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Vendredi 15 novembre 2013 de 9h à 10h30
D’où viennent les inégalités face à la santé ?
Présentation par Clothilde Cadu (Marianne)
On dit souvent que la France a le meilleur système de santé au monde, elle consacre
12 % de son PIB aux dépenses de santé, son espérance de vie augmente, mais tout le monde
ne profite pas de la même façon de ce système. Par exemple un ouvrier vit en moyenne six
ans de moins qu’un cadre, et en moins bonne santé.
Comment ces inégalités face à la santé se créent, se creusent ? Comment les combler ?
Florence Jusot (Professeur en sciences économiques à l’Université de Rouen et chercheur à
l’Université de Paris Dauphine)
Les inégalités face à la santé sont fortes et multiples : selon les revenus, l’éducation,
les catégories sociales. Ces inégalités sont socialement construites donc évitables. Elles sont
aussi perçues comme injustes. Il faut trouver des leviers d’action pour les réduire.
Exemples d’inégalités : espérance de vie cadre/ouvrier mais aussi femme
cadre/ouvrière (même si par rapport aux hommes le différentiel est un peu réduit). Mais ce
n’est pas la seule inégalité, ce n’est pas qu’une opposition travailleur intellectuel/travailleur
manuel ; en fait le risque de mauvaise santé diminue tout au long de la hiérarchie sociale. On
appelle cela le gradient social de la santé.
Ces inégalités ne se sont pas réduites depuis environ quarante ans en dépit de la mise
en place du SMIC, d’aides (CMU)… (Référence : graphique de l’INSEE sur évolution de l’espérance de
vie de 1976 à 2008 : l’espérance de vie augmente mais les inégalités ne se réduisent pas. Blanpain, 2011)
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La France est le pays de l’UE à 15 qui a le plus haut niveau d’inégalités face à la mortalité. En
France, on reçoit beaucoup de soins de généralistes par rapport aux autres pays et les
inégalités sont relativement faibles. Par contre, pour les spécialistes c’est le pays avec les plus
fortes inégalités avec un niveau moyen d’accès plutôt élevé. Pour les soins de prévention (par
exemple mammographie, frottis, vaccination contre la grippe, coloscopie), la France connaît
de fortes inégalités.
Comment expliquer ces inégalités ? Différents types de barrières : informationnelles,
culturelles (rapport au corps, au système de soins), économiques (renoncement à une
complémentaire santé et aux soins).
Les causes des inégalités sont :
Les conditions matérielles de vie (logement, conditions de travail). On a constaté que
cela ne concerne pas seulement les conditions de vie du présent mais aussi les
conditions dans l’enfance pour chaque individu. Les conditions de vie durant l’enfance
ont un impact sur la santé des 50 ans par exemple,
La situation sur le marché du travail,
Les comportements à risque (alcool, tabac, obésité) : les conséquences sont différentes
selon le groupe social,
Les déterminants psycho-sociaux : la susceptibilité aux maladies et la capacité à les
combattre dépend du soutien social reçu ou au contraire de l’isolement, du stress au
travail et dans la société,
Les difficultés d’accès aux soins : fortes inégalités de recours aux soins.
Barrières économiques :
mise en cause du ticket modérateur, des franchises, des forfaits, des dépassements.
6 % de la population n’a pas de complémentaire santé (soit 4 millions de
personnes).
Qui sont ces ménages ? Des ménages pauvres mais pas suffisamment pauvres pour
avoir droit à la CMU. La cause invoquée pour ne pas avoir de complémentaire est
majoritairement le coût, celui-cicomplémentaire représente jusqu’à 8 % du revenu
disponible des ménages.
Quelles politiques préconiser ?
Redistribution (pour combler les barrières économiques),
politiques visant spécifiquement les comportements à risques, amélioration dans
l’accès aux soins préventifs et curatifs.
Claude Leicher (médecin généraliste dans la Drôme, président de MG France, syndicat de
médecins généralistes)
Constat : la double peine des ouvriers.
Non seulement ils vivent moins longtemps mais aussi ils sont en moins bonne santé.
Ce gradient existe tout au long de l’échelle sociale.
Exemples : maternité-enfance. Les comportements et risques sont différents selon les
catégories socioprofessionnelles : l’allaitement, la consommation de tabac pendant la
grossesse, le dépistage du risque de trisomie 21, la mortalité rinatale, la prématurité
et le petit poids à la naissance, le surpoids, l’obésité, les accidents de la vie courante.
Autres exemples : les frottis, les dépistages des cancers du sein.
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Quelle est l’imputabilité des médecins ?
Par exemple les dépistages sont moins souvent proposés aux populations vulnérables. Il faut
distinguer :
L’égalité : même information donnée aux patientes.
L’équité : passer plus de temps avec les patientes qui font partie des populations les
plus vulnérables.
Que faire ?
Etoffer le système de soins de santé primaire (soins de proximité, premiers recours) :
en France peu de personnel (0,3 salarié par médecin généraliste), surtout par rapport
aux Etats-Unis.
Formations dans les hôpitaux universitaires : peu préoccupés par les inégalités sociales
de santé alors qu’il faudrait améliorer la formation initiale des médecins.
Mieux former l’ensemble des personnels de santé afin d’éviter d’aggraver les
inégalités face à la santé. Inciter les médecins à interroger la position sociale des
patients (âge, sexe, adresse, couverture sociale, situation par rapport à l’emploi,
profession, capacités de compréhension) et à se préoccuper de leur couverture sociale.
Inciter les pouvoirs publics à examiner la pertinence du ticket modérateur dans le
cadre du parcours de soins organisé et à dépénaliser l’exercice au sein de population à
risque social augmenté. La rémunération sur objectif de santé discrimine négativement
les médecins généralistes qui ont un fort taux de CMUc chez leurs patients.
Il faut agir avant, pendant et après les soins.
Thierry Gajdos (Directeur de recherches au GREQAM)
Inégalités
Les inégalités : une notion simple. A C Pigou (1877-1959) : quand on a deux
personnes avec des revenus différents, on prend au plus riche pour donner au plus
pauvre, on a bien réduit les inégalités.
Les inégalités, une notion vraiment simple ? Hugh Dalton (1887-1962) on a un
pauvre et un très pauvre : on réduit les inégalités entre eux, on a un riche et un très
riche, on réduit les inégalités entre eux, mais globalement a-t-on réduit les
inégalités entre les quatre ?
Quelles sont les inégalités ? Revenu, patrimoine, logement, emploi, accès aux
soins, santé, éducation.
Enquête d’opinion sur les inégalités (BVA-DREES 2013).
Quelles sont les inégalités les plus courantes selon vous ? Réponse la plus souvent
donnée : les inégalités de revenus.
Quelles sont les inégalités les moins acceptables ? Réponse plus fréquente : l’accès
aux soins.
Qu’est-ce qui devrait néficier à tous sans distinction de statut ? Plus haut score :
la santé.
Cependant la santé dépend de nombreux critères : revenus, statut social, réseau
social, éducation, environnement matériel, emploi et conditions de travail,
patrimoine génétique, genre, accès et usage des soins, hygiène de vie,
comportement de prévention, comportement à risque. Certains facteurs sont
indépendants de l’individu, d’autres dépendent de lui.
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La santé n’a pas de prix… mais elle a un coût. Enquête ISSP de 2011 : les Français
sont peu nombreux à se dire prêts à payer plus d’impôts pour la santé.
Brigitte Dormont (Professeur de sciences économiques PSL, Université Paris Dauphine et
membre du Conseil d’analyse économique).
Référence à la note du CAE n°8 (juillet 2013) sur l’efficience du système de santé en
France http://www.cae-eco.fr/Pour-un-systeme-de-sante-plus-efficace.html
Constats : à long terme, les dépenses de santé augmentent.
75 % des frais sont couverts par l’Etat qui est plutôt généreux,
En 1970, il fallait 3,8 % du PIB pour financer cette couverture, en 2008 c’est 6,7 %
du PIB. Il faut donc effectuer un arbitrage :
Solutions ?
Geler le taux de PO dévolu à la santé avec pour conséquence de diminuer le taux
de couverture.
Maintenir le taux de couverture mais augmenter le taux de PO.
Autre possibilité néanmoins, il existe une marge de manœuvre : les gains
d’efficacité (cf. note du CAE). L’efficience concerne non seulement la sécurité
sociale mais aussi les complémentaires car toutes les dépenses pèsent dans le
budget des ménages.
Que faire ?
Proposition concernant l’efficacité allocative : sur le panier de soins remboursés
afin d’être en bonne santé.
Proposition concernant l’efficacité productive : produire plus de santé pour le
même niveau de dépenses. La France est au 3ème rang mondial pour la dépense. La
performance est bonne mais pas exceptionnelle : premier rang européen pour
l’espérance de vie des femmes, mal placée pour les hommes et surtout pour la
mortalité prématurée (tabac, alcool, accidents du travail, suicides),
contreperformance pour les inégalités sociales face à la santé.
Côté demande de soins : choix de la « responsabilisation du patient », paiement
visant à améliorer les recettes de la Sécurité sociale (ticket modérateur mais cela
concerne les actes prescrits donc pas réellement choisis par le patient). On voit une
hausse du reste-à-charge pour les patients.
Côté offre de soins : mauvaise organisation, paiement à l’acte omniprésent dans la
médecine de ville et donc les revenus des médecins généralistes dépendent du
nombre de consultations, de visites. Déséquilibre de l’offre de soins selon les
départements. Dans les départements où les médecins sont nombreux (PACA,
Corse), ils sont incités à augmenter le nombre d’actes, on a une surconsommation,
une demande induite par les médecins et donc une consommation inutile de soins.
Le paiement à l’acte nuit à la prévention, le médecin qui prend du temps pour
mieux s’occuper de ses patients est pénalisé. Les déséquilibres géographiques
aggravent la mauvaise gestion du système de santé.
Il faut donc introduire de nouveaux types de paiement mais tous les médecins ne
sont pas d’accord. Les règles sont décidées de manière centrale : convention
nationale des médecins. Les ARS (agences régionales de santé) n’assurent que 2 %
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des dépenses qui sont de leur ressort, elles n’ont pas la main sur le financement de
l’ambulatoire. Ces réformes conduiraient à une diversification des modes
d’exercice de la médecine (paiement à l’acte, paiement dans maison de santé,
EHPAD : établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes…),
à une décentralisation et à une adéquation des soins aux besoins. Cependant il y a
de fortes objections (refus de la Sécu de transmettre des dossiers aux ARS).
Autre réforme : développer les systèmes d’information. Par exemple le dossier
médical personnalisé (360 000 seulement) afin de ne pas faire d’examens inutiles =
améliorer l’information privée et protégée. Il faut aussi donner plus d’informations
publiques sur la qualité des soins (à l’hôpital, dans les EHPAD…). La concurrence
sur la qualité, entre les régions doit permettre d’augmenter l’efficience.
Désaccord de Claude Leicher
Il rappelle que le patient peut masquer des informations d’où un manque de fiabilité. Le
dossier médical personnel est une « bêtise conceptuelle ».
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