L Vaccin hépatite B et affections aiguës démyélinisantes : suite

Vaccin hépatite B et affections
aiguës démyélinisantes : suite
Médecine
& enfance
INFECTIOLOGIE
Rubrique dirigée par R. Cohen
L
’étude de Mikaeloff et al. récemment publiée dans Neurology
[1]
a suscité
chez les vaccinateurs une totale incompréhension et de très vives réactions.
Je n’ai pas du tout été convaincu par les arguments apportés par le Pr Marc
Tardieu dans l’entretien publié dans le dernier numéro de Médecine et enfance et je
souhaite dire pourquoi
[2]
.
Méthodologiquement, personne ne remet en doute la validité des cohortes des
études de Mikaeloff et al., tant en ce qui concerne les malades que les témoins de
ces études, et à plusieurs reprises nous avons mis en avant les résultats des deux
premières études pour souligner leur importance et leur qualité
[3, 4]
. Comme dans
les études précédentes, le résultat global indique qu’il n’y a pas le moindre sur-
risque de maladie démyélinisante lié à la vaccination contre l’hépatite B, mais le ré-
sultat d’une analyse d’un sous-groupe est potentiellement inquiétant pour l’avenir
de cette vaccination. Ce qui est inacceptable, c’est d’avoir choisi de mettre en avant,
dans la conclusion du résumé et dans la discussion, l’analyse d’un sous-groupe.
Pour qu’une analyse en sous-groupe puisse être pertinente et donc retenue, deux
règles méthodologiques doivent être appliquées et respectées :
l’analyse en sous-groupe doit être planifiée avant l’étude et non décidée a pos-
teriori ;
le résultat de ce sous-groupe doit aller dans le même sens que le résultat de
l’analyse principale.
Dans cette étude, ni la première ni la deuxième règle n’ont été respectées.
Si le résultat global d’une étude portant sur un paramètre donné montre qu’il n’y
a pas de différence significative entre les différents groupes analysés dans la co-
horte principale mais que, dans un sous-groupe, les résultats sont contradictoires
avec ceux observés dans la cohorte principale, cela implique que dans le reste de
l’étude il existe probablement aussi une différence significative dans l’autre sens
(montrant ici en l’occurrence un effet de protection…).
Uniquement dans les tableaux, quarante-huit sous-groupes et tests statistiques
sont présentés pour trouver une seule différence significative… Cela, comme l’ont
souligné les experts de l’Afssaps, du Haut Conseil de la santé publique ou de
l’OMS, a toutes les chances d’être du à… la chance. On pourrait dire ici à la mal-
chance.
Le sur-risque mis en exergue n’apparaît qu’après un délai de trois ans et que pour
le vaccin Engerix B
®
. Il est intéressant de noter que dans la seule étude (qui a été
largement critiquée par ailleurs) ayant mis aussi en avant un sur-risque de démyé-
linisation, le sur-risque était
dans les trois années suivant la vaccination
[5, 6]
.
Dans l’étude de Mikaeloff, dans les trois premières années suivant la vaccination,
la tendance est plutôt à une protection induite par le vaccin atteignant presque la
significativité pour certains groupes… ce qui renforce l’hypothèse que le résultat
observé est purement lié à la chance.
De plus, quel mécanisme physiopathologique pourrait sérieusement expliquer
qu’une stimulation immunitaire avec un antigène vaccinal non vivant, non répli-
quant, puisse augmenter le risque de maladie auto-immune plus de trois ans
après ? Généralement, on considère que, si une stimulation immunitaire est sus-
ceptible de déclencher une maladie auto-immune, c’est parce que la réponse im-
munitaire dirigée contre l’antigène infectant, par mimétisme moléculaire, a un ef-
fet délétère sur des structures de l’individu ayant des antigènes proches. Hors ici,
c’est au moment où la réponse immunitaire est déclinante, du fait des processus
de rétrocontrôle des populations lymphocytaires, où les anticorps sont à des taux
faible chez nombre de patients que l’effet délétère se produirait… Inquiétant, non
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seulement pour l’hépatite B mais pour l’ensemble des vaccins… Un effet indési-
rable à distance incompréhensible est forcément inducteur de grandes anxiétés
chez les parents.
Pourquoi l’Engerix B10
®
? L’hypothèse proposée par les auteurs n’est pas plausible
et ne peut être retenue. Ce ne serait plus l’antigène HBs qui serait en cause mais la
quantité des résidus de levures ayant servi à fabriquer le vaccin (ces vaccins étant
recombinants sur cellule de levure).
Peut-on penser que l’incompétence est la cause d’erreurs méthodologiques aussi
grossières ? Peut-on penser que les auteurs ignorent que depuis des années en
France la vaccination contre l’hépatite B est en souffrance à la suite de polémiques
stériles ? La réponse pour moi est clairement non. Alors pourquoi ce gâchis ? Je
n’ai pas de réponse mais des hypothèses (l’une n’excluant pas l’autre) :
peut-être que certains de ces auteurs ont toujours pensé au fond d’eux mêmes
qu’il y avait peut-être un petit quelque chose, alors torturons les chiffres dans tous
les sens afin de trouver une différence…
il n’est pas innocent non plus que cet article soit publié dans Neurology. Cette
revue, certainement excellente en neurologie, est celle qui a publié l’article de
Hernan en 2004, dont la méthodologie avait déjà été largement critiquée ;
la course à « l’impact factor » ou « publish or perish » aurait-elle joué un rôle ?
Quant aux réponses du Pr Marc Tardieu dans l’interview de Médecine et enfance, si
elles paraissent, à la première lecture, rassurantes, elles laissent dans l’ombre de
nombreux points. On lit : « si un risque existe, il ne peut être que très faible » ; « le
nombre de cas de SEP avant seize ans en France est faible, de l’ordre de 20 à 25
nouveaux cas par an, et il est resté assez stable au fil du temps » ; « les bénéfices
de la vaccination hépatite B me paraissent importants ». Je prends acte de ces af-
firmations en faveur de la vaccination hépatite B, mais alors :
pourquoi publier une étude qui ne confirme rien quand on connaît les difficul-
tés de cette vaccination en France ?
pourquoi écrire qu’une analyse secondaire donne des résultats qui laissent pla-
ner le doute, résultats à confirmer ou à infirmer…, avec le vaccin le plus utilisé et
donc le seul testable (quid des autres alors ?), alors que la conclusion de l’étude
est l’absence d’augmentation du risque ?
De toute façon, ces explications ne compenseront jamais le mal produit par l’étu-
de auprès des familles et n’empêcheront pas que nos confrères les moins convain-
cus pour proposer cette vaccination soient encore plus hésitants. Je redoute les
conséquences néfastes de cette publication sur la couverture vaccinale, consé-
quences qui risquent de se prolonger pendant des années avec les effets sur l’état
de santé que l’absence de vaccination anti-hépatite B pourrait entraîner.
On ne peut s’empêcher de penser que les auteurs ont joué contre leur camp, celui
des pédiatres, dont la seule préoccupation est l’amélioration de la santé des en-
fants et donc des futurs adultes que deviendront ces jeunes patients. A chacun
d’en tirer les conséquences.
[1] MIKAELOFF Y., CARIDADE G., SUISSA S., TARDIEU M. : « Hepatitis B vaccine and the risk of CNS inflammatory demyelination in
childhood », Neurology, 2008 (epub ahead of print).
[2] COLLIGNON H. : «Entretien avec M. Tardieu : Vaccination hépatite B et risque de sclérose en plaques», Méd. Enf., 2008 ; 28 : 426-8.
[3] MIKAELOFF Y., CARIDADE G., ROSSIER M., SUISSA S., TARDIEU M. : « Hepatitis B vaccination and the risk of childhood-onset
multiple sclerosis », Arch. Pediatr. Adolesc. Med., 2007 ; 161 : 1176-82.
[4] MIKAELOFF Y., CARIDADE G., ASSI S., TARDIEU M., SUISSA S., on behalf of the KIDSEP study group of the French Neuropaedia-
tric Society : « Hepatitis B vaccine and risk of relapse after a first childhood episode of CNS inflammatory demyelinisation », Brain,
2007 ; 130 : 1105-10.
[5] HERNAN M.A., JICK S.S., OLEK M.J., JICK H. : « Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis : a prospective
study », Neurology, 2004 ; 63 : 838-42.
[6] COMITÉ CONSULTATIF MONDIAL DE L’OMS POUR LA SÉCURITÉ DES VACCINS, communiqué du 13 septembre 2004 : « Hépa-
tite B et sclérose en plaques : l’essentiel en questions-réponses », Méd. Enf., 2004 ; 24 : 505-7.
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