Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) ELEMENTS D’ECOLOGIE DES EAUX CONTINENTALES 1 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Eléments d’écologie des eaux continentales Il existe une grande diversité d’écosystèmes aquatiques marins et continentaux ; chacun est structuré selon un ensemble de paramètres physiques, chimiques et biologiques spécifiques. 1. Introduction à la limnologie 1.1. Historique de la limnologie Les premiers travaux de limnologie remontent au XVIIe siècle. Cependant, l'étude des eaux intérieures ne s'est réellement développée qu'à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, et plus encore à partir de la première moitié du XXe siècle avec la création de nombreux laboratoires de limnologie à travers le monde. En Europe, le naturaliste suisse François-Alphonse Forel (1841-1912), qui consacra sa vie à l'étude du lac Léman, joua un rôle essentiel dans l'essor de cette science en créant le terme de Limnologie et en le définissant comme l'océanographie des lacs (1892). Beaucoup plus récemment (Dussart 1996) définit la limnologie comme l'étude des eaux superficielles continentales. De nos jours, les associations nationales et internationales (SIL) et les revues scientifiques (Annales de Limnologie, Limnology and Oceanography), regroupent au sein de la Limnologie l'ensemble des études ayant trait aux eaux continentales. 1.2. Définitions Limnologie : la science des eaux continentales et des organismes qui y vivent. Au sens étymologique, la limnologie est la science des lacs (du grec « limnê = lac » et « logos = science). La limnologie s'intéresse à toutes les eaux intérieures, qu’elles soient douces, saumâtres ou salées, stagnantes (lacs, étangs,...), courantes (ruisseaux, rivières...) ou souterraines (nappes, rivières souterraines...) et aux organismes de la flore et de la faune qui y sont liés ; elle examine l'ensemble des interactions entre les caractéristiques des milieux et ces organismes. Potamologie : du grec « potamos = fleuve » et « logos = science », la potamologie constitue une science particulière qui s’intéresse à l’étude des rivières. 2 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 1.3. Importance des eaux douces dans le monde Tableau 01. Importance des eaux océaniques et des eaux douces dans le monde Océans Eaux continentales Volume (103 km3) 1 370 000 125 Pourcentage (%) 97,61 0,009 Temps de renouvellement des eaux (ans) 37 000 1-100 (lacs) / 12-20 jours (rivières) Age (ans) >109 10-104 1.4. Domaines d’étude de la limnologie Limnologie (Eaux continentales) Lacs, réservoirs, étangs, fleuves, rivières, ruisseaux,… Limnologie prédictive contemporaine Limnologie physique et chimique Paléolimnologie, changements globaux, écologie numérique et spatiale, modélisation et gestion environnementale Géologie, sédimentologie, hydrologie, physico-chimie. Limnologie biologique Bactérioplancton, boucle microbienne, phytoplancton, macrophytes, zooplancton, benthos, poissons. 3 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 1.5. Milieux d’étude de la limnologie 1.5.1. Milieux lentiques : désignes les écosystèmes « fermés » d’eaux stagnantes ou eaux calmes piégées dans des dépressions du sol. Ils correspondent aux lacs, mares, lacs de barrage ou réservoirs et aux étangs. Lacs : nappes d’eau libres généralement permanentes et par conséquent régulièrement renouvelées occupant une vaste superficie. Leur profondeur va de quelques mètres à plus de 1500 m (Fig. 01). Figure 01. Photographie d’un lac (lac Léman) Le plus grand lac du monde est le Lac Baikal en Russie, avec une superficie de 31500 km², un volume de 22995 km3 (20% du volume total des eaux douces) et une profondeur maximale de 1741 m (Fig. 02). Autres grands lacs Tableau 02. Quelques grands lacs du monde Lac Continent Surface (km²) Volume (km3) Profondeur max. (m) Tanganyika Afrique 32 900 18 900 1471 Malawi Afrique 22 500 6 140 706 Victoria Afrique 68 500 2 700 92 4 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Remarque : les 10 premiers lacs constituent 87,5% du volume et 34% de la surface des eaux douces dans le monde. Figure 02. Photographie du lac Baikal Mares : nappes d’eau superficielles de faible extension, souvent temporaires (asséchement estival fréquent), couvrant moins de 5000 m² au maximum, profondes de moins de deux mètres (Fig. 03). Figure 03. Photographie d’une mare 5 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Lac de barrage (réservoir) : aménagement à la surface du sol accumulant l’eau de ruissellement d’un cours d’eau (Fig. 04). Figure 04. Photographie d’un lac de barrage (réservoir) Etang : étendue assez importante d’eau stagnante dont la profondeur maximale est de 10 à 15 mètres (Fig. 05). Figure 05. Photographie d’un étang 1.5.1. Milieux lotiques : désignes les écosystèmes « ouverts » d’eaux courantes, caractérisés par un écoulement apparent de l’eau, la plupart du temps permanent. Ils correspondent aux ruisselets, ruisseaux, torrents, rivières et fleuves. 6 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Ruisselet : détermine qu’un petit ruisseau à une pente longitudinale forte et de largeur égale ou inférieure à un mètre (Fig. 06). Figure 06. Photographie d’un ruisselet Ruisseau: petit cours d’eau peu profond, à une largeur supérieure de un mètre et au débit modéré (jusqu’à 2 m3/s) (Fig. 07). Figure 07. Photographie d’un ruisseau 7 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Torrent: cours d’eau au débit rapide et irrégulier, situé sur une pente plus ou moins prononcée, sur des terrains accidentés ou en montagne. Les torrents peuvent connaître des crues très brutales (rapides dans le temps) et très importantes en volume (Fig. 08). Figure 08. Photographie d’un torrent Rivière: cours d’eau qui s’écoule sous l’effet de la gravité dans un chenal naturel en empruntant une suite de dépressions et qui se jette par une embouchure dans une autre rivière, un lac ou un fleuve. Fleuve: désigne toute rivière, quelle que soit sa puissance, qui atteint un plan d’eau terminal, un océan, une mer intérieure ou extérieure ou exceptionnellement dans un désert (cas du fleuve de l’Okavango) (Fig. 09). 8 Figure 09. Photographie d’un fleuve M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 1ère Partie : Ecologie des systèmes lotiques 1. Généralités L'écologie des systèmes lotiques est l’étude des interactions biotiques et abiotiques dans les flux d'eaux courantes continentales. Bien que les milieux lotiques prennent des formes différentes allant du ruisselet au grand fleuve, ils ont une étude commune du fait qu’ils représentent une écologie unique par rapport aux autres habitats aquatiques. Ces caractéristiques se résument ainsi : Durée de vie longue, à l’échelle géologique parfois. Écoulement sous l’effet de pente. Vitesse d’écoulement hétérogène Faible profondeur, ce qui leur confère une zonation longitudinale Ecosystèmes ouverts, ayant des apports externes de matière organique et minérale Un courant assurant le brassage et l’échange de matière La forêt et la nappe peuvent réguler le débit d’eau, la première étant un consommateur important et la deuxième en assurant un apport. 2. Facteurs agissants sur les écosystèmes lotiques 2.1. Hydromorphologie 2.1.1. Hiérarchie du réseau hydrographique (indices de Stralher) : Le réseau hydrographique est un ensemble d’affluents qui se jettent les uns dans les autres pour former un cours d’eau principal. Chaque cours d’eau obéit à une hiérarchie. Un cours d’eau n’augmente pas dans la hiérarchie lorsqu’il reçoit un affluent d’ordre inférieur (Fig. 10). 9 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 10. Evolution de la hiérarchie dans un cours d’eau La densité du réseau dépends du substrat, on trouve des réseaux dendritiques denses dans les roches imperméables tandis qu’il est moins dense dans les roches plus ou moins perméables tel les systèmes karstiques dans les roches calcaires. Les rangs de 1 à 3 caractérisent les petits cours d’eau, ou têtes de bassin (ruisselets et ruisseaux). Les rangs de 4 à 8 caractérisent les cours d’eau les plus larges (torrents, rivières et fleuves). L’indice de Stralher des petits cours d’eau est déterminé à partir d’une carte au 1/25000ème. Règles de calcul : Tout cours d’eau sans affluent est d’ordre de 1 Un cours d’eau formé par la confluence de deux cours d’eau d’ordre (X) est d’ordre (X+1) « 1+1 2 ; 2+2 3 ; 3+3 4,…etc. » Un cours d’eau formé par la confluence de deux cours d’eau d’ordres différents prend l’ordre du cours d’ordre le plus élevé « 2+1 2 ; 3+2 3 ; 3+4 4,…etc. ». 2.1.2. Profil d’un cours d’eau 2.1.2.1. Profil en longueur (longitudinal) Il correspond à l’évolution de la pente depuis la source jusqu’à l’embouchure. Alors suivant les cours d’eau, on peut avoir différents types de profils, et dans tous les cas, il se produit des régulations qui aboutissent à un phénomène d’équilibre, correspondant à un niveau où le cours d’eau cesse de creuser son talweg (Fig. 11). 10 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 11. Schéma représentatif d’un profil longitudinal d’un cours d’eau L’espace longitudinal et latéral qu’occupe un cours d’eau et ses composantes (chenal principal et plaine d’inondation) est appelé « corridor du cours d’eau » (Fig. 12) ; la figure présente aussi les principaux termes utilisés. 11 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 12. Concept de corridor d’un cours d’eau Lit : désigne tout l’espace occupé, en permanence ou temporairement, par un cours d’eau. Talweg : l’endroit le plus profond d’un cours d’eau. Berge : c’est la portion de terrain qui limite tout cours d’eau et elle est subdivisée en deux parties (Fig. 13) « ou » la zone de transition entre le milieu aquatique et le milieu terrestre. 12 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 13. Schéma représentatif d’une berge dans un cours d’eau Talus : proprement dit, qui n’est qu’occasionnellement en contact avec le courant et qui est situé au-dessus du niveau moyen des eaux. Pied de talus : la zone du talus soumise à l’action quasi permanente du courant et qui est située sous le niveau moyen des eaux. La limite inférieure de la berge est le point le plus bas du pied 2.1.2.2. Profil en travers (transversal) Le niveau d’eau et l’espace occupé par le cours d’eau varie en fonction de son débit. Un cours d’eau analysé selon sa coupe transversale (Fig. 14) présente une section principale occupée par les écoulements normaux (appelé lit mineur) et une plaine d’inondation occupée lorsque le cours d’eau est en crue. 13 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 14. Coupe transversale d’un cours d’eau Plaine d’inondation : zone de terrain inondée lors du chenal du cours d’eau lorsque le cours d’eau est en crue. Lit mineur : lit du cours d’eau en écoulement normal. Lit majeur : lit qu’occupe le cours d’eau lors des crues, incluant les zones inondées. Lit d’étiage ou chenal d’étiage : partie du cours d’eau occupé lors des étiages. Style fluvial : la forme générale du lit, qui se rattache à des types très différenciés, par exemple : 14 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Rectiligne Tresse Bras mort Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 15 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 2.2. Aspects d’écoulement 2.2.1. Mesure du débit Définition : Le débit est la quantité d’eau passant par une section donnée par un temps donné : Q (m3/s) = S (m2) x V (m/s) Q : Débit S : Section mouillée « Profondeur moyenne (Hm) x Largeur superficielle (L) » V : Vitesse moyenne d’écoulement. Station hydrométrique ou limnimétrique pour la mesure de débit : Ces stations sont équipées par les services responsables de l’hydraulique. Les données sont généralement groupées dans des annuaires hydrologiques. L’étude du débit d’hydrologie fluviale est basée sur les variations de la hauteur de la surface d’eau. Cette hauteur est mesurée soit par des échelles limnimétriques graduées que l’on place dans des stations hydrologiquement stable (sans érosion ni sédimentation) soit, automatiquement grâce à un limnigraphe à flotteur et dont les déplacements sont enregistrées sur un cylindre, fournissant des données sur toute la journée en continu (Fig. 15). M. Idriss BOUAM 16 Figure 15. Représentation simplifiée d’une station hydrométrique 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Calcul de vitesse : Les méthodes de jaugeage des débits des rivières sont nombreuses et variées ; certaines d'entre elles sont très peu utilisées, d'autres le sont très souvent. Il faut savoir que plus de 80% des jaugeages sont réalisés aujourd'hui avec un moulinet hydrométrique. On distinguera : Les méthodes globales : dans lesquelles « Q » est mesuré directement (méthode volumétrique, seuils jaugeurs, dilution chimique, électromagnétisme). Les méthodes complètes : dans lesquelles les trois composantes « Hm, L, V » sont mesurées séparément (essentiellement moulinet hydrométrique). Les méthodes incomplètes : dans lesquelles le champ des vitesses est exploré de façon partielle (ultrasons, bateau mobile, flotteurs). Exemple d’une méthode complète : La vitesse de l’eau est hétérogène au niveau de la section mouillée. Pour mesurer cette vitesse, on utilise des courantomètres (Fig. 16). On réalise des mesures de vitesse sur des profils rapprochés verticaux (tous les 20 cm), puis on rapporte les mesures sur la section mouillée et on rejoint les points à vitesses égales, on réalise ainsi ce qu’on appelle des isotaches. 17 Figure 16. Courantomètre M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Chaque débit partiel est un isotache, la somme des isotaches donne le débit total. Selon BERG : V < 10cm/s : Vitesse très lente 10 < V < 25cm/s : Vitesse lente 25 < V < 50cm/s : Vitesse moyenne 50 < V < 1 00cm/s : Vitesse rapide V > 100cm/s : Vitesse très rapide Le débit brut est le débit moyen annuel exprimé en m3/s. Le débit brut moyen de la rivière de l’Amazonie est de 180m3/s. Une rivière de la méditerranée a un débit brut approximatif de 5 à 10 m3/s. 2.2.2. Les différents régimes hydrologiques Le terme de régime hydrologique désigne l’ensemble des variations de l'état et des caractéristiques d'une formation aquatique, qui se répètent régulièrement dans le temps et dans l'espace et passent par des variations cycliques, par exemple, saisonnières. On distingue : Régime glacière : Hautes eaux en été lors de la fonte des glaces, et étiage en hiver. Régime Nival : Hautes eaux au printemps (fonte de neige) et étiage en hiver. Régime Pluvial océanique : Hautes eaux périodique due aux précipitations. Régime pluvio-nival : Hautes eaux en automne par précipitations et au printemps par fonte de neige, étiage en hiver et en été. 2.3. Courant Le courant est la caractéristique fondamentale d’un cours d’eau, il dépend de la longueur du cours d’eau, de sa profondeur et de la rugosité du font. On distingue : Un courant laminaire : où les couches liquide glissent parallèlement les unes par rapport aux autres (Fig. 17). Un courant turbulent : où la masse d’eau se désagrège dans des sens différents (Fig. 18). 18 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Figure 17. Courant laminaire Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 18. Courant turbulent 2.3.1. Action du courant Le courant agit principalement sur les deux composants d’un écosystème. Sur le biotope en influant la nature du substrat du fond comme suit : 19 Figure 19. Différentes formes de l’érosion verticale M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Sur la biocénose, le courant à une action contre l’eutrophisation en assurant l’oxygénation des eaux, il permet également l’évacuation des déchets ; l’homogénéité des paramètres physico-chimiques ainsi qu’une action de sélection selon la force du courant, permet de distinguer une variété d’espèces : Espèces rhéophiles : capables de vivre en plein courant (Fig. 20). Espèces lénitophiles : se développant dans les eaux stagnantes ou à courant très faible (Fig. 21). Espèces torrenticoles : pouvant résister à de forts courants (Fig. 22). Figure 20. Branchiura sowerbyi « espèce rhéophile » Figure 21. Cottus gobio « espèce lénitophile » Figure 22. Eleutherodactylus barlagnei « espèce torrenticole » 2.4. Caractéristiques physico-chimiques des eaux courantes 2.4.1. Caractéristiques physiques 2.4.1.1. Température Dans les eaux courantes les amplitudes thermiques sont plus larges qu’en eau stagnante, les maximas sont de l’ordre de presque 30°C ou légèrment plus, tandis que les M. Idriss BOUAM 20 minimas atteignent 0°C et parfois légèrement négatives. 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 2.4.1.1.1. Variation journalière C’est l’écart thermique sur 24h. Il est très faible en hiver et maximal en été (15 à 16°C), il dépend du réseau hydrographique, à la source par exemple cet écart est souvent inférieur à 1°C, et dépend également de la grandeur du cours d’eau (important dans les petits cours d’eau et faible dans les grands). 2.4.1.1.2. Variations saisonnières et annuelles Elle dépend également du positionnement du cours d’eau dans le réseau, avec des amplitudes thermiques plus ou moins constantes près de la source et variables en aval (vers la vallée), avec une tendance à l’augmentation. La température varie également selon la saison et donc le climat ; en climat méditerranéen l’eau est froide l’hiver et en début de printemps et chaude en été. En climat tempéré, l’eau est froide au printemps et en début de l’été mais chaude vers sa fin. 2.4.1.1.3. Action de la température Sur la biocénose, la variation thermique aboutit à une distribution longitudinale des espèces, tel le cas des planaires (vers plats aquatiques) (Fig. 23) qui présentent la succession de zone à Crenobia alpina, Polycelis felina et Dugesia gonocephala depuis l’amont (vers la montagne) vers l’aval. Figure 23. Espèce de planaires 2.4.1.2. Lumière L’importance de la lumière dans un cours d’eau réside en son rôle désinfectant et de photosynthèse, la lumière du soleil est la première source d’énergie des écosystèmes terrestres. L’intesité de la lumière est influencée par a densité de forêt, l’existence de falaises, la largeur et la profondeur du cours d’eau ou encore par la couverture nuageuse. 21 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 2.4.1.3. Turbidité et les matières en suspension (MES) 2.4.1.3.1. Turbidité La turbidité est une caractéristique optique de l’eau et désigne la teneur d’un fluide en matières qui le troublent. La turbidité est due à la présence de particules minérales ou organiques en suspension dans l’eau, ainsi, plus une eau est chargée en biomasse ou en particules sédimentaires, plus elle est turbide (Fig. 23). Figure 23. Fleuve Betsiboka (Madagascar) illustrant la turbidité de l’eau Les conséquences de la turbidité concernent : la pénétration de la lumière et des ultra-violets dans l’eau, limitant ainsi la photosynthèse et le développement des populations microbiennes ; une forte turbidité affecte la couleur de l’eau, son évaporation et sa température donc sa teneur en oxygène. La turbidité de l’eau peut être calculée à l’aide d’un turbidimètre (Fig. 24). 22 Figure 24. Turbidimètre M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 2.4.1.3.2. MES Les matières en suspension (MES) sont des matières fines minérales ou organiques insolubles visibles à l’oeil nu, ils contribuent à la turbidité de l’eau. En effet, les MES et les particules solides transportées dans les cours d’eau proviennent de l’érosion de la couche superficielle des sols sou l’action dynamique de l’écoulement des eaux. Les MES sont à l’origine d’une dégradation de la qualité biologique des cours d’eau : par la production de sédiments et le colmatage des habitats au fond des cours d’eau ; par constitution d’une réserve de pollution potentielle dans les sédiments ; par le colmatage des branchies des poissons. 2.4.2. Caractéristiques chimiques 2.4.2.1. Oxygène dissous L’oxygène est un gaz peu soluble dans l’eau, ce qui en fait un facteur limitant dans les écosystèmes aquatiques. La concentration de saturation de l’oxygène est comme suit : En atmosphère : [O2]=213cm3/L En eau : [O2]=10cm3/L La saturation de l’eau en oxygène varie selon la température de l’eau : A 0°C 14,56 mg/L d’oxygène dissous A 10°C 11,25 mg/L d’oxygène dissous A 20°C 9,09 mg/L d’oxygène dissous A 30°C 7,49 mg/L d’oxygène dissous A 100°C 0 mg/L d’oxygène dissous L’oxygène dissous dans l’eau provient soit de l’atmosphère (phénomène physique) soit par photosynthèse (phénomène biologique). En montagne, où les températures de l’eau sont faibles, les cours d’eau sont faiblement peuplés en algues ; l’oxygène dissous est souvent d’origine atmosphérique, on y observe des teneurs maximales pendant la nuit et minimales en moitié de journée. Tandis qu’en aval, le développement des organismes photosynthétiques d’une part et l’augmentation des températures d’autre part font du phénomène biologique de photosynthèse l’apport principal de ce gaz dans l’eau. 23 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Selon le besoin des poissons en oxygène, on distingue 4 catégories : 1er groupe : 7 à 11cm3/L (salmonidés,...) (Fig. 25) ; 2ème groupe : 5 à 7 cm3/L (ombre,...) (Fig. 26) ; 3ème groupe : moins de 4 cm3/L (gardon,...) (Fig. 27) ; 4ème groupe : 0,5 à 2 cm3/L (carpe,...) (Fig. 28). Figure 25. Saumon de coho « Oncorhynchus kisutch » Figure 26. Ombre commun « Thymallus thymallus » Figure 27. Gardon « Rutilus rutilus » 24 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Figure 28. Carpe commune « Cyprinus carpio » 2.4.2.2. Carbonates dissoutes Le CO2 est un gaz beaucoup plus soluble dans l’eau que l’oxygène et ne constitue donc pas un facteur limitant (Tab. 03). Il est cependant essentiel pour la synthèse de la matière organique. Tableau 03. Saturation de l’O2 et du CO2 dans les mêmes températures d’une eau douce T° Saturation en O2 Saturation en CO2 0°C 14,56 mg/L 759,47 mg/L 20°C 9,09 mg/L 365,54 mg/L 30°C 7,49 mg/L 260,06 mg/L En plus de la respiration des organismes et de la dégradation de la matière organique, le dioxyde de carbone provient également de l’atmosphère, des eaux de pluies acides riches en CO2 et de la dissolution des carbonates du sol. La consommation du CO2 se fait par les végétaux et les algues lors du processus de photosynthèse, mais il est également consommé pour former des coquilles et des carapaces. 2.4.2.3. pH Le pH des eaux naturelles est généralement compris entre 6,5 et 8,5 ; mais il peut aller à des valeurs extrêmes jusqu’à 3 (dans le cas de substrat rocheux acide), et jusqu’à 10 (dans le cas de système karstique à substrat calcaire). A pH inférieur à 5, les conditions de vie deviennent défavorables. Le pH de l’eau est mesuré à l’aide d’un pH mètre. 25 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 2.4.2.4. Conductivité La conductivité d’une substance est définie comme l’habilité ou la puissance à conduire ou transmettre la chaleur, l’électricité ou le bruit. La conductivité de l’eau est en fonction de la minéralisation (la salinité) de l’eau, ainsi, la conductivité électrique de l’eau distillée est de l’ordre de 1µs/cm/cm², tandis que celle de l’eau de mer est de 35000 µs/cm/cm². La conductivité de l’eau est mesurée à l’aide d’un conductimètre (Fig. 29). Figure 29. Conductimètre 2.4.2.5. Sels de Calcium et Magnésium Les sels de Calcium et de Magnésium représentent les éléments clés de la productivité du milieu aquatique et indiquent la dureté de l’eau ; cette dernière se définie comme un indicateur de la minéralisation de l’eau. Dureté totale = Dureté calcique + Dureté magnésienne = [Mg++] + [Ca++] L’unité de mesure de la dureté de l’eau en Algérie est le degré de dureté de la France (dF). Les degrés de dureté de l’eau sont classés comme suit : 0 à 7 dF Eau très douce ; 7 à 15 dF Eau douce ; 15 à 25 dF Eau moyennement dure ; 25 à 42 dF Eau dure ; > 42 dF Eau très dure. 26 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 2.4.2.6. Autres sels importants Il s’agit de l’azote et du phosphore. L’azote peut être sous forme minérale (NH4 « ammonium », NO3 « nitrate », NO2 « dioxyde d’azote »), ou organique (protéines, acides aminés, urée). Les apports peuvent être exogènes (eau de pluie, lessivage de la matière organique du sol et fixation de l’azote atmosphérique ; ou endogènes (décomposition et recyclage de la matière organique de l’écosystème lui-même). Le phosphore est le composant principal de l’os, il rentre également dans la composition de certains lipides du système nerveux (phospholipides) et est la source d’énergie la plus facilement utilisable par la cellule (ATP). Son élimination par les urines assure l’équilibre acido-basique de l’organisme. Les apports principaux de phosphore sont le lessivage des sols agricoles, la dissolution des roches sédimentaires, la décomposition de la matière organique et les effluents urbains (détergents) ; mais des proportions élevés en phosphore provoque l’eutrophisation des eaux. 3. Le concept de continuum fluvial Le concept de continuum fluvial (River Continuum Concept) a été introduit dans les années 1980 par Vannote, R ; c’est un modèle descriptif longitudinal du fonctionnement écologique des cours d’eau. Les communautés biologiques des rivières sont structurées en fonction de l’évolution des conditions abiotiques de l’amont vers l’aval. La rivière apparait comme un continuum défini par des transferts longitudinaux permanents et une zonation amont-aval. Dans sa partie supérieure « crénon » : l’eau, d’une température faible et constante, provient des hydro-systèmes souterrains ou de la confluence de petits ruisseaux. Souvent associée à des zones de fortes pentes, l’eau est rapide, claire et fortement oxygénée. Elle est riche en éléments minéraux mais dépourvue de matière organique ou particulaire fine. C’est au niveau du « rhithron » : que les communautés commencent à se diversifier. Cette zone est caractérisée par : une forte pente ; des courants rapides favorables à une érosion et une faible sédimentation fine. L’agitation de l’eau, les turbulences favorisent une bonne oxygénation de l’eau sur 27 toute sa profondeur. La température moyenne annuelle reste stable et inférieure à 20°C. M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) Les conditions abiotiques favorisent les espèces rhéophiles et sténothermes (organismes tolérant des variations thermiques de faible amplitude autour des valeurs moyennes). Le lit grossier du cours d’eau offre des refuges pour les organismes qui ne s’exposent pas directement au courant mais restent dans les zones d’eau morte de la rivière ménagées par les berges et sous les pierres. La rivière est peuplée de nombreuses larves d’Hexapodes ; dans les zones calmes s’installent Crustacés, amphipodes (crustacés de petite taille), Turbellariés (vers plats), Oligochètes (vers au corps métamérisé), et Mollusques. Les animaux résistent au courant par des adaptations morphologiques et des structures spécialisées. Dans cette partie, les salmonidés (truite, saumon), adaptés aux courants et bénéficiant d’une forte oxygénation de l’eau, sont favorisés. La stabilité thermique de l’eau traduit la faible pénétration du rayonnement solaire. A ce niveau, la faible largeur de la rivière permet son recouvrement partiel ou total par les végétaux des berges. Faible apport de lumière et courants rapides sont défavorables au développement du phytoplancton. Les plantes supérieures sont quasi absentes mais certaines mousses et algues sont capables de se fixer sur les cailloux. La source principale d’apport en matière organique disponible pour les consommateurs primaires correspond aux particules et débris végétaux (feuilles, branchettes,…). À partir du « potamon » : la pente faible ralentit les courants et limite les phénomènes érosifs. L’eau présente un écoulement laminaire sur un fond alternant progressivement graviers, sables, puis sédiments fins. La rivière s’élargit, la pénétration de l’énergie solaire échauffe une eau plus calme (température estivale pouvant dépasser 20°C). La lumière permet la croissance de communautés phytoplanctoniques abondantes et diversifiées. Mousses et algues filamenteuses sont accompagnées d’une végétation enracinée dans le fond de la rivière. Ces supports permettent le développement important du periphyton (mélange complexe d’algues, de cyanobactéries, de microbes hétérotrophes et dedétritus). Les peuplements animaux s’enrichissent. Plus bas, la profondeur augmente, l’agitation et les turbulences sont réduites, la température augmente. Ces facteurs contribuent à une baisse de l’oxygène dissous qui peut être partiellement compensée par la production d’oxygène des turbidité des eaux, enrichies en matière particulaire organique et minérale ; les cyprinidés M. Idriss BOUAM 2013/2014 28 fortes activités photosynthétiques diurnes des végétaux. En revanche, plus en aval, la forte Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) (barbeaux, vandoises, chevesnes, gardons...), capables de supporter des teneurs réduites en oxygène, dominent. Dans la partie terminale, l’eau est chargée en matière organique et particules fines provenant de l’ensemble du système amont. Les eaux très turbides empêchent la pénétration profonde de la lumière et par conséquent, le développement des végétaux benthiques. L’abondance croissante de poissons tels le flet, poisson plat exploitant le benthos, annonce le passage progressif des eaux douces aux eaux saumâtres puis marines. Figure 30. Schéma représentatif du concept de continuum fluvial 4. Dynamique des nutriments dans un cours d’eau 4.1. La production primaire Elle est la base du fonctionnement énergétique des écosystèmes. Elle correspond à la synthèse de matière organique à partir des éléments minéraux et d’une source d’énergie. Pour au moins 99 % de la biomasse produite dans la biosphère, la production primaire est assurée photosynthèse conduit à la formation de maillons carbones (-HCOH-) qui, associes a d’autres M. Idriss BOUAM 2013/2014 29 par les organismes photoautotrophes (producteurs primaires) via la photosynthèse. La Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) éléments (azote, phosphore…), forment les molécules de la matière organique (protéines, acides nucléiques…). Le niveau de production par les organismes photosynthétiques aquatiques est déterminé par la variabilité dans l’espace et le temps de trois facteurs physicochimiques : disponibilité en dioxyde de carbone, apport d’éléments minéraux et disponibilité en lumière. Le dioxyde de carbone n’est jamais limitant. En revanche, la disponibilité en énergie lumineuse dépend principalement de la profondeur de l’eau, de sa turbidité (charge en particules en suspension) mais également de l’interception du rayonnement par les végétaux eux-mêmes (effet d’ombre). Les quantités en éléments minéraux (azote, phosphore, fer...) peuvent être limitantes. Les écosystèmes aquatiques continentaux sont rarement carences du fait principalement des apports transversaux. Dans les systèmes lotiques, les producteurs primaires sont variés : cyanobactéries, microalgues planctoniques ou benthiques, macroalgues, mousses et phanérogames (plante ayant des organes de reproduction apparents) hydrophytes. 4.2. Production secondaire La biomasse végétale produite est consommée par un ensemble d’organismes herbivores ou omnivores : les consommateurs primaires. Ils sont à l’origine d’une nouvelle production de matière : la production secondaire (biomasse animale). La production secondaire est consommée par des consommateurs secondaires, carnivores ou omnivores, pour former une nouvelle production de matière. Chaque niveau de production et/ou de consommation correspond à un rang ou niveau trophique. D’un rang producteur à un rang consommateur, tout ce qui est disponible n’est pas nécessairement utilisé et une partie seulement de la production d’un rang est exploitée par le rang supérieur. De la même manière, une partie seulement de ce qui est consommé est réellement assimilée. Enfin, une fraction de ce qui est assimilé est allouée aux dépenses énergétiques, l’autre servant à la production d’une nouvelle matière disponible pour les rangs trophiques supérieurs. Par conséquent, entre la production d’un rang et du rang supérieur intervient une perte importante de matière (et donc d’énergie). En général, on peut considérer qu’un dixième seulement de la matière d’un rang producteur est réellement transformé en nouvelle matière par le rang supérieur. 4.3. Décomposeurs La matière non-exploitée (les restes), non-assimilée (déchets digestifs) et les éléments excrétés (déchets métaboliques) seront exploités par un autre compartiment biologique, les M. Idriss BOUAM 2013/2014 30 décomposeurs. Ces décomposeurs permettent la minéralisation de la matière organique, Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) rendant à nouveau disponibles les éléments minéraux (azote, phosphore…) pour les producteurs primaires. A chaque niveau, plusieurs espèces végétales (producteurs) et animales (consommateurs et/ou producteurs) interviennent. Dans un même écosystème, plusieurs voies ou chaines alimentaires sont réalisées, formant un réseau alimentaire ou réseau trophique. Figure 31. Schéma représentatif d’une chaîne trophique dans un cours d’eau 31 M. Idriss BOUAM 2013/2014 Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) 5. Stratégies adaptatives des êtres vivants colonisant les milieux lotiques La vie dans les eaux courantes crée des situations particulières en raison de la nature même de l'eau courante, fluide et en constant mouvement. Par exemple, les insectes doivent demeurer dans leur habitat et ne pas être entraînés par le courant, sauf délibérément. Ils ont donc développé toutes sortes de stratégies et d'adaptations pour se fixer près des rives, sous les pierres, parmi les plantes,...etc. Mais la vie dans les eaux courantes n'a pas que des inconvénients, c'est l'assurance pour les insectes de trouver en permanence de l'oxygène dissous, qu'ils peuvent extraire du milieu au moyen de branchies ou de plastrons soyeux spécialisés. Plus que les eaux stagnantes, les eaux courantes sont souvent des milieux pérennes, assurant à leurs habitants de l’eau en permanence. Les débits des cours d’eau varient cependant de façon considérable tout au long de l’année, en particulier en plaine, soumettant ainsi les insectes à des difficultés temporaires. Les formes d’adaptation des peuplements animales peuvent se manifester comme suit : • Forme du corps : le corps a généralement une forme plus aplatie. • Respiration : la respiration des organismes est généralement branchiale ce qui permet aux organismes d’éviter de remonter à la surface. • Appendices : Les pattes sont souvent munies de divers appendices qui leurs permettent de se fixer au substrat. Ces appendices peuvent être des ventouses, des crochets,… Exemple : les Coléoptères des eaux courantes Tout comme dans les milieux à eaux stagnantes, les Coléoptères sont des composants majeurs de la faune des eaux courantes. Leurs adaptations morphologiques à ces milieux sont remarquables, à tel point que la plupart des familles ont des représentants dans les eaux courantes. Une famille, celle des Elmidae, est pratiquement spécialisée et adaptée à la vie dans les torrents et les rivières. Ses représentants vivent agrippés aux plantes aquatiques (EImis, Limnius,...etc.) ou aux pierres du fond (Stenelmis). Une espèce, Macronychus quadrituberculatus (Fig. 32), a un développement caricatural de ses longues pattes à griffes très robustes qui lui permettent de bien s’agripper face au courant. Ses déplacements sont lente, elle ne nage pas du tout, mais s’agrippe énergiquement au substrat et aux plantes. Sa nourriture est faite d’algues microscopiques et de débris végétaux de petite taille. L’adulte n’a revêtement de très fines soies retenant une mince couche d’air, le plastron respiratoire, grâce M. Idriss BOUAM 2013/2014 32 pas besoin de revenir à la surface pour respirer, car il est couvert sur sa face inférieure d’un Eléments d’Ecologie des Eaux Continentales Licence : Sciences de l’Environnement (Dépt. S.N.V., Univ. Batna) auquel les échanges gazeux s’effectuent entre l’insecte et l’eau. L’oxygène est capté grâce aux soies, qui sont en relation avec le système trachéal. Lorsque le taux d’oxygène diminue dans la bulle ventrale, il est immédiatement compensé par l’arrivée d’oxygène dissous. Le dioxyde de carbone produit par l’insecte se dissout dans l’eau. Les Elmidae se laissent fréquemment entraîner par le courant, en particulier pendant la nuit, fournissant ainsi une quantité importante de proies aux poissons insectivores, dans les rivières à truites. Figure 32. Macronychus quadrituberculatus 33 M. Idriss BOUAM 2013/2014