de l’Islam et pour l’astrologie : les données astronomiques permettent de déter-
miner la direction vers La Mecque ou de calculer avec précision les dates des rituels religieux. Cette période est mar-
quée par un syncrétisme des doctrines astronomiques hellénistiques et l’assimilation puis amélioration du système de
Ptolémée exposé dans l’Almageste (vers 150), Le Livre des hypothèses, Le Phæsis et les Tables faciles.
Le premier ouvrage d’astronomie proprement musulman est le Zij al-Sindh d’al-Khawarizmi (830) rassemblant des ta-
bles des positions du Soleil, de la Lune et des cinq planètes alors connues. Les programmes d’observation achevés à
l’époque mesurent un décalage entre leurs résultats et ceux de Ptolémée qui suscite une reprise théorique de ces derniers
à l’aide des fonctions trigonométriques indiennes et de la géométrie euclidienne. Ainsi, la mesure de l’obliquité de
l’écliptique se précise de 23° 51′ à 23° 32′ 19″ pour al-Khujandi (fin Xe siècle), la durée année anomalistique pour la
détermination de la course du Soleil est affinée par une correction apportée à la constante de précession des équinoxes
et l’année sidérale devient la référence céleste – alors mesurée à 365 jours 15h 23min.
En étudiant la visibilité du croissant de Lune observée par Habash al-Hasib, al-Battani met en évidence la variabilité du
diamètre apparent du Soleil et de la Lune, prédisant ainsi l’éventualité d’éclipses annulaires.
L’expansion de l’Islam stimule l’intérêt pour la cartographie et la navigation poussant cartographes et géographes à ef-
fectuer des mesures plus précises. Pour établir les degrés de latitude de la carte du monde, le calife al-Ma’mūn envoie
deux équipes d’arpenteurs dans la plaine de Sindjar en Mésopotamie, comme le raconte Aboulfeda dans ses Annales.
Munis d’astrolabes, de baguettes d’arpentage et de cordes, les deux groupes se dirigent dans des directions opposées
jusqu’à ce qu’ils notent un changement de un degré dans la hauteur de l’étoile polaire. Ils considèrent que la distance
ainsi parcourue correspond à un degré de latitude. Ils en déduisent que la circonférence polaire de la terre est de
56 milles – soit 37 369 kilomètres – contre 40 008 kilomètres pour les mesures actuelles.
Au cours du Xe siècle, al-Soufi décrit grâce à ses observations la position, la magnitude, la luminosité, et la couleur des
étoiles, dessinant les constellations que l’on retrouve dans son Livre des étoiles fixes (964). Ce livre très répandu en
langue arabe fut traduit plus tard en latin, ce qui explique le nom de plusieurs constellations, comme la constellation des
Gémeaux ou Deneb de dhanab ad-dajājah (la queue de la poule), ainsi que la consonance arabe actuelle de bon nombre
de noms d’étoiles, comme Aldébaran (le suiveur) pour α Tauri, ou Altaïr al-nasr al-ta’ir (l’aigle en vol) pour α Aquilæ
ou encore Bételgeuse, à l’origine yad al-jawzā (la main d’Orion), pour α Orionis.
Les transcriptions et réécritures de ces noms à travers l’Histoire les déforment peu à peu pour les faire finalement
ressembler à ce qu’ils sont aujourd’hui.
Ces maîtres de l’astronomie du Moyen Âge abattent un travail colossal. Leur traduction en langue arabe des écrits
grecs, sanskrits et pehlevis laissent à leur prédécesseurs un legs scientifique sans pareil, notamment de nombreuses ta-
bles pour le calcul du mouvement des planètes (tables de al-Battāni, tables hachémites, tables de Tolède, tables alphon-
sines, etc.). Plusieurs étoiles visibles à l’œil nu dans le ciel ainsi que plusieurs termes d’astronomie comme alidade,
azimut témoignent de leur origine arabe. Ces astronomes inventent et mettent sur pied des instruments fiables, élaborent
des calendriers plus exacts. Ils sont capables de déterminer à tout moments positions des astres diurnes comme noc-
turnes, un progrès inestimable dans les sciences de l’Univers.