Les soins palliatifs dans l’insuffisance cardiaque
MISE AU POINT
26 | La Lettre du Cardiologue • n° 442 - février 2011
aussi à l’occasion d’un nouvel épisode ischémique,
d’une poussée hypertensive ou d’une déstabilisation
du cadre familial : le décès de l’épouse, le départ d’un
enfant ou d’un proche. Le tableau clinique n’est pas
toujours tranché et le BNP (brain natriuretic peptide)
pourra confirmer le diagnostic devant l’aggravation de
la dyspnée ou des œdèmes.
Le traitement
Trois volets sont essentiels : le traitement médical
palliatif de la défaillance cardiaque, l’éducation du
patient et de sa famille, l’accompagnement par le
médecin et les soignants.
Le traitement médical palliatif sera à peine abordé
ici. Il faut insister sur deux points :
➤
L’utilisation optimale de la polythérapie : diuré-
tiques + IEC + bêtabloquant et ivabradine + spiro-
nolactone et/ou ARAII, dont chaque étape réduit de
30 % le taux de décès dans les conditions d’utilisa-
tion optimales (études TRACE, SOLVD, MERIT-HF,
RALES et récemment SHIFT), dans la mesure où elle
n’aggrave pas l’inconfort du patient par l’hypoten-
sion, l’hyponatrémie, la bradycardie ou l’asthénie.
➤L’intérêt du suivi cardiologique. En effet, quel que
soit le stade de la défaillance cardiaque, l’adhésion au
traitement et l’éducation du patient divisent par 2 la
morbi-mortalité, selon l’étude multicentrique Mahler
(3). C’est souligner l’importance d’un suivi efficace dans
le maillage d’un réseau médecin traitant-cardiologue.
L’éducation de l’insuffisant cardiaque est fondamen-
tale, car le patient doit comprendre son traitement
pour saisir l’importance de chaque médication ; il
doit également être informé des effets secondaires
potentiels de chaque classe thérapeutique, et l’achat
d’un pèse-personne de qualité et d’un tensiomètre
avec brassard est nécessaire pour le suivi à domicile,
parfois aussi rentable que la multiplication des BNP.
À tous les stades de la défaillance cardiaque, l’activité
physique est théoriquement un complément indis-
pensable, mais elle sera progressivement diminuée,
suivant l’épuisement du patient (réduite à une montée
d’escalier, à une marche dans un couloir, à une gymnas-
tique, parfois à de simples mouvements répétés dans
le fauteuil ou le lit, sans objectif de performances).
Les relations avec la famille
sont essentielles à ce stade
Parfois c’est le conjoint seul qui assure une veille
attentive et participe à la surveillance de la dyspnée et
des œdèmes. Il faut savoir l’informer de la sévérité de
la maladie sans l’inquiéter, le former à la surveillance
des traitements anticoagulants, à l’utilisation des
traitements nitrés ou des diurétiques et à l’adaptation
d’une diététique équilibrée et, surtout, stable quand
à la quantité de sel. Il doit acquérir un certain savoir,
le médecin et l’équipe soignante étant bien sûr les
garants de cet apprentissage, qui devra être adapté
à chaque personne, à chaque couple, en fonction des
connaissances et de l’anxiété de chacun. Il est diffi-
cile de donner un schéma qui devra être adapté à la
sensibilité du patient et au vécu de la maladie.
Cette participation de l’entourage est fondamen-
tale, en particulier lors des poussées de défaillance
cardiaque. Elle rend possibles des traitements que
le patient ne pourrait plus assurer seul. Elle permet
de le mobiliser, d’assurer une hygiène de vie et une
diététique qu’il est impossible de garantir chez le
malade isolé.
La réadaptation, qui pouvait, avant cette période
palliative, être bien sûr réalisée dans des centres
spécialisés, est plutôt délétère et épuisante dans
ce contexte.
C’est à ce stade que les soins palliatifs prennent
toute leur place, mais leur simple évocation vient,
dans un premier temps, heurter la vision du patient
sur la longue évolution de sa maladie soutenue par
l’espoir sans faille d’une vie prolongée. L’illusion de
la toute-puissance et de la maîtrise sans fin de ce
cœur fragile est brutalement déjouée par la réalité
de l’épuisement du malade et de son état dyspnéique
permanent, et par l’aggravation des œdèmes.
Le travail en collaboration avec le généraliste est ici
essentiel : ajustement des stratégies et cohérence
des discours, pour ne pas induire des contradictions
ou des incompréhensions.
C’est le temps du lâcher-prise progressif des moda-
lités – voire des injonctions ! – auparavant habituelles
chez le patient :
➤
acceptation de la diminution de l’exercice
physique, des périodes de décubitus, notamment
chez le patient très âgé ;
➤
tolérance d’écarts de régime, car il faut privilégier
“l’alimentation plaisir” (le sel maudit va redonner
du goût !) ;
➤
diminution des contrôles biologiques, car la
diminution des contraintes techniques est cruciale
pour la qualité de vie dans cette période (ce point
est surtout difficile pour le prescripteur…) ;
➤
au stade ultime : utilisation des morphiniques à
petites doses pour ralentir la tachypnée (on débute
par 3 à 5 mg par voie orale, 2 à 4 fois par jour suivant
l’efficacité sur les symptômes, sans oublier les laxa-