Paris, le 1er juin 2012 Synthèse Accès à l’IRM en France, des inégalités régionales qui s’aggravent et une totale rupture avec l’Europe Pour sa neuvième édition, l’étude annuelle Cemka-Eval1 pour ISA2, objectivant les délais d’attente pour obtenir un examen IRM en France, affiche une très légère diminution du temps moyen d’attente, soit 29,1 jours, au même niveau qu’en 2005, mais voit les inégalités régionales se creuser et traduit une situation de rupture profonde avec l’Europe, niveau de rupture sans précédent. Conduite avec une méthodologie identique à celle des années passées, dans une situation d’urgence oncologique, l’étude 2012 a été menée auprès de l’ensemble des structures disposant d’un équipement IRM en France. 551 structures différentes ont été contactées. 618 appareils sont disponibles sur le territoire, certaines structures en possèdent plusieurs. Une méthodologie éprouvée identique depuis 9 ans. Un patient disposant d'une ordonnance pour une IRM lombaire à réaliser "en urgence" dans le cadre d’une recherche d’extension d’un cancer prend un rendez-vous pour la réalisation de cet examen. Les demandes de rendez-vous pour la réalisation des examens (fictifs) sont formulées par téléphone en suivant strictement le guide d’entretien suivant rédigé à cet effet : «La fille du patient explique que son père a été opéré d'un cancer du colon il y a 3 mois et qu'il présente une douleur lombaire apparue il y a peu. Il a vu son médecin cancérologue il y a quelques jours qui a beaucoup insisté pour qu'il réalise une IRM lombaire rapidement. Étant venue se reposer quelques temps chez elle, son père doit bénéficier de cet examen durant ce séjour. Elle cherche donc le lieu de réalisation le plus proche possible du lieu de ce séjour». 1 Société de conseil en économie médicale Association Loi 1901 créée en 1999, Imagerie Santé Avenir réunit des professionnels de l’imagerie médicale, responsables d’une industrie de santé et acteurs de l’offre de soins. Ils mènent au sein d’ISA, une réflexion conjointe, tel un « observatoire » sur l’imagerie médicale française 2 Effets d’annonce et réalité de terrain : un décalage permanent Alors que les Plans de santé publique (cancer, AVC, Alzheimer), les autorités sanitaires et de protection comme l’Autorité de Sûreté Nucléaire, affichent régulièrement des objectifs de rattrapage du retard français en équipements IRM, la progression des nouvelles installations a chuté en 2011, à 4,4 % contre 9 % en 2010. Il s’agit du pourcentage le plus bas depuis 2003. Installations d’IRM – un effort toujours limité et très insuffisant 50 % d’installations en moins en 2011 comparé aux 2 dernières années 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Nombre d’équipements 281 IRM installés France 352 393 419 463 495 543 592 618 +71 +41 +26 +44 +32 +48 +49 +26 Régions Evolution (nombre d’IRM) +51 +25 % Evolution annuelle du nombre d’IRM installées +12 % +7 % +10 % +7 % +10 % +9 % +4,4% Plan Cancer 1 Plan Cancer 2 France métropolitaine, hors IRM recherche, militaire et vétérinaire 3 Rappelons que le Plan Cancer 2 (2009-2013) fixait l’objectif national à 10 IRM/million d’habitants en 2011. Aujourd’hui, 4 régions seulement comptent plus de 10 IRM/million d’habitants tandis que 3 régions restent en dessous de 7 IRM/million d’habitants. La moyenne nationale reste en dessous de la barre des 10 avec cette année 9,8 IRM/million d’habitants. La France compte un parc IRM installées au 1er janvier 2012 de 618 appareils.3 Le Plan Cancer 2 ajoutait que dans 10 régions jugées prioritaires, en raison de la mortalité par cancer plus élevée, le taux d’équipement devait atteindre 12 IRM/million d’habitants en 2013. 3 régions sur 10 seulement à risque élevé sur le plan oncologique, ont atteint l’objectif fixé. 3 France métropolitaine, hors équipements de recherche, militaires et vétérinaires Des inégalités régionales qui s’accentuent Qu’il s’agisse des délais d’attente auxquels doit faire face la population ou de la densité de machines IRM/million d’habitants, les inégalités régionales s’aggravent. Elles s’aggravent d’autant plus que deux dynamiques s’opposent et creusent les écarts : celle des régions qui font des efforts d’équipement depuis plusieurs années, réguliers ou plus soudainement et récemment, et la dynamique d’autres régions attentistes qui voient leurs délais s’allonger ou stagner comme leur parc IRM. Car la corrélation entre taux d’équipement par million d’habitants et délais d’attente est clairement établie dans cette étude 2012 comme c’était déjà le cas l’an passé. En Aquitaine, par exemple, l’augmentation régulière du parc tous les ans, se traduit par une chute des délais de 10 jours. La région Poitou-Charentes qui a augmenté son parc d’IRM de 40 % en 2 ans, a réduit ses délais d’attente de 19 jours. En revanche, des régions « attentistes » comme les Pays de la Loire, pourtant 4ème région en termes populationnel, mais aussi la Bretagne, la Basse-Normandie, le Limousin et la Corse, atteignent un délai moyen d’attente supérieur à 50 jours. On peut ajouter la Bourgogne et l’Auvergne dont la situation sur le plan des délais, soit reste très stable à un niveau inacceptable supérieur à 40 jours, soit se dégrade régulièrement d’une année sur l’autre. Les inégalités régionales s’aggravent Une médecine à 2 vitesses Délai moyen > 50 jours [40 – 50[ jours [30 – 40[ jours [20-30[ jours < 20 jours 3 régions en dessous de 20 jours de délai d’attente Nord-Pas-de-Calais-IDF-Midi-Pyrénées 5 régions au dessus de 50 jours de délai d’attente Basse Normandie-Bretagne-Pays de Loire-Limousin-Corse 8 Les inégalités frappent aussi les 10 régions les plus défavorisées (Mortalité par cancer la plus élevée) Délai moyen > 50 jours [40 – 50[ jours [30 – 40[ jours [20-30[ jours < 20 jours Nord–Pas-de-Calais et IDF délais inférieurs à 20 jours Bretagne et Basse-Normandie délais supérieurs à 50 jours 9 Comme on le voit sur ces cartes, les objectifs du Plan Cancer qui considérait le temps d’attente comme un marqueur de qualité de la prise en charge et fixait à 10 jours un délai raisonnable, ces objectifs ne sont pas atteints, le délai national moyen étant 3 fois supérieur et les régions prioritaires très éloignées de cet objectif de 10 jours. Seules exceptions, le Nord-Pas-de-Calais et l’Ile de France qui observent depuis plusieurs années une politique volontariste qui porte ses fruits. L’accès inégal aux soins se confirme En 2012, 40 % des français doivent encore attendre plus de 30 jours. Une situation de contraste accru : les régions aux délais les plus courts en 2011 se sont encore améliorées, celles aux délais les plus importants en 2011 voient ceux-ci se dégrader davantage encore. 10 Une situation de rupture jamais atteinte avec l’Europe Si la France compte en moyenne 9,8 IRM/million d’habitants, l’Europe de l’ouest atteint cette année 19,5 IRM/million d’habitants, soit un parc d’IRM accessible deux fois plus important. Même les régions françaises les mieux dotées sont loin d’atteindre la moyenne européenne comme le montre le graphique ci-dessous. Et les courbes de progression française et européenne s’éloignent créant une vraie situation de rupture par rapport à nos voisins européens. Les courbes de la rupture entre la France et l’Europe 25 1/1/2006 France : 6 IRM/million d’hab. Europe : 13 IRM/million d’hab. 20 1/1/2009 15 France Europe de l'Ouest 10 1/1/2012 France : 9,8 IRM/million d’hab. Europe : 19,5 IRM/million d’hab. 5 0 2000 France : 7,8 IRM/million d’hab. Europe: 15 IRM/million d’hab. 2015 2005 2010 2015 2020 France : 12 IRM/million d’hab. Europe : 23 IRM/million d’hab. La rupture s’accroît : en 2012, 2 fois plus d’IRM en Europe qu’en France Pourtant les besoins ne cessent d’augmenter, comme le montrent les recommandations de bonnes pratiques Au-delà des besoins dus à la démographie (croissance et vieillissement de la population), les applications « classiques » de l’IRM continuent de croître et de nouvelles indications explosent : la cardiologie, la sénologie et l’imagerie de la femme, les actes sous guidage, le développement de l’IRM de diffusion et des actes de radiologie interventionnelle. L’IRM étant une modalité qui n’expose pas les patients aux rayons ionisants, elle est aussi privilégiée en pédiatrie et néonatologie ; ainsi l’Allemagne opte systématiquement pour cette modalité dans ces indications. Cette progression des indications de l’IRM se reflète dans la toute dernière édition du Guide du Bon Usage des examens d’imagerie qui sera publié en octobre prochain dans son intégralité par la Société Française de Radiologie lors des Journées Françaises de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (19-23 octobre 2012). Croissance annuelle des procédures IRM en Europe (Allemagne, GB, France, Espagne, Italie) 2% 1% Neuro - 5.5M procedures 8% Ostéo-articulaire - 2.6M procedures 13% • Neuro : 52 % des actes ; croissance liée aux maladies neuro-dégénératives (vieillissement) • Cardio : croissance la plus forte (23 %) • Abdo/Pelvis : croissance continue en Corps entier - 1.4M procedures Vasculaire - 850k procedures cancérologie, bilan d’extension et suivi de 52% l’efficacité des traitements Sein - 250k procedures 24% Cardio - 60k procedures • Sein : croissance forte (CAGR 14 %), suivi de l’efficacité des traitements , dépistage chez les Guidage - 2k procedures Source: 2012 AMR Data – Top 5 EU countries Source : 2012 AMR Data – Top 5 EU countries femmes jeunes à haut risque, bilan pré-chirurgical • Pédiatrie / Néonatal : examen non ionisant à haut contraste 23% Progression entre 2009 et 2011 12% 3% 4% 6% • Démographie : croissance et vieillissement de la population 14% 14% Les applications anciennes continuent de croître Les nouvelles applications explosent Source Arlington Medical Research 17 Ces champs nouveaux se retrouvent dans ce Guide soutenu par l’ASN et l’HAS qui sera diffusé et accessible pour tous les radiologues mais aussi les cliniciens prescripteurs d’examens d’imagerie. Les promoteurs, la Société Française de Radiologie et la Société Française de Médecine Nucléaire répondent ainsi aux exigences de la Directive européenne 97/43 Euratom, relative à la radioprotection des patients. En conclusion, 9 ans après la première enquête, alors que l’on espérait quelques progrès, notre pays atteint des points de rupture inégalés : Comment notre pays qui a mis en œuvre des Plans de santé publique qui semblaient ambitieux, en cancérologie, en neurologie par exemple, peut-il s’éloigner autant des objectifs fixés lorsqu’il s’agit de l’accès aux techniques modernes d’imagerie ? Comment peut-il tolérer de telles inégalités régionales en termes d’accès aux soins ? Comment notre pays peut-il accepter d’être non seulement en queue de peloton européen depuis des années mais, plus préoccupant encore, voire s’éloigner à ce point les courbes de progression européenne et française, avec un taux d’équipement IRM européen moyen par million d’habitants deux fois supérieur à celui de la France ? Comment notre pays peut-il accepter que l’on revienne 7 ans en arrière alors que les délais d’attente ont été considérés comme un indicateur de qualité ? Au-delà de la question des délais d’attente, c’est une question d’accès aux soins de qualité, une question de permanence des soins sur tout le territoire, une question d’égalité d’accès à l’innovation et de respect des bonnes pratiques. Pour atteindre ces objectifs, il faudrait un plan massif de rattrapage. C’est possible avec une vraie volonté politique comme l’a démontré dans le passé le plan exceptionnel d’installations nouvelles accordé entre 2002 et 2004. Au lieu de quoi, aujourd’hui, on gèle les installations pendant un an du fait d’un SROS 4 mis en place avec un an de retard. Au 1/1/2012, il y avait 618 IRM autorisées et installées en France métropolitaine : • Il faudrait atteindre le chiffre de 1260 en France pour rejoindre la moyenne européenne du nombre d’IRM/million d’habitants. • Mais un programme urgent de 400 IRM supplémentaires permettrait de réduire considérablement les délais d’attente et de se rapprocher des objectifs du plan cancer. Souhaitons que notre appel aux côtés des cliniciens des sociétés savantes concernées soit mieux compris et entendu. Service de presse et communication : MHC Communication Marie-Hélène Coste Tél. : 01.49.12.03.40 - Fax : 01.49.12.92.19 [email protected]