En revanche l’augmentation des taxes peut être beaucoup moins douloureuse si elle frappe
l’épargne des ménages ou les importations. En effet, une taxe sur l’épargne équivaut à lever
un emprunt obligatoire à taux zéro, en ponctionnant des revenus qui par définition ne sont pas
utilisés. La baisse des capitaux disponibles sur les marchés obligataires peut être compensée
par une augmentation de l’offre de crédits bancaires, si bien que le coût de refinancement des
entreprises peut rester inchangé. Une taxe sur les importations permet d’améliorer la balance
commerciale ce qui a effet positif sur le PIB. L’Etat doit donc prioritairement cibler les hauts
salaires ou les revenus du capital qui sont en grande partie épargnés (dividendes, intérêts
obligataires, plus values mobilières etc.) et taxer les produits en provenance du reste du
monde, notamment le gaz, le pétrole et le charbon, à l’origine de nos émissions de gaz à effet
de serre.
D’après le théorème d’Haavelmo, l’effet récessif d’une baisse des dépenses est donc
beaucoup plus important que l’effet récessif d’une hausse des taxes, puisque cette dernière
siphonne en partie des revenus qui dorment. A fortiori, l’effet négatif d’une hausse
significative des impôts (l’effet multiplicateur est estimé à -0,96 par Bercy) peut être plus que
compensé par l’effet expansif d’une faible augmentation des dépenses (l’effet multiplicateur à
court terme est estimé à 1,3 selon Bercy).
On peut donc en déduire une troisième voie qui permettrait de réduire les déficits et de
sortir de la crise par le haut : il s’agit d’un cocktail savamment dosé d’une hausse substantielle
d’impôts et d’une augmentation modérée des dépenses, notamment des investissements
productifs, qui génèrent à terme de nouveaux revenus. La construction de logements et les
investissements verts font partie de ceux-là.
D’après la cour des comptes, une augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu
pourrait générer 10 milliards de recettes supplémentaires, la suppression des exonérations
dont bénéficient les revenus du capital prodiguerait à l’Etat 20 milliards et d’après l’ADEME,
l’instauration d’une contribution climat énergie et l’alignement progressif de la fiscalité du
diesel sur l’essence pourraient rapporter 15 milliards d’euros en plus. Au total, l’Etat pourrait
donc se procurer 45 milliards de recettes supplémentaires. Cependant, il est peu probable qu’il
augmente les taxes énergétiques sans offrir de compensation aux agents, via une baisse de la
CSG, ou des cotisations employeurs, d’un montant égal à 10 milliards.
Il est possible de diminuer les déficits sans laminer l’emploi, en augmentant les impôts de 35
milliards et les investissements de 25 milliards, notamment en consacrant 15 à 20 milliards
aux transports collectifs urbains, aux énergies renouvelables et à l’isolation du bâti. Cette
équation permettrait de diminuer dans l’immédiat le déficit public de 10 milliards, soit 0,5%
de PIB, et nos émissions de gaz à effet de serre de 4%. Cette manne budgétaire suffirait
presque à couvrir le déficit des caisses du régime général des retraites (12 milliards).1
Cette politique volontariste nous permettrait de ramener le déficit public sous la barre des 3 %
en 2013 tout en réduisant le chômage. Mais s’il fallait résorber totalement les déficits en
poursuivant dans cette voie, pour ne pas aggraver le chômage, il faudrait augmenter de 10
points de PIB supplémentaires les prélèvements obligatoires, ce qui paraît politiquement
délicat. Cette recette a donc une limite : le consentement à payer l’impôt. On ne peut faire
croître indéfiniment la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, qui s’élèvent déjà à
45%, à moins d’augmenter fortement la progressivité de l’impôt.
1 Le déficit de la sécurité sociale s’élevait à 14 milliards en 2011.