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Guêpes, abeilles et habitat traditionnel en Normandie
Pierre TRIPOTIN*
Résumé
L’habitat traditionnel normand, avec ses murs en colombage et son paysage de bocage, est une image bien connue.
Ce qu’on sait moins, c’est que ces constructions sont aussi le refuge d’une faune intéressante d’insectes hyménoptères.
En effet, la construction à colombage restitue plusieurs types de micro habitats activement recherchés par les femelles de
guêpes et d’abeilles solitaires pour l’installation de leur nid :
- Les galeries creusées dans les poutres par les insectes xylophages sont souvent occupées par des guêpes et abeilles
xylicoles ou rubicoles, qui dans la nature nichent dans le bois mort ou les tiges creuses : osmies, guêpes sphécides, etc. ;
- Le chant des toitures de chaume peut abriter en grand nombre de petites espèces rubicoles, surtout de petits sphécides
(Trypoxylon, Pemphredonini) ;
- Les murs en torchis et en bauge miment les parois terreuses sèches, un substrat recherché par certaines espèces
terricoles aux exigences spécifi ques : abeilles anthophores, halictes, guêpes maçonnes. Ce type de paroi sèche est rare
dans la nature en Normandie ;
- Et plus généralement les multiples refuges présents dans ce type de construction peuvent être utilisées par de nombreux
insectes opportunistes : pompiles, guêpes sociales…
En dehors des guêpes sociales, ces espèces ne sont jamais agressives et ne causent pas de dommages aux constructions.
La présence de nids de guêpes et d’abeilles solitaires va secondairement favoriser la venue des espèces parasites,
qui appartiennent à des groupes d’insectes beaucoup plus variés : guêpes chrysides, sapygides, abeilles coucous,
hyménoptères parasitoïdes (ichneumonides, braconides, chalcidiens ...), mouches parasites (bombyles, tachinaires),
coléoptères méloides…
Écologiquement parlant, les murs de terre crue, torchis ou bauge, sont le milieu le plus intéressant. C’est là qu’on
rencontrera le plus d’espèces remarquables, notamment des espèces xérophiles sur les parois bien exposées. À cet égard,
les longs murs en bauge qui ceinturent les propriétés mériteraient une attention particulière.
Mots-clés : insecte, hymenoptères, xylophages, micro-habitats
La maison Normande
Nous avons tous en tête l’image d’Epinal de
la maison normande traditionnelle, faite d’une
ossature en poutres assemblées et d’un rem-
plissage à base de terre crue (torchis), avec sa
couverture en chaume, quelquefois encore pré-
servée, mais de plus en plus souvent remplacée
par des tuiles ou des ardoises.
Ce mode de construction à colombage n’a en
fait rien de très original : on le retrouve presque
inchangé dans d’autres régions de France
(Alsace) et du monde (jusqu’en Corée), en géné-
ral là où la pierre de construction faisait défaut.
Plus originaux sont les hauts murs de terre crue moulée
et séchée sur place, appelés localement murs en bauge, qui
délimitent les propriétés. Nous y reviendrons car c’est un
des éléments les plus intéressants pour la faune d’insectes.
Il faut aussi mentionner l’environnement bocager, avec ses
arbres têtards et ses alignements d’arbres de haute tige
édifiés sur des cordons de terre surélevée, qui sont eux
aussi favorables à la faune sauvage.
Par ces constructions, l’homme a encouragé la pré-
sence d’insectes qui ont prospéré autour de lui, souvent
à son insu. Parmi ceux-ci, beaucoup d’hyménoptères
aculéates, auxquels nous nous intéresserons ici.
LA CONNAISSANCE ET L’ACTION PRÈS DE CHEZ SOI !
› Inventaire de la Nature
Rev. sci. Bourgogne-Nature - 18-2013, 187-192
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