
Sur le plan sanitaire, affecter à Djibouti un personnel
fragile lui impose des conditions sanitaires dégradées
(plateau technique limité même s’il est plus complet que
nulle part ailleurs en Afrique ; vols aériens de retour
limités à un vol Air France par semaine, seul vol pouvant
accueillir un malade couché) qui peuvent entrainer
une perte de chance en cas de pathologie sévère. Dans
notre premier exemple, le malade a bénéficié d’une
thrombolyse alors qu’en métropole une nouvelle
angioplastie aurait pu être tentée. Dans le 5eexemple, il a
fallu attendre une semaine et le vol d’Air France chez un
patient commençant à présenter des complications
neurologiques mais qui ne nécessitait pas de mobiliser
un Falcon médicalisé (pas toujours disponible) comme
dans le cas 4. Chez le 2emalade, il a même été envisagé
un rapatriement par le biais de l’assurance rapatriement
civile plutôt que par la voie militaire afin d’accélérer
la procédure (assurance rapatriement qu’il avait « oublié »
de renouveler la fin de séjour approchant). Toujours sur
le plan sanitaire, les procédures de rapatriement ne
se faisant que sur l’ensemble hospitalier militaire
parisien, le patient se trouve de fait la plupart du temps
éloigné d’une éventuelle base arrière familiale à
son arrivée en métropole.
Sur le plan financier, le coût d’une EVASAN non
médicalisée en 2007 paraissait raisonnable (11000 €
et coût du billet d’avion de retour). Par contre sur le plan
du retentissement moral, cette procédure impose à la
famille de rester seule sur le territoire durant le délai
des soins en métropole avec les problèmes sociaux
inhérents à cette situation en pays étranger (isolement,
adaptation souvent médiocre, finances). Un travail
canadien a estimé à 42 000 $ le coût d’une EVASAN
avec reprise des activités après guérison et à 113 000 $
le coût d’un RAPASAN (8). Durant notre période
d’étude, le coût d’un RAPASAN s’élevait aussi à
11 000 €auquel il fallait ajouter les coûts indirects
(déménagement : 8 000 €; billets d’avions de retour:
2100 €à 4500 €pour 1 à 3 personnes en fonction de la
taille de la famille) soit un total variant de 11000 €pour
un célibataire à 25 000 €pour un sous-officier ancien
marié, père de deux enfants.
Sur le plan social, les conséquences d’un RAPASAN
sont parfois dramatiques avec, sur le territoire,
l’obligation pour le conjoint isolé de libérer en urgence
le logement, d’effectuer le déménagement, de vendre
le ou les véhicules, de démissionner d’un emploi éventuel
et de déscolariser les enfants. À l’arrivée en métropole,
il va lui falloir trouver un nouveau logement, un nouveau
véhicule, emménager seul, rescolariser les enfants
en milieu d’année scolaire souvent et tout cela sans savoir
à quel endroit le faire puisque le conjoint est hospitalisé
et ne connaît pas sa nouvelle affectation. Enfin, des
difficultés financières supplémentaires sont induites
par ces changements imprévus et viennent s’ajouter à
celles préexistantes qui ont souvent motivé la demande
de séjour outre-mer (cas des mutations outre-mer
dites sociales).
Afin de réduire le nombre de ces évacuations sanitaires
évitables, des propositions peuvent être formulées.
1. La création d’une base de données avec
enregistrement prospectif de toutes les EVASAN et tous
les RAPASAN au niveau des DRASS et DIASS. Ces
données permettraient d’une part d’analyser les facteurs
de risque d’évacuations sanitaires et d’autre part de
sensibiliser les médecins d’unités sous la forme d’une
rétro-information.
2. L’annexion de la mention « sous réserve de l’absence
d’omission de la part de l’intéressé » sur le formulaire
620/4-1 d’aptitude ou sur le questionnaire médico-
biographique rempli par le militaire (comme cela se fait
pour le personnel naviguant de l’armée de l’Air) pourrait
permettre à l’institution de se dégager de certains frais
engagés lors du rapatriement arguant du fait de
dissimulation d’antécédents médicaux (cas 1).
Dans le même ordre d’idée, le partage de l’information
médicale passe par le renforcement des liens HIA-
services médicaux d’unité, par exemple, en établissant les
courriers de sortie consécutifs à une hospitalisation en
double exemplaire (un remis à l’intéressé qui le remettra à
son médecin-chef, un transmis par courrier à ce médecin
en cas « d’oubli » de la part de l’intéressé). Cela éviterait
une perte d’information pour le médecin d’unité. L’étude
approfondie de l’intégralité du dossier médical du
personnel permettrait de glaner quelques éléments
significatifs qui peuvent tomber dans l’oubli au bout de
quelques années (cas 1, 2 et 4). Cela ne règle pas le
problème de transmission d’information à partir de
structures de soins civiles.
3. Le recours plus systématique à un spécialiste
hospitalier militaire en cas de dossier litigieux (cas 2),
serait utile car certaines décisions ont échappé à tout
spécialiste ou ont été données par des médecins réservistes
ou spécialistes civils (cas des unités isolées éloignées des
HIA) ayant manifestement une méconnaissance à la fois
du milieu militaire avec ses contraintes et de la vie en
milieu tropical. La nécessité d’une bonne évaluation du
risque de décompensation outre-mer doit idéalement être
réalisée par un spécialiste militaire connaissant le milieu
d’emploi (cas 3 et 4). Dans cette optique, une formation
spécifique initiale et continue pourrait être proposée pour
les officiers du SSA et les officiers commissionnés ou
réservistes du SSA ainsi qu’aux nouveaux internes de
spécialité, futurs spécialistes du SSA qui n’effectuent
qu’un stage d’un mois en unité.
4. Enfin, dans la mesure du possible, la visite d’aptitude
outre-mer devrait être réalisée à proximité immédiate du
départ afin qu’un évènement pathologique intercurrent
ne vienne pas modifier la donne ou être passé sous silence
(cas 5). Dans le même ordre d’idée, sur le territoire, la
création d’une visite médicale spécifique d’aptitude à la
troisième année de séjour outre-mer différente de la visite
annuelle serait opportune avant que l’accord de
prolongation ne soit donné par le commandement, les
événements pathologiques n’étant pas rares durant les
deux premières années de séjour comme l’illustrent nos
exemples. Cela a été expérimenté au sein de la BA 188.
Conclusion.
En conclusion, la sélection et la détermination de
l’aptitude à servir outre-mer sont bien faites dans la
très grande majorité des cas, mais il existe des
populations à risque présentant un état pathologique
254 t. coton