Paris Climat 2015 : la conférence de la dernière chance

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Paris Climat 2015 : la conférence de la dernière chance
La 21ème Conférence des Parties s’ouvrira à Paris fin 2015, avec pour objectif
principal de finaliser le processus de négociations initié à Durban en 2011. Si les
dernières conférences climatiques n’ont pas brillé par leur efficacité, le constat
proposé par le GIEC au travers de son 5ème rapport ne laisse plus de place au
doute : avec un objectif de limitation du réchauffement fixé à 2°C, il est urgent d’agir
et 2015 doit être suivi d’un plan mondial ambitieux. La France souhaite jouer un rôle
important à cette occasion… si le contexte géopolitique lui en laisse la possibilité.
Le 5ème rapport du GIEC : un constat sans précédent
Le 5ème rapport du GIEC1 dont la publication a débuté en septembre 2013
avec la mise à disposition du volume 12 est formel dans ses conclusions. Il indique
non seulement que “l’influence de l’Homme sur le système climatique est clairement
établie” mais aussi que toutes “nouvelles émissions de gaz à effet de serre
impliqueront une poursuite du réchauffement et des changements affectant toutes
les composantes du système climatique”. Il précise surtout dans son volume 23 que
le réchauffement a eu et aura encore des impacts “négatifs sur tous les continents et
dans les océans” (pénurie d’eau potable, accroissement de la pauvreté, risques de
conflits, inondations, érosion, risques sanitaires et disparition d’espèces), et que le
rythme ainsi que l’ampleur de ces impacts induisent une probabilité importante de
dépasser la capacité de notre écosystème à s’y adapter.
C’est un constat sans précédent qui est proposé grâce à plus de 21 200
études passées en revue par 452 spécialistes à travers le monde. Sans précédent
dans ses conclusions, mais surtout dans la pertinence, la fiabilité et le degré de
probabilité des modèles et scénarii scientifiques exposés par comparaison au dernier
rapport de 2007.
Les enjeux de la conférence 2015 : le courage de prendre conscience de
l’urgence
Ce sont ces conclusions qui serviront de “matière première” aux négociations
de la 21ème Conférence des Parties (COP21) de Paris en décembre 2015. Une
conférence qui réclamera du courage, comme l’a rappelé la commissaire
européenne en charge du climat aux organisateurs français4.
En 2013, la concentration en CO2 dans l’atmosphère a atteint la barre des
400 ppm5, ne laissant ainsi plus que quelques années pour agir et infléchir la
tendance. A défaut, le seuil des 2°C sera dépassé, avec les risques “d’emballement”
décrits par le GIEC.
L’enjeu de la conférence est donc la prise de conscience de cette urgence
pour définir l’après Kyoto de 2020 et mettre en œuvre une dynamique qui engagera
tous les pays.
1Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat 2GT1, Changements climatiques 2013, Résumé à l’intention des décideurs, 5ème rapport, 2013 3 Ibid., GT2, 2014 4Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Assemblée Nationale, Compte-rendu
23, 27.11.13 5Partie Par Millions. Organisation Météorologique Mondiale, Mesure du 09.05.13 La France en première ligne
En prenant la présidence de cette conférence qui sera le seul sommet
international d’envergure de ce quinquennat, la France bénéficie d’un rôle important6.
Même si l’UE est en charge de négocier pour ses 28 états, la France a déjà
commencé un travail préparatoire de négociations destiné à construire un consensus
autour des décisions qui pourront être prises en aboutissement des travaux lancés
en 2011.
Car l’objectif recherché est connu : parvenir à un accord ambitieux, applicable
à tous, juridiquement contraignant et limitant le réchauffement de la planète à 2°C.
La position française se veut originale : elle propose non plus “le nécessaire
partage des émissions” de CO2 mais un “agenda positif”7 pour transformer le défi
climatique en opportunité8. Par ailleurs, elle implique les pays “en développement” du
G77 pour permettre des avancées intermédiaires lors de la COP de Lima en 2014.
De Rio à Varsovie en passant par Copenhague : de la prise de conscience à
l’impuissance
Créées en 1992 lors du Sommet de Rio, les COP révèlent une vraie prise de
conscience puisqu’elles réunissent annuellement depuis 1995 près de 200 pays
autour de réflexions et d’actions pour lutter contre le réchauffement.
Si Kyoto en 1997 a été porteur d’espoir par des engagements chiffrés et
contraignants pour certains pays industrialisés sur 2005-2012, les conférences
suivantes ne sont pas parvenues à transformer cet espoir. Le nombre de
participants, les intérêts divergents, le statut de “pays industrialisé” ou “en
développement” mais aussi l’évolution de ce statut depuis 1997 ont été les causes
principales du succès très limité voire de l’échec de plusieurs COP.
On retiendra notamment Copenhague en 2009, qui établit l’importance d’une
limite à 2°C du réchauffement et l’idée d’un fonds d’actions doté de 100 milliards de
dollars par an à partir de 2020. Mais pas de financement prévu, aucun engagement
de planning, et rien sur l’après Kyoto de 2012. En 2011, Durban fixe sous l’impulsion
de l’UE une première feuille de route, encore imparfaite, pour préparer l’après 2020.
Jusqu’à cette date, le protocole de Kyoto est partiellement reconduit par la
conférence suivante, à Doha. Enfin, en 2013, Varsovie s’illustre par son manque
d’ambition flagrant et son impuissance. En ligne de mire, la COP21 est attendue pour
matérialiser les propositions de Copenhague.
Crise économique et refroidissement des relations internationales feront-ils
échouer la conférence 2015?
Si l'inefficacité des dernières conférences à trouver un consensus a fait naître
déception et découragement chez certaines parties prenantes, d’autres sujets sont
sources d’inquiétude pour 2015.
D’abord la crise économique mondiale se poursuit. Les pays développés
cherchent des solutions pour redresser leurs économies nationales, reléguant à
l’arrière plan d’éventuelles considérations climatiques. Ainsi, le “fonds vert” de 100
6MH. Aubert, Conférence : Changement Climatique 2015: L’action de la France, 29.01.14 7Laurence Caramel, Le Monde : La France hérite du dossier délicat de la négociation climatique, 21.11.13 8France Diplomatie, Les enjeux de la Cop21, 14.11.13 milliards peine à trouver des financements. Les pays émergents revendiquent de leur
côté un droit au développement sans limitation contraignante.
Ensuite, les tensions mondiales illustrées par la crise ukrainienne, renforcent
encore les difficultés des pays à discuter sereinement. Le risque est donc réel de voir
certains pays suspendre leur participation aux travaux de préparation ou même
donner à la conférence d’autres finalités politiques.
L’opinion publique, clé de la réussite de la conférence?
Entre le passif des conférences précédentes, les difficultés économiques et
les intérêts divergents, comment imaginer le succès des prochaines COP et de Paris
en particulier? Malgré un tableau général pessimiste, quelques éléments permettent
de relativiser au moins partiellement ce constat.
Le rapport du GIEC, qui avait connu des détracteurs, est aujourd’hui une
référence. Il bénéficie d’une diffusion et d’une médiatisation plus larges et a
maintenant un écho sur l'opinion publique.
Cette opinion identifie désormais les impacts du changement climatique
directement ou au travers des médias. Ainsi, en Europe, ce phénomène est
considéré comme le 3ème problème après la pauvreté et la situation économique9.
Dans les pays tropicaux où les impacts sont plus fréquents, 97% de la population est
convaincue de l’urgence d’agir10. Loin des critiques sociologiques traditionnelles11,
dans un monde devenu un village12, l’opinion joue peu à peu son rôle auprès des
dirigeants. Relayée par les ONG, elle peut exercer sur eux une pression constante.
L’irruption des opinions publiques dans le paysage stagnant des négociations
climatiques apparait alors comme une clé de réussite.
Cette pression croissante permettra-t-elle de faire avancer les négociations?
Ou faudra-t-il compter sur une succession d’événements climatiques violents pour
aboutir à un accord ambitieux?13
9Site officiel UE, Les Européens se prononcent en faveur de la lutte contre le changement climatique pour
favoriser une reprise économique génératrice d'emplois, 03.03.14
10Axa-Ipsos, La perception individuelle des risques climatiques, 2012 11Pierre Bourdieu, L’opinion publique n’existe pas, Les Temps Modernes, 1973 12Marshall McLuhan, The Medium is the Message, 1967 13Avenir.net, Nicolas Hulot lance un pavé dans la mare, 26.11.13 
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