Grèbe esclavon
espèce menacée au Québec
Sommaire
Le grèbe esclavon (Podiceps auritus) est un oiseau aquatique retrouvé sur les petits lacs et étangs.
Il réside principalement dans le centre et louest du Canada. Au Québec, on l'observe surtout lors
de ses haltes migratoires. En effet, une partie de la population de louest transite par le Québec et
sarrête le long des rives du fleuve Saint-Laurent et de nombreux lacs avant de rejoindre ses aires
dhivernage sur la côte de lAtlantique. Toutefois, une petite population isolée niche aux Îles-de-
la-Madeleine depuis plus dun siècle. Elle constitue la seule population nicheuse de grèbe esclavon
bien établie dans lest de lAmérique du Nord.
Cet oiseau de taille moyenne possède un plumage nuptial coloré très apprécié des observateurs.
Ses parades nuptiales sont spectaculaires et certains de ses comportements sont inusités.
Au cours des dix dernières années, la taille de la population québécoise de grèbe esclavon est
demeurée très faible, soit moins de 17 couples nicheurs. Toutefois, il semble que lensemble des
étangs propices à la nidification du grèbe esclavon aux Îles-de-la-Madeleine ne soit pas utilisé à
chaque année. Ceci laisse croire que larchipel pourrait abriter un nombre plus élevé de couples
nicheurs. De plus, au Québec, il existe différents sites qui semblent offrir les caractéristiques
répondant aux besoins de ce grèbe. Cependant, le grèbe esclavon ne se rencontre
quexceptionnellement sur le reste du territoire québécois en période de nidification.
Au Québec, le grèbe esclavon est une espèce menacée en raison des effectifs réduits de son unique
population. La compétition avec le grèbe à bec bigarré (Podilymbus podiceps) pour les sites de
nidification, la consanguinité dune très petite population, les fluctuations naturelles des
populations, les variations des conditions météorologiques et les catastrophes environnementales
sont des facteurs susceptibles dentraîner la disparition de cette espèce.
Description
Le grèbe esclavon a une longueur qui varie entre 31,8 et 38,7 cm. Au vol, lenvergure de cet
oiseau atteint environ 61 cm. Son poids est en moyenne de 450 g. En plumage nuptial, on le
reconnaît par la présence dun large sourcil doré qui se prolonge en une aigrette de même couleur.
Ses yeux sont rouges. La tête et le dos du grèbe esclavon sont noirs et son ventre est blanc. Une
tache blanche est visible sur laile lorsque loiseau vole. Le plumage des mâles et des femelles
savère identique, bien que le mâle ait tendance à avoir un plumage plus éclatant en période de
nidification.
En hiver, le grèbe esclavon revêt un plumage terne. Les parties supérieures de loiseau sont noires
alors que le blanc caractérise ses parties inférieures. Ses joues blanches contrastent alors avec le
dessus de sa tête noire.
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Les juvéniles ont un plumage semblable à celui de ladulte en hiver, mais leurs parties supérieures
sont teintées de brun. La démarcation entre le noir de la calotte et le blanc de la joue est aussi
moins marquée et le bec est plus pâle que celui des adultes. Les poussins ont un plumage
caractérisé par des rayures foncées, particulièrement visibles sur la tête et le cou.
Répartition
Le grèbe esclavon possède deux aires de
nidification séparées. La plus importante couvre
le nord-ouest de lAmérique du Nord alors que
la seconde se limite à larchipel des Îles-de-la-
Madeleine. Historiquement, lespèce a déjà
niché de façon très irrégulière et a été localisée
dans la partie méridionale de lOntario;
toutefois, aucune mention de nidification na été
rapportée pour cette région depuis 1938. À
lexception des Îles-de-la-Madeleine, aucune
autre mention de nidification na été signalée au
Québec au cours des dernières décennies.
Ailleurs dans lest du continent, il a déjà niché
dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick en
1873. Depuis, aucune preuve de nidification na
été rapportée, même lors des récents travaux de
lAtlas des oiseaux nicheurs des Maritimes.
Figure 1 – Aire de répartition du grèbe esclavon.
Au Québec, le grèbe esclavon niche aux Îles-de-la-Madeleine, dans lest de larchipel et sur
plusieurs des dunes reliant les îles entre elles. Dautre part, cet oiseau a déjà niché au lac Gamache
à lÎle dAnticosti (1919), au lac Sainte-Anne sur la Côte-Nord (1959) et dans la région de Québec
au lac Perceval (1960 et 1964). Ces mentions de nidification datent de plus de 30 ans et une
vérification au lac Perceval, en 1992, na pas permis de noter la présence de ce grèbe. Certaines
observations faites en période de nidification à lÎle dAnticosti et à la Pointe Kakassituq, sur la
côte de la baie James, en 1991, laissent croire que lespèce pourrait se reproduire à ces endroits
mais aucune preuve de nidification na encore été rapportée pour ces régions.
En Amérique du Nord, le grèbe esclavon hiverne sur la côte Atlantique depuis les côtes de lÎle-
du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse jusquau sud de la Floride
alors quune autre partie de la population hiverne à locéan Pacifique.
Habitat
Le grèbe esclavon est considéré comme une espèce occupant une variété dhabitats relativement
restreinte. Il fréquente surtout de petits étangs deau douce, des marais et des baies de lac peu
profondes. Il niche à loccasion en eau saumâtre. Les étangs choisis peuvent être tant en milieu
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ouvert quen milieu forestier. Il recherche des sites riches en nourriture (milieux surtout eutrophes)
et propices à la construction de son nid. La présence deau libre entrecoupée de végétation
émergente, sous forme dîlots ou de presquîle, semble importante pour le grèbe esclavon. La
présence de végétation émergente est nécessaire pour fixer le nid, le camoufler et servir dabri aux
adultes et aux jeunes. Cette végétation sert également à contrer leffet destructeur que peuvent
avoir les vagues sur les nids. La très grande majorité des nids trouvés aux Îles-de-la-Madeleine
sont construits à travers des herbiers émergents composés essentiellement de Scirpe des étangs
(Scirpus lacustris).
En migration, le grèbe esclavon fréquente les milieux deau douce, plus spécialement les lacs et les
rivières. En hiver, il se rencontre généralement sur la mer, près des côtes, dans les baies et en
pleine mer, et parfois aussi sur les lacs.
Biologie
Le grèbe esclavon est un oiseau monogame qui se reproduit généralement dès lâge dun an.
Lespèce niche principalement en solitaire, mais quelques couples nichent à loccasion sur un
même étang lorsqu'il est suffisamment grand et que la ressource alimentaire y est abondante.
Les oiseaux arrivent généralement en couples sur les aires de nidification. Le grèbe esclavon
défend son territoire avec agressivité, que ce soit contre les intrus de son espèce ou contre
dautres espèces animales. Il peut également adopter un comportement agressif envers les humains
qui sapprochent de son nid.
Le nid du grèbe esclavon, généralement fixé à la végétation émergente, a la particularité dêtre
flottant. Construit par le mâle et la femelle, il est formé dun amoncellement de débris végétaux et
de plantes aquatiques en décomposition. Ce type de nid permet aux oiseaux de rester à leau car ils
se déplacent sur terre avec beaucoup de difficulté. Le nid flottant met aussi la couvée à labri des
prédateurs terrestres et a lavantage doffrir une certaine résistance aux vagues et aux
changements de niveau deau. Le moment de la construction du nid et de linitiation de la ponte
peut varier considérablement dune année à lautre selon les conditions météorologiques. Des
températures élevées au printemps favorisent une ponte hâtive. Aux Îles-de-la-Madeleine, la ponte
seffectue généralement au cours des derniers jours de mai et au début de juin. Cette espèce a la
capacité de refaire un second nid si le premier est détruit.
La ponte compte habituellement 4 ou 5 œufs. Lincubation commence avec le premier œuf et dure
généralement entre 22 et 25 jours. Le mâle et la femelle couvent les œufs mais cest la femelle qui
passe le plus de temps au nid. Lorsquil quitte le nid, en période dincubation, le grèbe esclavon
couvre ses œufs avec des débris végétaux afin de réduire les risques de prédation et limiter la perte
de chaleur.
Léclosion est asynchrone; un à deux jours séparent généralement léclosion de chaque oisillon.
Les jeunes sont précoces et semi-nidifuges : à leur naissance, ils ont les yeux ouverts, ils sont
recouverts de duvet et ils sont aptes à suivre leurs parents. Dans les faits, ils sont cependant
continuellement couvés par les adultes au nid ou transportés sur le dos de ces derniers durant les
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premiers jours de leur vie. Lors des deux premières semaines suivant leur naissance, les jeunes
sont totalement dépendants des adultes pour leur alimentation. Les jeunes prennent leur envol vers
lâge de 45 à 60 jours, mais ils ne sont plus, pour la plupart, dépendants des parents dès lâge de
19 à 21 jours.
À la fin de la saison de nidification, le grèbe esclavon mue, ce qui le rend incapable de voler
pendant 3 à 4 semaines. Les mâles muent en août et en septembre alors que chez les femelles, la
mue se poursuit parfois jusqu'en octobre.
Le régime alimentaire de cette espèce se compose principalement de petits poissons et dinsectes,
mais il peut également consommer des crustacés, des mollusques, des polychètes et des
arachnides. Elle se nourrit principalement en effectuant des plongées, mais elle salimente aussi à
la surface de leau, en capturant des insectes qui volent près delle ou des proies accrochées à la
végétation.
Le grèbe esclavon, comme tous les autres grèbes, nest pas reconnu pour ses grandes aptitudes à
voler; une fois rendu sur son territoire de nidification, il ne le quitte pas avant la migration
dautomne. Au Québec continental, le grèbe esclavon est observé plus fréquemment à lautomne
quau printemps. Le passage migratoire printanier a lieu de la mi-avril à la mi-mai; les oiseaux
observés sont alors en route vers louest du continent, en provenance de la côte Atlantique. À
lautomne, le grèbe esclavon se voit du début septembre jusquau début novembre. Aux Îles-de-la-
Madeleine, larrivée des oiseaux a été signalée dès le 24 avril alors que les derniers oiseaux
quittent à la fin septembre.
Dynamique des populations
La dynamique des populations du grèbe esclavon est peu connue. Les données relatives à la
productivité de cette espèce sont rares et souvent difficiles à interpréter. La mortalité des jeunes
survient surtout au cours des 20 premiers jours suivant léclosion. Certaines études révèlent
quenviron 50 % des jeunes décèdent durant cette période. Par la suite, jusquà lâge de lenvol, la
mortalité est très faible. Le taux de survie des jeunes semble fonction du potentiel alimentaire, de
lâge de la femelle et du moment auquel le nid a été amorcé. De façon générale, les étangs riches
en nourriture produisent plus de jeunes, les femelles âgées de plus dun an ont un meilleur succès
de reproduction et les jeunes provenant de nids initiés tôt en saison ont de meilleures chances de
survivre jusquà lenvol.
Entre les années 1990 et 1993, on dénombrait entre 12 et 17 couples de grèbe esclavon aux
Îles-de-la-Madeleine. Les derniers inventaires systématiques de la population réalisés entre 1994 et
1999 ont montré que la population a été réduite à moins de 11 couples. En 1997, seulement
6 couples étaient présents. Les données actuelles sur la productivité de cette population ne sont
pas assez complètes pour permettre dévaluer le potentiel de lespèce à maintenir sa population sur
cet archipel. En 1994, entre 0,7 et 1,1 jeune/couple a atteint lâge denvol. Les causes de mortalité
des jeunes ne sont pas connues.
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Le grèbe esclavon est reconnu pour être relativement fidèle à ses aires de reproduction. Toutefois,
on connaît peu de choses sur lémigration et limmigration entre les populations de grèbe esclavon
en Amérique du Nord. En fait, les oiseaux qui nichent dans le centre de lAlberta et de la
Saskatchewan hivernent plutôt sur la côte du Pacifique tandis que ceux qui se reproduisent au
nord et à lest de cette région migrent probablement davantage vers la côte Atlantique et sur les
côtes du golfe du Mexique.
Facteurs limitants
De nombreux facteurs peuvent limiter la croissance des populations de grèbe esclavon. Certains
peuvent agir directement en provoquant la mort des adultes, des jeunes ou des œufs, alors que
dautres affectent les habitats que fréquente lespèce. Aux Îles-de-la-Madeleine, le climat et la
prédation constituent les principaux facteurs naturels limitants. À ceux-ci se sont ajoutés de
nouveaux facteurs limitants au cours des dernières années : le dérangement causé par la présence
humaine peut occasionner labandon des sites de nidification ou la modification des habitats,
laccumulation de grenailles de plomb dans les étangs peut entraîner lintoxication et la mortalité
dadultes et larrivée récente du grèbe à bec bigarré (1972) occasionne une compétition et ainsi
réduit le nombre détangs disponibles pour la nidification du grèbe esclavon.
Le grèbe esclavon est considéré comme une espèce spécialisée qui se montre vulnérable aux
changements que peuvent subir ses sites de reproduction. Aux Îles-de-la-Madeleine, certains
étangs, parmi les plus petits et les moins profonds, savèrent complètement envahis par la
végétation émergente, ce qui les rend inutilisables pour cette espèce. Cependant, dans des
conditions naturelles, ce processus deutrophisation se déroule à un rythme très lent et ne devrait
pas constituer un problème au cours des prochaines décennies. Néanmoins, certaines activités
humaines sont susceptibles daccélérer leutrophisation des étangs et causer la perte dhabitats
favorables au grèbe esclavon. Ainsi, les rejets dégouts domestiques près des étangs dus à
linstallation de chalets et de roulottes en bordure de certains étangs est de nature à perturber la
qualité des habitats de ce grèbe.
On sexplique mal laire de répartition limitée et le faible effectif de la population de grèbe
esclavon au Québec. Il existe vraisemblablement, partout au Québec, suffisamment d'habitats dont
les caractéristiques pourraient en principe répondre aux besoins de cet oiseau. Aux Îles-de-la-
Madeleine, les étangs qui semblent propices ou qui ont déjà été occupés par cet oiseau ne sont pas
utilisés à chaque année. Ceci laisse croire que larchipel pourrait abriter un nombre plus élevé de
couples nicheurs. Depuis la fin du siècle dernier, la disponibilité des habitats utilisés par le grèbe
esclavon dans larchipel est probablement demeurée sensiblement la même; le nombre détangs
actuellement disponibles devrait donc être suffisant pour le maintien de l'espèce. Malgré ce fait, le
grèbe esclavon demeure rare et ne profite pas des habitats disponibles. De plus, la population des
Îles-de-la-Madeleine présente des signes de déclins depuis quelques années et ses populations sont
à la limite de la survie.
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