
Éducation et information des patients.
Des séances d’information en milieu professionnel ont
été proposées. Leur contenu est très variable, comportant
parfois des explications anatomiques, l’apprentissage
des gestes pour la manutention de charges, l’apprentissage
des postures et des stratégies d’adaptation à la lombalgie.
Leur efficacité n’a jamais pu être démontrée dans
les études réalisées en milieu civil et ne sont pas
recommandées au niveau européen.
Une information délivrée dans le cadre de protocoles
dit « d’éducation brève » ou par d’autres méthodes (livrets
d’information, échanges internet…) pourrait être utile.
La distribution de livrets d’information de type « Back
book » où « guide du dos » rédigés sur un modèle
biopsychosocial, semble susceptible de limiter la
fréquence des récidives et de limiter le passage à la
chronicité dans certaines études. Ces livrets ont pour
objet de délivrer une information rassurante aux patients,
d’encourager le maintien des activités professionnelles et
sportives et d’éviter un déconditionnement à l’effort. Ils
permettent de lutter contre les croyances négatives des
patients, mais aussi des médecins. Enfin leur coût est
relativement faible.
Les exercices physiques.
Plusieurs études randomisées, parfois contrôlées, de
bonne qualité méthodologique, sont en faveur de
l’efficacité des programmes de renforcement musculaire,
à la fois pour prévenir le premier épisode et pour limiter
les récidives. Le renforcement des haubans musculaires
rachidiens par une activité physique supervisée a été
préconisée par la conférence de consensus européenne
de 2006. Ces programmes ont pour but de renforcer la
force et l’endurance musculaire tout en améliorant la
souplesse rachidienne. Différentes techniques ont été
proposées dans la littérature: 1) rééducation en cyphose,
avec renforcement isométrique des muscles de la
paroi abdominale, paradoxale puisque la force des
abdominaux prédomine sur les extenseurs du rachis
au cours de la lombalgie chronique, 2) rééducation en
lordose de type Cyriax, programme de Mackenzie, 3)
apprentissage d’un verrouillage lombaire en position
intermédiaire. Aujourd’hui, aucune méthode ne peut être
privilégiée en raison d’une efficacité supérieure
scientifiquement démontrée.
Trois études menées en milieu militaire ont démontré
l’efficacité de ces procédures, qu’il s’agisse de séances
régulières d’extension rachidienne, de 20 minutes
d’étirement avant et après entraînement physique
quotidien. La pratique d’un « gainage lombo-abdominal »
à démontré son efficacité en terme d’incidence et
d’intensité des lombalgies. La pratique d’une gym-
nastique lombo-abdominale est parfaitement adaptée à la
culture sportive en milieu militaire. Elle peut se concevoir
comme une gymnastique individuelle ou collective,
quotidienne ou pluri-hebdomadaire, éventuellement
supervisée par un professionnel, dont les modalités
précises exactes restent à définir.
Une enquête a montré que seuls 28 % des pilotes de
chasse français pratiquent une musculation spéci-
fiquement rachidienne, alors même qu’ils disposent
d’équipements sur base. Il semble donc indispensable de
faire passer le message sur l’utilité du renforcement
lombo-abdominal en prévention des lombalgies dans
les armées. Des protocoles randomisés, mono ou
multicentriques, comparant différentes modalités
de gymnastique lombo-abdominale seraient simples
à mettre en place dans les unités françaises avec l’accord
et le soutien du commandement.
La prise en charge optimale des
lombalgies aigues.
C’est un élément essentiel pour éviter le passage à
la chronicité. La prise en charge d’une lombalgie aigue
doit comporter :
– un traitement symptomatique efficace prescrit
rapidement. Sont validés les antalgiques, les AINS,
et éventuellement les décontracturants;
– des informations précises et rassurantes délivrées
au patient;
– le maintien des activités professionnelles, qui seront
éventuellement adaptées, en cas d’épisode d’intensité
modérée. En cas de besoin, l’arrêt de travail doit être de
courte durée ;
– le repos au lit ne doit pas être prescrit de manière
systématique, mais doit être seulement autorisé pour une
courte durée, uniquement en cas de douleur très intense ;
– l’abstention de toute imagerie inutile.
Ces recommandations de bonnes pratiques devraient
être parfaitement connues et appliquées mais l’expérience
quotidienne montre que c’est encore trop rarement le cas.
Il est vrai que le libre choix du médecin par le patient lui
permet d’échapper fréquemment aux médecins des
armées et limite les possibilités d’intervention précoce.
La prise en charge spécifique des
lombalgies subaiguës.
Notre expérience quotidienne montre que le spécialiste
militaire hospitalier est trop souvent consulté tardivement
et uniquement pour une décision d’aptitude ou pour une
décision administrative de mise en Congés de longue
maladie (CLM), alors même que des interventions théra-
peutiques actives n’ont pas été proposées. Il est vrai que le
nombre limité de spécialistes militaires hospitaliers
traitant des pathologies de l’appareil locomoteur
contribue à allonger le délai de prise en charge des
patients. On connait maintenant le risque important de
passage à la chronicité lorsque la lombalgie dure plus de 6
à 8 semaines. Dans l’idéal, tout patient présentant une
lombalgie subaiguë non spécifique avec incapacité ou
arrêt de travail persistant plus de huit semaines, ou avec
« signe du drapeau jaune », doit pouvoir bénéficier d’une
prise en charge rapide dans une structure adaptée, en
particulier un service de Médecine physique et
rééducation. Seuls ces services disposent des moyens en
personnel et en matériel pour réaliser des programmes de
type « mini-intervention » limitant le déconditionnement.
Les deux services de rhumatologie référents dans les
armées pourraient consulter en priorité les patients
avec suspicion d’une lombalgie spécifique, dans le cadre
d’un partage de tâches.
20 d. lechevalier