www.nrp–college.com NOVEMBRE 2013 lettres collège Nouvelle Revue Pédagogique N° 635 / 8,20 € / ISSN 1636–3574 NRP Séquences X Le type du valet balourd dans la comédie 6e X Masques et grimaces de l’amour au théâtre 4e X Le Dieu du Carnage, de Yasmina Reza 3e Héros et antihéros au théâtre NRP Conformément aux dispositions sur le droit d'auteur (Code de la Propriété Intellectuelle), la reproduction et la représentation de tout ou partie de ce numéro de la NRP notamment sur les sites web contributifs, les blogs, sont strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles N°635 Sommaire Nouvelle Revue Pédagogique Collège / NOVEMBRE 2013 NOUVEAUTÉ 2013 16 Dossier héros et anti-héros au théâtre Par Carole Guidicelli Toutes les fiches à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptables aux besoins des élèves. Actualité 4 Livres 6 Pédagogie 8 Spectacles Séquences pédagogiques 9 Collèges d’ici 22 10 Par Édith Wolf Par Jessica Pinhomme et Claire Beilin-Bourgeois Par Carole Guidicelli Par A.W. Cinéma Par Marie-Laure Guétin 30 11 histoire du cinéma 12 Lire au CDI 13 Par Alain Barbé 40 Par Yannick Denoix Le carnet d’écriture Par Édith Wolf Séquence 1 6e Le type du valet balourd dans la comédie Par Franck Évrard † Séquence 2 4e Masques et grimaces de l’amour au théâtre Par Claire Beilin-Bourgeois Séquence 3 3e Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza Par Mariane Zingraff + numériques 50 étude de la langue 6e 5e 4e 3e Analyser la valeur des temps et des modes Par Amélie Berthou-Sergeant 58 Analyse filmique 6e 5e 60 Entraînement au brevet 3e Indigènes, de Rachid Bouchareb (2006) Par Marie Pierre Lafargue Huis-clos, de Jean-Paul Sartre Par Mariane Zingraff 63 d’écrivains 14 Maisons Par Rachel Druet Les Fiches pédagogiques Latin 4e L’humour noir d’Hannibal Par Anne Sinha Au fil de la revue, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. En partenariat avec l’INA Corrigés, bibliographies, documents complémentaires, etc. Fichiers audio Vidéo Iconographie * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés papier + numérique ou 100 % numérique). Aurore – Professeure stagiaire. OFFRE JEUNE ENSEIGNANT : 40 €, 100 €, 120 € REMBOURSÉS*. Pour aider les jeunes enseignants à faire face aux dépenses importantes lorsqu’ils débutent, la MAIF propose l’offre jeune enseignant. En combinant votre assurance professionnelle et votre assurance auto et/ou habitation, vous pouvez faire jusqu’à 120 euros d’économies. Pour plus d’informations, appelez le 0800 129 001**. * Offre valable du 15 mai 2013 au 30 juin 2014, non cumulable avec les autres offres en cours, réservée aux nouveaux sociétaires MAIF enseignants de moins de 30 ans ou, quel que que soit leur âge, professeurs stagiaires, titulaires 1re et 2e année et étudiants en ESPE admissibles à la cession de concours 2014. Les avantages tarifaires sont attribués sous forme de chèque de remboursement adressé après la souscription, en simultané ou en différé au plus tard le 30 juin 2014, de l’assurance des risques professionnels OME associée : à l’assurance habitation RAQVAM (40 € remboursés) ou à l’assurance auto VAM (100 € remboursés), ou aux deux (120 € remboursés). ** Appel gratuit depuis un poste fixe. L’Offre Métiers de l’Éducation est un contrat proposé par la coassurance MAIF et USU. MAIF – Société d’assurance mutuelle à cotisations variables – 79038 Niort cedex 9. USU – Société d’assurance mutuelle des Autonomes de Solidarité Laïques à cotisations variables 7 Rue Portalis – 75008 Paris. Entreprises régies par le Code des assurances. Fédération des Autonomes de Solidarité Laïque – Association régie par la loi de 1901 – 7 rue Portalis – 75008 Paris. « Pour mon premier poste, j’ai dû quitter Nîmes pour Brest . Ça m’a fait bizarre. À mon compte en banque aussi. Heureusement, côté assurance, la MAIF m’a bien aidée. » Édito Yun Sun Limet Directrice de la rédaction Éditeur : Nathan, 25 av. P. de Coubertin 75013 Paris Directrice de la rédaction : Yun Sun Limet Conseillère pédagogique : Claire Beilin-Bourgeois Directeur de la publication : Catherine Lucet Directeur délégué : Françoise Fougeron Responsable d’édition : Annie Chouard Révision : Eva Baladier Assistante d’édition Web : Alexandra Guidal Fabrication : Lucile Davesnes-Germaine Iconographie : Laure Penchenat Marketing/Diffusion : Marielle Bignos, Catherine Coat, Évelyne Delcroix. Impression : NIL, Allée Louis Blériot, 58500 Clamecy Création de la couverture : Christophe Billoret Création des pages intérieures : Élise Launay Réalisation maquette : Alinéa, route de Gallardon 28130 Yermenonville Publicité : Mistral Media, Directeur commercial : Luc Lehéricy ; Directeur de la publicité : David Bichot, 365 rue de Vaugirard 75015 Paris. Tél. : 01 40 02 99 00 Partenariats : Christophe Vital-Durand. Tél. : 01 45 87 52 83 Code article : 111623 N° d’édition : 101 97 358 Dépôt légal : novembre 2013 Commission paritaire : 0714T83332 Abonnement 1 an, France (5 numéros) : 39 € ; DOM/TOM : 51 € ; France (5 numéros et 5 suppléments) : 65,50 € ; DOM/TOM : 78,50 € – Abonnement 1 an papier + numérique (5 numéros et 5 suppléments) : 67,50 € ; DOM/TOM : 80,50 € – Abonnement 100 % numérique à partir de 19 € sur www.nrp-college.com – Numéro vert : 0800 032 032 – Abonnement pour la Suisse, EDIGROUP SA, [email protected] – Abonnement pour la Belgique, Edigroup Sprl, email : [email protected] – ISSN 1636-3574 – Prix au n° : 8,20 € Certains exemplaires sont accompagnés d’une offre d’abonnement. Nous ne sommes pas des héros… Au quotidien, nous ne réglons pas les difficultés du métier et de la vie en général à coups d’épée ou de sabres laser. Et le théâtre est là pour nous rappeler, avec sa cohorte de personnages, toute l’ambiguïté même de l’héroïsme, par les conflits intérieurs et les images inversées des grands hommes de la comédie ou la tragédie. Et c’est aussi une tragédie que je voudrais ici évoquer. Franck Évrard, fidèle collaborateur de la NRP depuis près de cinq ans, qui a, dans les pages de cette revue, partagé avec enthousiasme et ferveur son expérience d’enseignant, nous a brutalement quittés le 20 juin dernier à l’âge de 52 ans. Ce passionné des lettres, du théâtre, aimait son métier et ses élèves, qui le lui rendaient bien. Il a « converti » au « français » bien des garçons et filles qui n’appréciaient guère cette matière. Il a accompli la belle mission de les éveiller aux puissances de la langue et des œuvres, sans lesquelles nous sommes bien peu de chose. Il a aussi été un auteur prolifique d’essais, de pièces de théâtre, de nouvelles et récits que je vous invite à découvrir (sur le site qui lui est dédié, http://franck-evrard.net/). Dans ce numéro, la NRP a le triste honneur de publier son tout dernier texte sur le « type du valet balourd dans la comédie ». Et le mot posthume est bien difficile à écrire. Nous ne sommes pas des héros… Nous adressons une pensée toute particulière à son épouse et ses deux filles. Cyrano […] Dans ce trajet si court de la branche à la terre, Comme elles savent mettre une beauté dernière, Et malgré leur terreur de pourrir sur le sol, Veulent que cette chute ait la grâce d’un vol ! Roxane Mélancolique, vous ? Cyrano, se reprenant Mais pas du tout, Roxane ! Crédits photographiques COUVERTURE : photo- AKG images/Sotheby’s, « Pavlova taking a bow », Dame Laura Knight @ Reproduced with permission of The Estate of Dame Laura Knight DBE RA 2013. All Rights Reserved. ; 7 : Audrey Fournier ; 10 : DR/Cinémathèque française ; 11 LEEMAGE ; 13 Pierre Grosbois/JerryCom ; 16 WIKISPECTACLE/Christophe Raynaud De Lage ; 17 : BIS/Ph. Jeanbor © Archives Larbor ; 20 : ARTCOMART/Pascal Victor ; 22 : BIS/Ph. Sergio Rossi © Archives Larbor ; 24 : BIS/Ph. Coll. Archives Larbor ; 27 : BIS/Ph. © Tournachon – Nadar/Archives Larbor ; 30 : BIS/Ph. Coll. Archives Larbor ; 32 : BIS/Ph. © Art Institut of Chicago – Archives Bordas ; 36 : BIS/Ph. Coll. Archives Larbor – DR ; 37 : LEEMAGE/Photo Josse ; 40 : ARTCOMART/Pascal Victor ; 42 : ARTCOMART/Pascal Victor ; 45 : Coll. CHRISTOPHE L ; 46 : BIS/Ph. Jean-Alex Brunelle © Fondation Dina Vierny-Musée Maillol, Paris © Succession Marcel Duchamp/Adagp, Paris… ; 49 : Coll. CHRISTOPHE L ; 62 : ARTCOMART/Pascal Victor ; 63 : BIS/Ph. © British Museum – Archives Larbor. novembre 2013 NRP COLLÈGE 3 Livres Actu Essai Roman Thomas Laqueur, La Fabrique du sexe, Essai sur le corps et le genre en Occident, trad. Michel Gautier, Gallimard, « Folio essais », 397 pages, 10,50 €. Cécile Minard, Faillir être flingué, Rivages, 326 pages, 20 €. Le sexe est-il une idée ? La poésie du western « […] la substance du discours de la différence sexuelle ignore l’entrave des faits et demeure aussi libre qu’un jeu de l’esprit. » La dernière phrase du livre en montre l’apparent paradoxe. Il ne s’agit pas d’analyser la construction de la différence des genres mais bien celle de la différence des sexes, et de prouver qu’elle est toujours une fabrication culturelle. Le titre vilain et vulgaire (quelle image des lecteurs peut bien guider des choix aussi consternants ?) annonce très mal un récit plein de charme. Inspirée par la mythologie du western, l’auteure prend un plaisir communicatif à en déployer les motifs : relations entre Indiens et Blancs, brutalité des mœurs, voyage à travers les plaines dans des chariots, naissance d’une ville (avec ses commerces rudimentaires, son bétail, son saloon). Ces thèmes traités avec humour donnent au roman sa dynamique. Les récits d’action sont efficaces : les voyages, les rituels indiens, les bagarres font voir dans le détail objets, personnages et lieux. L’ouvrage présente une histoire en trois temps des représentations anatomiques et physiologiques du sexe féminin, dans les ouvrages de médecins, de théologiens, de philosophes, de savants, de l’Antiquité à nos jours. De la Grèce antique à la fin du xviie siècle, hommes et femmes sont considérés comme fondamentalement semblables, mais hiérarchiquement inégaux, la femme étant une version incomplète de l’humain. Ses organes génitaux sont dessinés comme ceux de l’homme et désignés par les mêmes mots, mais placés à l’intérieur du corps, donc imparfaits. Au xviiie siècle, les organes sexuels sont mieux connus, et leurs différences sont interprétées comme le signe d’une incommensurabilité totale, qui se retrouve dans tout le reste du corps (nature des cheveux, de la peau et, bien sûr, de l’esprit…). Dans la troisième période, les découvertes montrant une indétermination de l’embryon modifient cette conception. Toutefois, le passage d’une représentation à l’autre n’est ni immédiat ni total, le modèle unisexe pouvant persister jusqu’au xixe siècle, voire jusqu’à aujourd’hui dans des croyances populaires, et le second servant encore à justifier les places sociales « naturelles » des hommes et des femmes. C’est en cela que l’ouvrage est passionnant (notamment pour les enseignants confrontés aux questionnements des adolescents sur leur corps et leur identité) : il nous montre à quel point, dans nos représentations du monde (et des sexes), coexistent des conceptions modernes et d’autres très archaïques. Une invitation érudite à questionner ce qui semble aller de soi. Édith Wolf Mais ce qui donne au livre sa poésie, c’est la présence de la nature, et la manière dont les personnages l’affrontent, s’en servent, s’y perdent ou s’y retrouvent. Chacun d’eux est d’abord montré seul, tentant de survivre dans la plaine, pendant que son but et son passé sont peu à peu dévoilés. Personnage emblématique, la chamane Eauqui-court-la-plaine guérit par son savoir traditionnel les hommes perdus dans la nature. Puis les trajets de tous convergent vers une ville en train de naître. On assiste à cette naissance au cours de laquelle chaque personnage découvre sa vocation, participe à la création d’une société et noue des liens de solidarité avec les autres. Il s’agit donc d’un récit de fondation dans lequel les hommes (les personnages féminins sont stéréotypés comme dans les westerns) passent d’une survie solitaire, dans la nature où l’autre est un ennemi, à une société humaine. Cette dimension de mythe des origines ne fait nullement du roman un récit didactique. La structure, très maîtrisée, permet de passer en souplesse d’un personnage à l’autre. La tonalité, lyrique lorsque les hommes affrontent la puissance de la nature, devient burlesque à l’intérieur de la ville de western. Le jeu avec le genre fait du lecteur un complice ravi, qui peut penser, par moments (avec quelques couacs peut-être) à un Giono du Far West. Les élèves à partir de la 4e devraient se plonger avec délices dans ces aventures américaines. Édith Wolf 4 NRP COLLÈGE novembre 2013 aussi Mythologie Jean-Paul Savignac, Lougous longue-main, illustrations de Jean Mineraud, La Différence, 192 p., 18 €. Prix NRP Les tendances de la sélection 2013-2014 Avec le retour de l’année scolaire, le prix NRP a lui aussi fait sa rentrée. Douze nouveautés de littérature de jeunesse ont été passées au crible par notre jury de professeurs de lettres et documentalistes. D’ores et déjà, nous vous proposons de découvrir les grandes tendances de la sélection 2013-2014. Comme l’an dernier, le roman historique occupe les devants de la scène, que le lecteur se plonge dans une fratrie des années 1970 (Jean-Philippe Arrou-Vignod, La Cerise sur le gâteau, Gallimard), dans un xviie siècle pittoresque (Odile Weulersse, La Poudre d’amour de Louis XIV, Pocket Jeunesse) ou dans une Pompéi encore vivante (Annie Jay, La Fiancée de Pompéi, Livre de Poche). Le passé se fait aussi l’écho des combats d’aujourd’hui, notamment contre le racisme (Annelise Heurtier, Sweet Sixteen, Casterman). De même, quand le monde contemporain est abordé, c’est souvent pour sensibiliser le lecteur à ses aspects sombres : sexisme (Charlotte Erlih, Bacha posh, Actes Sud Junior), viol (Mireille Disdero, À l’ombre de l’oubli, Le Seuil Jeunesse), méfiance envers les immigrés (Claire Clément, Sami, Goliath, Oscar, Ousmane et les autres, Bayard), montée des extrémismes (Jérôme Leroy, Norlande, Syros). Mais cette sélection 2013 voit émerger une nouvelle tendance : la présence forte du personnage de l’artiste. Des adolescents en mal de vocation artistique de Martin Page (Plus tard je serai moi, Éditions du Rouergue) et Chris Donner (Mes débuts dans l’art, L’École des loisirs), au génie tourmenté de Camille Claudel (Marie Sellier, Cœur de pierre : Camille Claudel et Rodin, Nathan), en passant par un écrivain en herbe pris au piège de l’écriture (N.M. Zimmermann, Une histoire terrifiante, Flammarion), la littérature de jeunesse s’interroge sur la création et la figure du créateur. Dès ce mois de novembre, vous pourrez retrouver l’ensemble de la sélection dans votre PDF enrichi (présentation, biographie des auteurs, extraits, avis du jury ), en attendant le verdict final. La mythologie des Gaulois, peuple sans écriture, est mal connue. Dans la collection « Les Hommes-dieux », Jean-Paul Savignac propose des récits sur les personnages essentiels de cet univers. Le premier, Lougous, rappelle Achille et Héphaïstos mais certains épisodes (métamorphoses animales, mariage avec une femme-fleur) nous font entrer dans un monde mythique autre et passionnant. À proposer en extraits en 6e, pour l’étude de la mythologie, et en 5e, pour présenter les sources de la matière de bretagne. belles illustrations. Livres À lire Actu témoignage Peurs sur l’école de Christophe Varagnac, Jean-Claude Gawsewitch, 304 p., 19 €. Le récit sincère de ce qui a été une « affaire » de plus d’agression d’un enseignant par un élève en 2012 en région bordelaise. Il permet de comprendre le contexte précis d’une information souvent tronquée dans les médias. Aucun manichéisme, aucun esprit vindicatif : mais un constat et des pistes de « mesures » à prendre. Si ces dernières semblent bien modestes à l’égard de l’ampleur des problèmes et des enjeux, il reste sur la fin de ce livre l’essentiel : conserver le « plaisir simple de la transmission ». Anthologie Esprit de Diderot, choix de citations par L. Loty et É. Vanzieleghem, Hermann, 160 p., 6 €. Ce choix de pensées éparses rend fidèlement compte de la philosophie de Diderot, toute en dialogues, questions et paradoxes. Utile à l’enseignant (grâce à une préface excellente), il peut fournir à l’élève des sujets de réflexion ou servir d’introduction à l’étude des Lumières. Louise Roullier novembre 2013 NRP COLLÈGE 5 Pédagogie Actu Le théâtre de l’Aquarium, espace ouvert aux publics scolaires “ Paroles d’experte Par Jessica Pinhomme, responsable des relations publiques au théâtre de l’Aquarium Interview par Claire Beilin-Bourgeois Depuis que le théâtre de l’Aquarium est dirigé par le metteur en scène François Rancillac, la troupe a voulu faire de l’accueil des scolaires une priorité. Chaque année, de nombreux élèves se rendent à ce théâtre, à La Cartoucherie dans le bois de Vincennes, pour une véritable immersion dans l’univers du théâtre. Jessica Pinhomme, chargée des relations avec les publics, nous parle de ces expériences toujours fortes. Des spectacles qui s’adaptent aux publics Claire Beilin-Bourgeois : Vous accueillez beaucoup de scolaires : avez-vous une méthode ? Jessica Pinhomme : Tout d’abord, accueillir des élèves de collège et de lycée est un axe très développé à l’Aquarium : c’est un choix personnel de François Rancillac, et une exigence, une priorité à intégrer dans le temps, l’espace et la disponibilité des artistes. Nous avons un principe simple. Chaque fois qu’un projet scolaire est en route, toute l’équipe est impliquée. On travaille par étages. On accompagne toujours les classes qui voient un spectacle. Au minimum, on envisage, avant la représentation, une rencontre avec l’équipe, souvent dans le cadre d’une visite du théâtre, et, après, une nouvelle rencontre sous la forme d’un atelier ou d’un débat. Nous nous efforçons d’individualiser ces interventions, en tenant compte, toujours, du public auquel nous avons affaire : l’âge des élèves, le type de classe, leurs centres d’intérêt, etc. C. B.B. : Vous insistez sur cette nécessité de choisir des spectacles adaptés aux élèves… 6 NRP COLLÈGE novembre 2013 J. P. : En effet, car le théâtre n’est pas un univers familier des élèves, et un mauvais choix peut susciter de véritables rejets. Cela dit, quand les classes sont accompagnées, on est souvent surpris par la réaction du jeune public. Un spectacle peut finalement plaire à un groupe alors qu’on craignait que ça ne marche pas. Donner un avant-goût du spectacle C. B.B. : Quelles actions proposez-vous ? J. P. : Ici, à l’Aquarium, nous privilégions le travail sur la durée. On essaie de faire en sorte que les élèves viennent voir deux spectacles. En réalité, plutôt que par spectacle, on fonctionne par parcours. Pour cela on utilise tous les dispositifs existants [voir encadré ci-contre], avec des projets qui permettent d’associer le fait d’assister à un spectacle à des ateliers pratiques et un travail d’analyse. Nous menons des projets très divers, et qui nécessitent un engagement plus ou important de la part des enseignants. Certains impliquent une classe ou même un établissement sur une année entière. D’autres interventions sont beaucoup plus ciblées. Nous proposons ainsi des dispositifs plus ponctuels et assez faciles à mettre en œuvre pour les professeurs. Par exemple, avant de faire venir les élèves au théâtre, nous avons imaginé ce que nous appelons désormais des « itinérances », des lectures théâtralisées avec un comédien ou une comédienne qui joue dans le spectacle. C’est une sorte d’avant-goût, et la représentation a lieu dans une salle de classe puis est suivie d’une discussion. Ce type d’intervention est très aisé à mettre en place, d’autant qu’il n’y a pas à rechercher de financement, puisque c’est gratuit pourvu que la classe aille voir une représentation. De manière générale, quand un enseignant appelle pour des places de spectacle, on lui propose toujours quelque chose pour accompagner la représentation, ne serait-ce qu’une plaquette ou une visite du théâtre, afin qu’un dialogue s’engage et que les élèves aient l’impression de savoir pourquoi ils sont là, et d’avoir choisi d’être là. Faire entrer les élèves dans le jeu C. B.B. : Le fait de beaucoup travailler avec des publics scolaires a-t-il une incidence sur votre programmation ? J. P. : Pas vraiment, car nous ne cherchons pas à nous régler sur les programmes scolaires. En réalité, chaque année, la programmation s’articule autour d’un fil thématique. Cela, François Rancillac y tient beaucoup. Cette saison 2013-2014, par exemple, a pour thème « (En)quêtes ». Les spectacles sont variés, mais tous s’y rapportent : quête de soi pour Œdipe roi, petites enquêtes plus ludiques dans Le mardi où Morty est mort de Rasmus Lindberg, quête du passé… Nous partons plutôt du principe qu’un spectacle bien choisi suscitera l’intérêt du public si celui-ci est bien accompagné. Un professeur peut sélectionner un spectacle parce qu’il s’inscrit dans le cadre du cours, mais aussi parce que l’œuvre, l’angle adopté sont intéressants en eux-mêmes. La programmation obéit donc, avant tout, à des exigences thématiques et artistiques. En revanche, nous tenons compte des Quelques actions Les dispositifs académiques • Ateliers artistiques : l’atelier artistique s’adresse à un groupe d’élèves volontaires (quinze au minimum) et se déroule en dehors des heures d’enseignement. Sa durée est de deux heures hebdomadaires sur toute l’année scolaire. Il est fondé sur un partenariat avec une structure artistique et culturelle reconnue par la DrAC. • Classes à PAC (projet artistique et culturel) : elles permettent à l’enseignant de proposer une expérience artistique et culturelle à toute la classe (et non aux seuls volontaires), avec le concours d’artistes et de professionnels de la culture qui interviennent entre 8 et 15 heures par an. Pédagogie publics scolaires pour le calendrier, et programmons l’essentiel des spectacles susceptibles d’intéresser des élèves et leurs professeurs en dehors des vacances scolaires. De plus, nous considérons qu’il doit y avoir une continuité dans le travail que nous proposons aux professeurs. C’est pourquoi les intervenants sont toujours les mêmes : ce sont désormais des complices, comme Antoine Caubet, qui est associé au théâtre, ou la comédienne Christine Guênon qui vient souvent présenter son travail à l’Aquarium. Sa version de L’Homme qui rit de Victor Hugo, l’an dernier, a beaucoup séduit les élèves. C. B.B. : Quels « retours » avez-vous de leurs visites au théâtre ? J. P. : On essaie de faire en sorte qu’ils passent le plus de temps possible au théâtre. Quand ils y vont, ils se trouvent dans un lieu différent de la classe, plus impliqués, plus concentrés. Des professeurs, ils en ont déjà. L’intérêt, c’est que nous venons d’ailleurs. Nous parvenons même parfois à réunir des classes de différents établissements, ou plusieurs classes d’un établissement, pour des ateliers communs, avec des résultats étonnants. Les faire venir et revenir au théâtre est un choix toujours payant. Ce sont des publics que nous sommes alors amenés à connaître. C’est d’autant plus vrai que nous cherchons toujours à rendre les élèves acteurs, à les faire entrer dans le jeu. Lors des ateliers qui ont lieu après la représentation, ils sont invités à une relecture du texte, à faire de nouvelles propositions de mises en scène, à revisiter le spectacle. Là, il se passe toujours quelque chose de passionnant. Il y a un retour visible. Actu Les formules « maison » • Les itinérances : des lectures théâtralisées effectuées par un comédien dans les classes pour introduire le spectacle et engager une discussion avec les élèves. • Les Acolytes du théâtre de l’Aquarium, et les Acolytes junior : des spectateurs sont invités à suivre l’évolution d’un spectacle. Un groupe d’élèves peut devenir « Acolytes junior », ce qui leur permet d’avoir une expérience très concrète de la création. • Les Ateliers du week-end : le théâtre propose aussi aux adultes des ateliers autour de chaque spectacle. Il s’agit d’un travail avec le metteur en scène, pratique, concret, sur les enjeux dramaturgiques. Contact Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie, route du Champ de manœuvre, 75012 Paris – Tél. : 01 43 74 72 74 www.theatredelaquarium.net Jessica Pinhomme : [email protected] Atelier théâtre à l’Aquarium en 2012-2013, avec les élèves du lycée Camille-Claudel à Pontault-Combault et du lycée Louise-Michel à Champigny-sur-Marne. © Audrey Fournier, enseignante du lycée Camille-Claudel. novembre 2013 NRP COLLÈGE 7 Spectacles Actu « Du bienfait des balades en forêt dans l’éducation des enfants » Par Carole Guidicelli Tel est le sous-titre du Petit Poucet (prix Momix 2013), réécrit et mis en scène par Laurent Gutmann d’après Perrault, qui poursuit sa tournée cette saison. Une transposition caustique Du conte de Perrault, Laurent Gutmann ne conserve que la trame narrative : Petit Poucet, abandonné dans la forêt, échappe à l’ogre, escroque l’ogresse et réintègre la maison familiale grâce une valise pleine de billets. Loin de toute visée morale, cependant, Laurent Gutmann observe à la loupe la cellule familiale contemporaine, un couple à enfant unique : garçon pour la famille pauvre, fille pour la famille riche. La pauvreté des parents de Poucet est moins matérielle qu’affective et culturelle : l’enfant fait obstacle à l’épanouissement du couple et ne correspond pas au rêve de ses parents. La distribution sert à merveille le propos. Poucet est joué par un homme de petite taille (Jean-Luc Orofino) plus âgé que les interprètes de la mère et du père (Jade Collinet, David Gouhier). 8 NRP COLLÈGE novembre 2013 Dans une scène très drôle, les parents, en tenue de sport ample et ridicule à souhait, encadrent leur fils en costume sombre et cravate, juché sur de petites échasses métalliques qui le haussent jusqu’à eux. A contrario, la famille ogre – un riche trader toujours plus vorace, une blonde glamour digne des Desperate Housewives et une petite princesse endormie – évolue dans un monde doré et file le parfait bonheur. On comprend que Poucet, jusque-là silencieux, s’accroche à l’ogresse de toute la force de ses petits bras et use de tous les trésors de sa rhétorique. Les rêves et les épreuves pour aider à grandir « Il ne peut rien m’arriver chez vous, dit Poucet à l’ogresse. Je suis dans un rêve. Et on ne meurt pas dans les rêves. On se Le spectacle cité Petit Poucet ou Du bienfait des balades en forêt dans l’éducation des enfants, d’après Charles Perrault, écriture et mise en scène de Laurent Gutmann, avec Jade Collinet, David Gouhier, Jean-Luc orofino. Dates : – les 21 et 22 novembre à belfort ; – du 3 au 5 décembre à SaintÉtienne ; – le 10 janvier à Draguignan ; – le 31 janvier à Pau ; – du 12 au 16 février à Cergy ; – du 24 au 28 février à Lorient ; – le 8 mars à nanterre ; – le 8 et 9 avril à Colmar ; – du 16 au 18 avril à Angoulême ; – le 24 avril à Foix. réveille avant. » Le rêve vire pourtant au cauchemar pour Poucet autant que pour le public qui, plongé dans le noir tout comme l’acteur, distingue soudain une main armée d’un couteau, et une lampetorche qui balaie la salle pour trouver sa proie. Laurent Gutmann nous fait perdre nos repères et explore les peurs primitives de l’enfance, celles de l’abandon et de la dévoration. Un dispositif scénique simple, délimité par une série de tulles (peints de branchages sombres pour la forêt ou mordorés pour la maison de l’ogre) et complété de quelques accessoires (une petite table, deux tabourets, une assiette en carton avec des morceaux de pizza versus un plat doré garni d’un cochon de lait rouge sang), permet de figurer tous les lieux et de décliner facilement toutes les ambiances et émotions. Affronter ses angoisses, les surmonter par le rire, se défier des apparences pour trouver sa place dans le monde : finalement, l’abandon du Petit Poucet lui aura permis de devenir adulte. Actu Collèges d’ici Enseignements et parcours culturels Par A.W. La présence de l’histoire des arts au brevet des collèges (DNB) a été le point d’aboutissement d’un effort d’intégration de ces domaines aux programmes. Pourtant, des inquiétudes subsistent sur ses finalités et ses mises en œuvre, quand elles n’ont pas des raisons encore plus profondes : qu’il soit lecteur, spectateur, cinéphile ou mélomane, c’est en effet le rapport même de l’enseignant à la culture que vient questionner cette problématique. Une pluralité d’approches L’histoire des arts peut ainsi être l’objet d’une double approche : la première, officielle, articule étroitement les contenus d’enseignements à l’épreuve de fin de troisième ; elle découle de choix d’objets d’étude donnés, arrêtés localement et ratifiés en CA. La seconde, que l’on qualifiera de discrète ou de souple, amène le professeur à tirer parti de toutes les occasions pour faire acquérir aux élèves des compétences de lecture et de réflexion. Elle encourage ainsi une approche non exclusivement muséale ; à titre d’exemple, les réalisations architecturales ou urbanistiques contemporaines permettent d’initier les élèves à des problématiques qui les touchent en tant que citoyens, citadins et témoins critiques des tendances nouvelles. Des partenariats avec les acteurs culturels locaux Aussi l’enseignant peut-il être amené à changer de posture par rapport à sa discipline, sa pédagogie et son rôle dans l’établissement. Le récent texte sur le « Parcours d’éducation artistique et culturelle » entérine cette évolution ; prenant appui sur les acquis de l’histoire des arts et sur l’existence – dans le projet d’établissement ou le contrat d’objectif – d’un volet artistique et culturel, ainsi que sur les comités territoriaux de pilotage, il invite l’enseignant à occuper un rôle charnière dans les partenariats qui peuvent se nouer avec les acteurs culturels locaux – cinémas, théâtres, compagnies de danse, conservatoires, etc. –, sachant qu’il s’agit de « conjuguer au mieux les trois piliers de l’éducation artistique et culturelle : connaissances, pratiques, rencontres (avec des œuvres, des lieux, des professionnels de l’art et de la culture) ». À l’initiative de l’enseignant et des partenaires, ces rencontres peuvent prendre la forme d’enseignements spécialisés, de dispositifs de sensibilisation, de fréquentation et même d’initiation si les moyens le permettent – on peut songer ainsi à l’audiovisuel, activité transversale par excellence. Les élèves concernés par ces parcours doivent pouvoir en conserver la mémoire sur un support papier ou sous forme électronique ; l’élaboration de ce document permet de revenir, in fine, sur des activités permettant de valider des compétences d’écriture et de réflexion – à l’instar du journal de bord de TPE, en classe de première. rir des repères pour mieux comprendre la création contemporaine et à ceux qui, ayant suivi un parcours l’an passé, souhaitent approfondir leurs découvertes », ce dispositif mêle conférence et spectacle. Son succès traduit l’intérêt croissant pour l’offre culturelle locale, surtout quand elle s’inscrit dans une politique volontariste de mise en réseau des différents acteurs culturels. À travers ces parcours – de l’élève ou de l’enseignant – on voit ainsi aboutir et converger trois tendances : l’intégration des arts et de la culture au cursus scolaire, l’articulation entre les établissements et les dispositifs locaux et, enfin, le rôle nouveau de l’enseignant, à la fois pédagogue et architecte de telles actions. Professeur et spectateur Outre des qualités d’initiative, il est attendu des enseignants impliqués la capacité à investir auprès de ses élèves les centres d’intérêt qui les définissent en tant qu’intellectuels ; de même, avoir une connaissance des structures culturelles et de leur offre est également souhaité. À ce titre, des initiatives telles que le « parcours du professeur spectateur » (DAAC, académie de Grenoble) méritent d’être mentionnées. Destiné aux enseignants non spécialistes « qui souhaitent acqué- Références organisation de l’enseignement de l’Histoire des arts (bo no 32 du 28 août 2008) ; Histoire des arts au Dnb (bo no 41 du 10 novembre 2011) ; Le parcours d’éducation artistique et culturelle (bo no 19 du 9 mai 2013) ; Parcours du professeur spectateur : http://tinyurl.com/puucdaw. novembre 2013 NRP COLLÈGE 9 Cinéma Actu Cocteau : « Remuer cette grande machine de rêves… » Par Marie-Laure Guétin « … se battre avec l’ange de la lumière, l’ange des machines, les anges de l’espace et du temps, voilà une besogne à ma taille. » À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Jean Cocteau, l’automne cinéphilique s’ouvrira sur la lutte exaltée du poète avec le cinématographe. écrire en pellicule Du 25 septembre 2013 au 2 mars 2014, la Cinémathèque propose une exposition dévoilant l’ensemble des fonds collectés sur le poète cinéaste. Autour notamment de correspondances, photographies et costumes, l’occasion est donnée d’entrer dans le laboratoire poétique de Cocteau. La réédition de La Belle et la Bête en version restaurée, en salles et en DVD (comprenant des bonus inédits), constitue l’autre événement majeur de cet anniversaire1. Le journal tenu par Cocteau lui-même permet d’alimenter et de prolonger la réflexion sur le cinéaste : d’août 1945 à juin 1946, tout le processus de création y est décrit au jour le jour, dans le vif d’une écriture acérée. Lecture passionnante, ce journal raconte le combat, mené jusqu’à l’épuisement, pour qu’émerge enfin la traduction filmique du sens poétique que Cocteau entend conférer au conte2. Les nuits du fiancé-animal La Belle et la Bête, écrit par Mme Leprince de Beaumont en 1758, prolonge le cycle du fiancé-animal que Bruno Bettelheim fait remonter au conte de Psyché (Les Métamorphoses d’Apulée). Or, l’essentiel du travail de transposition de Cocteau se concentre sur cette figure monstrueuse. Cocteau multiplie les séquences dans le château et réinvente tout l’imaginaire qui gravite autour de cet être hybride, tour à tour humain et animal, magnétique et charnel, qui attire comme il rebute. Nourris visuellement par les illustrations de Gustave Doré3, le château et ses envi10 NRP COLLÈGE rons distendent l’espace à l’inconnu et le réel à l’onirisme. Quant à la Bête, loin des illustrations antérieures la représentant en sanglier, vieil homme aux jambes de bête ou encore satyre, elle acquiert ici le statut de grand seigneur, reconfigurant le monde de sortilèges en enchantements, et qui n’a de bête que la tête et les mains. Aussi participe-t-elle de ces êtres intermédiaires, aux limites de l’humain, dont la faiblesse, aux confins de la toute-puissance, se mesure à l’aune de ses désirs indomptables, sublimes ou horrifiants. Cette Bête rappelle l’essence quasi divine que Cocteau reconnaît aux poètes, capables, dans une expiration, de manifester les fantasmes nocturnes de la pensée humaine. « Ma nuit n’est pas la vôtre », confie la Bête à la Belle. Et c’est précisément dans ces nuits que Cocteau puise la substance poétique nécessaire à son art. Un véhicule de poésie Cocteau a souligné combien ce conte correspondait à sa mythologie personnelle, elle-même façonnée par les thèmes de l’amour, la mort, le destin, la médiation entre deux mondes. Toutefois ces thèmes traditionnels s’incarnent dans une logique du merveilleux, toute personnelle. Ainsi, la fabrique du merveilleux s’ancre surtout dans de multiples collusions entre animé et inanimé. Tout vibre et s’anime étrangement au rythme subtil des inventions visuelles de Cocteau. Des déplacements habités d’une « grâce d’un autre monde » (p. 221) au décor noir inondé d’une « forêt de lumière » (p. 194, le hall du château), d’un détail travaillé pour « créer novembre 2013 le malaise » (p. 192) à la « flaque d’encre » (p. 214) près de laquelle agonise la Bête, il s’agit toujours d’atteindre la vérité de l’irréel. Épuré de tout pittoresque, le surnaturel porte le sens profond du conte, puisqu’il intensifie les désirs entre les êtres. Partant, c’est du réel, conçu comme une réserve de merveilleux, qu’émane la poésie, véritable circulation et dissonance entre réel et rêve. Vertiges de la connaissance et de la conscience, tout est ici question de saisie, fugace et fulgurante, tendue vers une mise en lumière des nuits hantées de l’âme. À cONSuLtER Dossier consacré à La Belle et la Bête sur www.cinematheque.fr 1. Une nouvelle adaptation de La Belle et la Bête, réalisée par Christophe Gans, sortira en février 2014. 2. Jean Cocteau, La Belle et la Bête. Journal d’un film, Éd. du Rocher, 2003, p. 229 (citation liminaire). Les autres citations renvoient à cet ouvrage. 3. Une exposition consacrée à Gustave Doré se tiendra au musée d’Orsay du 11 février au 11 mai 2014. Actu Histoire Traîtres du Moyen Âge Par Alain Barbé La société féodale vit dans la hantise de la félonie qui bouleverse l’ordre établi. Elle nous a légué des figures de traîtres emblématiques. Transgression Parjure, forfaiture, complot : de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours au vie siècle aux Mémoires de Commynes à la fin du xve siècle, la trahison paraît être le ressort de l’histoire médiévale. Elle touche aussi bien les nobles que les roturiers, les femmes que les hommes. Sa définition très large inclut tout manquement à la parole donnée. L’adultère, la rébellion, le refus de l’autorité paternelle relèvent de la trahison. Dans la société féodale qui repose sur le serment prêté sur les reliques ou les Écritures, le traître devient un renégat qui met en péril la famille, le lignage, l’État et les valeurs chrétiennes. Les textes soulignent le caractère diabolique de ce criminel, prédisposé à faire le mal. Son visage est décrit comme maléfique et monstrueux, et il est assimilé à un animal enragé. Sa punition doit être infamante et exemplaire. Quand le culte de l’honneur devient l’apanage de la caste nobiliaire, il n’est pas rare de voir le blason d’un chevalier félon exposé « sens dessus dessous », c’est-à-dire renversé, symbole de la subversion de l’ordre établi dont il s’est rendu coupable. Félonie Des portraits types de traîtres imprègnent les esprits. Dans la culture chrétienne, le traître a un nom : Judas l’Iscariote. Dans La Divine Comédie de Dante, on le trouve au neuvième et dernier cercle de l’enfer, au plus près de Lucifer. Lorsque Louis XI condamne pour trahison le prince d’Orange Jean de Chalon, en 1477, il le qualifie de « prince des trente deniers » ! Avec l’essor des littératures profanes, la traîtrise va s’incarner dans un autre personnage : Ganelon, le « félon modèle » qui s’allie aux Sarrasins pour faire tomber le preux Roland dans l’embuscade de Roncevaux. Pourtant, son cas est ambigu. Lors de son procès, qui clôt La Chanson de Roland, Ganelon se défend d’avoir trahi et soutient s’être simplement vengé de Roland. Son lignage et la plupart des barons le soutiennent. Seul un duel judiciaire permet d’établir sa culpabilité : en s’attaquant à Roland, neveu et serviteur de Charlemagne, Ganelon a trahi son suzerain. Le félon finit écartelé et trente de ses proches sont pendus, car « qui trahit perd les autres avec soi ». L’image du traître Ganelon est très ancrée dans la culture populaire, au point que l’expression « traître comme Ganelon » devient proverbiale. Cependant, c’est avec Mordred que la figure du traître achève de se diaboliser. Diabolisation Dans les premières versions du cycle arthurien, Mordred est un simple vassal du roi Arthur qui séduit la reine Guenièvre, puis tente de s’emparer du trône avec l’aide des Saxons. Arthur le tue à la bataille de Camlan mais Mordred le blesse mortellement. Le cas de ce vassal félon ne cesse de s’aggraver au fil des réécritures du mythe. Au xiie siècle, Geoffroy de Monmouth en fait le neveu d’Arthur, ce qui accroît encore sa scélératesse. Les romans français du xiiie siècle vont plus loin : Mordred devient le fils incestueux d’Arthur. Antihéros parfait, Mordred cumule toutes les transgressions majeures : félonie, inceste et parricide. La diabolisation du personnage se double d’une instrumentalisation politique : ses tares sont celles que la cour capétienne attribue aux Plantagenêts, tout en révélant une condamnation de plus en plus forte de la traîtrise dans l’imaginaire collectif. Avec l’affirmation d’une monarchie sacrée, la traîtrise devient un crime de lèse-majesté exhibé lors de grands procès politiques. L’époque médiévale aura, en tout cas, produit des archétypes littéraires qui survivent encore aujourd’hui, car comme disait Hitchcock, « meilleur est le méchant, meilleur est le film ». Mordred tue Arthur, miniature d’un manuscrit de Boccace, fin du xve siècle, British Library. À lire M. Billoré et M. Soria (dir.), La Trahison au Moyen Âge, de la monstruosité au crime politique, Presses universitaires de Rennes, 2010. C. Lucken, « Ganelon, félon modèle », in Le Magazine littéraire, no 533, juilletaoût 2013, dossier « La trahison ». J. Verdon, Intrigues, complots et trahisons au Moyen Âge, Paris, Perrin, 2012. novembre 2013 NRP COLLÈGE 11 Lire au CDI Actu Aimer le théâtre au CDI Par Yannick Denoix, documentaliste au collège Gérôme (Vesoul), Fadben Il faut l’avouer, le théâtre n’est pas la star principale de nos CDI. Caché dans un coin, entre documents pédagogiques et dossiers documentaires, souvent réduit aux incontournables Molière, le rayon théâtre fait pâle figure. Pourtant, si les élèves ne se jettent pas sur les recueils de pièces, ils adorent les jouer en classe ! Dès lors, comment réconcilier lecture et mise en jeu d’une pièce ? Un fonds documentaire adapté Aux yeux des élèves, le théâtre a une image poussiéreuse de vieux classiques peu attirants, de mises en scène pompeuses et de tirades interminables. Cependant, aujourd’hui, de nombreuses collections en proposent des présentations attrayantes et vivantes, et accordent une belle place aux textes de toutes les époques, des « Étonnants Classiques » de Flammarion jusqu’aux « Petits Classiques » de Larousse. Mais il est également important pour le CDI de mettre en valeur le théâtre contemporain, par exemple à travers la magnifique collection de l’École des loisirs et ses courtes pièces particulièrement travaillées, propices à des mises en scène originales. Il ne faudra pas non plus passer à côté de la collection « Expression théâtre », chez Retz, dont les pièces comportent de nombreux rôles (pour ne fâcher personne), des décors facilement modulables en fonction des contraintes pratiques et un vocabulaire adapté à l’âge des élèves. De même, le recueil Scènes à lire et à jouer, de la 6e à la 3e d’Ariane Carrère chez Hatier, comporte des textes courts et simples à mettre en place. Quant aux éditions du Sablier, leur belle collection, « En scène » fait partir le lecteur sur les traces de personnages histo12 NRP COLLÈGE riques à travers de brefs textes de théâtre. Rois, médecins, femmes de lettres : autant d’occasions de découvrir l’histoire en s’amusant. Mais, avant tout, le CDI doit montrer aux élèves que, loin de se résumer aux grands classiques, le théâtre est un art vivant, fondé sur le spectacle et la mise en scène. À ce titre, on pourra faire cohabiter avec les livres les différents programmes des théâtres de la région, en fonction desquels seront proposées des sélections thématiques. Pour comprendre le théâtre Le théâtre sortira d’autant plus facilement des rayonnages qu’il sera joué et compris. Pour tout savoir sur le monde du théâtre, on ne se lassera pas de feuilleter encore et encore l’Histoire du théâtre dessinée d’André Degaine, dont la présentation originale, l’écriture manuscrite et le contenu particulièrement riche séduisent toujours les lecteurs. Les éditions Thierry Magnier ont, quant à elles, publié l’excellent ouvrage La Fabrique à théâtre, qui présente toutes sortes d’activités autour du théâtre : améliorer sa diction, créer un spectacle de marionnettes ou encore écrire une pièce. Un livre indispensable pour désacraliser le théâtre et le rendre captivant. novembre 2013 Mettre les paroles en scène Le théâtre peut facilement s’inviter dans la vie du CDI. Si les « clubs théâtre » fonctionnent régulièrement et mettent en scène de petites pièces ou des saynètes, d’autres activités peuvent être imaginées. À l’occasion d’une semaine thématique, un groupe d’élèves pourra, par exemple, déclamer des vers dans la cour pendant une récréation, ou annoncer de façon théâtrale le menu de la cantine lors de son ouverture. On peut également créer une mise en scène dans laquelle les élèves prennent la place des documentalistes et gèrent le CDI selon différentes attitudes, pendant une récréation ou une pause méridienne, par exemple. Et pour aller jusqu’au bout, on pourra imaginer que dans une classe, un groupe d’élèves se charge de présenter de façon théâtrale… le rayon théâtre ! Alors maintenant, levons le rideau sur nos rayons, et tous en scène ! À lire G. Beaudout et C. Franek, La Fabrique à théâtre, Thierry Magnier, 2011. A. Degaine, Histoire du théâtre dessinée, Nizet, 1992. d’écriture Les saisons : un thème et un langage Par Édith Wolf Traditionnel dans l’art et la littérature, le thème des saisons a fourni un matériau littéraire immense : supports des métaphores, échos des états d’âme, sources de jouissance esthétique, les saisons sont à la fois expérience et signes de cette expérience. Faire écrire les élèves sur ce thème, c’est leur permettre de relier le cycle naturel à des faits vécus et de se familiariser avec un motif majeur de la littérature et de l’art. Cet atelier d’écriture prend pour support L’Automne, tableau de Giuseppe Arcimboldo (1573, musée du Louvre). En 4e/3e, c’est l’occasion d’initier les élèves à la figure de l’allégorie. Écriture de liste En 6e et 5e : on demande une liste fondée sur l’anaphore des termes : « L’automne, pour moi, c’est… / C’est… ». Les notations peuvent être objectives et subjectives, ainsi que grammaticalement diverses. On lira ces listes à voix haute, convergences et divergences seront commentées. En 4e et 3e : on fait noter des mots et expressions associés à l’automne puis quelques listes sont lues rapidement. Recherches à faire à la maison À tous : on donne des recherches à effectuer sur Arcimboldo (dates, pays, genres abordés, commanditaires). On demande aussi une définition et une image des éléments suivants : coing, prunelle, millet, potiron, citrouille, rave. En 4e/3e : on invite la classe à définir le mot « allégorie », avec deux exemples, l’un dans un texte, l’autre dans une œuvre plastique. On fait également chercher des poèmes sur l’automne, dans les œuvres de Lamartine, Baudelaire, Verlaine, Jules Laforgue (« L’hiver qui vient »), Apollinaire (deux textes), et préparer des lectures orales. Observation et écriture en 6e/5e On fait expliciter le principe de L’Automne d’Arcimboldo : une figure humaine incarnant une saison. Puis on fait compléter un texte dans lequel les élèves devront retrouver les noms des végétaux qui composent cette figure (voir compléments numériques en ligne) : Pendant la correction les élèves justifient la présence des éléments repérés. Ensuite, les élèves inventent un âge, une profession, des goûts et des traits de caractère à attribuer au personnage, dont ils font le portrait à partir du texte à trous (qu’ils peuvent modifier) et des éléments inventés. Enfin, en reprenant la liste faite au début de l’atelier, chaque élève dessine un personnage incarnant « leur automne » à qui ils donnent la parole : le personnage se présente dans un texte où on pourra utiliser tous les éléments de la séance. À la fin de l’atelier, images et textes sont affichés dans la salle. Atelier d’écriture Actu Le carnet Observation et écriture en 4e/3e Observation : Après le repérage des éléments recherchés, on fait expliquer en quoi il s’agit d’une allégorie – tous les éléments visuels contribuent à construire l’idée – avec, cependant, un sujet moins abstrait que dans le cas des allégories traditionnelles. Pendant que l’on lit à l’oral les poèmes trouvés lors de la phase de recherches, les élèves prennent des notes sur l’image de l’automne dans les textes, image que l’on oppose à celle d’Arcimboldo : le peintre présente une figure de la vie végétale féconde, les poètes une image de la fuite du temps et de la mort. Écriture : En utilisant la liste élaborée au début de l’atelier et des éléments de l’observation, chaque élève fait une nouvelle liste de mots ou expressions associés à l’automne ; il proposera soit une vision positive de cette saison (comme le peintre), soit une image mélancolique (comme les poètes). Les termes abstraits comme « Vie », « Temps » et « Mort » prendront une majuscule. Les élèves écrivent ensuite un texte adressé à « leur automne » et commençant comme le poème de Lamartine : « Salut !… » Ils peuvent y intégrer des éléments trouvés dans les textes littéraires. novembre 2013 NRP COLLÈGE 13 Maisons d’écrivains Actu La villa Arnaga d’Edmond Rostand à Cambo-les-Bains en région « Toi qui viens partager notre lumière blonde Et t’asseoir au festin des horizons changeants N’entre qu’avec ton cœur, n’apporte rien du monde Et ne raconte pas ce que disent les gens » Tels sont les mots tracés à l’entrée de la villa Arnaga. Située à Cambo-les-Bains, entre Biarritz et Pau, la maison que le poète a fait construire au début du xxe siècle est un musée depuis 1962. Le visiteur qui pénètre dans la propriété est d’emblée impressionné par le parc : jardins à l’anglaise et à la française entourent l’immense villa de 1500 m² comportant 40 pièces, qui ne sont pas toutes ouvertes au public. Rostand découvre Cambo en 1900 sur les conseils du docteur Granger qui lui recommande la ville thermale pour soigner une pleurésie. Il y achète alors un vaste terrain avec vue sur les Pyrénées et où serpente l’Arraga, « eau qui coule sur les cailloux » en basque, qui deviendra Arnaga. En 1906, le jeune académicien s’installe dans ce bâtiment au style néo-basque, avec sa femme, la poétesse Rosemonde Gérard, et ses deux fils, Maurice et Jean. Un décor de théâtre Tout dans la villa Arnaga évoque le théâtre, à commencer par les décors savamment réfléchis par l’écrivain. La salle de jeux des enfants est ornée de scènes illustrant de vieilles chansons françaises. Le grand hall abrite un balcon anglais depuis lequel Edmond aimait déclamer des vers. La salle à manger joue les trompe-l’œil, avec ses faux marbres et ses volets intérieurs abritant des miroirs. La bibliothèque, entièrement dédiée à Cyrano de BerINFOS PRAtIQuES Pour obtenir des informations : gerac, renferme le César du meilleur acteur pour le film éponyme de Rappeneau de 1990, offert par Gérard Depardieu. L’office s’orne de frises décoratives qui évoquent Chantecler, pièce écrite à Arnaga en 1910. À l’étage, un ensemble Art nouveau féerique compose le boudoir de Rosemonde, et trois costumes d’académiciens rappellent le destin d’Eugène, d’Edmond et de Jean. L’ancienne chambre des enfants est consacrée à L’Aiglon et son interprète principale, amie de la famille, Sarah Bernhardt. Le petit salon bleu contient des documents de famille, lettres et photographies, dont celles prises en 1918 avec Mary Marquet, la dernière compagne du poète. La salle d’hydrothérapie montre à quel point, derrière une façade rurale, la villa cache un confort très moderne : calorifère, tableau électrique, système de passe-plats, appareils sanitaires… et plus de 40 domestiques. Un musée vivant Aujourd’hui, le musée reçoit près de 70 000 visiteurs par an et accueille des expositions temporaires. Son site Internet regorge de fiches à télécharger pour préparer la visite (2,50 euros / élève), et des stages de théâtre et d’expression y sont organisés. Les jardins comportent aussi des parcours pédagogiques. Tél. : 05 59.29.83.92 ou 05 59 29 94 97 Fax : 05 59 29 94 94 www.arnaga.com [email protected] Site complet : visite interactive, informations, manifestations, enregistrements et publications comme ce mémoire de master 1 sur « les décors d’Arnaga » très riche et exploitable dans le cadre de l’Histoire des arts. Autoroutes A63 et A64 ; sorties signalées à 20 km de bayonne et de biarritz, sur la route départementale D932, direction Cambo-les-bains. Contact pour vos visites : villa Arnaga – musée edmond rostand route du docteur Camino 64250 Cambo-les-bains 14 Midi-Pyrénées Par Rachel Druet NRP COLLÈGE novembre 2013 Accès : Histoire e des arts 3 NOUVEAU ! Une offre transdisciplinaire, à la carte et multisupport pour les professeurs d’Histoire, de Français, d’Arts plastiques et d’Éducation musicale ou Le manuel 144 pages – 15,50 € Le cahier 64 pages – 5,50 € Pour compléter le manuel ou le cahier : la banque de ressources numériques sur clé USB 69,90 € découvrir Manuel et cahier à rdonnateur o o c e tr o v e d s rè p au .nathan.fr r www Spécimen en ligne su Dossier Mise en scène de Dom Juan de Molière, par JeanPierre Vincent, avec Serge Bagdassarian (Sganarelle) et Loïc Corbery (Dom Juan), Paris, ComédieFrançaise, 2012. Héros et antihéros au théâtre Par Carole Guidicelli, professeur de lettres et docteur en études théâtrales Sommaire 16 D La figure du héros : notion et évolution 17 Le héros classique : un héros de tragédie 18 Du grand homme au héros marginal 19 Du héros négatif à l’antihéros 21 NRP COLLÈGE novembre 2013 ans La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, Andrea, l’ancien élève de Galilée, indigné par le renoncement de son maître face à l’Inquisition, s’écrie : « Malheureux le pays qui n’a pas de héros ! » Et Galilée de lui rétorquer : « Malheureux le pays qui en a besoin. » Rodrigue, Don Juan, Médée, Tartuffe ou Cyrano de Bergerac… autant de figures de héros (ou d’antihéros) dont la rencontre jalonne la découverte des grands textes littéraires au collège. En les resituant dans le contexte historique et social de leur époque, ce dossier permettra de mettre en perspective les modèles héroïques et les valeurs qu’ils incarnent. Héros et antihéros au théâtre La figure du héros : notion et évolution Du héros épique au héros tragique Dans les civilisations de l’Antiquité, le héros se distingue par ses origines (c’est souvent un demidieu), par son enfance (il a été abandonné à sa naissance, exposé à la mort dans un espace sauvage, comme moïse, Œdipe, romulus et rémus), parfois aussi par un signe distinctif (la chevelure de Samson, la force d’Héraclès, les pieds percés d’Œdipe…). radicalement autre, il accomplit des actions exemplaires au profit de la communauté : il tue les monstres qui la menaçaient (Thésée, Œdipe), libère son peuple d’une situation d’asservissement, le ramène sur son territoire (moïse) ou lui en trouve un nouveau (Énée), fonde une cité (Cadmos, romulus et rémus) ou la sauve de ses ennemis (Horace, Coriolan). Il est donc celui qui a été placé en dehors de sa communauté tout autant que celui qui en incarne et en sublime les valeurs. La figure occidentale du héros revêt un triple aspect : – mythique : le héros est doué de facultés exceptionnelles, ses exploits repoussent sans cesse les limites de l’humain ; – politique : le héros est, sinon une figure royale, du moins toujours un personnage central de la société, un chef de guerre ou un chef de peuple ; – littéraire : placé au centre du récit, le héros en est le « sujet actantiel », et ce récit a pour fonction de conter ses exploits. Le « héros » désigne donc alors le « personnage principal ». Si l’on prend l’exemple de la littérature grecque de l’Antiquité, toutefois, on voit bien comment le théâtre s’écarte des modèles construits par ces récits héroïques, tels que nous pouvons les connaître à travers l’Iliade et l’Odyssée. Là où la poésie épique célèbre les héros en magnifiant leurs actions exemplaires, la tragédie les montre dans leurs échecs, leurs souffrances (Prométhée enchaîné, Ajax) ou leur monstruosité (La Folie d’Héraclès). en effet, pour les spectateurs de la tragédie, au Ve siècle avant J.-C., les héros étaient les témoins d’un temps archaïque, celui des « tyrans », c’est pourquoi ils étaient marqués par la démesure (hybris), un comportement inacceptable aux yeux de la démocratie athénienne. Le théâtre naît donc comme un regard critique porté sur les héros épiques, c’est-à-dire, selon la célèbre formule de l’historien Walter nestle, « quand on regarde le mythe avec l’œil du citoyen ». Dossier le chevalier de rome, celui qui combat les Infidèles, qui délivre le tombeau du Christ à Jérusalem ou qui part à la recherche du saint Graal. Il est exemplaire par la fermeté de sa foi, qui le rapproche du saint ou du martyr, et, tout comme le héros de l’Antiquité, il n’accomplit pas ses exploits pour sa seule gloire, mais pour une cause qui transcende sa personne. Ces modèles héroïques informent à la fois les chansons de geste, les romans de chevalerie et la littérature de cour qui œuvre à l’éloge du souverain. La notion de héros devient ainsi indissociable d’une conception aristocratique du monde : si l’héroïsme trouve naturellement sa légitimité dans une société féodale qu’il contribue à maintenir, il est aisément transposable dans une société monarchique avec des ajustements (quand le héros n’est pas le souverain lui-même, il est celui qui contribue à sa gloire). en étudiant Le Cid en 4e, on pourra faire percevoir aux élèves cette continuité du modèle héroïque. « mme Le théâtre naît co or té p un regard critique s. » e sur les héros épiqu Avec le développement de la bourgeoisie, aux et XViiie siècles, les représentations du héros sont mises en question, tantôt sur le mode du renversement comique (comme l’antihéros du roman picaresque), tantôt sur le mode de la revendication égalitaire, qui prône le libre exercice de la raison et défend la liberté d’entreprendre (le Figaro de beaumarchais en est un bon exemple). Avec la généralisation des valeurs bourgeoises qui reposent sur l’éloge des vertus domestiques, le héros ne sert plus qu’à nourrir une mythologie populaire et n’en impose plus XViie Illustration du Mariage de Figaro, 1784. Du héros chevaleresque à l’antihéros Dans le monde chrétien, l’héritage gréco-romain doit s’adapter à de nouvelles valeurs. Le héros est novembre 2013 NRP COLLÈGE 17 « à l’honnête homme, l’homme éclairé, qui cherche à se constituer en modèle en s’efforçant de développer ses propres qualités et vertus. C’est pourquoi il trouve alors refuge dans le mélodrame. Le Romantisme, passant au crible la figure du héros, l’instituera de nouveau comme modèle, mais selon d’autres caractéristiques. L’héroïsme revu par les romantiques exalte le sentiment contre la froide raison, développe des vertus plus spirituelles que guerrières, et se présente comme une lutte contre l’adversité (une société corrompue, un destin injuste). Plus encore, le héros romantique a perdu sa place centrale (réelle et symbolique) dans la société pour occuper la marge, vivre dans l’ombre, ou connaître le déclassement. C’est ainsi que Jean d’Aragon est devenu le bandit Hernani chez Victor Hugo ou que le vertueux Lorenzo s’est transformé chez Musset en Lorenzaccio, le débauché affublé de tous les quolibets. a perdu e u q ti n a m ro s ro é Le h ans la sa place centrale d r la e société pour occup ombre, l’ marge, vivre dans ssement. » cla ou connaître le dé Dès lors, le héros, toujours personnage principal, n’est plus pour autant systématiquement le moteur de l’action, ni la figure exceptionnelle qui tendait vers le mythe, ni la figure d’autorité réelle et symbolique que l’on serait en droit d’attendre. C’est à ce moment-là qu’on peut sans doute commencer à parler d’antihéros, dans la mesure où celui qui devrait accomplir l’exploit ou le geste libérateur attendu diffère son geste, l’accomplit par accident ou pour des motifs dénués de toute noblesse : des traits qui ne cesseront de s’accentuer à l’époque moderne et contemporaine, jusqu’à brouiller les distinctions du héros, de l’antihéros et de l’homme ordinaire. Le héros classique : un héros de tragédie Le héros, figure cathartique « Il n’y a de héros, au sens fort, explique Patrice Pavis, que dans une dramaturgie présentant les actions tragiques des héros ou des princes, si bien 18 NRP COLLÈGE novembre 2013 que l’identification du spectateur a lieu en direction d’un être divin ou inaccessible. Ses actions doivent apparaître comme exemplaires et sa destinée librement choisie. Le héros est toutefois pris tragiquement entre la loi divine aveugle, mais irrépressible et la conscience malheureuse, mais libre (tragique)1. » Héritier de la tragédie grecque, le théâtre occidental fait en effet coïncider figure héroïque et figure tragique. Les actions héroïques portées à la scène ont pour cette raison non seulement un caractère exemplaire, mais encore suscitent-elles la terreur et la pitié. En tant que support d’identification, le héros est donc aussi une figure cathartique. À cet égard, il importe de distinguer le théâtre antique du théâtre classique, notamment sur la notion d’exemplarité. Œdipe est assurément un héros, mais n’est certainement pas un exemple. Plus précisément, si les héros tragiques grecs se caractérisent par l’hybris (la démesure), la tragédie romaine nous montre la façon dont leur aveuglement (sous le coup de la colère, du désir de vengeance, de l’obsession du pouvoir, de la passion amoureuse, etc.) fait d’eux des monstres. Sommet du genre, l’œuvre théâtrale de Sénèque multiplie les actes sanglants comme dans Thyeste où Atrée assassine ses propres neveux pour les faire manger à leur père, son frère jumeau, au cours d’un banquet cannibale censé célébrer leur réconciliation. Une exigence classique : l’exemplarité Au contraire, les héros cornéliens sont exemplaires en ce qu’ils ont valeur de modèles : l’empereur Auguste par sa magnanimité (Cinna), Polyeucte par son consentement à mourir en martyr de la religion chrétienne (son exemple a d’ailleurs pour effet de convertir Pauline, sa femme, au christianisme, et à lui inspirer le même esprit de sacrifice puisqu’elle renonce à se remarier avec l’homme qu’elle aime). Dans la tragédie classique, le conflit tragique oppose le destin (sous la forme de la loi divine ou des devoirs envers l’État) et la conscience malheureuse : d’un côté il faut se soumettre au souverain, au code de l’honneur, à l’intérêt collectif, de l’autre obéir au mouvement spontané du cœur, à l’amour, à la foi jurée, aux liens de l’affection (amoureuse, fraternelle, filiale…). Ce conflit met en balance la sphère privée et la sphère publique, le sentiment et la raison, et même l’autorité royale et le peuple. Dans son essai Corneille dramaturge, Bernard Dort souligne combien « la réconciliation entre un roi et son peuple, par l’intermédiaire du héros, est nécessaire2 ». Si le roi ne pardonne pas au héros, il est un tyran ; si, au contraire, le héros ne se soumet pas au roi, il est un rebelle. L’enjeu de cette réconciliation est la fondation ou la consolidation de l’État monarchique. Dès la 3e, on pourra sensibiliser les élèves à la manière dont cette notion d’« exemplarité » du héros a pu évoluer au fil des siècles. Héros et antihéros au théâtre De plus, le héros classique n’est pas seulement au cœur du conflit : il en cristallise tous les aspects, toutes les implications et interprétations possibles, comme l’explique Patrice Pavis : « Le héros classique coïncide parfaitement avec son action : il se pose et s’oppose par le combat et le conflit moral, répond de sa faute et se réconcilie avec la société ou avec lui-même lors de sa chute tragique. Il ne peut y avoir de personnage héroïque que lorsque les contradictions de la pièce (sociales, psychologiques et morales) sont entièrement contenues dans la conscience de son héros : celui-ci est un microcosme de l’univers dramatique3. » Rodrigue, par exemple, porte en lui à la fois les douleurs de l’honneur et celles de l’amour au point de devenir le champ de bataille de ces forces opposées qui se livrent un combat incessant : « Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse » (Le Cid, acte I, scène 6). Du grand homme au héros marginal Un héros en devenir : l’homme du peuple Dans ses dimensions morales et politiques, l’idée du héros classique recoupe souvent celle du grand homme, qu’il soit prince, gouvernant, chef de guerre, homme d’Église… Les qualités qui font le grand homme sont à la fois liées à l’excellence (éminence, ascendant naturel…), à la morale et à la religion (le désintéressement, l’absence d’affectation, la foi), ainsi qu’à l’intelligence et au calcul (être plein de ressources, volontaire, savoir tirer parti des circonstances…). En cela, il réalise une synthèse entre l’héritage antique, les valeurs chrétiennes et l’idéal de l’honnête homme ou de l’homme de bien. De plus, le grand homme et le héros ont ceci de commun qu’ils sont ceux qui font l’histoire – et l’histoire n’est-elle pas, d’abord, celle des grands hommes ? Inversement, le Romantisme, qui se développe à une période agitée (Révolution française, Premier Empire, Restauration), prend acte de ce que le peuple a montré qu’il était désormais lui aussi un acteur essentiel de l’histoire. Dès lors, la vénération d’un héros souverain et l’obéissance absolue d’une population à un seul et unique détenteur du pouvoir politique et spirituel apparaissent comme des comportements obsolètes. Autant la Révolution française que l’épopée napoléonienne ont décliné tour à tour des modalités différentes de relation du grand homme au peuple, du héros à la masse (les martyrs de la liberté et héros de la Révolution comme Marat ou Joseph Viala, les maréchaux napoléoniens issus du peuple…). La période romantique rejette donc Dossier moins la notion de héros qu’elle ne la met en crise de façon à la reconstruire selon de nouveaux modèles de représentation sociale et politique amenés par les transformations historiques. En particulier, l’on voit se dessiner l’idée d’un devenir-héros de l’homme du peuple, non plus seulement à travers la catégorie du héros guerrier sur le modèle napoléonien, mais en suivant le chemin d’une ascension sociale due aux mérites personnels (ceux de Ruy Blas, par exemple). « n’est Le héros classique ur cœ pas seulement au istallise du conflit : il en cr tes u tous les aspects, to les implications et ibles. » ss inter prétations po Déclassé et rebelle, le héros romantique De plus, Pré-romantisme et Romantisme multiplient les figures héroïques marquées par la négativité : personnages d’exclus, coupés du reste du monde par une tare sociale (la pauvreté : Chatterton de Vigny ; la bâtardise : Antony de Dumas ; une condition inférieure : Ruy Blas de Hugo), par une faute ou par une caractérisation psychologique (la faiblesse : Lorenzaccio de Musset, la rêverie ayant entraîné la désobéissance aux ordres : Le Prince de Hombourg de Kleist). Le héros est alors bien souvent un inadapté, partagé entre deux ordres du monde, comme Hamlet avait pu l’être entre le royaume féodal du Danemark et l’enseignement humaniste de l’université de Wittemberg. Ces figures découlent de plusieurs sources, mythologiques et bibliques d’une part, populaires d’autre part. Elles ont commencé de prendre forme dans la littérature dès avant la Révolution française, à travers une forme d’héroïsation de la révolte. Prométhée et Satan exercent ainsi une forte fascination sur les romantiques, tant par le caractère grandiose de leur rébellion que par la violence de la remise en cause de l’ordre divin dans leurs plaintes, chez Milton (Le Paradis perdu) ou Goethe (Prométhée) par exemple. Ce motif de la grandeur dans le mal irrigue de différentes manières le théâtre de l’époque. L’imagerie populaire du hors-la-loi est aussi l’origine de la transformation du marginal en héros, que ces figures soient au départ romanesques (le bandit justicier Robin des bois) ou historiques (Mandrin, Cartouche, plus tard héroïsés par la littérature). Le mélodrame (dont le maître est Pixérécourt) reprend ces figures, mais en leur imposant un cadre moral simplificateur et contraignant : l’innocence est persécutée et le vice puni. Le partage des personnages entre « bons » et « méchants » y est sans ambiguïté et novembre 2013 NRP COLLÈGE 19 Jérôme Kircher dans Lorenzaccio de Musset, mise en scène de Jean-Pierre Vincent, 2000. « les valeurs (familiales, morales) ne sont jamais attaquées, puisque le méchant lui-même se décrit comme tel. Les valeurs héroïques sont fortement marquées d’une part à travers le héros désintéressé et chaste, qui rétablit l’innocence persécutée dans ses droits et ressoude la famille après avoir démasqué le méchant, d’autre part à travers la jeune fille victime du méchant, enlevée, torturée, mais surtout toujours restée pure afin que l’ordre familial soit complètement rétabli à la fin. Le schéma actantiel fait généralement apparaître le méchant en position de sujet dominant, comme moteur de l’action et porteur d’un projet néfaste. Face à lui s’oppose le héros comme « anti-sujet » (Anne Ubersfeld), porteur des valeurs positives, mais qui ne triomphe que pour mieux s’effacer, sans jamais tirer de profit personnel des actions qu’il a accomplies. onfère Le Romantisme c vé u à la figure du répro restige p une autorité et un renouvelés. » Le romantisme, synthétisant ces différents modèles, confère à la figure du réprouvé une autorité et un prestige renouvelés. Si le héros mythique était un être hors normes, qui devait parfois transgresser les lois pour fonder un nouvel ordre, le héros romantique apparaît soit comme un révolté mis au ban de la société et qui doit lutter pour être restauré dans 20 NRP COLLÈGE novembre 2013 ses droits (Hernani), soit comme celui qui, placé en situation d’accomplir un acte héroïque, s’en révèle bien peu digne (Lorenzaccio) : dans les deux cas, le héros semble ne plus pouvoir trouver sa place dans le monde. Le XXe siècle ou le crépuscule du héros Prolongeant les figures romantiques, les héros d’edmond rostand sont tout aussi solitaires et incompris, montrés tantôt végétant dans l’ombre des héros de l’épopée napoléonienne (L’Aiglon), tantôt vivant par procuration un amour-passion parfait mais factice (Cyrano de Bergerac). Quant au Tête d’or de Claudel, il montre bien comment, lorsqu’un personnage traditionnel de héros, chef de guerre en révolte contre la médiocrité des hommes, se trouve réinvesti par le théâtre moderne, il échoue à imposer sa vision d’un nouvel ordre du monde. Le théâtre du XXe siècle, à son tour, hésite à glorifier les héros, alors même que les événements historiques (guerres mondiales, révolutions, guerres civiles, résistance contre les armées d’occupation) donnent largement matière, dans le reste de la création littéraire et plus encore au cinéma, à l’exaltation de comportements héroïques. Dans Morts sans sépulture, par exemple, Sartre montre un groupe de résistants captifs de la milice, confrontés à la torture, qui sont traversés par toutes les faiblesses humaines. Dans Les Mains sales, il établit une double distance à l’égard de la figure du héros : non seulement Hugo, Héros et antihéros au théâtre tel un nouveau Lorenzaccio, assassine le leader politique Hoederer par jalousie et non par idéal politique, mais l’élan final qui lui fait braver la mort criant qu’il est « non récupérable » n’est, dans l’esprit de l’auteur, que le signe d’un idéalisme petit-bourgeois qui doit être dépassé. Du héros négatif à l’antihéros Le mal sous une forme grandiose À côté des formes contemporaines du héros traditionnel encore très présentes au cinéma, prolifèrent aujourd’hui les figures du héros négatif et, plus encore, celles de l’antihéros. Par héros négatif, il faut entendre un personnage qui, tout en ayant un caractère d’exceptionnalité qui le distingue de la foule et exerçant un véritable pouvoir de fascination sur celleci, accomplit des actes transgressifs qui n’ouvrent sur aucune possibilité de fondation de nouvelles valeurs mais cristallisent, au contraire, toutes les formes de négativité. La figure du criminel endurci ou du meurtrier en série, telle que l’ont popularisée le roman policier, le cinéma ou la télévision, en est l’exemple le plus frappant. Au théâtre, le personnage de Koltès, Roberto Zucco, est doté d’un certain nombre de caractéristiques propres au héros : personnage hors du commun, voire mythique, il apparaît et disparaît mystérieusement sur les toits de sa prison. Koltès en fait à la fois un spectre sorti de la nuit et une créature solaire qui réalise à la fin une ascension fusionnelle avec l’astre du jour. Meurtrier, parricide et matricide, il incarne des valeurs négatives, liées à la violence et au mal, mais sous une forme grandiose. Les images choisies par le dramaturge soulignent en effet combien ce héros moderne s’apparente à la fois à Samson, à David et à Icare. L’antihéros, figure de la modernité Le terme d’antihéros, pour sa part, connaît aujourd’hui des définitions très variables, liées pour beaucoup aux modèles développés par la culture populaire : le sens de cette expression, dans l’usage courant, nous renvoie surtout au cas de l’homme ordinaire, montré tantôt dans toute la banalité d’une vie quotidienne sans surprise (à la façon d’Ulrich, le protagoniste de L’Homme sans qualités de Robert Musil), tantôt comme un personnage « décalé » par rapport à des circonstances qui le dépassent (tel Meursault dans L’Étranger d’Albert Camus), et qui donc n’aura pas l’envergure du héros. Surtout, alors que l’héroïsme était intrinsèquement lié aux registres Dossier du tragique, du pathétique, voire au sublime, l’antihéros trouve généralement sa place dans un traitement réaliste, quand il ne participe pas tout simplement du registre comique : le Don Quichotte de Cervantès, retournement parodique des héros des romans de chevalerie, et les protagonistes du roman picaresque comptent parmi les premiers exemples qu’on peut en donner. Tandis que le héros est une figure fondatrice de la littérature de l’Antiquité, la naissance de l’antihéros coïncide donc avec celle d’une certaine conception de la modernité. Toutefois, les scènes d’aujourd’hui semblent peu enclines à s’en saisir, au contraire de la bande dessinée, du cinéma et de la télévision. « La naissance de e l’antihéros coïncid ine r ta avec celle d’une ce conception de la modernité. » L’effacement de l’exceptionnel Dans le théâtre moderne et contemporain en effet, les personnages – quand ils existent encore – se montrent souvent incapables de décider de leur sort ou, même quand ils font le choix, comme Béranger dans Rhinocéros de Ionesco, de résister au phénomène qui menace de les emporter, sont loin d’avoir la volonté et la force requises pour mettre en œuvre leur décision. Plus encore que la « crise du personnage » (Robert Abirached), c’est sans doute celle de l’action dramatique qui contribue le plus à faire disparaître les marques distinctives du héros, positif ou négatif, et même de l’antihéros. Le développement du théâtre du quotidien dans les années 1970 et 1980 (Michel Vinaver, Jean-Paul Wenzel), du théâtre documentaire, de la création collective puis des formes dites « postdramatiques » (Hans-Thies Lehmann) réduit l’action à une série de gestes infimes, de micro-conflits, où les marques de l’exceptionnalité ne sont plus repérables, où l’enchaînement causal et la chronologie des faits n’ont plus d’importance. La notion même de héros semble devenue illisible, voire se confondre avec celle de spectaculaire, comme dans la pièce de Jean-Luc Lagarce Nous les héros où ces derniers ne sont autres que des acteurs. Si donc nous avons encore besoin de héros, ce n’est certainement plus au théâtre qu’il faut venir les y chercher… 1. Patrice Pavis, « Héros », in Dictionnaire du théâtre, Dunod, Paris, 1996. 2. Bernard Dort, Corneille dramaturge, L’Arche, Paris, 1972, p. 6. 3. Patrice Pavis, « Héros », in Dictionnaire du théâtre, op. cit. novembre 2013 NRP COLLÈGE 21 6e Séquence 1 Le type du valet balourd dans la comédie Par Franck Évrard †, certifié de lettres modernes, docteur ès lettres et ès arts du spectacle, collège Blaise-Pascal, Massy (91) Présentation et problématique Ghezzi, Arlequin et Polichinelle, dessin. Les + numériques Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. Écrire un quiproquo (revue) Lexique du théâtre et polysémie (+ icono des théâtres) Fiche notion : les comiques de situation Corpus de la séquence Corrigés des fiches élèves Archives NRP : Les grands types de la Commedia dell’arte (texte + icono) * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés Papier + numérique ou 100 % numérique). 22 NRP COLLÈGE novembre 2013 • Dans la comédie et la farce, les auteurs dramatiques ont souvent privilégié le type du valet balourd. Paresseux, grossier, préoccupé par la satisfaction de ses besoins physiques (boire, manger, dormir), le personnage fait figure d’antihéros. Faire-valoir du personnage principal, doté de finesse d’esprit et souvent rusé, il comprend mal la situation, n’a pas l’initiative de l’action en raison de sa position de soumission par rapport à son maître, et parle maladroitement. Le valet balourd est le plus souvent un personnage secondaire. Sa fonction est d’assurer la dimension triviale de la comédie. • Au théâtre, le « type », un personnage simplifié, réduit à quelques comportements essentiels propres à sa catégorie sociale, est condamné à répéter les mêmes actes et paroles, provoquant le rire des spectateurs. Dans la comédie, le type du balourd permet de faire jouer tous les ressorts du comique. Sa maladresse physique est à l’origine d’un comique gestuel que la commedia dell’arte a exploité. Le comique de mots vient de la singularité de son langage, qu’il s’agisse du patois de Lucas dans Le Médecin malgré lui de molière, du parler prosaïque d’Arlequin dans Arlequin poli par l’amour de marivaux ou du français incorrect parlé par le domestique belge des Pavés de l’ours de Feydeau. Sa naïveté confinant à la bêtise (comique de caractère) favorise enfin le comique de situation marqué par de nombreux quiproquos. Cependant, plus complexe qu’il n’y paraît, le balourd peut acquérir une épaisseur en s’éveillant à un sentiment comme l’amour ou en critiquant la société. Le choix du corpus • Le choix des textes a pour but de mettre en valeur les variations des auteurs dramatiques autour d’un type littéraire qui appartient au personnel comique traditionnel. Il s’agit aussi d’initier les élèves aux genres théâtraux de la farce, de la comédie et du vaudeville. La séquence proposée • Après une première approche historique et esthétique, la séquence propose de s’interroger sur les ressorts comiques de la balourdise à travers deux extraits de molière et de marivaux, et leur associe des activités de lecture et d’écriture. Centrée sur le quiproquo, la troisième partie s’efforcera de montrer que le personnage simple d’esprit est capable de créer une sorte de mécanique théâtrale, folle et déréglée, comme dans le vaudeville de Feydeau. Une « mécanique plaquée sur du vivant », dirait le philosophe bergson. Le type du valet balourd dans la comédie 6e Séquence 1 Supports • Groupement de textes : Le Médecin malgré lui de Molière, 1666 ; Arlequin poli par l’amour de Marivaux, 1720 ; Les Pavés de l’ours de Georges Feydeau, 1896 (in Théâtre complet, tome II, Classiques Garnier / Poche, 2012). • Extrait audio d’Arlequin poli par l’amour Objectifs • Enrichir son imaginaire et sa culture littéraire • Lire et comprendre un texte théâtral • Écrire un court texte de théâtre ÉtAPE Durée 1 • 6 séances de 1 à 2 heures pour un total d’une dizaine d’heures, histoire des arts incluse Évaluation de compétences en lien avec le socle commun Identifier un personnage type de comédie Maîtrise de la langue / Lire • Adapter son mode de lecture à la nature du texte proposé et à l’objectif poursuivi (séances 3, 4, 5) • Manifester, par des moyens divers, sa compréhension de textes variés (séances 3, 4,5) SÉANCE 1. Le valet balourd dans l’histoire du théâtre ➔ Repères Supports : Les recherches des élèves, la fiche « Histoire des arts » Objectif : Faire le lien entre l’histoire et l’art Durée : 2 heures Maîtrise de la langue / Écrire • Enrichir le vocabulaire en percevant les nuances de sens (séance 2) • Écrire un texte de théâtre en respectant les contraintes du genre (séance 6) SÉANCE 2. Autour du mot « balourd » ➔ Vocabulaire / Expression écrite Avoir des connaissances et des repères (culture humaniste) • Acquérir des repères en histoire, littérature et arts (séance 1) 2 La balourdise, source de comique SÉANCE 3. Le Médecin malgré lui, de Molière ➔ Étude de texte Support : Le Médecin malgré lui, de Molière Objectifs : Approfondir la lecture analytique d’un texte • Appliquer le schéma actantiel pour dégager les enjeux d’un texte • Comprendre la mise en abyme Durée : 1 heure SÉANCE 4. Arlequin poli par l’amour, de Marivaux ➔ Lecture ÉtAPE Support : Arlequin poli par l’amour, de Marivaux, extrait audio de la scène Objectifs : • Exprimer un point de vue subjectif • Écrire de façon expressive • Enrichir le lexique de l’émotion Durée : 1 heure 3 Balourdise et mécanique théâtrale 1 ÉtAPE ÉtAPE Support : Fiche élève 1 Objectifs : Appréhender la richesse de la langue à travers les différents moyens d’expression • Percevoir les nuances de sens Durée : 1 heure Support : Les Pavés de l’ours, de Georges Feydeau Objectifs : Comprendre les enjeux d’un texte • Distinguer les différentes formes de comique Durée : 1 heure SÉANCE 6. Écrire un quiproquo ➔ Expression écrite Support : Fiche élève 2 Objectifs : Écrire un court texte théâtral • Comprendre le fonctionnement comique du quiproquo Durée : 2 heures Séance 1 REPèRES Le valet balourd dans l’histoire du théâtre • En relation avec l’histoire et l’histoire des arts, cette première séance sera consacrée au type du valet balourd dans la farce ou la comédie, et plus particulièrement à la figure d’Arlequin. Déroulement de la séance • Les recherches effectuées en amont par les élèves feront appa- SÉANCE 5. Les Pavés de l’ours, de Georges Feydeau ➔ Lecture Identifier un personnage type de comédie • raître un certain nombre de noms ou de références : esclaves astucieux de la comédie latine (Pseudolus chez Plaute au iie siècle av. J.-C.), gracioso espagnols burlesques et zanni de la commedia dell’arte au xvie siècle, valets de Molière, personnage d’Arlequin dans les comédies de Marivaux, etc. Vous pourrez montrer comment la figure du valet balourd appartient à la tradition italienne de la commedia dell’arte, forme théâtrale comique d’origine populaire, qui se caractérise par un jeu improvisé des acteurs, l’utilisation de masques, et le recours à des rôles-types. Dans la première moitié du xvie siècle en Italie, les valets bergamasques étaient désignés par le nom typique de zanni. Caricatures du paysan pauvre et ignare, ils portaient une chemise blanche serrée à la taille par une corde munie d’une escarcelle et d’une batte servant à l’attaque ou à la défense ; ils parlaient un dialecte. novembre 2013 NRP COLLÈGE 23 • Plutôt que de procéder à un historique du valet, de l’esclave de • • la comédie antique jusqu’au valet Matti dans la pièce de Bertolt Brecht ou même aux domestiques de Genet (Les Bonnes) et de Beckett (Fin de partie), il serait plus pertinent de montrer que les serviteurs ne forment pas un corps homogène mais sont pris dans un jeu d’oppositions. Loin de constituer un type figé, ils sont capables d’évoluer au cours des siècles. Rapidement, les zanni se différencièrent en deux catégories : le valet rusé et fourbe comme Brighella et le serviteur balourd, grossier et cocasse comme Arlequin. Inspiré par la tradition italienne, Molière perfectionne au xviie siècle les deux types de zanni, le valet intrigant et vif d’esprit comme Scapin dans Les Fourberies de Scapin qui ourdit d’ingénieuses intrigues et joue un rôle d’adjuvant précieux dans la course au bonheur des jeunes amoureux, et le valet balourd, d’origine paysanne, parlant un patois indéterminé comme Lucas dans Le Médecin malgré lui, Martine dans Les Femmes savantes, et complètement soumis à son maître comme Sganarelle dans Dom Juan. Alors que le premier, vantard, cupide, ivrogne, insolent, fait rire des autres, le second est victime du rire du public. Cette opposition se retrouvera dans les couples comiques formés au cinéma par Laurel et Hardy ou Bourvil et Louis de Funès dans La Grande Vadrouille. Vous pourrez enfin faire remarquer qu’un même type théâtral comme Arlequin, apparu au xvie siècle en Italie, peut évoluer sensiblement au cours des siècles. À l’origine, paresseux, gourmand, lourdaud et grossier, le personnage proche du clown évolue au xviiie siècle vers un plus grand raffinement physique et une psychologie plus complexe dans les pièces de Marivaux et de Goldoni, comme par exemple Arlequin valet de deux maîtres (1748) où le personnage se dédouble. Continuant à faire rire, il peut exprimer des émotions. De même, la relation du couple maître / valet au théâtre a évolué au fil des siècles avec l’apparition au xviiie siècle de domestiques revendiquant une égalité de dignité comme Arlequin dans L’Île des esclaves de Marivaux, prenant l’initiative de l’action comme Jacques dans Jacques le Fataliste (1778-1783) de Diderot ou affirmant des idées libérales comme Figaro, le valet contestataire du Mariage de Figaro (1784) de Beaumarchais. Le valet n’est plus là pour aider les couples d’amoureux ou pour faire rire. Mêlé personnellement à l’intrigue, il occupe une place centrale dans la pièce et devient un héros à l’image de Ruy Blas, figure idéalisée du peuple dans la pièce éponyme de Victor Hugo au xixe siècle. Séance 2 2. Retrouvez l’intrus qui s’est glissé dans chacune des listes suivantes. Vous justifierez votre réponse. Liste a : bête, bovin, baudet, cruche, âne, butor, buse. Liste b : sot, ignorant, obtus, subtil, rustique. Liste c : « avoir du mal à percuter », « ne pas avoir inventé la poudre », « ne pas avoir inventé le fil à couper le beurre », « être long à la détente ». 3. Pour indiquer à quel registre de langue appartiennent ces synonymes du mot balourd, classez-les dans un tableau en trois colonnes correspondant à chaque registre. Synonymes : béotien, bêta, grossier, inepte, imbécile, abruti. Colonnes à choisir : Registre familier Registre courant Registre soutenu Éléments de réponse • Établir un champ lexical à partir d’un mot 1. Tableau complété : Synonymes Antonymes Mots de la même famille nigaud habile balourdise stupide raffiné lourdeur gauche spirituel 2. Liste a : le mot cruche car les autres termes renvoient à des animaux. Liste b : le mot subtil car il s’agit d’un antonyme. Liste c : l’expression « ne pas avoir inventé le fil à couper le beurre » car elle ne fait pas référence au champ lexical des armes à feu et de la guerre (percuter, poudre, détente). • Identifier les registres de langue 3. Tableau complété : Registre familier Registre courant Registre soutenu bêta grossier béotien abruti imbécile inepte VO C A B U L A I R E / E X P R E S S I O N Autour du mot « balourd » • Cette séance à dominante lexicale permettra en particulier de travailler la notion de champ lexical, et de se familiariser avec les registres de langue (voir fiche élève 1). Activités 1. Construisez un tableau à trois colonnes et intégrez dans celle qui convient les mots de la liste suivante, synonymes, antonymes et mots de la famille du mot « balourd » : habile, nigaud, balourdise, lourdeur, stupide, raffiné, gauche, spirituel. Colonnes du tableau (voir fiche élève 1, p. 28) Synonymes 24 Antonymes NRP COLLÈGE Mots de la même famille novembre 2013 Portrait de Molière en habit de Sganarelle, xviie siècle. Le type du valet balourd dans la comédie Étape 2 6. Les couleurs vert et jaune éveillent en lui l’image du perroquet, ce qui le conduit à conclure naïvement que les patients du médecin sont des oiseaux exotiques. Lucas ne semble guère faire de différences entre le monde humain et le monde animal. La balourdise, source de comique Séance 3 6e Séquence 1 é tude de texte Le Médecin malgré lui, de Molière •À l’ouverture de la séance, vous rappellerez le début de la pièce et en particulier la scène d’exposition au cours de laquelle Sganarelle bat sa femme Martine. L’explication de cet extrait pourra mettre en valeur la manière dont Martine profite de la naïveté de Valère et Lucas pour préparer sa vengeance. En effet, la balourdise des deux domestiques lui permet de mettre en place le quiproquo qui conduira Sganarelle à être pris pour un fameux médecin. Dans un second temps, à partir d’un relevé des répliques de Lucas, vous montrerez comment ce personnage est le prototype du valet balourd. S’exprimant dans un patois comique, le paysan pataud se caractérise par une grande naïveté. • Séance 4 Arlequin poli par l’amour, de Marivaux • Vous ferez écouter aux élèves l’extrait radiophonique (6.07 à 7.50) • • Questions 1. Qui sont les trois personnages de la scène ? Que cherchent-ils ? 2. En quoi consiste le stratagème de Martine ? Quel moyen utiliset-elle pour rendre son affirmation véridique ? 3. Par quel moyen Molière fait-il en sorte que les spectateurs soient au courant des intentions de Martine ? 4. Quelles différences repérez-vous entre les deux personnages de Valère et Lucas ? 5. En quoi le patois de Lucas vous paraît-il comique ? 6. Pourquoi l’expression « le madecin des paroquets » est-elle amusante ? Éléments de réponse 1. Les personnages sont Martine, Valère et Lucas. Martine cherche un moyen de se venger de son mari qui l’a battue. Valère et Lucas sont deux domestiques qui se mettent en quête d’un médecin afin qu’il soigne l’étrange maladie de la fille de leur maître. 2. L’« admirable invention » de Martine consiste à faire passer son mari pour un grand médecin. Afin de prévenir les objections futures, elle le présente comme un homme savant, rendu un peu fou par son génie, ce qui explique son accoutrement extravagant en bûcheron et son refus de se reconnaître comme médecin. 3. Grâce à l’aparté de Martine, les spectateurs connaissent son intention de se venger et sont en avance sur les deux domestiques. 4. Alors que Valère s’exprime avec aisance et comprend rapidement, Lucas, présenté comme un « nourricier » (le mari de la nourrice), paraît lourdaud, s’exprime en patois et comprend lentement. 5. Lucas emploie de nombreux jurons (« parguenne », « testigué ! »), déforme les mots (« pardu », « vart », « paroquets »), confond les personnes verbales (« j’avons », « je pensons »), commet des erreurs de construction (« ne sart de rian » au lieu de « ne sert à rien », « v’êtes » au lieu de « vous êtes », « je vous demandons excuse » au lieu de « je vous prie de m’excuser », etc.). Son discours est comique en raison de l’emploi de verbes comme « boutez » (« mettez ») ou « lantiponez » (« traînez ») et d’exagérations « une gueble de commission » pour désigner une tâche qui n’a rien de diabolique, et la référence à l’expression « y perdre son latin ». lecture • • lu à une voix par Michel Polac en 1954 [audio intégral]. www.youtube.com/watch?v=b79Yb9tqeZ8 À l’intersection du conte de fées et de la comédie (séquences préconisées par les Instructions Officielles en 6e), l’extrait de la pièce de Marivaux permet de mieux appréhender la balourdise sur le plan psychologique. Vous rappellerez que cette comédie féérique et pastorale en un acte et en prose, inspirée par un conte de fées de Mme Durand, intitulé Le Prodige de l’amour, s’inscrit dans la tradition de la commedia dell’arte puisqu’elle met en scène Arlequin. La pièce fut d’ailleurs jouée pour la première fois par les Comédiens italiens en 1720. Le personnage n’est pas un valet mais un paysan aussi beau que bête, que l’amour rendra ingénieux. Au début de la pièce, Arlequin est fidèle à ses origines : mélange comique de bêtise naïve et de goinfrerie, il n’est pas encore ce personnage délicat, malicieux, à la fois crédule et spirituel qui plaît aux spectateurs du xviiie siècle. Le comique de geste souligné par les didascalies (« il siffle ») rappelle les pantomimes grotesques de la comédie italienne. Il serait intéressant de demander aux élèves de rechercher la signification du verbe « polir », présent dans le titre, pour mettre en valeur l’aspect brut et non policé du type théâtral. L’ignorance et la sottise du personnage peu raffiné viennent du fait qu’incapable de percevoir les sous-entendus et les nuances du langage, il prend au sens propre les expressions figurées (l’appel de l’amour), et trouve comique le regard amoureux de la Fée (« Dame, cela est drôle ! »). Pas encore initié à l’amour, Arlequin n’éprouve que des sensations physiques sollicitant l’ouïe, la vue et le goût, jamais des sentiments. Au bonheur de la vie affective, il préfère les plaisirs matériels qui investissent le corps (« un grand appétit », « il soupire après sa collation »). Dans cette scène, le comique naît du décalage entre le monde réaliste du personnage enfantin, resté dans un état de minorité affective, et la sphère féerique et merveilleuse de l’univers pastoral, placé sous le signe des arts. La scène burlesque joue sur l’opposition entre le balourd Arlequin et le raffiné Trivelin, sorte de majordome de la Fée. Questions 1. Quels signes montrent qu’Arlequin reste insensible à l’appel de l’amour ? 2. Quelle est la préoccupation principale d’Arlequin ? 3. Relevez deux termes dans les didascalies et le dialogue qui dénoncent la balourdise du personnage. 4. En quoi Arlequin ressemble-t-il à un grand enfant ? 5. Quelles différences voyez-vous entre le langage du chanteur et celui d’Arlequin ? 6. En quoi le climat de cette scène peut-il être qualifié de merveilleux et poétique ? novembre 2013 NRP COLLÈGE 25 Éléments de réponse 1. Arlequin n’entend pas l’appel de l’Amour et la musique ne le touche pas. Il ne sait pas déchiffrer le regard amoureux de la Fée. Il s’ennuie rapidement et finit par s’endormir. 2. Arlequin est surtout préoccupé par l’idée de faire un bon repas. 3. L’adverbe « niaisement » dans la didascalie et le nom « ignorance » dans la réplique de la chanteuse montrent la balourdise du personnage. 4. Arlequin, indifférent aux sentiments amoureux, est resté dans le monde innocent de l’enfance, placé sous la tutelle bienveillante des parents. 5. Alors que le chanteur s’exprime en vers poétiques, Arlequin s’exprime en prose. Si le quatrain en octosyllabes révèle un langage raffiné, les répliques courtes du paysan montrent un lexique simple et concret. 6. Le merveilleux est suggéré par la présence de la Fée qui a enlevé Arlequin sur son île et le climat onirique (le sommeil du jeune homme). Les chansons et les danses confèrent à la scène une dimension poétique évidente. Prolongement •Il peut être intéressant d’évoquer la postérité du personnage d’Arlequin dans la langue française : une arlequinade (pantomime inspirée de la commedia dell’arte), un manteau d’Arlequin (panneaux en trompe-l’œil imitant des rideaux ouverts sur les côtés), des habits d’Arlequin. Étape 3 Balourdise et mécanique théâtrale Séance 5 lecture Les Pavés de l’ours, de Georges Feydeau •Sans doute sera-t-il utile de rappeler le contexte social et histo- rique de la Belle Époque. L’exode rural qui a commencé vers 1850 a conduit de nombreux habitants des campagnes à venir travailler en ville comme ouvrier ou comme domestique. Lassé de la fourberie des domestiques parisiens, Lucien a engagé un homme simple, au bon sens terre-à-terre et plein de bonne volonté, « un diamant brut » qu’il veut façonner à sa guise. Vous pourrez lire la fable de La Fontaine, « L’Ours et l’Amateur des Jardins » qui permet de comprendre le titre de la pièce de Feydeau. Dans cette fable, un ours qui veut tuer la mouche posée sur le nez de son ami, l’homme, lui jette un pavé dans la figure. Les élèves saisiront vite la morale de l’histoire : il faut se méfier des amis benêts et leur préférer des ennemis intelligents. Dans ce vaudeville en un acte de Georges Feydeau, la balourdise prend une forme hypertrophiée avec le personnage de Bretel. Doté d’un franc-parler et usant d’une familiarité choquante dans un milieu bourgeois, le domestique nouvellement engagé prend au pied de la lettre les paroles de son maître et commet des impairs à répétition. La balourdise n’épargne pas le langage et la communication qui deviennent fous : bégaiement de Madame de Prévallon et discours débridé de Bretel. • 26 NRP COLLÈGE novembre 2013 •Il est possible de suggérer que cette mécanique folle n’est pas entièrement gratuite. En effet, si la balourdise de Bretel, ignorant des usages de la ville, est irrésistiblement drôle, elle met en relief de manière satirique le poids des conventions sociales, l’hypocrisie des mœurs, la médiocrité des existences bourgeoises. Dans cette scène, l’obéissance aveugle de Bretel, qui a voulu appliquer à la lettre les recommandations de son maître, finit par remettre en cause l’ordre établi. Questions 1. Relevez et expliquez toutes les impertinences et grossièretés prononcées par Bretel dans cette scène. 2. Pourquoi le bégaiement de Madame de Prévallon fait-il rire ? 3. En quoi le langage de Bretel est-il comique ? 4. En vous aidant du paratexte, quelles sont les conséquences de la « gaffe » commise par Bretel ? Éléments de réponse 1. Non seulement Bretel tutoie une personne de la haute société mais il déforme son nom (« Madame Prévallon-butor ») en l’amputant de la particule de noblesse et en lui greffant une injure (« butor ») qui lui était destinée. Le domestique dévalorise son interlocutrice sur le plan physique en suggérant qu’elle est vieille et laide (« affreuse »). Enfin, il la flanque à la porte de manière cavalière. 2. Le bégaiement de Madame de Prévallon a pour effet, en isolant des syllabes, de créer des mots saugrenus dans le contexte (« pépé », « tutu », « coco », « lulu »), et, en coupant les mots, de les détourner de leur sens. L’adverbe « affreusement », employé pour caractériser la colère, devient ainsi l’adjectif « affreuse » qui qualifie le personnage féminin. 3. Le langage de Bretel fait sourire en raison de son mélange de tutoiement et de vouvoiement (« savez-vous »), de sa syntaxe fautive (omission du « ne », redoublement du nom par un pronom dans « M. Ferret, il reçoit que […]), le mauvais emploi du lexique (« rigolo ») et la prononciation (l’accent belge). 4. En injuriant et en mettant à la porte la visiteuse, Bretel a compromis les projets de son maître qui voulait épouser la fille de la riche Madame de Prévallon. Prolongement •Il serait intéressant de faire lire la scène suivante, au cours de la- quelle Lucien découvre par la bouche de Bretel l’impair commis. Les élèves pourront relever toutes les injures prononcées par le maître à l’encontre de son domestique : « fou », « idiot », « crétin », « butor », « âne », « cet imbécile ». Séance 6 expression é crite Écrire un quiproquo • Retrouvez cette activité dans les ressources complémentaires en ligne et utilisez pour la conduire la fiche élève 2 p. 29. Le type du valet balourd dans la comédie Histoire arts des Dans la commedia dell’arte, au valet balourd qu’est Arlequin s’oppose le naïf et honnête Pierrot, dont les gaffes provoquent souvent des quiproquos. Plus qu’Arlequin, il va connaître une grande vogue dans les années 1830 sur les scènes du théâtre parisien où son personnage inspire particulièrement les acteurs de la pantomime. C’est un rôle dans lequel triomphe alors Jean-Gaspard Deburau. Peut-être les élèves le connaissentils sans le savoir car c’est lui qui a inspiré le rôle de baptiste, joué par Jean-Louis barrault dans le film de marcel Carné, Les Enfants du paradis. Retrouvez le questionnaire élève de cette analyse et son corrigé en ligne. 6e Séquence 1 Pierrot muet Le boulevard du Crime Le théâtre des Funambules où se produit Deburau est situé sur le célèbre « boulevard du Crime », ainsi nommé à cause des crimes représentés tous les soirs sur la scène de ses nombreux théâtres. Le public s’y presse, y compris les plus miséreux installés aux places les moins chères, le « paradis » : entièrement muet, son spectacle de pantomime, où tout passe par les gestes et les expressions, est universellement accessible et attire tous les publics. Il s’inspire de l’art des forains qui, au début du siècle précédent, s’étaient vu interdire Photographie du mime Deburau tout dialogue sur les tréteaux afin de par Nadar en 1855. ne pas concurrencer les acteurs de la Comédie-française : le mime était un des subterfuges qu’ils avaient trouvé pour contourner cette interdiction, et euxmêmes puisaient leur inspiration dans la commedia dell’arte. C’est de Jean-Gaspard Deburau que nous vient l’image du Pierrot enfariné de blanc dont les romantiques, enthousiastes, s’emparent pour en faire un doux rêveur amoureux de la lune, probablement sous l’influence de la vieille chanson « Au clair de la lune ». Le succès de Deburau est en effet tel qu’à sa mort, en 1846, son fils Charles prend la relève. C’est ce dernier qui figure sur la photo ci-dessus, prise vers 1854-1855. Le photographe photographié Ce portrait, où l’artiste mime comme en miroir le photographe faisant signe de ne pas le regarder mais de fixer l’objectif, provoque une amusante confusion d’identité. entre les deux hommes d’abord : Deburau reproduit avec exactitude les gestes qu’il voit son double effectuer en face de lui, sa main droite retirant le châssis à plaques de l’appareil – viendrait-il de photographier le photographe ? entre Deburau et Pierrot ensuite : qui au juste est photographié ? C’est d’autant plus intéressant qu’à l’art de la pantomime répond ici l’art encore naissant de la photographie. on en est aux premières reproductions en série, aux premières expérimentations sur les négatifs. Le jeune homme de trente-quatre ans passionné qui a pris ce cliché vient tout juste d’ouvrir un atelier avec son frère Adrien, et il place cette photographie en tête de l’album qu’il va présenter à l’exposition universelle de 1855 et qui va recevoir une médaille d’or. Il se nomme Félix Tournachon et a pris pour pseudonyme nadar. Ce grand gaillard fantasque aux cheveux roux, qui se définit lui-même comme « un vrai casse-cou, un touche-à-tout, mal élevé jusqu’à appeler les choses par leur nom, et les gens aussi », est en train de réaliser les portraits de tous les artistes de la bohème parisienne, de Charles baudelaire à Sarah bernhardt. expérimentateur enthousiaste, il invente l’éclairage artificiel, jouant sur tous ses clichés comme ici avec les ombres et les lumières, dans un décor toujours très sobre. Sa galerie de portraits va faire de lui l’emblème de la photographie du XiXe siècle. novembre 2013 NRP COLLÈGE 27 cH E ÉL È V 1 E FI Séquence 1 6e Autour du mot « balourd » Du moyen français « bellourd », dérivé de « lourd », le mot « balourd » employé comme adjectif ou comme nom commun se dit de façon méprisante d’une personne grossière et stupide dans ses actions comme dans son caractère. 1. Établir un champ lexical à partir d’un mot 1. Vous remplirez le tableau en intégrant dans la bonne colonne les mots de la liste suivante. Liste des mots : habile, nigaud, balourdise, lourdeur, stupide, raffiné, gauche, spirituel. Balourd, nom commun et adjectif Synonymes Antonymes Mots de la même famille .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... 2. Retrouvez l’intrus qui s’est glissé dans chacune des listes. Vous justifierez votre réponse. • Liste a : bête, bovin, baudet, cruche, âne, butor, buse • Liste c : « avoir du mal à percuter », « ne pas avoir inventé la poudre », « ne pas avoir inventé le fil à couper le beurre », « être long à la détente » ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ • Liste b : sot, ignorant, obtus, subtil, rustique ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ 2. Identifier les registres de langue 3. Classez ces synonymes du mot balourd selon leur registre de langue en les recopiant dans la colonne du tableau qui convient. Synonymes : béotien, bêta, grossier, inepte, imbécile, abruti. Registre familier Registre courant Registre soutenu .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... .......................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 28 NRP COLLÈGE novembre 2013 E ÉL È V 2 6e Séquence 1 E FI cH écrire un quiproquo Le quiproquo peut venir des mots eux-mêmes quand ils sont mal interprétés en raison de leur double sens ou de leur homonymie. Apprenant que la mer est « démontée », un personnage de Raymond Devos demande quand on la « remontera ». Une homonymie comme « Rome antique » et « Romantique » peut prêter aussi à confusion. 1. Repérer un quiproquo 1. Voici un extrait des Femmes savantes de Molière (1672) : a. Quelle est la condition sociale de Bélise et de Martine ? martine mon dieu, j’avons pas étugué comme vous, et je parlons tout droit comme on parle cheux nous. […] ............................................................................................ bélise Ton esprit, je l’avoue, est bien matériel. Je n’est qu’un singulier, avons est pluriel. veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? b. Quel mot est à l’origine du quiproquo de Martine et pourquoi ? martine Qui parle d’offenser grand’mère ni grand-père ? » ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ molière, Les Femmes savantes, acte II, scène 8. ............................................................................................ ............................................................................................ 2. écrire une saynète fondée sur un quiproquo 2. Rédigez une saynète fondée sur un quiproquo qui mettra en scène un personnage balourd interprétant au sens propre une expression figurée. Contrairement à toute attente, le balourd sortira vainqueur de la scène. a. ÉtAPE 1 Choisissez l’expression figurée parmi les expressions proposées et complétez le tableau. Expressions figurées : « prendre ses jambes à son cou », « poser un lapin », « jeter l’argent par les fenêtres », « avoir un chat dans la gorge », « mettre les pieds dans le plat », « demander la lune », « reprendre du poil de la bête ». Ce qui est dit Ce que le locuteur veut dire Ce que le balourd comprend « Tu te crois sorti de la cuisse de Jupiter ! » « Tu te crois supérieur aux autres ! » « Tu es d’essence divine car ton père est Jupiter. » .......................................................... .......................................................... .......................................................... b. ÉtAPE 2 Choisissez deux personnages dont l’un incarnera le type du balourd. ......................................................................................................................................................................................... ......................................................................................................................................................................................... c. ÉtAPE 3 Vous rédigerez une courte scène qui adoptera la présentation et la forme d’un dialogue (une douzaine de répliques) en imaginant des didascalies. ......................................................................................................................................................................................... ......................................................................................................................................................................................... ......................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................... ...................................................................................................................................... ...................................................................................................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 29 4e Séquence 2 Masques et grimaces de l’amour au théâtre Par Claire Beilin-Bourgeois, professeur de lettres Présentation et problématique Demoiselle masquée, aquarelle de 1586. • Le théâtre est un monde d’apparences, c’est l’art du masque et du travestissement. on y joue la vie, on y fait semblant. C’est donc tout naturellement que nous pouvons orienter notre choix, pour une séquence sur le théâtre en classe de 4e, vers le motif du mensonge, de la traîtrise et de la dissimulation. Ces thèmes, très présents dans les intrigues des pièces au programme pour ce niveau, ont l’intérêt de révéler l’implication du public dans la représentation théâtrale. Loin de s’identifier au personnage, le spectateur « s’associe » à lui, complice de son mensonge ou sensible au malheur de celui qui a été dupé. Pour cette séquence, on s’en tient essentiellement aux intrigues amoureuses, aux histoires de pères abusés, de maris trompés et d’amants échangés. • on rit bien souvent quand apparaissent menteurs, affabulateurs et traîtres. mais le mensonge ou la duplicité ont aussi des enjeux moraux, et à travers ces situations particulières sont dénoncées l’hypocrisie et la comédie sociale. Le choix du corpus Les + numériques Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. Le vaudeville ou la gaieté au théâtre Connaissez-vous bien le vocabulaire de la mise en scène ? test d’évaluation Corpus de la séquence Corrigés des fiches élèves Arlequin et Colombine Version en images du questionnaire de la séance 1 (texte + icono) Archives NRP : fiche HDA : les masques au théâtre (texte + icono) * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés Papier + numérique ou 100 % numérique). 30 NRP COLLÈGE novembre 2013 • Une des ambitions de cette séquence est de faire lire ou de montrer aux élèves de larges extraits de plusieurs pièces : L’Avare, La Puce à l’oreille et Le Mariage de Figaro. Il n’est évidemment pas question de les étudier complètement, mais d’y reconnaître le thème de la traîtrise et du mensonge, et d’en apprécier le contenu. La séquence proposée • La séquence démarre par une phase de révision à la fois utile et rassurante sur le théâtre, son histoire, son fonctionnement, et les ressorts de la comédie. on en profite pour familiariser les élèves avec la pièce de molière au programme de 4e : L’Avare. Le deuxième volet de la séquence aborde un chapitre plus neuf pour des élèves de 4e : le vaudeville et la comédie de mœurs. enfin, pour montrer que le mensonge et la traîtrise n’appartiennent pas uniquement à l’univers de la comédie, on prolonge la séquence par la lecture d’un extrait de Cyrano de Bergerac afin d’ouvrir sur un registre plus « sérieux » qui est celui du drame. • Le traître se cache, il ruse, il manipule : les extraits étudiés contiennent des apartés, des monologues, des quiproquos, autant de procédés dramaturgiques qui font la spécificité du texte de théâtre. L’illusion théâtrale permet toutes les situations, puisqu’elle n’est pas soumise à une logique réaliste. Masques et grimaces de l’amour au théâtre 4e Séquence 2 Supports • Des extraits variés de pièces de théâtre : Molière, Beaumarchais, Feydeau, Rostand. Objectifs • Montrer que dans le spectacle théâtral, en particulier le spectacle comique, le mensonge et la duplicité sont un ressort de l’intrigue impliquant la participation du public. • Proposer des repères dans l’histoire du théâtre, en abordant des auteurs différents. • Revoir et analyser les procédés comiques. 1 • 10 heures Le mensonge, un ressort de la comédie SÉANCE 1. La tromperie dans l’histoire de la comédie ➔ Repères Supports : Images du théâtre antique et de la commedia dell’arte Objectif : Comprendre qu’à ses origines, le théâtre est l’art du déguisement et du masque Durée : 1 heure SÉANCE 2. M. de Pourceaugnac se déguise ➔ Expression écrite, vocabulaire Support : Un extrait de Monsieur de Pourceaugnac dans lequel le personnage éponyme se déguise en femme Objectifs : Montrer avec quel brio Molière utilise l’effet comique du travestissement – s’initier aux questions de mise en scène Durée : 2 heures SÉANCE 3. L’Avare ou L’École du mensonge ➔ Lecture cursive Support : Trois extraits de L’Avare de Molière Objectif : Mener une lecture cursive de L’Avare, à travers le prisme du mensonge Durée : 2 heures SÉANCE 4. Le subjonctif dans les principales et les subordonnées ÉtAPE ➔ Grammaire, conjugaison Supports : Un extrait de L’Avare de Molière Objectifs : Revoir, ou apprendre la conjugaison du subjonctif – s’interroger sur son emploi Durée : 1 heure (+ exercices de la fiche élève) 2 Maris trompés, femmes bafouées dans la comédie de mœurs SÉANCE 5. Rire et satire sociale : La Puce à l’oreille de Feydeau ➔ Étude de texte Support : Extrait de l’acte I de La Puce à l’oreille de Feydeau Objectif : Revoir le fonctionnement de la comédie Durée : 1 heure SÉANCE 6. Vaudeville et théâtre de boulevard ➔ Repères Support : Ressources personnelles ou celles du CDI Objectif : Découvrir l’histoire du vaudeville Durée : 1 heure SÉANCE 7. Quiproquos et comique de situation ➔ Repérages, vocabulaire, expression écrite Support : Acte I, scène 8 du Mariage de Figaro de Beaumarchais Objectifs : Reconnaître et analyser des procédés courants au théâtre ; rédiger une scène avec un témoin caché ou un quiproquo. Durée : 2 heures Évaluation des compétences en lien avec le socle commun Lire • Dégager l’idée essentielle d’un texte lu ou entendu : lecture analytique ou cursive d’extraits de L’Avare ou de La Puce à l’oreille. • Manifester sa compréhension de textes variés, qu’ils soient documentaires ou littéraires : lecture analytique et cursive de textes d’époques diverses. Écrire Rédiger un texte cohérent : la séquence est émaillée de plusieurs exercices d’écriture documentaire ou d’invention. S’exprimer à l’oral Prendre la parole en public : une séquence sur le théâtre, et davantage encore sur la comédie, est l’occasion de plusieurs séances de lecture ou de jeu. Avoir des connaissances et des repères La séquence revient sur l’histoire de la comédie, de l’Antiquité jusqu’au début du xxe siècle. 1 ÉtAPE ÉtAPE Durée Le mensonge, un ressort de la comédie Séance 1 REPèRES La tromperie dans l’histoire de la comédie • En posant quelques repères sur l’histoire du théâtre et celle de la comédie en particulier, on met en évidence le rapport congénital entre le genre dramatique et le thème du mensonge. Pas de théâtre sans masque ; pas de représentation qui ne se donne pour objectif, justement, de lever les masques. Questions préparatoires 1. Quelles étaient les caractéristiques du costume de l’acteur dans l’Antiquité grecque et romaine ? 2. Qu’est-ce que la commedia dell’arte ? 3. Quels sont les personnages principaux de la commedia dell’arte ? Éléments de réponse 1. Les attributs de l’acteur dans l’Antiquité : le masque et le costume. • Les masques ont une double fonction : – amplifier les voix ; – permettre aux acteurs de la troupe, qui sont seulement trois, novembre 2013 NRP COLLÈGE 31 d’incarner chacun plusieurs personnages, y compris féminins. Les traits en sont grossis pour permettre aux spectateurs de deviner aisément le statut de ce personnage (vieillard, esclave, roi,…) ou ses émotions (haine, colère, pitié…). Le masque tragique est plutôt réaliste. Celui du drame satyrique porte une barbe, des oreilles pointues et un crâne chauve. Le masque comique peut être très varié ; il s’agit souvent d’une caricature d’une personne bien connue des spectateurs. Très vite, différents masques sont apparus selon le type de personnage. Ainsi, au iie siècle après J.- C., on a pu recenser une liste de 76 masques : 44 modèles comiques, 28 modèles tragiques et 4 modèles de drame satyrique. Au départ, le masque couvre – intégralement – le visage. Plus tard, il se prolonge vers le haut du crâne pour permettre de fixer une perruque ou, au contraire, de représenter un crâne chauve. Fabriqués en bois, en cuir, en cire… les masques sont fragiles. C’est pourquoi les masques originaux ont presque tous disparu. Cependant, il existe des reproductions en terre cuite de plus petite dimension qui permettent d’avoir une idée assez proche de l’apparence des véritables masques. Le costume est lui aussi différent des vêtements portés habituellement à cette époque. Il sert essentiellement à identifier le rôle, et cela est d’autant plus nécessaire que les spectateurs sont placés loin de la scène. Le costume comique masculin consiste souvent en un chiton (tunique) et un manteau court. Il arrive que l’acteur utilise également des rembourrages au niveau des fesses et du ventre. Commentaire : Le théâtre, dès ses origines, n’a rien de naturel ou de réaliste. C’est un monde d’artifices qui ne cherche pas du tout à ressembler à la réalité. D’une certaine manière, c’est là le premier mensonge du théâtre. • • • 3. Quelques personnages de la commedia dell’arte Ce sont des personnages que nous connaissons encore aujourd’hui par des représentations ou des chansons, mais dont nous avons oublié le rôle dans les représentations. On peut s’attarder sur quatre personnages : Arlequin, Colombine, Pantalon et Polichinelle. Arlequin est malin, fourbe, gourmand, coureur de jupons, et n’aime guère travailler. Il est souvent valet mais il peut aussi être barbier ou arracheur de dents. On le reconnaît à son costume fait de pièces diverses car sa pauvreté ne lui permet pas d’acheter un véritable morceau de tissu. Ce costume est aussi le reflet de son caractère changeant. Pantalon est un vieil avare bougon qui a perdu sa fortune. Il est le jouet des fourberies de Scapin et d’Arlequin. Il porte une longue culotte à laquelle il a donné son nom. Colombine est la fille de Pantalon : elle est le modèle de la servante agréable et vive à la langue déliée qu’on trouvera chez Molière. Son père veut la marier à un homme riche, mais elle n’aime qu’Arlequin. Quant à Polichinelle, son nom signifie « petit poussin » et rappelle la démarche de son grand-père qui marchait comme un canard. Lui-même a un gros ventre, témoin de sa gourmandise. Il aime les femmes mais celles-ci le raillent : Polichinelle est avant tout un personnage ridicule qu’on ne peut prendre au sérieux. • • • • 2. La commedia dell’arte : l’art de la tromperie xvie siècle mais tire ses origines de la fin de l’Antiquité. Il s’agit d’un théâtre sans texte : les acteurs costumés et masqués suivent des « patterns », des scénarii qui sont toujours les mêmes, et à partir de ces canevas, improvisent des scènes. • La commedia dell’arte est née en Italie au Un exemple de canevas : La Fiancée enlaidie Pantalon veut marier Colombine au Capitaine Spaventa qu’il croit riche et courageux. Colombine elle, aime Arlequin, un valet. Mais le vieil avare s’oppose à ce mariage. Arlequin est chargé d’acheter les gâteaux pour les fiançailles, mais, en cours de route, il rencontre les fourbes Polichinelle et Brighella. Ces derniers lui jouent un mauvais tour en mangeant ses gâteaux, mais ils lui proposent aussi un stratagème pour se débarrasser de son rival : Colombine devra rencontrer le Capitaine en l’absence de Pantalon et s’enlaidir le plus possible pour lui inspirer crainte et répulsion. Marcola, Commedia dell’arte à Vérone, xviiie siècle. 32 NRP COLLÈGE novembre 2013 Masques et grimaces de l’amour au théâtre 4e Séance 2 exp. é crite , vocabulaire M. de Pourceaugnac se déguise • La scène extraite de Monsieur de Pourceaugnac est extrêmement drôle, et le projet de la séance est d’en concevoir une représentation. On expliquera le texte, bien entendu, mais on pourra aussi passer par des dessins pour imaginer le déguisement, et travailler la lecture et la diction. Objectifs et déroulement de la séance • • 1. Comprendre le texte. 2. Donner à « voir » les personnages Consignes pour l’expression écrite : vous êtes metteur en scène et vous vous proposez de représenter cette scène. Vous expliquez donc aux acteurs la manière dont vous imaginez la scène : – vous devez décrire les personnages et leur costume ; – vous précisez leur position sur la scène et les uns par rapport aux autres ; – vous caractérisez la voix et les gestes de chacun. La fiche ci-contre pourra être distribuée aux élèves pour les aider dans ce travail. 3. Travailler la diction Le mensonge et le travestissement passent aussi au théâtre par un travail sur la voix et sur la manière de s’exprimer. Le personnage adopte alors l’accent, le style, ou les tics verbaux de quelqu’un d’autre. C’est ce que désigne le mot « parlure ». Ici, le travail sur les accents et sur la voix s’avère très amusant : il s’agit d’imiter la voix des Suisses et celle de Pourceaugnac qui contrefait une femme, et qui, progressivement, abandonne probablement cette posture pour retrouver sa virilité. Séance 3 lecture cursive L’Avare ou L’École du mensonge Il est utile de prendre un peu de temps pour exposer la fable de la pièce. Cette présentation sera facilitée par la projection d’une version filmée de la pièce. On propose ensuite aux élèves un groupement d’extraits à partir desquels ils doivent travailler. Activités et questions 1. Complétez le tableau suivant en répertoriant les mensonges de chacun et la manière dont ils sont ensuite démasqués (par des aveux ou par la ruse d’un autre personnage). Personnages Mensonges Frosine … Cléante … Mariane … Harpagon … Séquence 2 Petit lexique de la mise en scène Le côté cour/côté jardin : afin d’éviter la confusion entre droite et gauche de la scène, les mots cour et jardin sont venus remplacer côté du roi et côté de la reine. Le(s) rideau(x) : dans le vocabulaire du théâtre, il y a plusieurs types de rideaux, le plus familier ou le plus connu étant le rideau d’avant-scène. D’autre part, et particulièrement lorsque ces rideaux sont des éléments de décors, on emploie surtout le mot toile. Les pendillons (ou pendrillons) : rideaux, la plupart du temps en velours noir, placés de chaque côté du plateau. Les pendillons forment les coulisses. La face : c’est le devant du plateau, la partie la plus proche du public, opposé au lointain. Le plateau étant en pente, descendre, c’est se déplacer du lointain à la face. On parle aussi de face pour la partie de tout élément de décor orienté vers le public. Le lointain : matérialisé par le mur du fond, le lointain est l’endroit le plus éloigné de la scène, opposé à la face. Les coulisses : c’est l’envers du décor, l’espace non visible par le spectateur qui se trouve de part et d’autre du côté cour et du côté jardin et qui contient les pendillons. La rampe : c’est la galerie lumineuse qui borde l’avant de la scène d’un bout à l’autre. Le mur du fond (ou mur de scène) : c’est le mur qui clôt l’espace scénique face au public, derrière le lointain. La scène : c’est la partie du théâtre – considéré en tant que bâtiment – où se passe l’action. Le plateau : il s’agit d’un espace plus important que la seule scène puisqu’il comprend aussi les coulisses et les dessous. L’avant-scène : c’est la partie de la scène comprise entre la rampe et le rideau. C’est à l’avant-scène que le metteur en scène vient pour diriger les acteurs pendant les répétitions ; il quitte alors la table installée au septième rang de l’orchestre pour faire des propositions de jeu ; c’est ce qui s’appelle descendre à l’avantscène. Le manteau d’Arlequin : c’est la partie de la scène qui commence au rideau et se termine aux premiers pendillons. Elle est généralement décorée d’une draperie de couleur rouge. 2. Montrez que le thème de la tromperie et les procédés mis en œuvre pour tromper sont à la source de la comédie. 3. Que dénonce Molière à travers ce thème du mensonge et de la tromperie ? novembre 2013 NRP COLLÈGE 33 Éléments de réponse 1. Une accumulation de mensonges Personnages Rôles Mensonges Frosine entremetteuse Elle flatte Harpagon en prétendant que Mariane n’a d’intérêt que pour les hommes âgés. Cléante fils d’Harpagon, amant de Mariane Il adopte un double discours pour déclarer sa flamme à Mariane en prétendant parler au nom de son père. Mariane amante de Cléante, convoitée par Harpagon Elle répond aussi à Cléante par un discours à double sens. Harpagon barbon, père de Cléante et d’Élise Il ment à Cléante pour le démasquer et révéler ses intentions. Le piège fonctionne et Cléante avoue son amour pour Mariane. 2. Des scènes très drôles Les propos flatteurs de Frosine et son portrait de la jeune fille sont l’occasion d’un moment comique, qui offre au spectateur le plaisir de voir le vieillard abusé. Sur scène, on imagine celui-ci rempli d’aise, se rengorgeant à chaque phrase de l’entremetteuse. Son langage imagé et hyperbolique ajoute encore au comique de la scène. On éprouve le même plaisir en entendant les jeunes gens encoder leur message d’amour. Le double langage est ici la source d’une sorte de quiproquo. Enfin, la ruse d’Harpagon, très efficace, met en lumière la naïveté des jeunes gens. 3. Une mise en lumière de l’hypocrisie, et de la violence des rapports entre les hommes Les scènes comiques ont aussi quelque chose de sombre. La facilité avec laquelle Harpagon se laisse convaincre de sa capacité de séduction révèle sa fragilité ; en proie à une forme de folie, ce personnage essaie de soumettre le monde à ses manies. D’autre part, le double discours de Cléante et Mariane, le piège tendu par Harpagon dénoncent le conflit patent entre amour et mariage. Séance 4 g rammaire , con j u g aison Le subjonctif dans les principales et dans les subordonnées Questions 1. Trouvez des mots de la famille du mot « subjonctif ». Que pouvez-vous en déduire sur le sens de ce mot ? 2. Comment le subjonctif se conjugue-t-il ? Observez la conjugaison des verbes en gras dans l’extrait qui suit, puis apprenez la conjugaison du subjonctif. 3. Pourquoi emploie-t-on le subjonctif dans la phrase suivante : « qu’on mette donc les chevaux au carrosse ! » 34 NRP COLLÈGE novembre 2013 Cléante. – Voulez-vous que je trahisse mon cœur ? Harpagon. – Encore ? Avez-vous envie de changer de discours ? Cléante. – Hé bien ! puisque vous voulez que je parle d’autre façon, souffrez, Madame, que je me mette ici à la place de mon père, et que je vous avoue que je n’ai rien vu dans le monde de si charmant que vous ; que je ne conçois rien d’égal au bonheur de vous plaire, et que le titre de votre époux est une gloire, une félicité que préférerais aux destinées des plus grands princes de la terre. Oui, Madame, le bonheur de vous posséder est à je mes regards la plus belle de toutes les fortunes ; c’est où j’attache toute mon ambition ; il n’y a rien que je ne sois capable de faire pour une conquête si précieuse, et les obstacles les plus puissants… Harpagon. – Doucement, mon fils, s’il vous plaît. Cléante. – C’est un compliment que je fais pour vous à Madame. Harpagon. – Mon Dieu ! j’ai une langue pour m’expliquer moi-même, et je n’ai pas besoin d’un procureur comme vous. Allons, donnez des sièges. Frosine. – Non ; il vaut mieux que de ce pas nous allions à la foire, afin d’en revenir plus tôt, et d’avoir tout le temps ensuite de vous entretenir. Harpagon. – Qu’on mette donc les chevaux au carrosse. Molière, L’Avare (1668), acte III, scène 7. Éléments de réponse 1. Subjectif, subjectivité, sujet sont des mots de la même famille que subjonctif. Le subjonctif engage donc le point de vue de celui qui parle : il donne son avis, émet un jugement comme dans « il vaut mieux que de ce pas nous allions à la foire ». Il peut d’ailleurs être utile de revenir sur le mot indicatif et sa signification. 2. La conjugaison des verbes au subjonctif présent : Terminaisons Exemples Que je… -e mette ; parle ; fasse, finisse, aille, voie Que tu… -es mettes ; parles, finisses ; ailles ; voies Qu’elle… -e mette ; parle ; finisse ; aille ; voie Que nous… -ions mettions ; parlions ; finissions ; allions ; voyions Que vous… -iez mettiez ; parliez ; alliez ; voyiez Qu’ils… -ent mettent ; parlent ; finissent ; aillent ; voient 3. Cette phrase exprime un ordre d’Harpagon. Pour les exercices, voir la fiche élève (p. 39). finissiez ; Masques et grimaces de l’amour au théâtre 4e Étape 2 Maris trompés, femmes bafouées dans la comédie de mœurs Séance 5 é tude de texte Rire et satire sociale : La Puce à l’oreille de Feydeau • Cette séance et la suivante permettront de montrer comment le • rire dénonce le mensonge social. Elles seront aussi l’occasion de définir la « comédie de mœurs » : dénonciation des travers d’une société, de ses institutions. La séance 5 est centrée sur la lecture d’un extrait de La Puce à l’oreille de Feydeau : en lisant le texte et en répondant aux questions, les élèves vont retrouver les types de comique qu’ils ont rencontrés chez Molière. Mais il sera intéressant de souligner ensuite l’écart considérable entre ce dialogue écrit à la fin du xixe siècle et ceux du siècle de Louis XIV ; après avoir travaillé sur le sens du texte, une lecture préparée et la plus expressive possible met en valeur la vivacité et la légèreté du dialogue. – – Questions 1. Relevez dans le texte un exemple de chacune des formes de comique suivantes : comique de situation, comique de répétition, comique de mots, comique de geste, comique de caractère. 2. Montrez que les personnages sont bien ancrés dans la réalité sociale de leur époque. Éléments de réponse 1. La situation comique vient directement du thème du mensonge. Raymonde est confrontée à l’adultère de son mari. En outre, elle-même a considéré qu’elle trompait son mari avec Tournel : il est donc paradoxal qu’elle se plaigne de son infidélité. Les allusions grivoises amplifient le comique de la situation. Le comique de répétition est provoqué par la reprise de mots ou d’expressions d’un personnage à l’autre. Ainsi, le verbe « pincer » est répété quatre fois au début de la scène. Le comique de mots vient de l’emploi d’un vocabulaire familier, et du grand nombre d’interjections comme « Ah », « Oh ». Le comique de geste est suggéré par les didascalies, lorsque le ton de la confidence rapproche les deux amies ou quand Raymonde monte sur la table, ou lorsqu’elle brandit les bretelles. Le comique de caractère concerne la personnalité même de Lucienne et de Raymonde. Lucienne adopte volontiers un ton ironique. Ses réponses ne manquent pas de sel, en particulier lorsque Raymonde lui demande d’imaginer qu’elle soit délaissée par son mari. Quant à Raymonde, son indignation et sa colère la rendent comique. 2. Les deux femmes se sont connues au couvent avant leur mariage, comme la plupart des jeunes filles de la bourgeoisie. On rappellera à ce sujet les récits contemporains, en particulier les nouvelles de Maupassant. Le milieu est bourgeois : d’ailleurs, Lucienne a fait un « beau » mariage, c’est-à-dire un mariage qui lui a permis d’acquérir une particule. La pièce se situe dans un Paris bourgeois, et on imagine aisément le décor : le canapé, la table, les meubles. Les costumes sont également ceux de la bourgeoisie Séquence 2 de cette époque : en témoignent les bretelles du mari, le chapeau et le manteau de la dame. Enfin le colis postal ancre bien la pièce dans ce xixe siècle de la Révolution industrielle. L’utilisation de la poste est devenue quotidienne, banale. Séance 6 rep é res Vaudeville et théâtre de boulevard Questions 1. Quelles sont l’origine et l’ étymologie du mot « vaudeville » ? 2. Quelle est la définition du vaudeville au xixe siècle ? 3. Quels sont les deux auteurs qui ont inscrit le vaudeville dans l’histoire de la littérature ? 4. Pourquoi assimile t-on souvent ce genre léger au « théâtre de boulevard » ? Éléments de réponse 1. Le vaudeville ou « vau de rire » est, au xviie siècle, une façon plaisante et poétique de se moquer des gens et des choses. Au xviie siècle, le vaudeville s’unit avec le théâtre pour proposer des pièces courtes, parlées et chantées qui sont à l’origine de l’opéra comique. 2. À partir du xixe siècle, le vaudeville désigne une comédie populaire pleine de rebondissements, de quiproquos et de situations cocasses. À cette époque, où domine le drame sérieux, un public bourgeois réclame du divertissement. Un point essentiel : vers 1860, le vaudeville perd sa dimension musicale (celle-ci est alors récupérée par l’opérette) et devient un genre théâtral à part entière. 3. Deux auteurs se distinguent : Georges Feydeau et Eugène Labiche. Avec eux, le vaudeville devient une mécanique théâtrale d’une redoutable efficacité, bien souvent au service d’une satire des habitudes et des conventions sociales. 4. On parle de théâtre de boulevard car, à la fin du xviiie siècle, de nombreux théâtres étaient installés boulevard du Temple à Paris. On l’appelait d’ailleurs aussi « Boulevard du crime » par allusion aux nombreux crimes qui y étaient représentés chaque soir. À partir du Second Empire, on y joue de nombreux vaudevilles. Séance 7 rep é rag es , vocabulaire … Quiproquos et comique de situation Déroulement de la séance • On lira d’abord la scène 8 de l’acte I du Mariage de Figaro, dans laquelle Suzanne est confrontée au comte en même temps qu’elle tient Chérubin caché derrière un fauteuil, puis la scène dans laquelle le comte se retrouve face à sa femme alors qu’il croit avoir rendez-vous avec Suzanne. La démarche choisie • Il faut d’abord comprendre les deux procédés choisis : le quipro- quo et le témoin caché. Les deux sont facilement perceptibles dans les deux scènes de Beaumarchais, à condition de bien sounovembre 2013 NRP COLLÈGE 35 • ligner les jeux de scène et d’en faire une lecture expressive. De ces lectures se dégage une définition de chacun de ces procédés : – quiproquo : erreur qui consiste à prendre une personne ou une chose pour une autre. Le quiproquo est l’un des ressorts de la farce et de la comédie. En laissant ses personnages commettre un contresens sur une situation, une personne ou une idée, tandis que la vérité éclate aux yeux du public, l’auteur fait du spectateur son complice et déclenche le rire. C’est un procédé efficace qui ridiculise toujours celui qui en est victime ; – scène à témoin caché : scène dans laquelle un personnage est dissimulé. Le public est complice, ainsi que certains personnages (ici, Suzanne), mais un personnage au moins ignore complètement sa présence (le comte). La présence de Chérubin modifie sensiblement le sens de la scène, car il est en effet amoureux de la comtesse, et les roucoulades du comte face à Suzanne ouvrent pour lui des perspectives. Ainsi, le témoin caché complexifie l’intrigue tout en étant la matière même de la comédie. On insistera sur le fait que ces procédés théâtraux favorisent la participation et l’émotion du spectateur. Les élèves sont alors prêts pour la rédaction d’une scène dans laquelle ils ont recours à l’un ou l’autre de ces procédés. Consignes pour l’expression écrite • Le sujet : imaginez une scène qui contienne ou bien un quiproquo ou bien un témoin caché. • Quelques conseils : – la présentation du texte de théâtre est importante ; – les répliques ne doivent pas être trop courtes ; – pour que la scène soit comique, le quiproquo peut porter sur un personnage, ou encore sur le sens d’un mot ou d’une expression ; – ceux qui choisissent un témoin caché peuvent décider de le faire, ou non, intervenir dans la scène. Il peut par exemple communiquer par signes avec son complice. Dans ce cas, le personnage « naïf » tient des propos que le témoin caché ne devrait pas entendre, d’où l’effet comique. Prolongement Malentendus et tromperie dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand : Notre séquence est centrée sur la puissance comique de la duplicité au théâtre. Mais on trouve dans d’autres genres – le drame, la tragédie – des mensonges qui ne provoquent pas le rire, au contraire. La substitution des mots de Cyrano à ceux de Christian est un des moments les plus émouvants de la pièce. Le spectateur se fait complice de Cyrano, un peu aux dépens de Christian. Ce sont les mots et la poésie de Cyrano qui séduisent autant Roxane que le public. Pour cette dernière séance, on choisira de préférence pour support la version filmée de Jean-Paul Rappeneau, afin de montrer la manière dont, partout dans la pièce, Cyrano est une sorte de double de Christian. • • • 36 NRP COLLÈGE novembre 2013 Le baiser de Roxane, illustration de Laurens pour Cyrano de Bergerac de Rostand, 1910. Masques et grimaces de l’amour au théâtre 4e Histoire arts des Séquence 2 théâtre et Nabis Exubérant ou sobre, le décor met l’accent sur la dimension non pas seulement textuelle mais visuelle du théâtre. L’aspect esthétique s’y conjugue donc avec l’aspect fonctionnel, voire le domine, imposant plus souvent la vision du metteur en scène que celle de l’auteur. Un mode d’approche riche de réflexions avec les élèves. en écho à une récente exposition du Grand-Palais sur les nabis, on leur proposera de découvrir l’œuvre d’Édouard vuillard. Édouard Vuillard, panneau représentant une scène du Malade imaginaire de Molière. Des arbres jaunes vuillard, né en 1868, a tout juste vingt et un ans et suit de manière assez dilettante les cours de l’École des beaux-arts lorsqu’il est persuadé par un de ses anciens condisciples de lycée, maurice Denis, de rejoindre la « fraternité » des nabis réunie autour de Paul Sérusier. Ce groupe s’est créé à partir d’un tableau, Le Talisman, que Sérusier a peint lors d’un séjour à Pont-Aven en suivant les conseils de Gauguin : « Comment voyez-vous ces arbres […] ? Ils sont jaunes. eh bien, mettez du jaune ; cette ombre plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur… » Ainsi naît une méthode basée non pas sur l’observation directe mais sur les émotions et sensations éprouvées, où l’emportent les formes globales et les couleurs pures. Nabi signifie en hébreu « prophète » car le groupe voit dans l’art un caractère sacré, mais vuillard s’y rattache surtout par la prédominance accordée aux couleurs et par l’influence de l’estampe japonaise. Un effet de mise en scène Retrouvez le questionnaire élève de cette analyse et son corrigé en ligne. vuillard va trouver grâce à son goût pour le théâtre un vaste champ d’expérimentation. Parmi ses meilleurs amis, se trouve André Lugné-Poe, fondateur en 1893 du théâtre de l’Œuvre, qui lui demande de dessiner pour lui de nombreux décors, costumes et programmes. Puis, en mai 1912, il reçoit une commande pour une série de panneaux destinés à orner le nouveau théâtre de la Comédie des Champs-Élysées. L’un des principaux doit représenter la comédie classique, et il choisit une scène tirée du Malade imaginaire de molière. S’il est moins novateur que d’autres décors conçus autour des répertoires d’Ibsen, Strindberg et maeterlinck, on y retrouve cependant le goût pour les motifs style papier, les formes globalement dessinées, les visages à peine esquissés, les juxtapositions de couleurs sourdes. Ces dernières sont aussi dues à sa technique de peinture à la détrempe, qu’il a apprise des décorateurs de théâtre : une technique qui exige une grande maîtrise, car la colle chauffée sèche très rapidement en donnant au tableau un aspect mat, mais que vuillard emploie de plus en plus fréquemment. Son activité de décorateur va ainsi grandement influencer toute son œuvre : tous ses tableaux sont par ailleurs conçus comme autant de scénettes. En classe : l’œuvre de vuillard pour le théâtre mérite d’être largement explorée ; les élèves pourront aussi donner libre cours à leur sens de la décoration en allant visiter sur Internet la scène dénudée du théâtre des Champs-Élysées. novembre 2013 NRP COLLÈGE 37 cH E ÉL È V 1 E FI Séquence 2 4e Couleurs et formes de la comédie 1. Les personnages de comédie 1. Quels sont habituellement les personnages de comédies ? ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 2. Les types de comique 2. Recherchez la définition de chacun de ces types de comique. • Comique de situation : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........................................................................................... ........................................................................................... • Comique de gestes : ......................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... • Comique de répétition : .................................................... virginie. – Il ne s’agit pas de ça… m. Fadinard, votre bourgeois1, se marie aujourd’hui… vous m’avez invitée à venir voir la corbeille… voyons la corbeille !…. FéliX. – nous avons bien le temps… mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beaupère… il ne revient qu’à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie. virginie. – La mariée est-elle jolie ? FéliX. – Peuh !…. je lui trouve l’air godiche2 ; mais elle est d’une bonne famille… c’est la fille d’un pépiniériste de Charentonneau… le père nonancourt. eugène Labiche, Un chapeau de paille d’Italie, acte I, scène 1. ........................................................................................... ........................................................................................... • Comique de mots : ........................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... • Comique de caractère : ..................................................... 4. Voici des mots qui désignent des nuances de comique : expliquez chacun d’eux en vous aidant d’un dictionnaire. • farce : ................................................................................ ............................................................................................ ........................................................................................... • burlesque : ........................................................................................... ............................................................................................ 3. Dans l’extrait suivant, quels types de comique observezvous ? virginie, à Félix, qui cherche à l’embrasser : – non, laissezmoi, monsieur Félix !…. Je n’ai pas le temps de jouer. FéliX. – rien qu’un baiser ? virginie. – Je ne veux pas !…. FéliX. – Puisque je suis de votre pays !…. je suis de rambouillet… virginie. – Ah ! ben ! s’il fallait embrasser tous ceux qui sont de rambouillet !…. FéliX. – Il n’y a que quatre mille habitants. 38 1. votre maître. 2. gauche, maladroite. NRP COLLÈGE novembre 2013 • grotesque : ........................................................................ ........................................................................ ............................................................................................ • parodie : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ............................................................................................ Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. E ÉL È V 2 4e Séquence 2 E FI cH Le subjonctif, conjugaison et emplois 1. La conjugaison du subjonctif 1. Conjuguez les verbes suivants au subjonctif présent. • Aller : qu’il ......................................................................... • Choisir un autre modèle : qu’elle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • Revoir sa leçon en silence : qu’il ......................................... • Ne pas perdre son sang-froid : que je ................................. 2. Les emplois du subjonctif 2. Dans les phrases suivantes, employez le verbe proposé au subjonctif ou à l’indicatif : attention à l’orthographe ! a. Penses-tu que le dossier (pouvoir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . être complet pour la fin du mois ? b. Il faudra bien qu’il (avoir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . une explication franche avec sa sœur. c. Les dés sont jetés. (Advenir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . que pourra ! d. Nous souhaitons que vous (s’associer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . tous à ce projet qui nous tient tellement à cœur. 3. Voici deux extraits de pièces de théâtre : soulignez les verbes au subjonctif et justifiez leur emploi. Extrait a. Corneille, Le Cid roDrigUe Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse : Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu. Extrait b. Molière, Les Fourberies de Scapin Géronte. – va-t’en, Scapin, va-t’en vite dire à ce Turc que je vais envoyer la justice après lui. SCapin. – La justice en pleine mer ! vous moquezvous des gens ? Géronte. – Que diable allait-il faire dans cette galère ? SCapin. – Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes. Géronte. – Il faut, Scapin, il faut que tu fasses ici l’action d’un serviteur fidèle. SCapin. – Quoi, monsieur ? Géronte. – Que tu ailles dire à ce Turc qu’il me renvoie mon fils, et que tu te mettes à sa place jusqu’à ce que j’aie amassé la somme qu’il demande. ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ ............................................................................................ Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 39 3e Séquence 3 Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza Par Mariane Zingraff, professeur de lettres Présentation et problématique André Marcon et Isabelle Huppert dans Le Dieu du carnage, mise en scène de Yasmina Reza, théâtre Antoine, 2008. Les + numériques Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. « Lire » la représentation théâtrale Bibliographie du théâtre contemporain Fiche notion : l ‘ironie Corrigés des fiches élèves * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés Papier + numérique ou 100 % numérique). 40 NRP COLLÈGE novembre 2013 • La critique théâtrale autant que la critique universitaire s’est longtemps montrée réticente face au théâtre de Yasmina reza. • Après l’immense succès de sa pièce Art en 1994, Yasmina reza tente à nouveau l’expérience de la mise en scène des conflits, en écrivant Le Dieu du carnage. La pièce se déroule en un huis clos où deux couples se retrouvent pour signer un constat à propos d’une bagarre entre leurs deux fils. mais sous des apparences d’abord calmes et policées, ils finissent par s’entredéchirer avec la violence la plus crasse. • Dans cette pièce de théâtre contemporain, Yasmina reza se sert d’éléments classiques de la comédie tout en utilisant de nouveaux éléments. Selon Denis Guénoun dans son essai Avez-vous lu Reza ?, celle-ci « cherche à fonder une nouvelle comédie sans pour autant tomber dans la régression esthétique et idéologique qu’on reproche souvent à un théâtre qui fait rire ». Pour l’apprécier à sa juste valeur, il conseille donc tout simplement de la lire attentivement. • C’est ce que je me propose de faire dans cette séquence consacrée au Dieu du carnage. Créée en 2008 au théâtre Antoine à Paris, la pièce a rencontré un tel succès qu’elle a ensuite voyagé en Angleterre, puis à broadway. elle sera d’ailleurs adaptée pour l’écran en 2011 par roman Polanski, qui transpose la scène dans un appartement de brooklyn avec des acteurs de langue anglaise. La séquence proposée • Le texte ne présente pas de difficulté de compréhension. C’est pourquoi cette séquence peut débuter l’année scolaire. Les élèves rient de bon cœur à sa lecture grâce au comique efficace de reza. nous essaierons de dégager les procédés et les enjeux de ce comique, qui ne sert pas seulement à divertir, mais plutôt à exprimer une critique acerbe de notre société en traduisant la vision pessimiste que porte Yasmina reza sur la condition humaine. • L’étude de cette pièce permet également de réactiver les connaissances des élèves sur le registre comique et sur le rôle d’une scène d’exposition, mais aussi d’approcher la notion d’ironie. • enfin, la lecture de cette pièce offre aux élèves un premier regard sur le théâtre contemporain comme art vivant et moderne, loin des représentations qu’ils se font généralement de ce genre littéraire. Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza 3e Support Séquence 3 • Le Dieu du carnage de Yasmina Reza, éditions Magnard, collection « Classiques & contemporains » Objectifs • Étudier les procédés du comique et les enjeux du registre comique • Découvrir la notion d’ironie • Prendre la parole en public lors d’un exposé • Environ 10 heures ÉtAPE Durée 1 SÉANCE 4. La satire, un savoureux mélange des registres Découvrir la pièce ➔ Lecture analytique, repères Support : L’ensemble de la pièce Objectif : Découvrir ou réinvestir les notions de registres et de genres littéraires. Durée : 2 heures SÉANCE 1. Parcours de lecture ➔ Lecture Support : Le Dieu du carnage en intégralité + Fiche élève 1 Objectif : Vérifier la lecture de la pièce Durée : 1 demi-heure SÉANCE 5. L’ironie, arme du polémiste ➔ Lecture analytique, vocabulaire SÉANCE 2. Une scène d’exposition efficace Support : L’ensemble de la pièce + Fiche élève 2 Objectif : Découvrir la notion d’ironie Durée : 1 heure ÉtAPE Support : p. 8 à 14 Objectifs : Réactiver les connaissances des élèves sur les conventions théâtrales, et notamment sur le rôle d’une scène d’exposition • Aider les élèves à situer la pièce dans le registre comique et la forme particulière qu’est le huis clos. Durée : 1 heure et demi 2 Une comédie grinçante ➔ Lecture analytique Support : L’ensemble de la pièce Objectifs : Révéler l’ambivalence des personnages • Montrer que cette mise en scène des faux-semblants constitue une dénonciation de la société contemporaine. Durée : 1 heure et demi Évaluation des compétences en lien avec le socle commun La maîtrise de la langue française – Lire Utiliser ses capacités de raisonnement, ses connaissances sur la langue, savoir faire appel à des outils appropriés pour lire. La maîtrise de la langue française – Dire Développer de façon suivie un propos en public sur un sujet déterminé. La culture humaniste • Être sensible aux enjeux esthétiques et humains d’un texte littéraire. • Être capable de porter un regard critique sur un fait, un document, une œuvre. ÉtAPE 3 Élargir ses connaissances sur le théâtre SÉANCE 6. Découvrir le théâtre contemporain ➔ Recherches, expression orale SÉANCE 3. Des personnages médiocres 1 ÉtAPE ➔ Lecture analytique, recherches Découvrir la pièce Séance 1 LECTURE Parcours de lecture • Le Dieu du carnage est une courte pièce de soixante-dix pages. Il est donc possible de la donner à lire à des élèves de 3e en une se- Support : Ressources du CDI Objectif : Découvrir les grandes figures du théâtre contemporain Durée : 1 heure et demi SÉANCE 7. Écrire une scène d’exposition à partir d’un roman ➔ Lecture, expression écrite Support : Un roman donné en lecture cursive. Objectifs : Comprendre les caractéristiques des genres narratifs et dramatiques • Écrire un texte théâtral. Durée : 2 heures maine. Je leur demande de lire dix pages par soir, et de compléter le document « parcours de lecture » à la manière d’une enquête (voir Fiche élève 1). Ce document sera corrigé en classe mais ne fera pas l’objet d’une évaluation ; il s’agit simplement de vérifier la lecture. Séance 2 LECTURE ANALyTIQUE, REChERChES une scène d’exposition efficace • L’objectif de cette séance est de réactiver les connaissances des élèves sur les conventions théâtrales, notamment sur le rôle d’une scène d’exposition, et d’aider les élèves à situer la pièce dans le registre comique et la forme particulière qu’est le huis clos. Déroulement de la séance Vous pouvez mener cette étude à l’aide du questionnaire suivant : 1. Regardez la didascalie initiale. Combien y a-t-il de personnages ? La didascalie initiale nous indique d’emblée qu’il s’agit d’un huis clos, c’est-à-dire une pièce dans laquelle les personnages, peu nombreux, restent les mêmes du début à la fin de la pièce, et se trouvent enfermés dans un endroit, ici un salon. novembre 2013 NRP COLLÈGE 41 3. Quels autres éléments de la didascalie confirment cette idée ? La suite de la didascalie précise des éléments de décor : « une table basse, couverte de livres d’art. Deux gros bouquets de tulipes dans des pots. » Ces détails montrent en effet une certaine importance accordée à l’apparence, à l’envie de faire preuve de bon goût et de montrer sa culture. 4. Quel est le rôle d’une scène d’exposition ? En quoi peut-on dire que ces premières pages jouent ce rôle ? Dès la première réplique de Véronique, on apprend que les fils des deux couples se sont battus et que leurs parents essaient de se mettre d’accord sur une déclaration. La deuxième réplique d’Alain coupe la parole de Véronique et la reprend sur le mot « armé ». On comprend dès lors que cette rencontre qui se veut placée sous les auspices de la courtoisie va s’avérer plus complexe qu’il n’y paraît. 5. Quels mots Véronique propose-t-elle pour remplacer « armé » ? Précisez la différence de sens entre ces mots. Elle propose « muni » ou « doté ». « Armé » a un sens militaire, et suppose de la part de Ferdinand une intention de blesser Bruno, de se servir du bâton pour lui faire mal, dans une sorte de préméditation. « Muni » a également une connotation militaire (« munir » et « munition » ont tous deux la même étymologie latine « munire »), tandis que « doté », du latin « dotare » signifiant « douer », a plutôt une connotation positive. On comprend donc qu’Alain joue sur les mots, plus pour contredire Véronique et ne pas la laisser mener la discussion, que par réel souci du sens. 6. Quelles remarques pouvez-vous faire sur le vocabulaire employé par Véronique dans sa première réplique ? Quelle intention de Véronique ce choix de vocabulaire traduit-il ? Son vocabulaire est soutenu et précis : « altercation verbale », « tuméfaction », « brisure de deux incisives ». Ce vocabulaire se veut la preuve d’une grande objectivité, mais il montre également que Véronique tente de tenir ces événements à distance. Malheureusement, cette trop grande sophistication manque de naturel et crée l’effet inverse de celui qu’elle escomptait : on sent Véronique en ébullition et dans la retenue de ses sentiments réels. Le Dieu du carnage, mise en scène de Yasmina Reza, théâtre Antoine, 2008. 42 NRP COLLÈGE novembre 2013 • Ces premières pages remplissent bel et bien leur fonction de scène d’exposition. Une exposition fort efficace, puisque l’on sent très bien la tension entre les personnages et, derrière les fauxsemblants de courtoisie et de calme qu’ils affectent, une grande violence qu’ils ne parviennent pas à contenir. Ainsi ces personnages qui se veulent des exemples sont-ils finalement en proie aux défauts qu’ils dénigrent. À l’issue de cette séance, vous donnerez un travail de recherches à effectuer à la maison. 1. Quand et où cette pièce a-t-elle été créée ? (Rappelez au besoin ce qu’est la « création » d’une œuvre). Qui était le metteur en scène ? 2. Quel est le sens propre du terme « huis clos » ? Que signifie-t-il dans le domaine du théâtre ? D’où vient cette appellation ? • 2 Étape 2. Que pouvez-vous dire des prénoms des personnages ? Michel, Véronique, Alain et Annette sont des prénoms français très classiques, qui peuvent indiquer l’appartenance à une certaine bourgeoisie. Une comédie grinçante Séance 3 L ecture analy tique Des personnages médiocres • Cette séance prend appui sur l’ensemble de la pièce. Son objectif est de révéler l’ambivalence des personnages et de montrer que cette mise en scène des faux-semblants constitue une dénonciation de la société contemporaine de la part de Yasmina Reza, qui critique ainsi la trop grande importance accordée aux apparences, le « politiquement correct » et les diktats d’une certaine société bien-pensante. Déroulement de la séance et activités 1. Sous des apparences courtoises… • Complétez le tableau suivant. (Les réponses proposées ici sont des suggestions, car il y a bien d’autres exemples dans la pièce, dont vous pourrez faire un relevé plus complet en répartissant la recherche par groupes.) Parole courtoise Geste courtois Véronique « Oh Annette ! Je m’inquiétais… Vous êtes mieux ? » (l. 771-772, p. 41) Elle a acheté des fleurs, elle a gardé du clafoutis. Michel « On ne vous a rien proposé, café, thé ? » (l. 145, p. 15) Il offre son meilleur rhum et un cigare à Alain. Annette « Elles sont ravissantes ces tulipes » (l. 56, p. 11). « Succulent » (l. 195, p 17) Alain « Très bon. Très bon. » (l. 194, p 17) 2. … des personnages grossiers et mesquins Avant de poursuivre la séance, vous pouvez faire un petit point de vocabulaire et demander aux élèves comment ils définissent les • Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza 3e termes « grossier » et « mesquin ». La plupart du temps, les élèves donnent une définition parcellaire du terme « grossier », ne tenant compte que de l’aspect langagier du terme (« être grossier c’est dire des gros mots »), et ne connaissent pas le terme « mesquin » auquel ils substituent volontiers d’autres noms d’oiseaux… Séance 4 • Complétez le tableau suivant : Propos ou geste grossier tif est essentiellement de permettre aux élèves de découvrir ou de réinvestir la notion de registres et de genres littéraires. Cette pièce, dont le ton est résolument satirique, utilise le registre comique en mêlant des éléments caractéristiques de la farce et de la comédie. Après un rappel des termes « farce » et « comédie », on demandera aux élèves de chercher dans la pièce entière ce qui se rapporte à chaque genre. Déroulement de la séance et activités 1. Rappel de notions Une farce est une pièce de théâtre d’inspiration bouffonne mettant en scène des personnages souvent grotesques et présentant généralement un comique de mots, de gestes ou de situations. Une comédie est une pièce de théâtre dont le propos est de faire rire le public en brossant la peinture des mœurs et en mettant en scène le ridicule des caractères. À l’époque classique, par opposition à la tragédie, elle met en scène des personnages de condition modeste ou privée, dans un cadre quotidien, et son dénouement est toujours heureux. Pour compléter ces définitions, voici les questions que je pose aux élèves (les réponses sont en italique) : a. Donnez un exemple de comique de mots (insultes, gros mots, mots prétendument savants), de comique de gestes (coup de bâton, grimaces) et de comique de situation (quiproquo, répétition d’une scène, renversement de situation). b. Donnez le titre d’une comédie de mœurs (Tartuffe, Le Misanthrope…) et le titre d’une comédie de caractère (L’Avare, Le Malade imaginaire…). c. Molière a écrit dans la préface de Tartuffe : « […] rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts. C’est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des répréhensions ; mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien être méchant, mais on ne veut point être ridicule. » Comment comprenez-vous cette citation et que nous apprend-elle sur les intentions de la comédie classique ? Qu’en est-il de la farce ? Molière pensait qu’en faisant rire les gens de leurs défauts, la comédie pouvait ainsi les corriger. Tandis que la farce a pour but le divertissement. • • Propos ou geste mesquin Elle se saoule. Elle s’inquiète davantage pour son livre d’art que pour Annette qui est malade. « Je ne sais pas qui a mis le clafoutis dans le frigo. Monica met tout dans le frigo, il n’y a rien à faire » (l. 178-179, p. 16. Elle accuse sa femme de ménage). Michel « Qui nous fait chier encore ? » (l. 1114, p. 55). Il abandonne le hamster sur le trottoir car il a peur de le toucher. Annette Elle vomit. « Amusant entre parenthèses quelqu’un qui se réclame d’Ivanhoé et de John Wayne et qui n’est pas capable de tenir une souris dans sa main » (l. 1081-1082, p. 53). Alain Il répond sans cesse au téléphone. (À propos de la mère de Michel qui prend de l’Antril, équivalent du Médiator et que défend Alain.) « Si elle en prend et qu’elle a l’air normal, je la fais citer comme témoin » (l. 895, p. 46). Véronique L ecture analy tique , rep è res La satire, un savoureux mélange de registres • Cette séance prend appui sur l’ensemble de la pièce. Son objec- Rappel de vocabulaire • grossier : qui n’a pas été affiné par la civilisation, l’éducation, la culture ; qui est contraire à la bienséance, ou à la décence ; • mesquin : qui s’attache à ce qui est petit, médiocre, aux détails infimes sans considération de l’ensemble ; qui manque de grandeur, d’élévation, de générosité ; qui s’attache bassement aux intérêts matériels. Séquence 3 • Ces deux tableaux, que vous pouvez faire compléter lors d’un tra- vail de groupe, montrent l’évolution des personnages. Les apparences courtoises sont vite démasquées par l’attitude grossière et mesquine des personnages, qui se révèlent même violents à la fin de la pièce, notamment les deux personnages féminins : Véronique se jette sur Michel et le frappe, Annette jette le portable d’Alain dans le vase rempli d’eau et détruit le bouquet de tulipes. • 2. Les éléments caractéristiques de la farce a. Le comique de mots L’utilisation de termes techniques qui sont du charabia pour le spectateur rend les personnages ridicules à nos yeux, car on a l’impression qu’ils sont prétentieux et imbus d’eux-mêmes : « l’Antril, antihypertenseur des laboratoires Verenz-Pharma, allant de la baisse d’audition à l’ataxie » (p. 13, l. 92-93) ; « J’ai participé à un ouvrage collectif sur la civilisation sabéenne » (p. 13, l. 106-107) ; « au twelve, au kalachnikov, au grenade launcher » (p. 62, l. 1290). La grossièreté soudaine d’Annette, en opposition avec le vocabulaire très soutenu qu’elle utilisait jusqu’à présent, et associée à son ivresse, traduit une perte de contrôle qui nous fait rire : « Non, je veux encore boire, je veux me saouler la gueule, cette conne balance mes affaires et personne ne bronche » (p. 74, l. 15591560). Ou encore : « et vos droits de l’homme, je me torche avec ! » (l. 1566). novembre 2013 NRP COLLÈGE 43 b. Le comique de gestes Comme nous l’indiquent les didascalies, Véronique bastonne son mari : « Véronique se jette sur son mari et le tape, plusieurs fois, avec un désespoir désordonné et irrationnel » (p. 63) ; pendant ce temps, Annette vomit : « Annette vomit violemment. Une gerbe brutale et catastrophique qu’Alain reçoit pour partie », « Annette a un nouveau haut-le-cœur mais rien ne sort » (p. 35) ; « Annette vomit de la bile dans la cuvette », « encore un peu de bile » (p. 36) ; « Annette crache dans la cuvette », « Annette a un haut-le-cœur » (p. 62). Alain répond systématiquement à son téléphone plutôt qu’à ses hôtes, et impose ainsi un silence contrit. c. Le comique de situation À plusieurs reprises, les Reille essaient de trouver une excuse pour s’en aller, mais il y a toujours quelque chose qui les en empêche. Ils sont comme prisonniers de l’appartement et de la situation. Pendant qu’Annette et Alain sont dans la salle de bains, Michel et Véronique se moquent d’eux : « – Comment il l’appelle ? – Toutou. – Ah oui, Toutou ! » (p. 39). Au même moment, Alain sort de la salle de bains et les entend, les Houllié sont gênés et se croient obligés de révéler le surnom ridicule qu’ils se donnent : Darjeeling. 2. Les éléments caractéristiques de la comédie a. Des personnages de condition modeste ou privée Les quatre personnages sont certes des bourgeois, mais n’ont pas de haute fonction, ne sont pas issus de la noblesse ou de l’aristocratie. Michel est grossiste en articles ménagers. b. Dans un cadre quotidien On sait que la pièce se passe dans l’appartement des Houllié. On remarque également de nombreuses indications géographiques réelles (tout se passe dans le 14e arrondissement de Paris) et des indices sur les habitudes quotidiennes des personnages : « au square de l’Aspirant-Dunant », p. 9 ; « Nous avons toujours dit le parc Montsouris non, le square de l’Aspirant-Dunant oui. », p. 10 ; « C’est le petit fleuriste du marché Mouton-Duvernet » ; « Dix euros la brassée de cinquante », p. 11 ; « Donc ce clafoutis, c’est votre mère ? – C’est une recette de ma mère, mais c’est Véro qui l’a fait », p. 19. c. La peinture des mœurs Dans cette pièce, Yasmina Reza raille les bienséances de notre société bourgeoise, qui veut que l’on obéisse à certains codes, édictés par le poids des apparences. Véronique tient absolument à ce que Ferdinand s’excuse, mais elle craint de paraître grossière et invite les Reille en prétendant à une rencontre amicale. Elle ne veut pas sacrifier son image de femme modèle. Avec le dénouement en demi-teinte, où chacun repart comme il était venu, elle remet également en cause la légitimité de porter un jugement moral. Conclusion : Avec ce mélange de farce et de comédie, Yasmina Reza écrit une pièce très satirique, et fait ouvertement la critique de la société contemporaine et de la condition humaine, qui oscille constamment entre finesse et brutalité. 44 NRP COLLÈGE novembre 2013 Séance 5 L ecture analy tique , vocabulaire L’ironie, l’arme du polémiste • Cette séance s’intéresse plus particulièrement au personnage d’Alain, avocat de profession, qui pratique beaucoup l’ironie. Même en 3e, les élèves la repèrent difficilement. Nous verrons donc que l’ironie repose sur un ensemble de procédés stylistiques. Vous pourrez mener cette séance avec la fiche élève 2. Déroulement de la séance et activités 1. Définition de l’ironie Questions à poser aux élèves : a. Que pouvez-vous dire de l’attitude du personnage d’Alain ? Il est arrogant, on sent qu’il aime dénigrer ceux qui ne sont pas du même avis que lui. b. Par quels procédés cette attitude s’exprime-t-elle ? Donnez un exemple. Cette attitude s’exprime par l’ironie, notamment quand il prétend être intéressé par les mécanismes de WC, p. 31. Rappel de vocabulaire L’ironie : figure de rhétorique par laquelle on dit le contraire de ce qu’on veut faire comprendre, dans un but moqueur, sarcastique ou railleur. • • • • • 2. Les procédés stylistiques de l’ironie Voici les différents procédés stylistiques qui peuvent créer un effet d’ironie. On demandera aux élèves d’en écrire la définition et de relier chaque définition à un exemple extrait du texte. L’antiphrase consiste à dire le contraire de ce que l’on pense. (exemples c et e) L’antithèse consiste en une affirmation contradictoire soit par rapport à la pensée commune, soit par rapport à une autre affirmation présente dans le texte. (exemple f ) L’oxymore consiste à associer dans une même expression deux termes antagonistes, opposés. (exemple d) La litote consiste à édulcorer la réalité affirmée pour laisser entendre plus que ce qui est dit. (exemple a) L’hyperbole consiste à exagérer la réalité affirmée, à l’amplifier, notamment à l’aide d’expressions superlatives, d’énumérations. (exemple b) Exemples extraits du texte : a. « Pain d’épice, délicieux… Au moins ça nous permet de découvrir une recette » (p. 17, l. 200). b. « Madame, il faudrait beaucoup de choses. Il faudrait qu’il vienne, il faudrait qu’il en parle, il faudrait qu’il regrette » (p. 24, l. 358-359). c. « vous avez visiblement des compétences qui nous font défaut, nous allons nous améliorer mais entre-temps, soyez indulgente » (p. 24, l. 360-361). d. « Véronique, vous êtes mue par une ambition pédagogique qui est sympathique » (p. 28, l. 461-462). e. « Ah des mécanismes de WC. J’aime bien ça. Ça m’intéresse. […] Ça m’intéresse. Le mécanisme de WC m’intéresse » (p. 31, l. 544545). f. « Vous continuez à vous jeter des fleurs, c’est merveilleux » (p. 48, l. 951). Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza 3e Étape 3 élargir ses connaissances sur le théâtre Séance 6 rec h erc h es , expression orale Découvrir le théâtre contemporain Déroulement de la séance • Les élèves devront faire des exposés par groupe de 3, dont vous leur donnerez les sujets. Voici une liste d’exemples de sujets possibles : – André Antoine et le Théâtre Libre ; – Le cartel des quatre : Jouvet, Dullin, Baty, Pitoëff ; – Antonin Artaud ; – Le théâtre de l’absurde : Ionesco, Beckett, Adamov ; – Jean Vilar et le TNP ; – Le living théâtre ; – Peter Brook et les Bouffes du Nord ; – Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil ; – Henrik Ibsen ; – Luigi Pirandello. Séance 7 Séquence 3 L ecture , expression é crite Écrire une scène d’exposition à partir d’un roman • Pour aider les élèves à bien comprendre les caractéristiques des genres narratif et dramatique, j’aime bien les faire réfléchir sur l’un et l’autre à l’aide de l’écriture d’une adaptation. Déroulement de la séance • Au cours du déroulé de la séquence, les élèves auront lu un roman en lecture cursive. Ils devront transposer le début de ce roman en une pièce de théâtre, dont ils écriront la (les) scène(s) d’exposition. Cet exercice permet également de consolider les connaissances sur le rôle d’une scène d’exposition. En donnant le sujet, j’insiste bien sur le fait que la pièce doit être un huis clos. Le roman que j’ai choisi de donner à lire est un roman de littérature jeunesse : Nine Eleven de Jean-Jacques Greif, qui raconte les événements du 11 septembre 2001, selon le point de vue de lycéens. De nombreux romans policiers fonctionnent sur le principe du huis clos, notamment ceux d’Agatha Christie. Prolongements 1. Comparer avec une autre pièce de Yasmina Reza : Art. La pièce est disponible dans son intégralité sur Internet. Vous pouvez regarder les dix premières minutes en classe et interroger les élèves sur les points suivants : – Qui sont les personnages ? – Quel est le thème de la pièce ? – Quelle est sa visée ? – Quels procédés présents dans Le Dieu du carnage reconnaissezvous ici ? – Quelles remarques pouvez-vous faire sur les décors et les costumes ? • • 2. Comparer la pièce avec l’adaptation de Roman Polanski. Avec vos élèves, regardez la bande-annonce du film : http://www.youtube.com/watch?v=N6OiLrumyc8 Vous pourrez ensuite leur poser les questions suivantes : – D’après les extraits présentés dans la bande annonce, cette adaptation vous semble-t-elle fidèle à la pièce ? Justifiez votre réponse en donnant au moins trois arguments. – Que pensez-vous du choix des scènes mises en avant dans cette bande-annonce ? Vous semblent-ils propres à susciter l’envie d’aller voir le film ? Quelles scènes auriez-vous choisies et pourquoi ? • • 3. Découvrir Huis clos de Jean-Paul Sartre. Rendez-vous sur la page de la BNF consacrée à Huis clos. http://expositions.bnf.fr/sartre/reperes/oeuvres/huis.htm Après lecture de cette page, les élèves répondront aux questions suivantes : – Quand et où la pièce a-t-elle été créée ? – Dans quelles circonstances la pièce a-t-elle été écrite ? – Dans quel contexte historique la pièce a-t-elle été écrite ? – Quelle réplique de la pièce est restée très célèbre ? – Quel sens Sartre donne-t-il à cette réplique ? • • Affiche de Carnage de Roman Polanski, 2011. novembre 2013 NRP COLLÈGE 45 Histoire arts des un « ready-made » de Duchamp La dénonciation des apparences, du « politiquement correct », des diktats de la société bien-pensante se retrouve aussi dans nombre de créations plastiques contemporaines. La notion d’art se prête d’ailleurs à toutes les interrogations sur tout ce qui fait la réelle valeur d’une œuvre. Dans cette réflexion, on doit beaucoup à marcel Duchamp. Il invente dans les années 1910 le concept du « ready-made » qui bouscule radicalement les idées académiques. Le plus célèbre d’entre eux, Fontaine, ou Urinoir, n’en finit pas de poser des questions sur la définition même de l’art. Retrouvez le questionnaire élève de cette analyse et son corrigé en ligne. 46 NRP COLLÈGE Marcel Duchamp, Fontaine, 1917. Already made marcel Duchamp, né en 1887, est un peintre d’abord proche du cubisme mais qui s’intéresse rapidement à la décomposition du mouvement. Installé aux ÉtatsUnis, il y est bientôt reconnu comme un des principaux représentants de l’avantgarde française. en 1917, il achète un objet ordinaire, un urinoir, le dote d’un titre, Fontaine, et l’orne d’une signature et d’une date : Richard Mutt, 1917. L’objet possède ainsi a priori tous les attributs d’une œuvre d’art. La différence est que l’artiste ne l’a pas fabriqué de ses mains, mais l’a acheté already made, c’est-à-dire tout fait. Ce n’est pas le premier ready-made créé par Duchamp, mais celui-ci va provoquer une petite révolution. Il l’envoie anonymement au comité de sélection d’une exposition de la Société des artistes indépendants de new York, dont le principe est que n’importe quelle œuvre d’art doit y être acceptée sans passage devant un jury. or, l’objet est refusé au motif que ce n’est pas une œuvre d’art. Un article, également anonyme, publié dans la toute nouvelle revue The Blind Man, dont Duchamp est un des fondateurs, dénonce la contradiction et déclenche la polémique. novembre 2013 Histoire arts des Est-ce sérieux ou est-ce une blague ? Fontaine va donner lieu à un grand nombre d’interrogations. D’abord sur la notion même d’artiste. Car ce que marcel Duchamp conteste ici, c’est que l’artiste soit une sorte de super-artisan ; pour lui l’idée prévaut sur la création : « Que richard mutt ait fabriqué cette fontaine avec ses propres mains, cela n’a aucune importance, il l’a choisie. » ensuite, qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Fontaine n’a aucune des qualités d’élégance ou d’harmonie qu’on lie habituellement à l’art. mais Duchamp conteste la notion de goût, le bon goût n’étant que la répétition de ce que la société approuve. L’art, pour lui, est une drogue à accoutumance. Son souci est d’en écarter ses readymade dont le choix, insiste-t-il, n’est pas fondé sur une délectation esthétique mais au contraire sur une réaction d’indifférence visuelle. Dès lors, c’est le simple choix de l’artiste qui crée l’œuvre, et tout objet de la vie quotidienne peut être utilisé, avec ou sans transformation. L’œuvre d’art perd en outre avec Fontaine son caractère unique, original car la première ayant disparu, il n’en existe aujourd’hui que des répliques, toutes considérées comme des « originaux », concept dont Duchamp se moque en appliquant sur un autre de ses ready-made l’étiquette « antique certifié ». en fin de compte, c’est le spectateur que Duchamp interroge, sur son propre regard sur l’art. Exploitation en classe Quelques questions possibles Éléments de réponse 1. Que voyez-vous ? 2. Quelle est l’intervention de l’artiste sur cet objet ? 3. Le nom qui figure en signature est-il celui de l’artiste ? 4. Pourquoi, à votre avis ? 5. Selon vous, que cherche-t-il à dénoncer à travers cette mise en scène ? 6. Que signifie le terme « ready-made » ? 1. Un urinoir. 2. L’artiste a donné à cet urinoir le titre ironique de Fontaine, l’a signé, daté (1917) et l’a envoyé à la Société des artistes indépendants en vue d’une exposition. 3. Duchamp a signé R. Mutt. 4. Il s’agit d’une mise en scène. 5. Le fait de soumettre Fontaine à la Société des artistes indépendants est une ruse de Marcel Duchamp pour mettre dans l’embarras les membres de cette institution : ou bien les membres de cette Société obéissent à leurs principes démocratiques et se ridiculisent dans ce cas auprès du public et de la presse, ou bien ils refusent l’envoi de R. Mutt et se constituent comme un jury au sens traditionnel, de sorte qu’il n’y a plus alors d’artistes indépendants. 6. Le terme de « ready-made » désigne un objet tout fait. Le poète surréaliste André Breton définit le « ready-made » comme un « objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste ». novembre 2013 NRP COLLÈGE 47 cH E ÉL È V 1 E FI Séquence 3 3e Parcours de lecture 1. Un univers quotidien 1. Complétez la déclaration : • Michel Houllié : • Quand ? ........................................................................................... ........................................................................................... • Annette Reille : • Où ? ........................................................................................... ........................................................................................... • Alain Reille : ........................................................................................... • Coupable ? ........................................................................................... 3. Donnez trois ingrédients du clafoutis de Véronique. ........................................................................................... • Victime ? ........................................................................................... ........................................................................................... 4. Quels sont les trois livres sur la table basse du salon ? • Délit ? ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... • Conséquences ? 5. Quel est le surnom d’Annette ? D’où vient-il ? ........................................................................................... ........................................................................................... 2. Retrouvez les professions de chaque personnage. • Véronique Houllié : ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 6. Quel surnom les Houllié se donnent-ils ? D’où vient-il ? 2. Une politesse aigre-douce 7. Complétez les mots manquants dans les phrases ci-dessous, extraites de la pièce. • « Alors si vous ne pensez rien, ne dites rien, ne faites pas ces réflexions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . » (Annette). • « Nous sommes très touchés par votre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , nous sommes sensibles au fait que vous tentiez d’aplanir cette situation au lieu de l’. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . » (Annette). • « Ça vous a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de dégobiller » (Michel). • « La femme pense il faut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , il faut………………………., comme si ça servait à quelque chose » (Alain). • « Nous avons la faiblesse de croire aux pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de la culture » (Véronique). • « L’honnêteté est une idiotie qui ne fait que nous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . et nous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . » (Véronique). • « Quand on est élevé dans une idée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de la virilité, on n’a pas envie de régler ce genre de situation à coup de conversations » (Alain). Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 48 NRP COLLÈGE novembre 2013 E ÉL È V 2 3e Séquence 3 E FI cH L’ironie dans la pièce 1. Définition 1. Que pouvez-vous dire de l’attitude du personnage d’Alain ? 2. Par quels procédés cette attitude s’exprime-t-elle ? Donnez un exemple. ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 3. Formulez une définition de l’ironie. ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 2. Identifier les procédés stylistiques de l’ironie 4. Voici les différents procédés stylistiques qui peuvent créer un effet d’ironie. Retrouvez quelle phrase du texte correspond à chaque procédé. (À chaque procédé correspondent deux exemples.) 1. L’antiphrase consiste à dire le contraire de ce que l’on pense. 2. L’antithèse consiste en une affirmation contradictoire soit par rapport à la pensée commune, soit par rapport à une autre affirmation présente dans le texte. 3. L’oxymore consiste à associer dans une même expression deux termes antagonistes, opposés. 4. La litote consiste à édulcorer la réalité affirmée pour laisser entendre plus que ce qui est dit. 5. L’hyperbole consiste à exagérer la réalité affirmée, à l’amplifier (notamment à l’aide d’expressions superlatives, d’énumérations). Exemples extraits du texte : a. « Pain d’épice, délicieux… Au moins ça nous permet de découvrir une recette » (p. 17, l. 200). b. « Madame, il faudrait beaucoup de choses. Il faudrait qu’il vienne, il faudrait qu’il en parle, il faudrait qu’il regrette » (p. 24, l. 358-359). c. « Vous avez visiblement des compétences qui nous font défaut, nous allons nous améliorer mais entre-temps, soyez indulgente » (p. 24, l. 360-361). d. « Véronique, vous êtes mue par une ambition pédagogique qui est sympathique » (p. 28, l. 461-462). e. « Ah des mécanismes de WC. J’aime bien ça. Ça m’intéresse. […] Ça m’intéresse. Le mécanisme de WC m’intéresse » (p. 31, l. 544-545). f. « Vous continuez à vous jeter des fleurs, c’est merveilleux » (p. 48, l. 951). Kate Winslet et Christophe Waltz dans Carnage de Roman Polanski. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 49 ÉtuDE DE LA LANGuE Analyser les valeurs des temps et des modes FIcHE ENSEIGNANt Par Amélie Berthou-Sergeant, professeur de lettres Présentation Déroulement Ces pages sont constituées d’un test (évaluation diagnostique) et de cinq fiches « Entraînement » suivies d’une évaluation sommative. Le test a été conçu par paliers de difficulté croissante avec, pour chaque niveau de difficulté, une fiche « Entraînement » correspondante. Ainsi pourrez-vous orienter chaque élève vers l’entraînement qui lui est utile : l’entraînement 1 si l’exercice n° 1 du test n’est pas réussi, ou l’entraînement 2 si le n°1 est réussi mais pas le 2, et ainsi de suite. Une fiche « remédiation » est téléchargeable sur le site de la NRP pour les élèves qui seraient en difficulté face au test. L’évaluation finale permettra de mesurer les progrès accomplis au terme de ce parcours d’entraînement. Contenu • Ces fiches couvrent l’ensemble des valeurs des temps et des modes abordés au collège : les entraînements 1 et 2 peuvent être faits dès la 6e mais toutes les fiches concernent la fin de 4e ou la 3e. • Les exercices portent d’abord sur la notion même de valeur, puis sur trois temps simples de l’indicatif : le présent, l’imparfait et le passé simple envisagés dans leur complémentarité. Les temps composés sont ensuite traités ensemble pour leur aspect accompli et le fait qu’ils expriment l’antériorité. Le futur simple est rattaché aux modes impératif, infinitif et subjonctif du fait de leur capacité à exprimer l’ordre. Enfin, le mode subjonctif est opposé au mode indicatif et les élèves sont invités à analyser la diversité de ses emplois, dans le domaine de la virtualité. • La question des valeurs repose en effet sur la capacité à analyser. La complexité de cette question tient à ce qu’il ne suffit pas de reconnaître un temps ou un mode mais, en plus, il faut comprendre sa signification (ce qu’il sert à exprimer) dans un contexte donné. C’est un travail de lecture autant que de conjugaison. C’est pourquoi, le plus souvent, les exercices proposés dans ces fiches reposent sur une démarche inductive : une phase d’observation guidée par des questions permet aux élèves de construire eux-mêmes leur leçon. Ensuite seulement, d’autres exercices leur permettent de découvrir la variété des valeurs et leurs nuances. Le + numérique : en ligne, une fiche de remédiation sur les valeurs de base du présent, de l’imparfait et du passé simple. éléments de réponse aux fiches tESt Je sais analyser la valeur des temps et des modes Chaque exercice permet à l’élève de s’évaluer sur 4 ou 5 points. (Pour l’exercice n° 4, compter 1 point pour l’aspect.) Vous pouvez estimer que l’élève a bien répondu avec 3 réponses correctes au moins. ENtRAÎNEMENt 1 Les valeurs du présent Définition : « Chaque temps verbal peut avoir différentes valeurs selon les phrases. La valeur d’un temps est son emploi, c’est-à-dire ce qu’il sert à exprimer dans un contexte donné. » ENtRAÎNEMENt 2 Les valeurs de l’imparfait et du passé simple Valeurs de l’imparfait (arrière-plan : 1, 2, 7 / description : 8, 9 / habitude, répétition : 3, 4, 5, 6, 10, 11). Les valeurs et aspects des temps composés ENtRAÎNEMENt 3 Les temps simples marquent l’aspect inaccompli alors que les temps composés marquent l’aspect accompli. De plus, ils expriment l’antériorité par rapport aux temps simples qui leur correspondent. 50 NRP COLLÈGE novembre 2013 ENtRAÎNEMENt 4 L’expression de l’ordre Le futur simple exprime le plus souvent des faits situés dans l’avenir, mais il peut aussi exprimer l’ordre : c’est le « futur catégorique ». On distingue de nombreuses nuances comme l’ordre, la défense, le conseil ou la prescription. ENtRAÎNEMENt 5 et subjonctif Les valeurs des modes indicatif Il montre l’opposition entre l’indicatif, mode de la réalité, et le subjonctif, mode de la virtualité (nuances : souhait, ordre, défense, supposition, éventualité, regret…). Quatre valeurs circonstancielles entraînent l’emploi du subjonctif : 1. les subordonnées de temps exprimant l’antériorité (L’action n’étant pas encore réalisée quand la principale se réalise, elle est considérée comme virtuelle.) 2. le but (L’objectif est seulement visé mais pas encore atteint.) 3. la cause niée (La négation entraîne l’action dans le virtuel.) 4. la cause avec alternative « soit que… soit que… » (Aucune des deux causes possibles n’est encore affichée comme réelle.) Reconnaître Analyser Accorder construire Enrichir ÉtuDE DE LA LANGuE t E St FIcHE ENSEIGNANt je sais analyser la valeur des temps et des modes Analyser les valeurs du présent 1. Vrai ou faux ? 3. « Je vais te lire une histoire. » Le verbe est ici conjugué au 1. La valeur du verbe dans « Tu danses maintenant » est le présent de l’indicatif. . . . . . . . . . . . . . . . . futur simple. . . . . . . . . . . . . . . . . 2. La valeur du verbe dans « Tu danses maintenant » est le présent d’énonciation. . . . . . . . . . . . . . . . . 4. « En 1789, on prend la Bastille. » Le verbe ici aurait dû être conjugué au passé simple. . . . . . . . . . . . . . . . . Analyser les valeurs de l’imparfait et du passé simple 2. Entourez la bonne réponse parmi les deux propositions. 1. À Cannes, il montait les marches tous les soirs ! Le verbe est : à l’imparfait de description / d’habitude. 2. Alors qu’elle prenait son bain, le téléphone sonna. L’imparfait indique : l’arrière-plan / le premier plan de l’action. 3. Son règne dura cent ans. Le passé simple s’emploie pour des actions : bornées / non bornées. 4. Il entra, vit le fauteuil confortable, s’installa et s’endormit. Pour une succession d’actions, on emploie : le passé simple / l’imparfait. Analyser les valeurs et les aspects des temps composés 3. Reliez les propositions de façon à marquer l’antériorité avec le temps qui convient : Il faisait beau • • quand le printemps sera venu. Il fait beau • • quand le printemps était venu. Il fera beau • • quand le printemps est venu. Il fit beau • • quand le printemps fut venu. 4. Reliez les temps à l’aspect qui leur correspond : temps simples • temps composés • • aspect accompli • aspect inaccompli Distinguer l’expression de l’avenir et celle de l’ordre 5. Dans les phrases suivantes, entourez le verbe qui exprime un fait situé dans l’avenir et indiquez le temps auquel il est conjugué. Dans les autres phrases, c’est l’ordre qui est exprimé : indiquez par quel moyen. Si, vous participerez à la collecte ! (……………………) / Dans cette chambre, vous dormirez au calme. (………………….) / Monter les blancs en neige. (……………….) / Montez le son. (…………………) / Il faut absolument que tu nous rejoignes ! (……………………) Comprendre les emplois du subjonctif 6. Expliquez l’emploi du subjonctif dans chaque phrase : 1. J’exige que tu enlèves tes chaussures chez moi ! 4. Ils patientent en attendant que le spectacle commence. ........................................................................................... ........................................................................................... 2. Afin qu’il pleuve, il fait la danse de la pluie. ........................................................................................... 3. Il ne faut surtout pas que tu pleures ! ........................................................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 51 EN ÉtuDE DE LA LANGuE AÎNEME 1 Nt tR Reconnaître Analyser Accorder construire Enrichir Les valeurs du présent Comprendre ce qu’est la valeur d’un temps 1. Observez ces séries de trois phrases puis répondez aux questions. a. Ces verbes sont-ils tous conjugués au même temps ? Si oui, lequel ? 1. Je marche vers la piscine. – J’arrive bientôt. – Toutes les semaines, je vais à la piscine. ........................................................................................... a. Ces verbes sont-ils tous conjugués au même temps ? Si oui, lequel ? b. Les trois actions exprimées par les verbes se déroulentelles en même temps ? ........................................................................................... ........................................................................................... b. Les trois actions exprimées par les verbes se déroulentelles en même temps ? 2. Complétez la leçon suivante : Chaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . verbal peut avoir différentes ........................................................................................... ........................... 2. Il écoutait la radio ce soir-là. – Il se promenait toujours avec son chien. – Il portait de grandes moustaches brunes depuis qu’il était marié. d’un temps est son emploi, c’est-à-dire ce qu’il sert à selon les phrases. La . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . exprimer dans un contexte donné. Les valeurs du présent 3. Surlignez sur chaque axe chronologique la partie qui correspond aux actions exprimées par des verbes au présent. (Le trait vertical indique le moment où l’on parle.) 4. Elle vient de voir passer Justin Bieber ! 1. Je parle aussi fort que possible, m’entends-tu ? 5. Les fleuves se jettent dans la mer, c’est scientifique ! 2. Depuis deux semaines, je lis un roman passionnant. 6. Tous les soirs, mon frère me réclame une histoire… 3. Mon père part à la retraite dans cinq ans. 7. Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492. 4. En vous aidant de l’exercice précédent, reliez les phrases données à la valeur du présent qui leur correspond. 1. Il se brosse les dents après chaque repas. • présent d’énonciation 2. Je vais te confier un secret très important… • présent étendu 3. En 1969, Neil Armstrong marche sur la Lune. • présent d’habitude 4. L’eau gèle à zéro degré. • présent de vérité générale 5. Cette année, les pivoines sont à la mode. • présent à valeur de passé proche 6. Avec la marée, la mer monte à vue d’œil. • présent à valeur de futur proche 7. Dommage ! Votre train part à l’instant ! • présent historique Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 52 NRP COLLÈGE novembre 2013 2 ÉtuDE DE LA LANGuE Enrichir EN construire AÎNEME Nt Reconnaître Analyser Accorder tR Les valeurs de l’imparfait et du passé simple Les valeurs de l’imparfait 1. Indiquez la valeur des verbes à l’imparfait du texte en recopiant leur numéro dans le tableau. Il était une fois un dragon qui se sentait bien seul. Chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un, il essayait de sourire mais alors il se mettait à cracher des flammes qui faisaient fuir ses interlocuteurs. Un jour, il aperçut une jeune fille qui pleurait . Malgré ses larmes, il vit qu’elle avait les plus beaux yeux qu’il n’ait jamais vus. Ses cheveux roux ondulaient merveilleusement. Au lieu de lui sourire, il la réconforta par la chanson douce que son père lui chantait jadis quand il était mélancolique. C’est ainsi que le dragon solitaire se fit une amie. arrière-plan ......... ......... ......... ......... description ......... ......... ......... ......... habitude, répétition ......... ......... ......... ......... La complémentarité de l’imparfait et du passé simple 2. Complétez les leçons suivantes par « l’imparfait » ou « le passé simple ». a. Dans un récit, les actions à l’arrière-plan et les descriptions sont à . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . alors que l’on utilise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pour les actions principales. b. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . s’emploie pour des actions ponctuelles et bornées (c’est-à-dire des actions qui sont situées dans des limites précises). À l’inverse, pour des actions répétitives ou non bornées (c’est-à-dire des actions envisagées dans leur durée, sans limites précises), on emploie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . c. Dans le schéma narratif d’un récit au passé (un conte, par exemple), on observe que la situation initiale est à . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . tandis que l’élément perturbateur et les péripéties sont au . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . d. Pour écrire un portrait, on utilise plutôt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . alors que pour un récit de bataille on emploie plutôt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ............... 3. Dans les phrases suivantes, conjuguez les verbes soit à l’imparfait, soit au passé simple, selon leur valeur. 1. Il (être) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . une fois un rat d’égout qui (vivre) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . à Lyon. Un jour, il (recevoir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . la visite surprenante d’un crocodile qui ne (passer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . jamais par là d’habitude. 2. Une grosse moustache brune (retomber) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sous un nez aquilin. Sa couleur foncée (trancher) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . avec un visage livide et inexpressif. ...... 3. Soudain, le cowboy (arriver) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . au galop dans la rue principale ; il (sauter) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de son cheval et (entrer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . bruyamment dans le saloon. Tous les regards (se tourner) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vers lui. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 53 EN ÉtuDE DE LA LANGuE AÎNEME 3 Reconnaître Analyser Accorder Nt tR construire Enrichir Les valeurs et aspects des temps composés Aspects des temps simples et des temps composés 1. a. Indiquez pour chaque phrase si le verbe marque l’aspect accompli (action achevée) ou inaccompli (action en cours). 3. Sa sœur avait grimpé au sommet de l’arbre. b. S’il marque l’aspect accompli, modifiez son temps pour qu’il marque l’aspect inaccompli, et vice-versa. ➭ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exemple : Elle boit son thé. ➞ aspect INACCOMPLI ➭ aspect ACCOMPLI = Elle a bu son thé. 1. Tu termines ton exercice. ➞ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➭ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Ce livre aura rencontré un grand succès. ➞ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➭ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➞ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Pour cela, il faut lire attentivement le mode d’emploi. ➞ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➭ aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. D’après vos réponses, complétez la leçon suivante : Les temps simples marquent l’aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les temps composés marquent l’aspect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’expression de l’antériorité avec les temps composés 3. Complétez le tableau suivant : temps composé Passé composé Il marque l’antériorité par rapport au temps simple suivant : présent Exemples Placez les deux actions sur un axe chronologique. Quand il a mangé, il part. (il a mangé) (il part) Plus-que-parfait imparfait Quand il… … … Quand il eut mangé, il partit. Futur antérieur … Quand il… 4. Exprimez l’antériorité en conjuguant le verbe ranger au temps qui convient : 2. Dès que tu (obtenir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . la permission, nous irons jouer au parc. 1. Tu ne sortiras que lorsque tu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ta chambre ! 3. Je (lire) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . encore un peu mais j’ai déjà fini deux livres. 2. Tu peux sortir maintenant si tu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ta chambre. 3. Il put sortir une fois qu’il . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sa chambre. 4. Elle se souvenait très bien de ce qu’elle (voir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................. . 4. Il sortait seulement quand il . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sa chambre. 5. Conjuguez les verbes indiqués au temps qui convient en cherchant quelle action est antérieure à l’autre. 1. Quand les invités eurent diné, ils (se lever) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ............. . 54 NRP COLLÈGE novembre 2013 Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 4 ÉtuDE DE LA LANGuE Enrichir EN construire AÎNEME Nt Reconnaître Analyser Accorder tR L’expression de l’ordre Les valeurs du futur simple 1. Complétez la leçon suivante : • Le plus souvent, le futur simple exprime des faits situés dans l’ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exemple : Cet été, j’écrirai un poème sur les bords de mer. • Mais il existe d’autres valeurs du futur, regroupées sous le nom de « futur catégorique » : on peut en distinguer quatre nuances principales. Exemples : Tu fermeras la porte en sortant ! 2. Soulignez en bleu les futurs qui expriment des faits situés dans l’avenir et en vert les futurs catégoriques. Quand vous irez dans la maison, vous verrez une pièce plus sombre que les autres sur votre droite. C’est là que vous prendrez la lampe et le tabouret et vous les chargerez dans le camion. Par contre, vous ferez bien attention à ne pas casser les vases. Vous ne les toucherez pas pour plus de sûreté. Mes parents seront ravis du service que vous nous rendrez alors. = ............................................. – Tu ne tueras point. Tu ne voleras pas. = ............................................. – Tu pourras peut-être vérifier que tu as ton billet. = ............................................. – Vous prendrez ces médicaments avant le repas. = ............................................. L’expression de l’ordre et de la défense 3. Observez les phrases suivantes puis complétez le tableau. 1. Ne bougez pas ! – 2. Entourer la bonne réponse. – 3. Vous n’oublierez pas votre sac. – 4. Regarde bien. – 5. Que la lumière soit ! – 6. Tu feras la vaisselle et le ménage ! – 7. Chantons en chœur ! – 8. Qu’ils entrent ! – 9. Ne pas se pencher. – 10. Faire le tour pour entrer. – 11. Faites-le ! Moyens employés pour exprimer l’ordre ou la défense Phrases données ci-dessus (indiquez le numéro) Le temps du Le mode Le mode Le mode ............................. ............................. ............................. ............................. ............................. ............................. ............................. ............................. 4. Voici un extrait de recette de cuisine donné au futur catégorique. Récrivez-le trois fois en employant les trois autres moyens (vus dans la question précédente) pour exprimer l’ordre et la défense. Futur catégorique Vous casserez les œufs et séparerez les blancs des jaunes. Surtout, vous ne laisserez pas de bouts de coquille dans le saladier ! ... ... ... ............................................. ............................................. Il faut que vous… ............................................. ............................................. ............................................. ............................................. ............................................. ............................................. ............................................. ............................................. ............................................. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 55 EN ÉtuDE DE LA LANGuE AÎNEME 5 Nt tR Reconnaître Analyser Accorder construire Enrichir Les valeurs des modes indicatif et subjonctif Indicatif ou subjonctif ? 1. Observez les deux phrases suivantes pour répondre aux questions, puis complétez la leçon. Il vient me voir. – J’aimerais qu’il vienne me voir. a. Le verbe « venir » est au présent dans les deux phrases, mais de quel mode ? – Dans la première phrase, le verbe est conjugué au mode .................................... – Dans la seconde phrase, le verbe est conjugué au mode .................................... b. Dans quelle phrase l’action du verbe « venir » est-elle présentée comme certaine, réelle ? . . . . . . . . . . . . . . . c. Dans quelle phrase l’action du verbe « venir » est-elle présentée comme éventuelle, incertaine, virtuelle ? ............... d. Leçon : Le mode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . est le mode de la réalité alors que le mode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . est le mode de la virtualité. 2. Conjuguez les verbes indiqués soit à l’indicatif soit au subjonctif en précisant le mode choisi. 1. J’apprends que tu (paresser) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . au lieu de travailler ? (➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ) 2. Donne-moi une feuille pour que je (pouvoir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . écrire. (➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ) 3. Cachons-nous afin qu’il (avoir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . une surprise ! (➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ) 4. Elle est ravie que son orchidée (pousser) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (➞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ) Les valeurs du subjonctif 3. Reliez les propositions suivantes à la valeur du subjonctif qui convient. 1. Que personne ne bouge ! • le souhait 2. Nous irons danser, que tu le veuilles ou non. • l’ordre 3. Que la lumière soit ! • la défense 4. Dommage que la lune soit cachée par les nuages. • la supposition 5. Pourvu que sa sœur lui pardonne ! • l’éventualité 6. Imaginez que le monstre sorte de sa grotte… • le regret 4. Dans les propositions subordonnées conjonctives circonstancielles suivantes, expliquez l’emploi du mode subjonctif en précisant sa valeur. 1. Nous sommes rentrées avant qu’il ne fasse nuit. ................................................................................................................................................................................................. 2. Il insiste pour qu’elle finisse la course. ................................................................................................................................................................................................. 3. Il n’a pas aimé ce film, non qu’il soit raté mais parce que le sujet lui déplaisait. ................................................................................................................................................................................................. 4. Elle n’a rien vu, soit qu’elle soit naïve, soit qu’il soit très discret. ....................................................................................................................................... ....................................................................................................................................... 56 NRP COLLÈGE novembre 2013 Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. ÉtuDE DE LA LANGuE Enrichir É construire LuAtIO N Reconnaître Analyser Accorder VA je vérifie mes connaissances sur les valeurs des temps et des modes Complétez le tableau après avoir lu le texte suivant. Le nain, qui jugeait quelquefois un peu trop vite, décida d’abord qu’il n’y avait personne sur la terre. Sa première raison était qu’il n’avait vu personne. Micromégas lui fit sentir poliment que c’était raisonner assez mal : « Car, disaitil, vous ne voyez pas avec vos petits yeux certaines étoiles de la cinquantième grandeur que j’aperçois très distinctement ; concluez-vous de là que ces étoiles n’existent pas ? Verbe du texte temps de l’indicatif – Mais, dit le nain, j’ai bien tâté. – Mais, répondit l’autre, vous avez mal senti. – Mais, dit le nain, ce globe-ci est si mal construit, cela est si irrégulier et d’une forme qui me paraît si ridicule ! » Voltaire, Micromégas, chapitre IV (1752). Aspect (accompli ou inaccompli) jugeait inaccompli décida inaccompli Valeur (Pourquoi ce temps ? Cherchez le sens du texte.) Je sais répondre : /2 /2 était /3 avait vu /3 aperçois /3 ai tâté /3 tOtAL : / 16 Reliez le mode à la valeur et à l’exemple qui lui correspondent. VALEUR MODE EXEMPLE mode de la réalité • • indicatif • • « Pourvu qu’il vienne ! » mode de la virtualité (ex : pour un souhait) • • infinitif • • « Il est venu hier. » mode du verbe non conjugué, peut servir à exprimer l’ordre ou la défense • • impératif • • « Ne pas faire de bruit dans les coulisses. » mode qui sert surtout à exprimer l’ordre ou la défense • • subjonctif • • « Faites un effort ! Concentrez-vous ! » tOtAL : / 20 Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 57 ANALYSE FILMIQuE 6e-5e Indigènes de Rachid Bouchareb (2006) FIcHE ENSEIGNANt Par Marie Pierre Lafargue, intervenante cinéma en milieu scolaire Une page oubliée de l’histoire de France • En 2006, avec Indigènes, le réalisateur Rachid Bouchareb ouvre une page oubliée de l’histoire de l’immigration en France, celle des 130 000 « sujets français » d’Algérie, des protectorats du Maroc et de la Tunisie et des colonies d’Afrique Équatoriale et Orientale engagés au secours de la France occupée aux côtés des Alliés et des forces de la France Libre durant la Seconde Guerre mondiale. • Outre sa portée historique et civique évidente, le film présente un autre intérêt pédagogique, car il engage une véritable réflexion sur le langage cinématographique et la place du spectateur. Incarné par des acteurs populaires de renom et soutenu par des formes et des effets inspirés du cinéma spectaculaire américain, Indigènes s’adresse clairement à un public jeune dans une volonté de transmission. Mais en mêlant de l’intime à l’épique, il transcende aussi les stéréotypes du film de guerre et libère le regard sur l’histoire, condition sine qua non de l’élaboration de l’esprit critique. Cinéma et histoire Le regard accusateur d’Abdelkader • Constitué d’une mosaïque d’images d’archives en noir et blanc et d’une musique orientale, le générique (1) manifeste d’emblée l’intention du réalisateur de recomposer une part de l’histoire du Maghreb. De la bataille de Monte Cassino (3) qui ouvre aux Alliés la voie vers Rome, aux combats meurtriers des forêts des Vosges (7) en passant par la libération de Marseille (5), Indigènes opère un travail précis de reconstitution des faits militaires et révèle le rôle primordial joué par les soldats d’Afrique lors de la reconquête de l’Europe. • Personnage central et chaînon manquant entre le récit historique et ses répercussions dans le présent, Abdelkader incarne les questions politiques et morales revendiquées par le film. Représenté tout d’abord assis en train d’écrire devant sa copie d’examen, dans le lieu symbolique de Sétif, il figure la lutte contre l’injustice et l’intégration par le mérite et la loi. Porteur des réclamations de ses hommes (les tomates [4], la permission [8]), il annonce les revendications nationalistes et indépendantistes des pays du Maghreb. • Le film rectifie le récit historique, toujours écrit par les vainqueurs comme en attestent les séquences des photographes après les combats (3/11), et en reconstitue les pièces manquantes. Hommage aux anonymes sacrifiés, il s’adresse aussi à la France d’aujourd’hui et, à travers le parcours de Saïd, Abdelkader, Messaoud, Yassir et Martinez, accuse une intégration manquée. • L’épilogue (12) fait de ce survivant à la fois le témoin et la victime de l’ingratitude de la France : soixante ans plus tard, seul au milieu des stèles anonymes du carré musulman d’un cimetière militaire, Abdelkader se recueille sur les tombes de ses compagnons. Avec son décor minéral et ses cadres frontaux, la mise en scène souligne le sort des soldats gisant dans l’oubli. Puis l’espace se resserre autour du vieillard. En suivant son trajet silencieux du tramway à la petite chambre d’une HLM de banlieue, Indigènes révèle un paysage social morne et indifférent que le regard d’Abdelkader, dans le dernier plan du film, vient accuser comme il dénonce les carences politiques d’un État capable de condamner une partie de ses citoyens à un dénuement et une solitude sans fin. De grandioses antihéros • Indigènes repose sur des personnages fortement caractérisés. De leur apparition (1) à leur ultime combat (11), ils obéissent à un système figuratif complexe qui confère au film d’action une dimension métaphorique et soutient son caractère critique. 58 • Venu « du fond de la misère », lié à sa mère qu’il quitte pour aller défendre la « mère Patrie », Saïd est encore un enfant et la guerre sera son rituel initiatique. Son rapport explosif à Martinez traduit la relation à la fois inégale, paternaliste et fusionnelle de la France et de l’Algérie. Emblématique, leur mort emporte ensemble l’enfant du bled et le pied-noir métis, enlacés comme des frères ennemis (11). Une cavalcade de chevaux introduit Yassir, le fier goumier marocain engagé par appât du gain. Il se tient déjà aux côtés de son frère Larbi, auquel il voue un amour immodéré. Son apparente sauvagerie (3) révèlera une véritable figure christique, portée par le sens du sacré, du sacrifice et de la transmission (5/7/9). Homme de base entonnant Le Chant des Africains, Messaoud est représenté comme un homme debout. Tireur d’élite, toujours en première ligne, il rêve cependant davantage d’amour et de famille que de gloire. Finalement terrassé comme un géant magnifique, dont un ralenti accompagne doucement la chute, il ne connaîtra des joies du pater familias qu’un bref sommeil dans une maison vide, sur un fauteuil abandonné, sous les portraits d’une famille inconnue (10). NRP COLLÈGE novembre 2013 ANALYSE FILMIQuE 6e-5e E ÉL È V E FI cH Indigènes de Rachid Bouchareb (2006) Après la projection du film, répondez aux questions et aux consignes. 1. Le générique 1. De quel type d’images est-il constitué ? 4. Quel genre de musique les accompagne ? ........................................................................................... ........................................................................................... 2. Que représentent-elles ? 5. Qu’évoque-t-elle ? ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 6. En quelle(s) langue(s) s’inscrit le titre du film ? 3. Quelle forme dessinent-elles ? ........................................................................................... ........................................................................................... 7. Que signifie le terme « indigène » ? ........................................................................................... ........................................................................................... 2. Cinq soldats 8. Citez les noms des cinq personnages principaux. 11. Décrivez-les en vous aidant du tableau suivant : ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 9. Dans quel lieu chacun apparaît-il ? ........................................................................................... ........................................................................................... ........................................................................................... 10. Quelle est leur situation au début du film ? ........................................................................................... S… Y… A… M… M… Posture Vêtement Attributs Personnage associé Rapport au langage/écriture Grade militaire ........................................................................................... 12. Qu’ont-ils tous en commun ? ........................................................................................... ........................................................................................... 3. La France et eux 13. Pour quelle(s) raison(s) chacun s’engage-t-il ? 17. Dans quel lieu se termine le film ? ........................................................................................... ........................................................................................... 14. Que représente La France pour eux ? 18. À quelle époque sommes-nous ? ........................................................................................... ........................................................................................... 15. À quoi sont-ils prêts pour elle ? 19. Qu'est devenu Abdelkader ? ........................................................................................... ........................................................................................... 16. Bénéficient-ils du même traitement que les autres ? ........................................................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 59 ENtRAÎNEMENt BREVEt Huis clos de jean-Paul Sartre FIcHE ENSEIGNANt Questions (15 points) 1. Les indices attendus sont : le découpage en scène, puisque qu’il est indiqué au début du texte « Scène première », les didascalies (il y en a plusieurs, l’élève doit en recopier au moins une), et l’alternance des répliques indiquée par le nom des personnages : Garcin et Le Garçon. 2. Les mots appartiennent au champ lexical de l’hôtellerie. On peut supposer que la scène se passe dans une chambre d’hôtel. 3. Il n’y a pas de miroirs, de fenêtres, de brosse à dents ni de lit. Pour la seconde partie de la question, toute réponse pertinente est acceptée. 4. a. Cette énumération fait référence à la torture. b. L’article défini introduit un nom connu ou supposé connu de tout le monde : cela vient confirmer l’idée que nous ne sommes pas dans une quelconque chambre d’hôtel, mais dans un lieu que tout le monde connaît. 5. Cette énumération et le titre de la pièce connotent un univers carcéral et un procès. 6. Toute réponse évoquant l’enfer, le purgatoire ou le jugement dernier sera acceptée. 7. Garcin utilise l’imparfait pour parler de lui-même : « Savezvous qui j’étais ? » ; cela nous indique qu’il est mort. L’autre élément prouvant que les deux personnages sont en enfer est la réplique du garçon : « Des personnes qui n’ont jamais mis les pieds ici. Car enfin, si elles y étaient venues… », ainsi que le rire des deux personnages indiqué dans la didascalie suivante : on comprend que personne n’est jamais revenu de l’endroit où ils se trouvent. Une troisième réponse peut-être acceptée, la réplique de Garcin : « Voulez-vous que je vous raconte comment cela se passe ? Le type suffoque, il s’enfonce, il se noie, seul son regard est hors de l’eau et qu’est-ce qu’il voit ? Un bronze de Barbedienne. » Il semble qu’il ait fait lui-même l’expérience de son récit de mort, puisque le bronze face auquel le « type » se réveille se trouve dans la chambre de Garcin. 8. « Et pourquoi se regarderait-on dans les glaces ? […] J’imagine qu’il y a de certains moments où je regarderai de tous mes yeux. » a. Dans la première phrase, « regarder » est conjugué au conditionnel simple, dans la deuxième phrase, ce verbe est conjugué à l’indicatif futur. b. Le conditionnel marque l’incertitude, le doute. Au contraire, l’indicatif futur est la marque d’une action qui va avoir lieu de manière certaine. 60 NRP COLLÈGE novembre 2013 Par Mariane Zingraff, professeur de lettres Réécriture (3 points) « Qu’est-ce que vous voulez, chaque client pose (0,5 point) la même question. Il s’amène (0,5 point) : “Où sont les pals ?” À ce moment-là, je vous jure qu’il ne songe (0,5 point) pas à faire sa (0,5 point) toilette. Et puis, dès qu’on l’(0,5 point) a rassuré (0,5 point), voilà la brosse à dents. » Dictée (7 points) « Ce que le théâtre peut montrer de plus émouvant est un caractère en train de se faire, le moment du choix, de la libre décision qui engage une morale et toute une vie. et comme il n’y a de théâtre que si l’on réalise l’unité de tous les spectateurs, il faut trouver des situations si générales qu’elles soient communes à tous. nous avons nos problèmes : celui de la fin et des moyens, de la légitimité et de la violence, celui des conséquences de l’action, celui des rapports de la personne et de la collectivité, de l’entreprise individuelle avec les constantes historiques, cent autres choses encore. Il me semble que la tâche du dramaturge est de choisir parmi ces situations limites celle qui exprime le mieux ses soucis et de la présenter au public comme la question qui se pose à certaines libertés. » Jean-Paul Sartre, Un théâtre de situations, © éd Gallimard, coll. « Folio essais », 1992. Barême : 0,5 point : fautes de grammaire, d’accords ; 0,25 point : fautes d’orthographe lexicale ; 0,5 point maximum pour les erreurs de ponctuation. Rédaction (15 points) Quelques conseils pour l’évaluation : • Les copies rédigées dans une syntaxe et/ou une orthographe trop approximative ne devraient pas être notées au-dessus de 5/15. • Les hors sujets ne devraient pas être notés au-dessus de 3/15. • Le recours à une culture personnelle (littéraire ou autre) sera valorisé. ENtRAÎNEMENt BREVEt E ÉL È V E FI cH Huis clos de jean-Paul Sartre Scène première garCin, le garÇon D’étage. Un salon style Second Empire. Un bronze sur la cheminée. garCin, Il entre et regarde autour de lui. – Alors voilà. le garÇon. – voilà. garCin. – C’est comme ça… le garÇon. – C’est comme ça. garCin. – Je… Je pense qu’à la longue on doit s’habituer aux meubles. le garÇon. – Ça dépend des personnes. garCin. – est-ce que toutes les chambres sont pareilles ? le garÇon. – Pensez-vous ! Il nous vient des Chinois, des Hindous. Qu’est-ce que vous voulez qu’ils fassent d’un fauteuil Second empire ? garCin. – et moi, qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ? Savez-vous qui j’étais ? bah ! ça n’a aucune importance. Après tout, je vivais toujours dans des meubles que je n’aimais pas et dans des situations fausses ; j’adorais ça. Une situation fausse dans une salle à manger Louis-Philippe, ça ne vous dit rien ? le garÇon. – vous verrez : dans un salon Second empire, ça n’est pas mal non plus. garCin. – Ah ! bon. bon, bon, bon. (Il regarde autour de lui.) Tout de même, je ne me serais pas attendu… vous n’êtes pas sans savoir ce qu’on raconte là-bas ? le garÇon. – Sur quoi ? garCin. – eh bien… (avec un geste vague et large) sur tout ça. le garÇon. – Comment pouvez-vous croire ces âneries ? Des personnes qui n’ont jamais mis les pieds ici. Car enfin, si elles y étaient venues… garCin. – oui. Ils rient tous deux. garCin, redevenant sérieux tout à coup. – où sont les pals1 ? le garÇon. – Quoi ? garCin. – Les pals, les grils, les entonnoirs de cuir. Le garÇon. – vous voulez rire ? garCin, le regardant. – Ah ? Ah bon. non, je ne voulais pas rire. (Un silence. Il se promène.) Pas de glaces, pas de fenêtres, naturellement. rien de fragile. (Avec une violence subite :) et pourquoi m’a-t-on ôté ma brosse à dents ? le garÇon. – et voilà. voilà la dignité humaine qui vous revient. C’est formidable. garCin, frappant sur le bras du fauteuil avec colère. – Je vous prie de m’épargner vos familiarités. Je n’ignore rien de ma position, mais je ne supporterai pas que… le garÇon. – Là ! Là ! excusez-moi. Qu’est-ce que vous voulez, tous les clients posent la même question. Ils s’amènent : « où sont les pals ? » À ce moment-là, je vous jure qu’ils ne songent pas à faire leur toilette. et puis, dès qu’on les a rassurés, voilà la brosse à dents. mais, pour l’amour de Dieu, est-ce que vous ne pouvez pas réfléchir ? Car enfin, je vous le demande, pourquoi vous brosseriez-vous les dents ? garCin, calmé. – oui, en effet, pourquoi ? (Il regarde autour de lui.) et pourquoi se regarderait-on dans les glaces ? Tandis que le bronze, à la bonne heure… J’imagine qu’il y a de certains moments où je regarderai de tous mes yeux. De tous mes yeux hein ? Allons, allons, il n’y a rien à cacher ; je vous dis que je n’ignore rien de ma position. voulez-vous que je vous raconte comment cela se passe ? Le type suffoque, il s’enfonce, il se noie, seul son regard est hors de l’eau et qu’est-ce qu’il voit ? Un bronze de barbedienne. Quel cauchemar ! Allons, on vous a sans doute défendu de me répondre, je n’insiste pas. mais rappelez-vous qu’on ne me prend pas au dépourvu, ne venez pas vous vanter de m’avoir surpris ; je regarde la situation en face. (Il reprend sa marche.) Donc, pas de brosse à dents. Pas de lit non plus. Car on ne dort jamais, bien entendu ? Jean-Paul Sartre, Huis clos, 1944, © éd. Gallimard. 1. Pal : pieu aiguisé à son extrémité. Questions (15 points) 1. À quels indices comprenez-vous que ce texte appartient au genre du théâtre ? Relevez des indices précis pour répondre. (3 points) 2. À quel champ lexical appartiennent les mots suivants : « toutes les chambres » et « tous les clients » ? Où peut-on supposer que la scène se passe ? (2 points) 3. Relevez dans le texte deux éléments qui devraient se trouver dans une chambre d’hôtel, mais qui sont absents ici. Comment l’interprétez-vous ? (2 points) 4. a. À quoi l’énumération « les pals, les grils, les entonnoirs de cuir » fait-elle référence ? (1 point) b. Dans cette énumération, justifiez l’emploi de l’article défini. (1 point) 5. Mettez cette énumération en relation avec le titre de la pièce. Qu’est-ce qui est ainsi connoté ? (1 point) novembre 2013 NRP COLLÈGE 61 ENtRAÎNEMENt BREVEt 6. Où se trouvent réellement les deux personnages ? Appuyez-vous sur vos réponses aux questions précédentes. (1 point) 7. Relevez deux autres éléments du texte qui appuient votre réponse. (2 points) 8. « Et pourquoi se regarderait-on dans les glaces ? […] J’imagine qu’il y a de certains moments où je regarderai de tous mes yeux. » a. À quels temps et modes est conjugué le verbe regarder dans ces deux phrases ? (1 point) b. Expliquez la différence de sens entre les deux. (1 point) Réécriture (3 points) Réécrivez le passage suivant en remplaçant « tous les clients » par « chaque client ». Faites toutes les modifications nécessaires : « Qu’est-ce que vous voulez, tous les clients posent la même question. Ils s’amènent : “Où sont les pals ?” À ce moment-là, je vous jure qu’ils ne songent pas à faire leur toilette. Et puis, dès qu’on les a rassurés, voilà la brosse à dents. » Dictée (7 points) « Ce que le théâtre peut montrer de plus émouvant est un caractère en train de se faire, le moment du choix, de la libre décision qui engage une morale et toute une vie. et comme il n’y a de théâtre que si l’on réalise l’unité de tous les spectateurs, il faut trouver des situations si générales qu’elles soient communes à tous. nous avons nos problèmes : celui de la fin et des moyens, de la légitimité et de la violence, celui des conséquences de l’action, celui des rapports de la personne et de la collectivité, de l’entreprise individuelle avec les constantes historiques, cent autres choses encore. Il me semble que la tâche du dramaturge est de choisir parmi ces situations limites celle qui exprime le mieux ses soucis et de la présenter au public comme la question qui se pose à certaines libertés. » Jean-Paul Sartre, Un théâtre de situations, © éd Gallimard, coll. « Folio essais », 1992. Rédaction (15 points) Vous traiterez au choix l’un des sujets suivants : Sujet 1 : Inventez la scène qui suit celle que vous venez de lire. Votre texte fera au moins deux pages. Sujet 2 : À la fin de la pièce, Garcin s’exclame : « Pas besoin de gril : l’enfer, c’est les Autres ! » Qu’en pensez-vous ? Vous présenterez votre réflexion dans un développement organisé. Votre texte fera au moins deux pages. Quelques conseils méthodologiques • Pour le sujet 1, pensez à recopier la dernière phrase du texte. Cela vous aidera à respecter la situation d’énonciation (temps, personnages…). • Pour le sujet 2, veillez à adopter une présentation en paragraphes. Cela favorise la bonne intelligibilité de votre propos. Il est vivement conseillé d’utiliser un brouillon sur lequel vous ferez la liste de vos différents paragraphes. N’oubliez pas : 1 paragraphe = 1 idée (+ 1 exemple si possible). Après cela, classez vos idées de la moins importante à la plus importante. François Marthouret, Claire Nebout et Claire Borotra dans Huis clos, mise en scène de Robert Hossein, 2000. 62 NRP COLLÈGE novembre 2013 Par Anne Sinha, professeure agrégée de lettres classiques FIcHE ENSEIGNANt Présentation Ce texte, qui rapporte une plaisanterie d’Hannibal, est issu des Saturnales de Macrobe (370-430), œuvre mettant en scène un banquet philosophique et fournissant grâce à ce dispositif toutes sortes d’anecdotes et de mots d’esprit. Le texte ne présente pas de difficultés grammaticales particulières, et la perspective de la pointe finale pourra encourager les élèves à le traduire. La séance est prévue pour une heure. Traduction Le Carthaginois Hannibal, réfugié chez le roi Antiochus, fit une plaisanterie avec beaucoup de finesse. Son beau mot fut le suivant. Antiochus montrait dans la plaine les troupes immenses qu’il avait préparées en vue de faire la guerre au peuple romain et faisait manœuvrer son armée resplendissante d’insignes d’or et d’argent. […] Alors le roi, tout fier de contempler son armée si grande et si ornementée, aperçut Hannibal et lui demanda : « Penses-tu que tout ceci soit suffisant pour les Romains ? » Alors le Punique, se moquant de la paresse et de l’inaptitude à la guerre de ses soldats si richement armés, dit : « Je pense que cela est tout à fait suffisant pour les Romains, même s’ils sont très cupides. » punique (218-202 av. J.-C.), dont le point de départ est la prise de Sagone, en Espagne, par les Carthaginois. Hannibal a alors l’idée d’attaquer Rome par voie terrestre, avec le fameux épisode de la traversée des Alpes. Il remporte de nombreuses victoires comme celle du lac Trasimène (217 av. J.-C.) et de Cannes (216 av. J.-C.), avant de perdre le combat à l’issue de la bataille de Zama en 201 av. J.-C. Après la victoire romaine, il s’exile en Asie, où il fréquente les cours de plusieurs souverains, dont Antiochus, et finit par se suicider vers 183 av. J.-C., afin d’éviter d’être livré aux Romains. 5. La plaisanterie d’Hannibal est explicitée par Macrobe lui-même. Alors qu’Antiochus, certes fier avant tout des richesses arborées par ses troupes, évoque dans sa question le rapport de force numérique, Hannibal pense, lui, au tribut que vont payer ces troupes, qui selon lui sont assurées de perdre. Cette anecdote sert à mettre en avant la grande finesse du personnage et, surtout, sa lucidité quant à l’invincibilité de la puissance romaine à l’issue de la Deuxième Guerre punique. grammaire 1. La forme facturus est un participe futur, reconnaissable à son suffixe -urus, a, um. Il peut se traduire par « sur le point de ». On rappellera les trois formes de participes en latin, deux actifs (participes présent et futur) et un passif (participe parfait passif ). 2. La forme « comparaverat » est au plus-que-parfait, servant à marquer l’antériorité dans un texte au passé. 3. Dans le groupe « imbelliam militum ejus », il y a deux compléments au génitif. Le premier est le complément du nom de imbellia et le deuxième est le génitif du pronom de rappel is, ea, id et sert à indiquer la possession (traduction littérale « de celui-ci »). Civilisation 4. Hannibal Barca (247-183 av. J.-C.) est le fils d’Hamilcar. Il grandit dans la détestation de Rome, qui a vaincu Carthage lors de la Première Guerre punique (264-241 av. J.-C.). Il mène les opérations lors de la Deuxième Guerre Monnaie d’argent de la famille d’Hannibal. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. novembre 2013 NRP COLLÈGE 63 LAtIN 4e L’humour noir d’hannibal FI LAtIN 4e E ÉL È VE cH L’humour noir d’hannibal Macrobe rapporte dans ses Saturnales une plaisanterie d’Hannibal, alors en lutte contre les Romains et réfugié auprès du roi Antiochus. Hannibal Carthaginiensis apud regem Antiochum profugus facetissime cavillatus est. Ea cavillatio hujuscemodi fuit. Ostendebat Antiochus in campo copias ingentes quas bellum populo Romano facturus comparaverat, convertebatque exercitum insignibus argenteis et aureis florentem […]. Atque ibi rex contemplatione tanti et tam ornati exercitus gloriabundus Hannibalem aspicit et : Putasne, inquit, satis esse Romanis haec omnia ? Tunc Poenus eludens ignaviam imbelliamque militum ejus pretiose armatorum : Plane, inquit, satis esse credo Romanis haec, etsi avarissimi sunt. Macrobe, Saturnales. grammaire 1. Identifiez la forme « facturus ». ................................................................................................... 2. À quel temps est la forme « comparaverat » ? ................................................................................................... 3. Analysez la construction « imbelliam militum ejus ». ................................................................................................... ................................................................................................... Civilisation 4. Que savez-vous d’Hannibal ? ................................................................................................... Traduction ................................................................................................... Traduisez le texte à l’aide du vocabulaire suivant. ................................................................................................... Hannibal, alis, m : Hannibal ................................................................................................... Carthaginiensis, e : carthaginois, synonyme aussi de Poenus, a, um Apud + acc : chez ................................................................................................... Rex, regis, m : roi 5. Expliquez sa plaisanterie. Antiochus, i, m : Antioche ................................................................................................... Profugus, a, um : réfugié ................................................................................................... Facetus, a, um : plaisant, spirituel ................................................................................................... Cavillor, aris, ari, atus sum : plaisanter Cavillatio, onis, f : plaisanterie Hujuscemodi : de cette manière Ostendo, is, ere, ostendi, ostentum : montrer ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... Campus, i, m : plaine ................................................................................................... Copiae, arum, f. pl. : troupes ................................................................................................... Comparo, as, are, avi, atum : préparer ................................................................................................... Converto, is, ere, verti, versum : faire manœuvrer ................................................................................................... Floreo, es, ere, ui : avoir des couleurs brillantes ................................................................................................... Insigne, is, n : insigne (militaire) ................................................................................................... Gloriabundus, a, um : tout fier ................................................................................................... -Ne : particule interrogative, est-ce que ? Eludo, is, ere, lusi, lusum + acc : se moquer de Ignavia, ae, f : paresse Imbellia, ae, f : inaptitude à la guerre Armatus, a, um : armé ................................................................................................... ................................................................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. Plane : entièrement Etsi : même si NRP COLLÈGE ................................................................................................... ................................................................................................... Pretiose : à grand prix 64 ................................................................................................... novembre 2013 Nouveauté rentrée 2013 Les manuels numériques élèves multisupports Consultables à tout moment et partout ➜ Enrichis de ressources multimédia sur PC/Mac sur tablettes iPad/Androïd Tous les titres disponibles sur www.cns-edu.com RCS B 588 505 354 – Septembre 2013 UNE BANQUE à MON IMAGE, çA CHANGE MON IMAGE DES BANQUES. Le Crédit Mutuel Enseignant est une banque authentiquement coopérative dédiée au monde de l’enseignement, de la culture, de la recherche et des sports. Elle propose un service de bancassurance sur mesure et place depuis toujours la qualité de son offre et la relation client au coeur de ses préoccupations. Une banque créée par ses collègues, ça change tout. CFCM et Caisses affiliées, SA coopérative au capital de 2 084 960 080 euros, 34, rue du Wacken, 67913 Strasbourg Cedex 9, RCS B 588 505 354, contrôlée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel, 61, rue Taitbout, 75436 Paris Cedex 09, intermédiaire en opérations d’assurances sous le n°Orias 07 003 758 consultable sous www.orias.fr.