IRM DE LA PEAU PATHOLOGIQUE : Résultats préliminaires H Chiavassa-Gandois, ML Despeyroux-Ewers, O Loustau, J Vial, C. Murat-Lalande, MC Marguery, N Sans, JJ Railhac CHU Toulouse - Purpan Les avantages de l’IRM dans l’exploration de la peau se dessinent avec plus de précision au fil des avancées technologiques. L’IRM fournit de multiples contrastes, renseigne sur les caractéristiques des différents constituants de la peau, et notamment permet l’analyse des couches cutanées. Associée à la spectroscopie, elle informe sur la composition chimique des tissus. Matériel et méthode • Les examens IRM ont été réalisées chez des patients hospitalisés ou vus en consultation, pour la plupart en Dermatologie, en Médecine Interne ou en Rhumatologie. • Nous avons diversifié les types de pathologies dermatologiques. IRM • IRM de 1,5 Tesla (GE Medical Systems) • Une antenne dédiée à l’étude de la peau (antenne « 3 Inch » de 7,5 cm de diamètre) était utilisée permettant d’optimiser la sensibilité de la réception. L’antenne était fixée sur la peau du patient afin de l’immobiliser le plus possible. Réalisation de l’examen • Les patients étaient tous installés en décubitus dorsal quelque soit le site étudié. Deux séquences d’acquisitions étaient réalisées sur le site étudié, sans modifier la position de l’antenne entre les séquences : – La séquence FIESTA (Fast Imaging Employing Steady-State Acquisition) qui correspond à une séquence d’écho de gradient comprenant un transfert complet de magnétisation – La séquence spin-écho classique pondérée en T1 FIESTA SPIN ECHO Temps de répétition (TR) 10,6 ms 350 ms Temps d’écho (TE) 3,2 ms 20-22 ms Angle de bascule (θ) 70° Nombre d’acquisition 4 2 Epaisseur de coupes 1 mm 2,4 mm FOV 6 x 6 cm 3 x 3 cm Matrice de reconstruction 512² 512 x 256 Taille du pixel 55 µm 27 µm Temps d’acquisition 2.55 min 1.33 min Réalisation de l’examen • Une étude du côté controlatéral sain, strictement comparatif était le plus souvent réalisé. • Le repérage de la lésion cutanée était réalisé après repérage de « l’antenne peau » à l’aide de l’antenne « torso » Antenne peau Rappels • L’IRM permet d’obtenir des données macroscopiques et il nous semble utile de rappeler quelques éléments essentiels de la structure anatomique de la peau. • Même s'il existe de réelles variations topographiques, l'architecture générale de la peau reste toujours la même. Anatomie de la peau • La peau se compose d'une couche stratifiée superficielle, l'épiderme, qui repose sur un tissu de soutien, le derme. La couche profonde ou hypoderme est aussi appelée tissu sous-cutané. EPIDERME 1: couche cornée 2: couche granuleuse 3: couche malpighienne DERME 4: papilles dermiques 5: glande sébacée 6: poil 7: glande sudoripare avec son 8 : canal excréteur 9: muscle arrecteur du poil 10: vaisseaux sanguins HYPODERME 11: lobules adipeux RAPPELS SUR L’IRM DE LA PEAU SAINE Thèse : IRM de la peau saine (C. Murat-Lalande: Toulouse 2003) Fascia musculaire Tissu graisseux sous-cutané Hypoderme Derme Mollet normal Epiderme EPIDERME : bande linéaire en hypersignal L'épiderme qui constitue la couche la plus superficielle de la peau, est un épithélium pavimenteux stratifié kératinisé.Il ne contient aucun vaisseau sanguin ni lymphatique, mais renferme de nombreuses terminaisons nerveuses libres. Son architecture microscopique générale montre une organisation en couches successives: le stratum germinativum (ou couche basale), qui repose sur la membrane basale à la jonction dermoépidermique, le stratum spinosum, le stratum granulosum (ou couche granuleuse), le stratum lucidum et enfin tout à fait en surface le stratum corneum (ou couche cornée). La couche cornée est celle dont l’épaisseur varie le plus et elle peut à elle seule représenter plus de la moitié de l’épiderme dans certaines zones anatomiques (paumes des mains, plantes des pieds). T1 X5 COUCHE CORNEE FIESTA 1 4 X5 3 1 T1 1. Stratum corneum 2. Stratum lucidum 3. Epiderme 4. Derme papillaire Stratum Lucidum non vu DERME : hyposignal T1 et FIESTA Le derme est un tissu conjonctif de soutien sur lequel repose l’épiderme. Il correspond à la couche la plus épaisse de la peau. Il est séparé de l’épiderme par la jonction dermo-épidermique ou membrane basale et est en continuité avec l’hypoderme. Le derme comprend deux zones : une zone superficielle, le derme papillaire et une zone profonde le derme réticulaire qui se continue sans limite bien définie avec l’hypoderme. Fiesta X5 Follicule pilo-sébacé Interface derme papillaire-derme réticulaire HYPODERME L'hypoderme constitue la troisième couche du revêtement cutané, pondéralement la plus importante et est essentiellement composé de graisse. La graisse cutanée est en contact avec le derme en haut et l'aponévrose superficielle en profondeur. Elle comporte des lobules adipocytaires délimités par des cloisons conjonctives (septums interlobulaires) dans lesquelles cheminent les vaisseaux et les nerfs destinés à la vascularisation et à l'innervation de la graisse elle-même et du derme sus-jacent. Le derme et l'hypoderme sont des structures richement vascularisées par des artérioles de moyen puis de petit calibre, de capillaires et de veinules et innervées par un réseau très systématisé réseau vasculaire profond HYPODERME – Indentations de l’hypoderme – Orientation des septa • Perpendiculaires chez la femme, obliques chez l’homme Querleux B, Skin Res Technol, 2002 LES ANNEXES D’autres éléments anatomiques entrent dans la composition de la peau en particulier des annexes épithéliales: les follicules pilosébacés auxquels sont annexés les muscles lisses pilomoteurs et les glandes sudorales eccrines et apocrines. Mollet Les follicules pilo-sébacés Structure linéaire en hypersignal Tige pilaire non vue Orientation plus perpendiculaire à la surface cutanée au niveau du dos qu’au mollet Dos Glande eccrine ? TALON FIESTA Canaux excréteurs ? Artéfact lié au positionnement de l’antenne, fréquemment retrouvé IRM PATHOLOGIQUES CAS CLINIQUES • M. Cré, 55 ans présentant un érysipèle de la jambe trainant depuis 3 semaines T1 – IRM centrée sur la face antérieure de jambe • Épaississement dermohypodermique en rapport avec une dermohypodermite – respect de l’aponévrose superficielle (), l’atteinte de cette dernière serait en faveur d’une fasciite nécrosante FIESTA Mme Alb. 55 ans,atteinte de sclérodermie cutanée, traitée par photothérapie (UVA1). Suivi sous traitement par échographie et/ou IRM. FIESTA IRM d’une plaque au niveau de la jambe: Épaississement de l’hypoderme, perte du contenu graisseux, la graisse hypodermique est remplacée par une structure en hyposignal en T1 et Fiesta Zone saine contro-latérale T1 SCLERODERMIE: SUIVI SOUS PHOTOTHERAPIE UVA1 IRM comparative site strictement identique Janvier 06 Avril 06 Diminution de l’épaisseur du derme sous traitement Mme Wat…, 67 ans , suivie pour un scléromyxoedème, associé à une gammapathie monoclonale sous traitement par Thalidomide. Nombreuses lésions cutanées. IRM au niveau du pli fessier et échographie sur plusieurs sites pathologiques sont réalisés régulièrement pour évaluer l’évolution sous traitement IRM 1 Diminution de l’épaisseur du derme et de l’hypoderme sous traitement Écho 1 Echo à 1 an IRM à 6 mois M. Kha. 28 ans, apparition progressive de tuméfactions du cuir chevelu, associées à une calvitie: cellulite disséquante du cuir chevelu (périfolliculitis capitis abscedens) Fiesta Echo-Doppler puissance: hypervascularisation périphérique IRM T1 Collections en hypersignal en Fiesta et en hyposignal en T1 au sein de l’hypoderme(double flèche) refoulant le derme, venant refouler l’aponévrose (galéa). Respect de la voûte crânienne (fléche) T1 • M. Mic..55 ans, ayant un scléromyxoedème avec localisation au poignet IRM: • infiltration et épaississement dermoépidermique • surrélévation épidermique • accentuation des lobulations graisseuses hypodermiques FIESTA Patiente de 37 ans, présentant une atrophodermie idiopathique de PaciniPieriri, dans le cadre d’une forme de Morphée (sclérodermie circonscrite): lésion atrophique pigmentée et Morphée en plaque. IRM au niveau d’une plaque au mollet: Atrophie localisée de l’hypoderme Attraction du fascia profond Épaississement localisé réactionnel du derme T1 FIESTA Mme Ang…, 42 ans, présentant un lupus induit (traitement antiBK),apparition d’une lésion cutanée au niveau de la cuisse. IRM: Epaississement de l’hypoderme et du derme Accentuation majeure des travées hypodermiques (hyposignal) hypoderme Biopsie: Panniculite lobulaire calcifiante Fiesta • Patiente traitée pour maladie de Hodgkin. Oedème des cuisses survenu 2 jours après la fin du cycle de chimiothérapie (MINE) en rapport avec une panniculite iatrogène. • IRM centrée sur la cuisse – Infiltration de l’hypoderme, épaississement des septums interlobulaires FIESTA • Mme Cho…52 ans, suspicion de sclérodermie avec sclérodactylie – Echographie : différenciation des couches épidermique,dermique et hypodermique – IRM: peu contributive: – artéfact de mouvement: difficulté à positionner l’antenne au niveau du doigt Enfant de 10 ans, présentant une hémiatrophie faciale, traité par corticoides et Méthotrexate sous-cutané. Suivi en imagerie par échographie et/ou IRM Joue saine Joue pathologique Atrophie nette dermo-hypodermique Patient de 77 ans présentant des nodules cutanés au niveau de la cuisse dans un contexte d’ hématodermie (forme de lymphome cutané). IRM: séquence Fiesta Infiltration tumorale de l’hypoderme, extension en profondeur au fascia et contiguité avec le muscle () M. Chai…,46 ans, apparition d’une lésion cutanée tumorale de la jambe, aspect de panniculite IRM: • infiltration tumorale dermo-hypodermique mal limitée, étendue au fascia • refoulement sans envahissement musculaire. Côté sain T1 Biopsie:Lymphome cutané. Traitement : radiothérapie FIESTA M. Gau..75 ans, tumeur cutanée de la cuisse, nodule bulleux : IRM avant exérèse: • Lésion dermique bien limitée en hyposignal T1 étendue à l’hypoderme sans extension au fascia. Anatomo-pathologie: Sarcome mastocytaire Mélanome malin du dos avant exérèse chez un patient de 47 ans Fiesta T1 Extension en profondeur à l’hypoderme et au fascia Indentations au sein du derme Patient de 73 ans, présentant une tumeur cutanée du bras IRM: • Lésion bien limitée dans l’hypoderme • Anatomo-pathologie: Tumeur de Merkel: carcinome neuro-endocrine de mauvais pronostic M Seg.. 74 ans, présente une pathologie inflammatoire extensive des 2 jambes dans un contexte de dermatomyosite avec Sjogren. IRM centrée sur la cuisse • épaississement du derme (flèche pleine) et de l’hypoderme • majoration du réseau vasculaire (flèche creuse) • accentuation des travées interlobulaires graisseuses Peau saine T1 Fiesta M. Ces.. 50, ans,découverte d’une lésion tumorale cutanée de la cuisse: Biopsie: dermatofibrosarcome Le patient est traité par chimiothérapie (protocole Glivec): suivi évolutif par échographie; une IRM de référence a été réalisée T1 Formation en hyposignal, atteignant le derme et l’hypoderme,respectant le muscle Echographie en début de traitement Echographie sous traitement: diminution de l’extension en profondeur Mme Cal.., 80 ans, atteinte d’une pemphigoïde bulleuse évoluée (infiltrat dermique éosinophile), sous corticothérapie T1 IRM sur une zone où la bulle est décollée: • importante atrophie dermique liée au traitement Echographie d’une zone bulleuse: formation liquidienne clivant la jonction dermo-épidemique • Mme Maco.., 67 ans,apparition d’un myxoedème tibial sur hypothyroïdie – IRM avec étude comparative au niveau tibial (Fiesta) : épaississement du derme Pathologique Sain M. Vay.., 63 ans, présentant un eczéma lichénifié IRM : au niveau de la cuisse (nombreuses autres zones pathologiques): épaississement de l’épiderme M. Lar…, 36 ans, syndrome de FiessingerLeroy-Reiter avec kératodermie blennoragique et atteinte plantaire en « clou de tapissier » Hyperkératose plantaire IRM au niveau de la voûte plantaire: épaississement épidermique Fiesta T1 • Mme Heb.., 76 ans, présentant un psoriasis inversé: atteinte non classique des plis artéfact IRM: au niveau de la fesse • Epaississement dermo-épidermique lié à l’hyperkératose Psoriasis typique pathologique IRM du poignet avec comparatif Epaississement épidermique Épiderme normal : fine bande linéaire en hypersignal Melle Dia.. 36 ans, atteinte de sclérodermie IRM au niveau de l’avant-bras • Épaississement du derme Lésion bénigne Naevus mixte en hypersignal Kyste sébacé derme hypoderme FIESTA Kyste sébacé typique : contenu mucoïde QUELQUES CAS D’IRM DE VOUTES PLANTAIRES PATHOLOGIQUES … Patient de 70 ans, suspicion clinique d’hyperkératose plantaire IRM: Fibrose hypodermique Épiderme intact : absence d’hyperkératose Artéfact lié à l’antenne Hypoderme Epiderme T1 Fibrose métatarsien Artefact de l’antenne Hyperkératose • Hypertrophie irrégulière de l’épiderme • Amincissement relatif du derme dans la zone de l’hyperkératose • Majoration des septas fibrovasculaires de l’hypoderme Durillon plantaire chez un diabétique IRM : extension de la lésion en profondeur, à proximité de l’os Abcès Hyperkératose Placard inflammatoire Patiente diabétique Verrue plane T1 Épaississement localisé de l’épiderme FIESTA Lipome du talon Masse rémittente: IRM : nodule de signal graisseux FIESTA T1 T1 Pathologie de l’hypoderme Lipodystrophie (exemple de la littérature) Différenciation hypodermites lobulaires et septales Krug B,Acta Radiology 1998 FIESTA DISCUSSION Jusqu’à ces dernières années, l’imagerie non invasive de la peau utilisait essentiellement l’échographie haute fréquence. A 20 MHz, la profondeur de pénétration est de 6 à 10 mm. Or en pratique si la visualisation de l’hypoderme nécessite des sondes de 5 à 13 MHz, la visualisation du derme implique des fréquences de 15 à 30 MHz et l’épiderme des fréquences bien supérieures, estimées de 40 à 50 MHz. Ces impératifs techniques rendent la technique de réalisation difficile en pratique et uniquement dans des centres disposant d’ un appareillage spécifique et dédié. DISCUSSION • Au vu de ces résultats préliminaires, l’IRM de la peau permet de préciser – La localisation précise des lésions, grâce à une bonne différenciation des couches cutanées – Une bonne analyse de l’ensemble de l’hypoderme, et notamment des septums inter-lobulaires et du fascia profond – L’extension en profondeur des lésions notamment tumorales, et notamment l’existence de rameaux infiltrants DISCUSSION • L’IRM de la peau pathologique pourrait donc être réalisée en pratique dans certaines indications: – Les tumeurs cutanées: • Dans le bilan avant exérèse: Pour évaluer l’extension en profondeur Pour caractériser la lésion: » Déterminer les signes en faveur de la bénignité ou de la malignité » Eviter ainsi des biopsies exérèses inutiles • Pour surveiller l’évolution des lésions (en profondeur) laissées en place sous traitement DISCUSSION • Les sclérodermies – L’IRM retrouve d’importants remaniements du signal et des anomalies d’épaisseur du derme et de l’hypoderme – En surveillance sous traitement • Notamment sous photothérapie • Au niveau de sites pathologiques superposables DISCUSSION • Dans de nombreux autres cas: – Un tableau de panniculite inexpliquée • Rechercher des arguments étiologiques • Préciser l’état des fascias, notamment à l’interface musculaire • Rechercher des signes de fascites – Le bilan évolutif de lipodystrophies sous traitement – Une meilleure compréhension des lymphoèdèmes, des oedèmes inexpliqués – Suivi thérapeutique des hyperkératoses… DISCUSSION • L’IRM pourrait donc se substituer ou être réalisée en complément de l’échographie dans la prise en charge de certaines lésions de la peau. • L’approche diagnostique doit être réalisée en étroite collaboration avec les cliniciens (et notamment les dermatologues) et les anatomopathologistes pour une meilleure compréhension et une meilleure analyse des lésions cutanées. DISCUSSION L’IRM présente aussi l’avantage d’être une technique d’imagerie non invasive, non irradiante et réitérable au besoin et notamment dans la surveillance de certaines pathologies. L’inconvénient principal de l’IRM de la peau est lié au positionnement de l’antenne limitant les sites d’exploration tels que les surfaces courbes du visage ou des doigts qui empêchent une acquisition non artéfactée. DISCUSSION Les perspectives d’avenir passent par une optimisation des séquences et des antennes. En effet, l’utilisation en pratique courante de l’IRM pour la visualisation de la peau est restée limitée par la très faible épaisseur de celle-ci, de l’ordre du millimètre. L’amélioration de la résolution spatiale a pu être obtenue par la réalisation d’antennes de surface spécifiques et l’utilisation de hauts gradients offrant ainsi une résolution sub-millimétrique. CONCLUSION L’IRM permet une analyse globale avec une haute résolution des différentes couches cutanées et de ses principales atteintes lésionnelles. Si l’examen visuel et la biopsie de la peau restent les principaux outils diagnostiques en dermatologie, l’IRM parait être une technique non invasive très prometteuse pour caractériser la peau pathologique. Une voie d’avenir est certainement le couplage entre l’IRM morphologique et la spectroscopie apportant des informations sur la nature de ces structures…