Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de l’Enseignement Supérieur et de La Recherche Scientifique Université d’Alger Faculté de Médecine. ELEMENTS DE GENETIQUE MEDICALE DR S MAKRI-MOKRANE Département de Médecine ANNEE 2006 Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ ELEMENTS DE NEUROGENETIQUE La place de la génétique en neurologie est importante puisque environ 10 % des maladies du système nerveux sont causés par le déficit d’un gène particulier ou dépendent d’une anomalie génétique majeure. La classification des maladies neurogénétiques inclut progressivement les aspects moléculaires. I) Hérédité mendélienne. A) Les maladies monogénétiques résultent de l’altération d’un gène, elles se transmettent selon la loi de Mendel. Dans la majorité des cas, le gène déficient se trouve sur un chromosome situé dans les noyaux cellulaires. Les cellules somatiques contiennent 46 chromosomes soit 23 paires dont 22 paires de chromosomes autosomes et une paire de chromosomes sexuels. Par contre, les cellules germinales (gamètes) ne comportent que 23 chromosomes. Chaque personne hérite donc, de son père et de sa mère, un chromosome de chacun de leurs 23 paires chromosomiques composées de millions de gènes. Chaque gène est présent en double exemplaire sous forme de deux allèles. Chez les homozygotes, les deux allèles d’un même gène sont identiques. Chez les deux hétérozygotes, ils sont différents. Les gènes suivent une disposition linéaire sur les chromosomes, chacun ayant sa propre situation dite locus. Les anomalies génétiques sont diverses. Il peut s’agir du simple changement d’une base (mutation ponctuelle) ou d’une perte d’un fragment plus ou moins grand d’un gène (délétion). L’anomalie peut consister en grand nombre de répétitions de trinucléotides ou codon (expansions de triplets). Cette répétition peut s’amplifier au fil des générations (expansions instables) passant de la prémutation sans conséquence réelle, à la mutation complète responsable de signes cliniques. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ Cette instabilité explique le phénomène de l’anticipation selon laquelle certaines maladies dominantes sont de plus en plus graves avec les générations successives. La présence du même allèle sur les deux loci homologues d’une paire de chromosome caractérise l’homozygotie. Une personne homozygote possède deux allèles identiques (normaux ou muté). La présence de deux allèles différents sur les deux loci homologues d’une paire de chromosome détermine l’hétérozygotie. Chez une personne hétérozygote, l’un des allèles est muté et l’autre est normal. Une maladie est dominante si l’altération d’un des 2 allèles du gène suffit à l’apparition des signes cliniques. Le gène muté s’exprime à l’état hétérozygote. Une maladie est récessive lorsque l’altération des 2 allèles du gène est nécessaire à l’apparition des signes cliniques. Le gène muté s’exprime à l’état homozygote. Si un seul est altéré, la maladie ne se manifeste pas cliniquement. Une maladie liée à l’X est consécutive à la déficience d’un gène situé sur le chromosome sexuel X (le sexe masculin est essentiellement atteint). Une maladie autosomique est consécutive à la déficience d’un gène situé sur l’une de 22 paires d’autosomes (chromosome non sexuel), comparable dans les 2 sexes. L’expressivité désigne l’intensité de l’expression phénotypique d’un gène. On parle d’expressivité variable quand la maladie se manifeste de façon plus ou moins importante d’une personne à l’autre y compris au sein d’une famille. La pénétrance est la probabilité de l’expression d’un gène muté. En présence d’un défaut de l’expression d’un allèle, on parle d’un défaut de pénétrance. Certaines personnes porteuses d’un gène muté peuvent ne pas s’exprimer la maladie contrairement à d’autres qui sont atteintes : la pénétrance de la maladie est dite incomplète. Le gène muté n’est pas toujours hérité d’un parent. La mutation a pu survenir dans un des gamètes dont est issue la personne atteinte. Cette nouvelle mutation est dite néomutation ne peut être transmise qu’a sa descendance. Les autres membres de la famille n’encourent aucun risque d’être atteints à leur tour. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ B) Enquête familiale. Arbre généalogique. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ C) Modes de transmission. Selon le mode de transmission de la maladie, la descendance n’est pas exposée au même risque. Certaines maladies sont génétiquement hétérogènes, des gènes différents peuvent être à l’origine de la même maladie ; comme les LGMD et les atrophies spino-cérébelleuses. Elles peuvent aussi avoir des modes de transmission différents (exemple les LGMD1, LGMD2). Parfois, le même gène peut entraîner deux phénotypes différents. La LGMD2B et la myopathie distale de Miyoshi sont toutes les 2 dues à des mutations du gène dysferline ; des mutations différentes dans le gène de la myéline périphérique (PMP 22) peuvent produire, soit une neuropathie de Charcot-Marie type 1a, soit une paralysie tronculaire récidivante familiale. Ces exemples sont explicables par une hétérogénéité allèlique. 1- Transmission autosomique (les personnes du même sexe sont indifféremment atteintes) 1-1. Transmission autosomique dominante (ex : FSH, chorée de Huntington, dystrophie musculaire de Steinert). Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ La personne atteinte présente une altération d’un seul des deux allèles. Elle peut le transmettre à ses enfants : une maladie dominante se transmet verticalement, de génération en génération. Chaque enfant d’un homme ou d’une femme atteint peut hériter de la maladie avec une probabilité de 1/2. Les manifestations cliniques peuvent être différentes d’un patient à l’autre du fait de l’expressivité variable de la maladie. Par ailleurs, les symptômes peuvent se manifester plus ou moins tardivement. Certaines personnes porteuses du gène muté peuvent ne pas exprimé la maladie ou l’exprimé sous une forme modérée. Elles peuvent néanmoins transmettre ce gène à leur descendance (la maladie semble sauter une génération). Les maladies autosomiques dominantes sont souvent dues à une amplification de triplets codants ou non codants. 1-2. Transmission autosomique récessive. La personne atteinte présente une altération des deux allèles. Ses deux parents sont indemnes mais ils sont porteurs du gène muté à l’état hétérozygote. A chaque naissance, ils ont une probabilité de ¼ d’avoir un enfant atteint et une probabilité de ¾ d’avoir un enfant indemne. Les maladies neurologiques génétiques métaboliques sont presque toujours autosomiques récessives. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ 1-3. Transmission liée à l’X. Le gène muté est situé sur le chromosome X (ex : DMD, DMB). a) Transmission récessive liée à l’X. Femme conductrice. Le gène non muté situé sur le chromosome X compense le gène muté situé sur le second. Lorsque une mère est conductrice, 1 garçon sur 2 risque d’être atteint et une fille sur 2 d’être conductrice. Elles ont la même probabilité que leur mère de donner des fils atteints et des filles conductrices. La mère et les filles conductrices n’expriment pas la maladie. Homme atteint a un gène muté sur le seul chromosome X et exprime la maladie. Lorsque le père est atteint, tous ses garçons sont indemnes et toutes ses filles sont conductrices. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ b) Transmission dominante liée à l’X (ex : maladie de Charcot-Marie-Tooth ou CMTX). Femme atteinte exprime souvent la maladie sous forme modérée, le gène (non muté), situé sur l’autre chromosome X, atténue en partie l’effet du gène muté. Lorsque la mère est atteinte, elle peut transmettre le gène muté à ses filles et à ses fils : un garçon sur 2 et une fille sur 2 risquent d’être atteints. Lorsque le père est atteint, il transmet le gène muté, situé sur le chromosome X, à toutes ses filles qui expriment la maladie. Les garçons sont indemnes, ils reçoivent de leur père le chromosome Y. Il n’y a donc jamais de transmission père-fils. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ II) Maladies multifactorielles. Hérédité polygénique. Pour certaines maladies (malformation congénitales, HTA, diabète, obésité……), la répartition des personnes atteintes dans une même famille ne peut pas s’expliquer par les lois de Mendel. La susceptibilité d’une personne à manifester la maladie est sous la dépendance de plusieurs gènes (hérédité polygéniques) et de facteurs environnementaux. Individuellement, chaque gène, chaque facteur a un effet faible sur l’apparition de la maladie ; celle-ci n’apparaît que si la susceptibilité atteint un seuil critique : la maladie est dite multifactorielle. Les apparentés d’un sujet malade ont en commun avec lui certains gènes de susceptibilité d’où un plus grand nombre de personnes atteintes dans la famille que dans la population générale. La sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique, la maladie d'Alzheimer, certains accidents vasculaires cérébraux et épilepsies peuvent être classés dans cette catégorie. III) Anomalies chromosomiques. Une anomalie chromosomique peut être présente de façon homogène dans toutes les cellules et résulte alors d’un accident de la méiose paternelle ou maternelle, au moment de la formation des gamètes. Lorsqu’elle ne concerne qu’une partie des cellules (mosaïque), elle résulte d’un accident survenu de la division de l’œuf fécondé. Ainsi, la plupart des anomalies chromosomiques sont accidentelles, mais certaines peuvent être héritées. Habituellement décelées au moyen d’un caryotype, elles s’avèrent être des anomalies de nombre et de structure. Les anomalies de nombre (trisomies 21) résultent d’une erreur dans la répartition des chromosomes au moment de la formation d’un gamète. Celui-ci contient deux chromosomes de la même paire au lieu d’un seul. 98% des anomalies de nombre sont le plus souvent accidentelles (le caryotype des parents est normal). Les anomalies de structure résultent de cassures chromosomiques suivies ou non de recollement. Quand elles ne s’accompagnent ni de gain, ni de perte de matériel génétique, elles sont dites équilibrées. Lorsqu’elles sont déséquilibrées, elles peuvent engendrer des pathologies diverses si l’un des parents a une anomalie équilibrée, il peut transmettre l’anomalie à ses enfants sous forme équilibrées ou déséquilibrées, le risque de récurrence varie selon les chromosomes impliqués et le sexe du parent porteur. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ Les anomalies chromosomiques inframicroscopique ne peuvent être décelées que par des méthodes conjuguant la cytogénétique classique et la cytogénétique moléculaire. Ces microdélétions rendent compte de plus en plus de syndromes malformatifs, le plus souvent accidentels mais qui peuvent parfois être hérités d’un des parents (syndrome de WilliPrader, d’Angelman….). IV) Hérédité cytoplasmique. Les mitochondries suivent une hérédité cytoplasmique différente de l’hérédité mendélienne. Seules les mères transmettent leur ADN mitochondrial (ADNmt) à leur descendante (hérédité dite maternelle). En effet, lors de la fécondation, seules les mitochondries contenues dans le cytoplasme des gamètes de la femme sont transmises ; le cytoplasme des spermatozoïdes ne participe à la formation de l’œuf. Lorsqu’il existe une altération du génome mitochondrial, elle ne concerne qu’une partie des mitochondries de la cellule (hétéroplasmie). Dans chaque cellule coexiste, en proportion variable, des molécules d’ADNmt normal et des molécules d’ADNmt muté. Au fil des divisions cellulaires, la répartition des mitochondries mutées se fait au hasard. La mutation est transmise mais la proportion d’ADNmt normal et d’ADNmt muté varie d’une génération de cellule à l’autre, d’un tissu à l’autre, d’un organe à l’autre. L’expression de la maladie varie donc d’une personne à l’autre y compris au sein d’une même famille. Le diagnostic de maladie mitochondriale est difficile à établir en raison de la grande variabilité d’expression et de transmission des altérations de l’ADN mitochondrial. Le phénotype des maladies mitochondriales dépend du nombre de molécules d’ADN mutées et des tissus concernés. Des maladies mitochondriales peuvent être en rapport avec des mutations de l’ADN nucléaire obéissant à une transmission mendélienne. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ V) Techniques de la génétique moléculaire. Le clonage positionnel des gènes est une stratégie aboutissant à la localisation du locus d’un gène pathologique dans le but d’identifier ce gène anormal ainsi que son produit. Cette méthode a été appliquée à de nombreuses maladies neurologiques (ex : sur le chromosome 1, CMT I, nemaline myopathy, paralysie périodique hyperkaliémique ; chromosome 4 : Huntington, FSH ; chromosome 5 : ASP). Ceci est particulièrement utile pour les maladies autosomiques dominantes qui dépendent rarement d’une anomalie métabolique. Il existe plusieurs catégories de clonage positionnel : - Clonage positionnel non orienté qui a permis de découvrir le gène de la maladie de Huntington. - Clonage positionnel orienté qui bénéficie d’un fil conducteur physique comme une anomalie chromosomique significative (par exemple, le gène de la myopathie de Duchenne) ou la perte d’hétérozygotie pour un marqueur. - Clonage fonctionnelle : la présence du gène recherché se manifeste par la correction de la fonction défectueuse après transfection de l’ADN génomique. - Clonage d’un gène candidat, approche la plus payante. - Clonage par expansion de triplets, ou l’on recherche systématiquement les gènes susceptibles de comporter des séquence répétées instables (par exemple, l’atrophie dentatorubro-pallido-luysienne ou l’on a soupçonné à juste titre un mécanisme de pathologie génétique analogue à celui de la chorée de Huntington). L’analyse de liaison ou linkage (cartographie génétique) nécessite d’une part un nombre suffisant de sujets atteints dans une même famille (famille informative) et, d’autre part d’une quantité suffisante de marqueurs ADN répandus dans le génome à intervalles rapprochés. Les progrès en matière de cartographie (nouvelle génération de marqueurs génotypiques très polymorphes, les microsatellites; par leur nombre considérable ils permettent de jalonner de manière très dense les territoires génomiques ou les gènes sont traqués) ont facilité l’étape de localisation. En revanche, l’étape d’identification reste ardue. Ainsi divers gènes responsables d’affections neurologiques sont cartographiés sur le génome mais ne sont ni identifiés, ni caractérisés. Eléments de neurogénétique ________________________________________________________ VI) Conséquences cliniques. Conseil génétique : c’est évaluer la probabilité qu’une maladie survenue dans une famille s’y manifeste à nouveau. Le diagnostic moléculaire permet : - Une confirmation commode du diagnostic de nombreuses maladies du système nerveux chez des patients n’ayant pas de parents atteints (ASP, DMD/DMB, CMT type I, dystrophie de myotonique de Steinert, Ataxie de Freidreich, Ataxie par déficit en vitamine E). - Une contribution au pronostic d’une maladie. - Un diagnostic présymptomatique. Actuellement, on peut déterminer qui est porteur d’un gène délétère dans les formes familiales de presque toutes les maladies dominantes ou liées à l’X, car presque toutes sont localisé sur le génome. De même, pour les affections récessives, l’étude de la ségrégation d’une mutation ou d’un marqueur polymorphe flanquant un gène muté permet de dire si le proposant est porteur ou non d’une mutation à l’état homozygote, des lors que cette mutation a pu être identifiée. Le diagnostic prédictif pose des problèmes éthiques. - Un diagnostic prénatal (DPN) chez un sujet à risque (analyse de l’ADN des villosités chorioniques à 10éme semaine de gestation). Tenir compte de la législation en vigueur. Espoirs de la thérapie génique : transfert de gènes reste une perspective à long terme. Référence. Kaplan J C et Delpech M. Biologie moléculaire et médecine, Flamarion, 2ed édition, 1994.