Vl Journées nationales du groupe “Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies”

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N F O R M A T I O N S
Vles Journées nationales du groupe
“Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies”
de la Société française de cardiologie (2 partie)*
e
● O. Roth**
TRAITEMENT MÉDICAL STANDARD DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
carvédilol. L’étude COPERNICUS inclut 2 289 patients insuffisants cardiaques symptomatiques au repos ou pour des efforts
minimes depuis au moins deux mois, avec une FEVG inférieure
Les études COPERNICUS et CAPRICORN sont des études mulà 25 %, un traitement standard, et n’ayant pas de rétention hydroticentriques, randomisées, carvédilol versus placebo en double
sodée majeure. Les patients en soins intensifs avec des vasodilaaveugle. CAPRICORN étudie l’intérêt de ce traitement en posttateurs ou des inotropes positifs en intraveineux étaient exclus.
infarctus : les patients étaient inclus 3 à 21 jours après l’infarcLa dose de diurétiques était adaptée pour avoir des patients euvotus, avaient une FEVG inférieure ou égale à 40 % avec ou sans
lémiques. Cette étude est positive sur le critère principal
signe d’insuffisance cardiaque et prenaient un IEC depuis au
(tableau IV), avec une réduction identique du risque dans tous
moins 48 heures. La tolérance du traitement était bonne : 74 %
les sous-groupes et même chez les patients à haut risque, démondes patients ont atteint la dose maximale. Les résultats sont positrant l’intérêt du carvédilol dans les insuffisances cardiaques
tifs sur la mortalité globale, mais pas sur le critère combiné morsévères (Y. Juillière, Nancy). Au total, il est admis une efficatalité globale et hospitalisation pour cause cardiovasculaire
cité des bêtabloquants sur la mortalité avec une baisse moyenne
(tableau IV).
de 35 % (tableau V) et sur la morbidité avec une excellente tolérance si l’on respecte les contre-indicaTableau IV. Résultats des critères primaires de COPERNICUS et CAPRICORN.
tions classiques. Le bénéfice est démontré quels que soient l’âge et l’étiologie, et
de la classe II à la classe IVa de la NYHA
Placebo
Carvédilol
Hazard ratio
p
(IC à 95 %)
(A. Hjalmarson, Göteborg).
CAPRICORN
Mortalité globale (MG)
151 (15 %)
116 (12 %)
0,77 (0,6-0,98)
0,031
MG/hospitalisation*
367 (37 %)
340 (35 %)
0,92 (0,8-1,07)
0,296
COPERNICUS Mortalité globale
190 (18,5 %) 130 (11,4 %) 0,65 (0,52-0,81)
* Hospitalisation pour cause cardiovasculaire.
En outre, il n’y a pas de différence significative sur les critères
secondaires : mort subite (p = 0,098) et hospitalisation pour insuffisance cardiaque (p = 0,215). En revanche, il y a une baisse significative des récidives d’événements coronariens majeurs
(p = 0,002). Les résultats de cette étude, surtout sur les critères
secondaires, montrent que le traitement par carvédilol ne semble
pas profiter aux patients à très haut risque avec une altération
majeure de la FEVG en post-infarctus.
Les patients en stade IV de la NYHA étaient rares dans les études
précédentes concernant les bêtabloquants : 3 % dans l’US Carvedilol Study, 4 % dans MERIT-HF, 16 % dans CIBIS II. De plus,
dans ces sous-groupes, on ne retrouvait pas d’effet favorable du
* La première partie est parue dans le précédent numéro (n° 350 - décembre
2001).
** Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel, 28, av. du
Doyen-Lépine, 69500 Bron.
8
0,00014
Une méta-analyse de 12 763 patients
concernant les IEC (Flather et al., Lancet 2000) retrouve une baisse de mortalité globale de 20 %, indépendante du
sexe, de l’âge du patient, du traitement
associé et du stade NYHA. Cet effet bénéfique des IEC disparaît rapidement
Tableau V. Résultats sur la mortalité des différentes études concernant
les bêtabloquants.
Études
MDC (mortalité et transplantation)
CIBIS I
US Carvedilol
ANZ2 Carvedilol
CIBIS II
MERIT-HF
BEST
COPERNICUS
n
Baisse de la mortalité (%)
383
641
1 094
415
2 647
3 991
2 708
2 289
34
20
65
23
34
34
10
35
La Lettre du Cardiologue - n° 351 - janvier 2002
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lorsqu’ils sont arrêtés. Cela doit nous inciter à une prescription
plus large, notamment en cas d’insuffisance rénale modérée (créatininémie < 250 µmol/l), d’hypotension artérielle peu sévère
(PAS > 90 mmHg) ou d’hyperkaliémie modérée (< 5,5 mmol/l).
La question actuelle repose sur la dose d’IEC “idéale”. Dans
l’étude ATLAS (lisinopril 2,5/5 mg versus 32,5/35 mg), il n’y a
pas de différence de mortalité, mais une diminution significative
du nombre d’hospitalisations en faveur des doses les plus élevées. Dans l’étude de NANAS (énalapril 10 mg x 2/j versus
30 mg x 2/j), il n’y a pas de différence ce qui concerne la mortalité ou le nombre d’hospitalisations (P. Gibelin, Nice). Les IEC
sont prescrits dans 60 % des cas dans les registres. Cela s’explique en partie par la fréquence de l’insuffisance cardiaque à
fonction systolique conservée, dans laquelle les IEC n’ont actuellement pas d’indication, mais aussi par les critères d’inclusion
des études. Par exemple, en cas de dysfonction rénale majeure ou
chez les sujets âgés, il paraît souvent légitime, mais probablement à tort dans certains cas, de ne pas en prescrire. Les recommandations européennes conseillent la prescription isolée d’IEC
chez les patients asymptomatiques, en arrêtant notamment les
diurétiques ; en cas d’effet secondaire (toux essentiellement), on
peut remplacer l’IEC par un ARAII (M. Komajda, Paris).
L’alternative classique, lorsqu’un IEC ne peut être prescrit, reste
les ARAII (ELITE II). L’étude VAL-Heft associe IEC et valsartan. Dans cette étude, on retrouve une baisse de morbi-mortalité
de 13,3 % (p = 0,009) et une diminution des hospitalisations pour
insuffisance cardiaque de 27,5 % (p = 0,00001). Cependant, il
faut rappeler que l’association IEC, ARAII et bêtabloquants est
à risque (hypotension surtout). Nous en sommes arrivés au stade
où le praticien doit faire des choix thérapeutiques et où l’association de plusieurs thérapeutiques actives peut être délétère pour
le patient (J.M. Davy, Montpellier).
LES TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX DANS
L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
La stimulation multisite
L’étude MUSTIC est une étude multicentrique, randomisée en
simple insu, en cross-over, comparant sur des périodes de 3 mois
la stimulation biventriculaire et la stimulation spontanée avec,
ensuite, une période de stimulation de 12 mois dans le mode préféré par le patient (figure 5). Les patients inclus étaient en stade
NYHA III, avec un traitement médical maximal, une FEVG inférieure à 35 % et un diamètre diastolique ventriculaire gauche
supérieur à 60 mm. La durée du QRS est supérieure à 150 ms
chez les patients en rythme sinusal et à 200 ms chez ceux en fibrillation auriculaire. L’implantation a été possible dans 92 % des
cas. Dans 85 % des cas, les patients ont préféré le mode de
Mode biventriculaire VDD
1 mois
Inclusion
2 semaines
Implantation
3 mois
3 mois
Pas de stimulation VVI
Randomisation
Mode préféré du patient
Figure 5. Protocole de l’essai MUSTIC.
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stimulation biventriculaire (p < 0,001). Chez les patients en
rythme sinusal, lors de la stimulation biventriculaire, la distance
de marche en 6 minutes (critère principal) augmente de 23 %
(p = 0,001), la qualité de vie évaluée par le questionnaire du Minnesota est améliorée de 32 % (p = 0,0001), le pic de VO2 est amélioré de 8 % (p < 0,03), et on note une baisse des hospitalisations
(p = 0,05). Les patients en fibrillation auriculaire représentent un
effectif plus restreint ; il n’y a pas de différence statistiquement
significative dans ce groupe. Cette étude démontre que la stimulation multisite est réalisable dans l’insuffisance cardiaque et
qu’elle s’accompagne, chez les patients en rythme sinusal, d’une
amélioration fonctionnelle sans aucun élément actuel en termes
de morbi-mortalité (S. Cazeau, Paris).
Les règles hygiéno-diététiques et l’exercice physique
La réadaptation des insuffisants cardiaques augmente leur performance à l’effort : augmentation du pic de VO2, de la durée
d’exercice, amélioration de la dyspnée, des paramètres neurohormonaux et de la variabilité sinusale. On retrouve également
une amélioration de la qualité de vie non corrélée à l’augmentation des paramètres hémodynamiques. Dans une étude de
Belardinelli (Circulation 1999), la réadaptation a un effet positif sur la morbi-mortalité. L’association bicyclette et callisthénie est plus efficace que la réadaptation par bicyclette seule.
Enfin, la réadaptation permet une prise en charge plus globale
du patient insuffisant cardiaque : meilleure observance thérapeutique, optimisation de la prise en charge des facteurs de
risque et de l’éducation hygiéno-diététique. La sélection des
patients répondeurs semble nécessaire, mais les critères de sélection restent à définir. Le type de structure et la pérennité à long
terme après les séances de réadaptation sont des questions qui
restent en suspens (J.F. Aupetit, Lyon). L’application des
recommandations éducatives limite les complications de l’insuffisance cardiaque. La restriction sodée peut être stricte (2 g/j)
ou modérée (3 à 6 g/j). La compréhension et l’aide de l’entourage familial sont importantes pour le respect de cette règle. Un
écart de régime avec un apport salé important (fruits de mer par
exemple) peut engendrer une décompensation qui est souvent
décalée de plusieurs jours ou semaines. La restriction hydrique
de 1 à 1,5 litre par jour est à adapter au poids et au niveau de
rétention hydrosodée du patient : fortes chaleurs, doses de diurétiques, etc. Enfin, il est indispensable de lutter contre la dénutrition (baisse du poids de 7,5 % en 6 mois), car celle-ci est de
mauvais pronostic (M. Krempf, Nantes).
La chirurgie dans l’insuffisance cardiaque en dehors de la
transplantation cardiaque
La correction d’une anomalie valvulaire ou d’une coronaropathie
représente la première indication chirurgicale dans l’insuffisance
cardiaque. La revascularisation coronarienne doit être la plus complète possible et s’appliquer au myocarde viable. La chirurgie de
remodelage ventriculaire avec correction isolée d’une insuffisance mitrale fonctionnelle reste peu étudiée dans la littérature.
La mortalité opératoire est faible (80 % de survie à un an sur une
série de 48 patients), mais l’amélioration des paramètres ventriculaires gauches et de la morbi-mortalité reste à démontrer. L’intervention de Batista, qui comprend une correction de l’insuffi9
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sance mitrale fonctionnelle associée à une résection de la paroi
latérale ventriculaire gauche dans les cardiomyopathies dilatées,
apporte des résultats décevants ; l’étude randomisée réalisée aux
États-Unis a été arrêtée prématurément faute de résultats positifs.
Enfin, la résection d’une plaque akinétique lors d’une cardiopathie ischémique donne, sur une série de 700 patients (V. Dor),
80 % de survie à un an avec une amélioration significative de la
fraction d’éjection ventriculaire gauche (D. Duveau, Nantes).
LES NOUVELLES PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES DANS
L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Les inhibiteurs des vasopeptidases permettent un blocage de
l’endopeptidase neutre et de l’enzyme de conversion (figure 6)
aboutissant à une préservation des peptides natriurétiques et
vasodilatateurs et à une baisse de la production d’angiotensine II.
La conséquence en est une baisse des pressions artérielles, une
augmentation de la performance cardiaque et de la protection des
organes cibles.
IEC
Angiotensine I
Chymases
-
Omapatrilat
Fragments inactifs NEP**
ECA*
Angiotensine II
Récepteur ATI
Récepteur ATII
+ Kinines
Récepteur BK1
Récepteur BK2
ARAII
* Enzyme de conversion de l'angiotensine
** Endopeptidase neutre
Figure 6. Interactions des systèmes kallicréine-kinine et rénine-angiotensine.
L’omapatrilat (Vanlev®) est un inhibiteur sélectif et compétitif.
Dans l’étude IMPRESS comprenant 573 patients insuffisants cardiaques en stade II, III ou IV de la NYHA, il est comparé au lisinopril. Le critère primaire était l’amélioration fonctionnelle et la
tolérance à l’exercice des patients, et il n’y a pas de différence
significative à ce niveau. Cependant, sur le critère combiné décès
et hospitalisation, il y a une différence significative en faveur de
l’omapatrilat (p < 0,004). De plus, la fonction rénale semble mieux
préservée sous omapatrilat que sous lisinopril. Cependant, cette
étude a un faible effectif et le critère morbi-mortalité n’était pas
le critère principal. L’étude OVERTURE, dont les résultats sont
attendus pour cette année, comprendra plus de 4 400 patients
insuffisants cardiaques ; elle compare l’omapatrilat à l’énalapril
en termes de mortalité. Au vu des résultats d’IMPRESS, une
demande d’autorisation de mise sur le marché accélérée a été faite,
mais celle-ci a été bloquée, avec demande d’informations complémentaires concernant les angio-œdèmes. Cet effet secondaire
existe avec les IEC, mais sa fréquence doit être précisée avec une
10
thérapeutique inhibant l’enzyme de conversion de l’angiotensine
et l’endopeptidase neutre. Les résultats de l’étude OCTAVE chez
les patients hypertendus devraient apporter plus de précisions sur
la fréquence de cet effet secondaire. Malgré les questions en suspens, les inhibiteurs des vasopeptidases restent une classe thérapeutique très prometteuse (P. Bareiss, Strasbourg). Les antiendothélines permettent un blocage des endothélines qui sont
vasoconstrictrices et favorisent l’hypertrophie cellulaire. Il reste
beaucoup de questions sur ces molécules : quel type de récepteur
faut-il bloquer, y a-t-il une efficacité en termes de morbi-mortalité ? En outre, les études réalisées jusqu’ici (REACH-1, RITZ 1
et 2) n’ont pas retrouvé d’arguments pour leur utilisation lors d’une
décompensation aiguë, mais ont mis en évidence des problèmes
de tolérance (augmentation des transaminases) et de titrage de
doses (G. Jondeau, Boulogne). Les antagonistes de l’argininevasopressine (tolvaptan et conivaptan) semblent avoir une efficacité clinique sur de petites séries de patients. Ils peuvent être
préférés aux diurétiques en cas d’hyponatrémie, car ils s’accompagnent d’une natriurèse moindre. Cependant, il n’existe aucune
étude de mortalité les concernant (P. De Groote, Lille).
Les données actuelles sur la transplantation cellulaire montrent
que cette technique est réalisable : la culture de myoblastes squelettiques autologues est aisée et leur injection transépicardique
peropératoire est réalisable avec une bonne sécurité infectieuse,
mais un risque de trouble rythmique. Les résultats d’un essai de
phase I sur 9 patients avec injection cellulaire dans une plaque
akinétique lors d’un pontage aorto-coronaire sans pontage associé de l’artère coupable de la zone nécrotique seront prochainement publiés. On retrouve chez ces patients une amélioration de
la FEVG et de la classe NYHA. Cette technique laisse de nombreuses questions en suspens : les cellules implantées ne développent pas de gap junction, et ne permettent donc pas le passage
d’un influx nerveux. L’action positive retrouvée se fait-elle par
angiogenèse ou par un effet sur le remodelage ventriculaire, ou
par une contraction de ces cellules musculaires par simple étirement ? Le développement de cette technique en est à ses débuts
(A. Hagège, Paris).
QUEL TYPE D’ORGANISATION DES SOINS POUR LES
INSUFFISANTS CARDIAQUES ?
L’organisation actuelle des soins aux insuffisants cardiaques est
trop cloisonnée. L’idée d’un réseau de soins entre hôpital, infirmières, cardiologues libéraux et médecins généralistes se développe. Ce réseau permettrait une optimisation de la prise en charge
et une meilleure éducation du patient. Une étude pilote
a été réalisée à Nantes sur 180 patients insuffisants cardiaques.
Les résultats seront disponibles en octobre 2002 avec, comme
objectif, une baisse du nombre, du délai et de la durée des hospitalisations, une augmentation de la qualité de vie et une diminution du coût. Le développement d’un tel réseau nécessite une
communication fluide entre les soignants. Son évaluation continue est également indispensable (J.B. Bouhour, Nantes). ■
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