REVUE
DE
PRESSE
strad
d
a / n° 25 / juillet 2012 35
spectacles
LES LORIALETS
Notre Commune
Les Lorialets, ces exilés lunaires, sont venus
compléter, en bonne intelligence, l’esprit
citoyen du éâtre du Soleil. La jeune compa-
gnie, réunie autour de sa metteure en scène Caroline
Panzera, ne renie rien de l’engagement politique
et théâtral d’Ariane Mnouchkine, qui la soutient.
C’est entre les arbres de la Cartoucherie qu’ils ont
peauné « Notre Commune », leur première créa-
tion pour la rue.
L’épopée des Fédérés. Ces Lorialets-là se
donnent comme raison d’être de suivre les traces
des luttes pour la liberté dans l’histoire. Pour ne
pas oublier. La Commune de Paris, par exemple.
Leur « Histoire méconnue racontée sur un char »
(sous-titre du spectacle) représente cette volonté de
durer, de dire, d’exister, contre vents et marées. Et
ce n’est pas une mince aaire que de raconter les
tribulations de cette aventure collective, les raisons
de la révolte, sa n tragique et même le contexte
historique dans lequel les Fédérés ont lancé leur
Création le 5 avril 2012, La Cartoucherie, Paris.
Vu le 13 avril 2012, La Cartoucherie, Paris.
Diffusion le 14 juillet, festival Les Virevoltés, Vire (14) ;
du 18 au 22 juillet, Chalon dans la rue, Chalon-sur-Saône
(71) ; le 21 septembre, festival Roulez Carros, Carros (06).
Contact http://leslorialets.free.fr
république. Qui plus est, Mathieu Coblentz est seul
à narrer l’épopée, son partenaire Vincent Lefevre
incarnant un fantôme muet.
Est-ce face aux horreurs de la boucherie de iers
qu’il a perdu la parole ? L’idée d’une dualité de la
mémoire, entre révolte et sourance, entre narra-
teur et mime, s’avère ingénieuse. La rencontre entre
l’énergie expansive et l’autre, silencieuse mais au
geste tranchant, ne cesse de relancer la dynami-
que spectaculaire. Sur leur char fantasque qui relie
ciel et terre, dans un décor à tiroirs aussi présent
qu’un, voire deux personnages de plus, ces porteurs
de mémoire disposent de tous les atouts pour faire
revivre la Commune. l THOMAS HAHN
© JEAN-MICHEL COUBART
ierry Voisin
Septième > Secousse
Karim Haouadeg
Notre Commune
par la Compagnie Les Lorialets
La jeune compagnie Les Lorialets a conçu un premier spectacle qui mérite d’être signalé pour l’étonnante maturité qu’il révèle.
C’est l’histoire de la Commune de Paris qu’ils ont choisi de raconter. Il est toujours risqué de porter à la scène des épisodes
tragiques de l’Histoire, surtout quand ils sont mal connus, comme c’est le cas de la Commune de 1871. On doit éviter les écueils
opposés de la grandiloquence et de l’anecdotique. Pour ne rien dire du didactisme maladroit. Les Lorialets ont choisi le théâtre
de rue pour dire cette histoire. Choix tout à fait pertinent et cohérent avec le sujet de la pièce. Accueillis au printemps dernier par
le Théâtre du Soleil, c’est donc sous les marronniers de la Cartoucherie de Vincennes qu’on a pu découvrir et apprécier la rigueur
souriante de leur spectacle. Et c’est au même endroit qu’on pourra les retrouver du 5 au 8 juillet prochain.
Tout dabord, les spectateurs sont invités à suivre dans ses déambulations un étonnant char qui les mène jusqu’au lieu de la
représentation. Étonnant, c’est le moins qu’on en puisse dire. Cette construction étrange, sur laquelle sont juchés deux comédiens,
tient à la fois de la tribune et de la scène. Le jeu se déploie durant toute la représentation sur cette machine fantastique ou devant
elle. Des deux comédiens, l’un (Vincent Lefevre) reste muet durant tout le spectacle, comme suoqué par les horreurs dont il a
été témoin. Lautre (Mathieu Coblentz) est le narrateur, qui raconte l’épopée de la Commune dans une langue remarquablement
travaillée, évoquant de manière très convaincante la langue populaire de la seconde moitié du XIXe siècle. Deux personnages
anonymes, pleins de conviction et de ferveur. Deroi aussi devant la répression sauvage qui sabattit lors de la Semaine sanglante
sur le peuple de Paris. Et qui nont pourtant pas renoncé à un humour insolent et dévastateur. Car le récit est ponctué de chansons
et de sketches faisant intervenir tout un attirail fantasque, fait de marionnettes et de masques, de chaînes et de haut-parleurs, de
marmites et d’aches. Et d’une gigantesque patte d’éléphant, qui évoque irrésistiblement cet éléphant de plâtre de la place de la
Bastille dans laquelle Gavroche avait trouvé refuge.
Ce spectacle est laboutissement d’un véritable travail collectif, qui a réuni les compétences d’une vingtaine dartisans de la scène et
révèle une inventivité exceptionnelle à tous points de vue. Le jeu des comédiens, qui s’inspire aussi bien du travail du clown ou du
mime que du théâtre proprement dit, est proprement enthousiasmant. Cela fait de Notre Commune un spectacle rare : pertinent,
impertinent et drôle.
Juin 2012
Le fond de l’art est rouge !
C’est un théâtre de rue qui s’installe sur les places, en plein air, et ici sous les beaux marronniers de la Cartoucherie.
C’est une pièce qui vous happe, si bien que vous la suivez comme l’enfant suit le joueur de ûte dans le conte de
Grimm. Une création inventive, surprenante, courageuse et engagée. C’est une mesure de salut public que « Notre
Commune », et un plaisir pour tous.
L’histoire est criblée par les balles des vainqueurs, et les morts s’abîment dans l’oubli. On les cherche en vain dans nos manuels
scolaires. Il en est bien ainsi de ceux que t la dernière des révolutions françaises : la Commune. Or, parce que justement
l’Histoire avec un grand H n’est pas notre histoire, le spectacle des Lorialets Notre Commune prend tout son sens. Deux morts
de cette révolution s’y adressent à nous. L’un est privé de parole, et quand sa bouche s’ouvre, c’est sur un silence ensanglanté
; l’autre, au contraire, nous hèle, nous raconte sans jamais s’arrêter ce qui s’est passé. Il y a du bateleur chez lui, mais du Victor
Hugo aussi. Pathétique silence, verbe épique et polémique, le duo est incroyablement efcace.
L’un et l’autre, toujours en activité, souvent en mouvement, donnent de leurs personnes : Notre Commune est menée tambour
battant. Gueuler et non pas parler, courir, escalader la machine qui sert de décor : tout est fait en grand. Il faut dire que le théâtre
de rue est un maître exigeant. Le public à chaque instant peut se carapater, le temps est rarement idéal, et le vent vole les voix.
Que reste-t-il ? La voix nue, la lumière sans fard du jour… et l’art de s’arc-bouter sur ces obstacles pour créer des merveilles
inédites. C’est ce qui se passe ici. Les deux interprètes peuvent compter sur une géniale et monstrueuse machine. Elle est à la
fois un char de combat idéologique, le chariot du bateleur de foire ou l’éléphant de la Bastille si hugolien… Ce véhicule de bric,
de broc et de surprises nous entraîne dans son sillage sans cesser de se métamorphoser.
Couleurs de théâtre : couleur d’insurrection
Pensez à ces maisons incroyables que vous aviez enfants, pensez aux réalisations du Royal de luxe, et vous en aurez l’esprit.
Ouvertures et transformations créent l’émerveillement des petits et des grands. Impossible donc de s’ennuyer. Notre Commune
est ainsi le livre d’histoire rêvé. S’y succèdent des images incroyables mais vraies, comme l’envol de Gambetta en ballon. Et ces
images sont en couleurs. Bleu, blanc, rouge, surtout rouge et noir. Car les couleurs du théâtre sont aussi celles de la révolution.
Vous voilà donc pris à témoins, interrogés, vous voilà avec une gravure dans les mains. Dans les mains et en grandeur nature ! De fait,
costumes et objets stylisés font penser à des caricatures de Daumier. Parfois d’ailleurs, une caricature apparaît sur une gure
de carton biface, ou même sur les fesses d’un des personnages : risible faces de cul du pouvoir établi. On saluera le travail des
facteurs d’objets, comme ceux des créateurs de la machine et des costumiers. Notre Commune est justement un beau travail
commun.
« Mais notre cri d’espoir qui va jaillir de l’ombre / Le monde va l’entendre / Et ne pas l’oublier. » C’est comme si le spectacle
réalisait cette volonté que l’on entend dans la si belle chanson de Caussimon et Sarde, La Commune est en lutte. Ces cris
résonnent à nos oreilles de vérité et d’actualité. On vous en livre deux seulement pour vous laisser le plaisir de la découverte :
« Quand t’as rien, tu rêves et t’en crèves », et « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ». Le fond de l’art est rouge à
la Cartoucherie…
« Au théâtre, il n’y a rien à comprendre, mais tout à sentir. » Louis Jouvet
« Notre Commune » | © David Buizard
8 avril 2012
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