Édition n° 2 · 2013 CompaCt Recherche sur le lait maternel : informations et actualités • • • Thème principal Bactéries dans le lait maternel : le microbiome du lait maternel Ces dernières décennies, des analyses bactériologiques du lait maternel ont été menées essentiellement pour identifier de potentiels agents pathogènes dans les banques de lait ou dans les cas d’infection de la mère ou de l’enfant. Ce n’est que depuis quelques années que, grâce à des méthodes d’analyse plus modernes, le sujet de recherche s’est élargi et le concept de « microbiome du lait maternel », un écosystème complexe abritant une grande diversité de bactéries, a fait son apparition. Jusqu’à 700 espèces différentes de bactéries Au cours du temps, de nombreuses études ont permis de montrer que des bactéries étaient présentes dans le lait maternel[1,2,3] à une concentration de 103104 cfu/ml[2] (cfu : Colony Forming Units). Jusqu’ici, on pouvait identifier deux à dix-huit souches bactériennes différentes par individu, notamment Staphylococcus, Streptococcus, Lactococcus, Leuconostoc, Weissella, Enterococcus, Propionibacterium, Lactobacillus et Bifidobacterium. Les espèces les plus souvent isolées dans le lait maternel sont Staph. epidermidis, Staph. aureus, Strep. mitis, Strep. salivarius, L. salivarius, L. fermentum, L. gasseri, L. rhamnosus, B. breve et B. bifidum. Des études récentes sont parvenues à mettre en lumière jusqu’à 700 espèces différentes de bactéries[4]. Des différences d’une mère à l’autre Grâce à de toutes nouvelles méthodes d’analyse, nous pouvons désormais établir une image plus claire de la composition bactérienne du lait maternel[1]. Il est aujourd’hui admis que la composition bactérienne se modi- fie tout au long de la lactation, mais qu’il existe un microbiome de base qui reste constant, à l’image de la colonisation bactérienne dans d’autres régions de l’organisme[5]. En outre, il semble que la composition microbienne du lait maternel soit vraiment propre à chaque femme et influencée par son état de santé et son poids, ainsi que par le mode d’accouchement[4]. Comment les bactéries parviennent-elles dans le lait maternel ? Le mécanisme exact par lequel les bactéries traversent l’épithélium intestinal, contournent le système immunitaire pour atteindre les glandes mammaires, reste encore mal défini à ce jour[6]. Si, d’un côté, on évoque la voie classique de la contamination, le concept de microbiome du lait maternel fait son chemin[7]. Ce concept se base sur le postulat qu’il y a une migration bactérienne active du tube digestif maternel vers les glandes mammaires. Celle-ci serait favorisée par une modification de la perméabilité de la surface intestinale, rendue possible par les changements hormonaux intervenant pendant la grossesse et l’accouchement. La composition du microbiome du Dr. med. Christopher Mayr, Directeur du Forum Nutricia pour la recherche sur le lait maternel Le Forum Nutricia pour la recherche sur le lait maternel a pour objectif de promouvoir l’allaitement et les recommandations en faveur de l’allaitement. C’est dans cette optique qu’a été créé le Prix scientifique Nutricia pour la recherche sur le lait maternel et l’allaitement. Ce prix annuel doté de 10 000 euros est décerné par un comité scientifique indépendant. Cette édition du Forum Compact vous en délivre tous les détails. L’utilisation du lait maternel est d’une grande importance non seulement pour les nourrissons nés à terme mais aussi pour les prématurés. Toutefois son contenu en substances nutritives doit être adapté aux besoins accrus de ces derniers. Nous avons demandé à deux néonatologues de partager leur expérience sur l’utilisation du lait maternel. Il est connu que le lait maternel a un effet prébiotique. Mais quel rôle joue le microbiome, objet de nombreuses discussions ces derniers temps ? Nous dressons un portrait de la composition bactérienne du lait maternel et des fonctions santé de ces bactéries. Découvrez ces thèmes ainsi que de nombreuses autres actualités sur le lait maternel dans cette édition de Forum Compact. Bonne lecture ! Dr. méd. Christopher Mayr Une initiative de • • • Thème principal lait maternel serait également influencée par les bactéries présentes sur les mamelons de la mère et de leur reflux lors de l’allaitement. Pro- et prébiotique Malgré la présence détectable de bactéries, le lait maternel est très différent des préparations probiotiques pour nourrissons. Il contient cent fois moins de patho- Saviez-vous que le lait ? maternel est une combinaison très complexe, avec plus de 500 composants et que sa composition varie d‘une mère à l‘autre ? gènes, mais présente une grande richesse bactérienne, contrairement aux préparations probiotiques pour nourrissons, qui sont, en règle générale supplémentées avec une seule espèce[2]. En raison des oligosaccharides qu’il contient, le lait maternel est plutôt qualifié de prébiotique que de probiotique[8]. Sous quelle forme ces oligosaccharides à l’effet prébiotique interagissent en symbiose avec le microbiome du lait maternel ? Cette question n’est pas encore élucidée. Effets sur la santé L’objet actuel de la recherche consiste à découvrir quels sont les effets sur la santé Bifidobactéries du microbiome du lait maternel. Chez l’enfant allaité, il semble ainsi jouer un rôle important dans le développement du système immunitaire[9]. Chez la mère allaitante, on présuppose un effet modulateur du microbiome, notamment sur les mastites[7]. Ces effets peuvent-ils être influencés par la composition du régime alimentaire durant la grossesse et l’allaitement ? Cette découverte ouvrirait de nouvelles perspectives pour la promotion de la santé. Bibliographie : [1] Hunt KM et al. PLoS One 2011;6:e21313; [2] Heikkilä MP & Saris PEJ. J Appl Microbiol 2003;95:471-78; [3] Martín R et al. Res Microbiol 2007;158:31-7; [4] Cabrera-Rubio R et al. Am J Clin Nutr 2012;96:544-51; [5] Turnbaugh PJ et al. Nature 2009;457:480-84; [6] Martin R et al. Trends Food Sci Tech 2004;5:121-27; [7] Jeurink PV et al. Benef Microbes 2012;27:17-30; [8] Newburg DS et al. Annu Rev Nutr 2005;25:37-58; [9] Donnet-Hughes A et al. Proc Nutr Soc 2010;69:407-15 • • • Prix scientifique Prix scientifique Nutricia pour la recherche sur le lait maternel et l’allaitement Inscrivez-vous dès maintenant ! Le Forum Nutricia pour la recherche sur le lait maternel remet le prix scientifique Nutricia pour la recherche sur le lait maternel et l’allaitement. Ce prix a pour objectif d’explorer le comportement d’allaitement, les clefs de son succès et de poursuivre la recherche sur la composition du lait maternel et ses fonctionnalités, avec pour objectif final de promouvoir l’allaitement, via la recommandation. Ce prix, d’un montant de 10 000 euros, récompense l’excellence d’une publication scientifique consacrée à la recherche sur le lait maternel ou l’allaitement. Le prix est décerné par un comité scientifique indépendant. Peuvent faire acte de candidature les scientifiques d’une institution académique (grande école, clinique) ou autre institut de recherche en Allemagne, Autriche et Suisse. Le dossier de candidature complet peut être téléchargé sur www.nutricia-forum-Muttermilchforschung.org ou demandé via le Forum Nutricia. CompaCt Comité du prix scientifique : Prof. Dr. Michael Abou-Dakn Clinique de gynécologie et obstétrique, Hôpital St-Joseph, Berlin, Allemagne Prof. Dr. Walter A. Mihatsch Clinique de médecine de l’enfant et de l’adolescent, Städtisches Klinikum München, Allemagne Privat-docent Dr. Andreas Nydegger Service de gastro-entérologie pédiatrique, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse Professeur d’université Dr. Karl Zwiauer Service de l’enfant et de l’adolescent, Landesklinikum St. Pölten, Autriche Édition n° 2 · 2013 • • • La recherche en bref – Nous avons lu pour vous Augmentation de l’utilisation du lait maternel et réduction des cas d’entérocolite nécrosante dans les unités dédiées aux prématurés grâce à une initiative sur le lait maternel Une initiative transhospitalière de l’Université de Californie, San Fransisco (UCSF) qui visait à promouvoir l’utilisation du lait maternel dans les unités de soins intensifs pour prématurés a porté ses fruits sur le long terme. Dans une étude scientifique récente, Henry C. Lee, néonatologue à l’hôpital pour enfants de l’UCSF, et ses collaborateurs ont mis au point un catalogue d’interventions pour promouvoir l’utilisation du lait maternel dans les unités de soins intensifs pour prématurés. Onze hôpitaux participants ont sélectionné dans ce catalogue leurs propres combinaisons d’interventions. Les hôpitaux ne participant pas au programme ont servi de groupe de contrôle. Ont été comparés l’évolution du taux d’utilisation du lait maternel du début de l’étude jusqu’à la fin de la période d’intervention (douze mois) et jusqu’à six mois après l’intervention, ainsi que les cas d’entérocolite nécrosante survenus durant ces périodes. Les chercheurs ont constaté que leur initiative dans les hôpitaux participants a permis une augmentation significative de l’utilisation du lait maternel, tant pendant les douze mois de la période d’intervention (de 54,6 % à 61,7%) que durant la période qui a suivi (64,0 %). Dans le même temps, le taux d’entérocolite nécrosante a chuté de 7,0 % à 4,3 % durant la période d’intervention et à 2,4 % durant la période qui a suivi. Dès le début de l’étude, le taux d’utilisation du lait maternel dans les hôpitaux du groupe de contrôle était supérieur à celui des unités participantes. Ces dernières ont aligné leur taux au cours de la période d’intervention et au-delà. Les responsables de l’étude estiment que leur programme est une initiative réussie puisqu’elle a permis d’améliorer le taux d’utilisation du lait maternel et de réduire les cas d’entérocolite nécrosante qui représente un risque pour la vie. Lee HC, Kurtin PS, Wight NE, Chance K, Cucinotta-Fobes T, Hanson-Timpson TA, Nisbet CC, Rhine WD, Risingsun K, Wood M, Danielsen BH, Sharek PJ. A quality improvement project to increase breast milk use in very low birth weight infants. Pediatrics. 2012;130:e1679-87. Ouvrage original disponible à l’adresse : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23129071 Des prébiotiques spécifiques montrent un potentiel protecteur chez la souris infectée par un VRS L’administration d’un mélange prébiotique spécial a pu augmenter la réponse immunitaire de type Th1 – indicateur possible d’une protection contre les infections, dans un modèle d’infection VRS. Les infections dues aux virus respiratoires syncytiaux (VRS) se manifestent chez le nourrisson par une fièvre de 38 à 39,5 °C, un écoulement nasal, de la toux et des troubles respiratoires. Elles s’aggravent souvent et peuvent nécessiter un traitement en hôpital. Chez les nourrissons, les infections à VRS peuvent entraîner un hospitalisme et un faux croup. Elles sont également considérées comme un facteur de risque de la mort subite du nourrisson. Le lait maternel réduit largement le risque d’une infection à VRS. Pour explo- CompaCt rer cet effet protecteur, des chercheurs de l’hôpital des enfants Wilhelmina du Centre Médical Universitaire d’Utrecht aux Pays-Bas ont étudié l’action d’un mélange prébiotique spécifique sur des souris infectées par un VRS. Ce mélange était composé pour l’essentiel de galactooligosaccharides à chaîne courte et fructo-oligosaccharides à longue chaîne dans un rapport de 9 à 1. Après huit jours d’administration, la réponse immunitaire Th1 s’est améliorée, ce qui contribue potentiellement à augmenter le rapport Th1/Th2. Selon les auteurs, l’augmentation de ce rapport a un effet protecteur contre les infections virales à morbidité élevée chez le nourrisson, comme celles à VRS par exemple. Schijf MA, Kruijsen D, Bastiaans J, Coenjaerts FE, Garssen J, van Bleek GM, van’t Land B. Specific dietary oligosaccharides increase Th1 responses in a mouse respiratory syncytial virus infection model. J Virol. 2012;86:11472-82. Ouvrage original disponible à l’adresse : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2289622 Édition n° 2 · 2013 • • • Interview Supplémentation du lait maternel en protéines : Expériences chez les prématurés de très faible poids Le lait maternel joue un rôle important chez les nourrissons nés à terme, mais aussi pour les prématurés. Il contribue, entre autres, à la maturation du système immunitaire et réduit le risque d’entérocolite nécrosante. Mais sa teneur nutritionnelle seule ne suffit pas à combler les besoins des prématurés. C’est pourquoi la Société Européenne de Gastro-entérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatriques (ESPGHAN) recommande de supplémenter le lait maternel. Concernant les protéines, nutriment essentiel pour le rattrapage de croissance, l’ESPGHAN préconise un apport d’autant plus important que le prématuré est de faible poids. Jusqu’ici, les compléments au lait maternel à disposition étaient composés des principaux nutriments, vitamines, minéraux et oligo-éléments. Depuis 2012, il existe aussi un supplément uniquement à base de protéines (Aptamil Eiweiß+) pour les prématurés de très faible poids. Nous avons recueilli le témoignage de deux néonatologues quant à leur expérience avec ce nouveau supplément. Dr. Sandvoss, vous avez été un des premiers à inclure le nouveau supplément en protéines dès sa mise sur le marché, dans votre régime d’alimentation. Dr. Sandvoss : Oui, c’est vrai. Le concept de supplémentation protéique individuelle me paraissait bon. Et il y avait enfin un produit qui délivrait la dose de protéines correspondant, tant quantitativement que qualitativement, aux besoins protéiques d’un fœtus in utero. À quelle catégorie de prématurés donnezvous ce supplément en protéines ? Dr. Sandvoss : Nous avons commencé par l’administrer aux prématurés de très faible poids, pesant moins de 1 000 grammes, et qui ont un volume alimentaire très faible. Nous complétons en premier lieu le lait maternel, par étapes, d’abord avec un complément du lait maternel (Frauenmilchsupplement, FMS) à partir de portions alimentaires de 5 ml, puis lors de l’installation de l’alimentation orale avec un supplément protéique. En principe, nous supplémentons également les laits infantiles, lorsque les prématurés sont à la traîne en termes de poids et n’ont pas la croissance et la prise de poids escomptées. Dr. Siegel, quel avantage voyez-vous dans l’utilisation d’un supplément en protéines par rapport aux régimes d’alimentation classiques ? Dr. Siegel : Le gros avantage par rapport à l’approche classique avec un complément du lait maternel, c’est qu’il contient uniquement des protéines. Je peux ainsi l’ajouter au lait maternel, sans que cela provoque une intolérance chez le prématuré, comme par exemple une réaction hyperglycémique. Lorsque ce cas se présentait, nous étions obligés de réduire l’apport en complément et par conséquent l’apport protéique. Nous savons cependant que l’alimentation doit comporter un certain apport protéique pour que les prématurés aient une croissance continue. Comparée à la croissance intrautérine, la croissance de l’enfant reste à la traîne sans le supplément protéique. Dr. Sandvoss, quelle est votre expérience ? Dr. Sandvoss : Chez certains prématurés avec, par exemple, une dysplasie broncho-pulmonaire grave, l’apport global de liquides doit être limité, alors qu’ils ont des besoins caloriques et protéiques élevés. Avec le supplément en protéines, nous pouvons augmenter l’apport protéique de manière effective, sans augmenter les volumes de liquides administrés. Comme il s’agit de protéines pures, sans oligo-éléments et minéraux supplémentaires, il n’y pas de risque de surdose, par exemple en calcium et phosphate. Comment employez-vous le supplément en protéines ? Mentions légales Contact rédactionnel : [email protected] Responsable : Dr. med. Christopher Mayr Rédaction : Dr. oec. troph. Rainer C. Siewert, Scientific Communication Éditeur : Milupa GmbH, Bahnstraße 14–30, D–61381 Friedrichsdorf Design: Désirée Gensrich, dbgw Impression : purpur Produktion GmbH Images : privé; Fotolia.com: Deksbakh (1); Reicher (3); Andres Rodriguez (3) CompaCt Dr. Achim Sandvoss, Médecin-chef à la clinique de médecine de l’enfant et de l’adolescent, Service de Néonatologie, Hôpital de Braunschweig, Allemagne Dr. Jens Siegel, Médecin-chef à l’hôpital pour enfants Auf der Bult, Hanovre, Allemagne Dr. Sandvoss : Nous enrichissons le lait maternel avec une dose standard de complément du lait maternel (FMS) et le complétons ensuite avec le supplément protéique, et ce afin d’obtenir une courbe de croissance, particulièrement pour le poids, au-dessus du dixième percentile, plus ou moins parallèle à celui-ci. En règle générale, une courbe de poids adéquate s’accompagne également d’une courbe de périmètre crânien adéquate. Dr. Siegel, quel objectif poursuivez-vous avec ce produit? Dr. Siegel : Au final, l’objectif pour moi est toujours le même : imiter autant que possible la croissance intra-utérine. C’est pourquoi ce supplément protéique me paraît être un composant idéal pour augmenter l’apport protéique du lait maternel. Comment évaluez-vous la tolérance de ce produit ? Dr. Siegel : Du point de vue clinique, la tolérance est très bonne. Nous avons utilisé le produit de manière continue depuis qu’il est sur le marché. Je dirais qu’il n’y a aucune intolérance. Dr. Sandvoss : Nous observons, entre autres, la vidange gastrique, le temps de transit gastro-intestinal et la qualité des selles et n’avons constaté aucun impact négatif. La digestion est également très bonne. Vous trouverez plus d’informations sur la recherche sur le lait maternel sous: www.nutrica-forum-muttermilchforschung.org Cette newsletter a été imprimée sur du papier certifié FSC Édition n° 2 · 2013