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Éthique et génétique
● J.F. Mattei*
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thique et génétique... Changer de siècle, changer de
millénaire, c’est intéressant, du fait de la compréhension de deux événements importants.
Il s’agit d’un siècle de dupes qui, je crois, restera dans l’histoire. Le XXème siècle nous a trompés, d’abord parce qu’il
n’a duré que 70 ans. Je suis persuadé que les historiens futurs,
lorsqu’ils essaieront de le cerner, à partir, non pas, de bornes
calendaires mais de bornes historiques, feront débuter ce siècle
en 1917, avec la Révolution d’Octobre, et en fixeront l’achèvement en 1989, avec la chute du mur de Berlin.
Mais la duperie ne s’arrête pas là : pendant ces 70 ans, ce
siècle a fait vivre l’homme et les sociétés humaines au rythme
d’un affrontement vain entre deux idéologies qui, in fine, ont
démontré, l’une et l’autre, qu’elles étaient incapables d’organiser une société à la dimension de l’homme. Ce siècle a stérilisé
la pensée, en tout cas, en grande partie. Tout était balayé par
l’affrontement idéologique, et l’on s’engageait dans un camp
ou dans l’autre. Ce qui veut dire que cet affrontement a stérilisé la pensée philosophique profonde, un certain nombre de
mouvements philosophiques n’étant, somme toute, que des
sous-produits de ces idéologies. Il a, aussi, stérilisé nos
valeurs, celles qui, au fil des siècles, nous avaient permis de
bâtir une société. Elles ont été balayées parce qu’on en a cherché d’autres, qui, lorsqu’elles se sont retrouvées privées de
tout fondement, ont laissé l’homme nu, dépouillé de tout ce
qui pouvait lui servir de référence. Et, jamais, en définitive,
l’homme n’a été aussi fragile qu’en cette fin de siècle.
Mais par un de ces clins d’œil de l’histoire, ce siècle de dupes
nous a laissé la troisième grande révolution des temps
modernes. Après la Révolution politico-sociale et la
Révolution industrielle, nous sommes au cœur de la
Révolution scientifique. L’homme n’a jamais autant progressé
dans le domaine des connaissances : en 50 ans, l’avancée a été
plus importante qu’en 50 siècles. Et, de fait, l’homme – ce qui
ne lui était jamais arrivé – est capable aujourd’hui de modifier,
voire, de détruire la planète qui l’accueille. L’homme est
capable – ce qu’il n’avait jamais pu faire – de modifier
l’essence des générations futures, si, en l’occurence, il en avait
le désir. Et l’homme, paradoxalement, n’a jamais été aussi
puissant.
* Professeur de génétique médicale, CHU de Marseille, membre de
l’Académie nationale de médecine. Vice-président de la Sffem.
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Puissance et fragilité... C’est ce contraste saisissant qui conduit
l’homme à s’interroger, à s’engager dans un questionnement
car, face à ces nouvelles situations, nous devons faire des
choix, c’est-à-dire exercer une liberté. Exercer cette liberté,
c’est assumer une responsabilité.
Liberté et responsabilité, deux fondements essentiels de la
dignité de la personne, et, à partir d’un raisonnement extrêmement simple et linéaire – nouvelles connaissances, nouvelles
situations, nouveaux choix, nouvelles libertés, nouvelles responsabilités, nouvelle dignité ... – on voit bien que la réflexion
scientifique nous interroge sur l’idée même que l’on veut avoir
de l’homme. Avec, comme étape centrale, l’étape du choix,
puisque c’est d’elle que tout dépend. Que faire ? Quelle attitude adopter pour tenter d’être un homme et le rester ?
Comment se comporter ? C’est, probablement, cette étape du
choix qui correspond à ce que l’on appelle l’éthique.
L’éthique, à mon sens, est une problématique, un questionnement, qui nous conduit à nous remettre véritablement en question. Naturellement, nous sommes amenés à le faire, d’abord, à
titre individuel, parce que nous tenons, les uns et les autres, à
nos propres valeurs, et que nous essayons de nous comporter
dans la vie quotidienne conformément à notre bon sens.
Conformément à nos convictions aussi... ce que certains appellent l’éthique de conviction, qui est une éthique individuelle.
Cette éthique individuelle, qu’il convient de respecter, pourrait, dans l’absolu, nous satisfaire. Sauf que, très rapidement,
on se rend compte que cette éthique, qui est théorique, qui se
situe dans l’absolu, qui surplombe le temps, n’est pas compatible avec notre vie quotidienne. Car, chacun de nos choix a
nécessairement des conséquences, sur l’autre, et sur demain.
Dès lors qu’il est question de l’autre et de l’avenir, il est question de responsabilité. Nous sommes responsables, de l’autre,
et de demain. Nous arrivons, alors, à cette interrogation : comment, tous ensembles, tenter de définir de multiples responsabilités ? Bien sûr, c’est la raison pour laquelle l’éthique est à la
mode, et ma seule crainte, c’est qu’elle soit usée avant d’avoir
servi. Ethique et économie, éthique et environnement, éthique
et média... et, ce qui nous réunit aujourd’hui, éthique médicale
et biologique. Ce qui nous conduit à nous interroger sur la vie,
sur la mort, sur la souffrance, sur nos différences, car, à partir
du moment où nous identifions des gènes responsables de nos
caractéristiques, peut-on dire que la qualité des hommes
dépend de la qualité de leurs gènes ? Et puis cela nous amène,
aussi, à nous interroger sur la notion de destin : sommes-nous
génétiquement déterminés ? où s’arrête, alors, notre liberté ?
La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002
C’est la raison pour laquelle la biologie et la médecine sont à
la source de l’interrogation éthique.
Il faut bien reconnaître – pardonnez au généticien que je suis –
que la discipline qui illustre, le mieux, la dimension éthique,
c’est la génétique, car, en résumant l’ensemble des interrogations, c’est l’interrogation éthique dans sa totalité qu’elle
exprime.
Je voudrais définir la génétique en trois mots. C’est une discipline nouvelle, originale et humaine. Nouvelle, parce qu’elle
s’appuie sur de nouvelles connaissances : l’ADN 1953, les
chromosomes 1956, la biologie moléculaire... Des connaissances nouvelles avec des besoins nouveaux, et de nouvelles
mentalités. Le temps n’est pas si loin où la préoccupation du
couple était de tenter de contrôler le nombre des naissances.
Ce problème réglé, le couple, avec les progrès de la génétique,
a spontanément manifesté des exigences de qualité. Nous
sommes bien dans une révolution scientifique.
Discipline originale, parce que, à quelques exceptions près,
elle n’est pas encore thérapeutique. Et plus originale, encore,
dans la mesure où le généticien doit engager son pronostic, sa
responsabilité, par rapport à un être qui n’existe pas encore.
Mais, probablement, la plus grande originalité de la génétique
est le fait que, pour la première fois, une médecine n’est plus
une médecine individuelle. Ce n’est plus un patient face à un
médecin, mais, généralement, au minimum, un couple, avec,
quelquefois, un enfant et, selon le tour que prennent les
choses, des familles. Elle ne concerne jamais un individu seul
pour la simple et bonne raison qu’il porte les gènes qu’il a
reçus de ses parents ; il va les transmettre à ses enfants, il les
partage, en partie, avec ses frères, ses sœurs... bref, nous
sommes là dans un problème de dimension familiale.
Quelquefois même de population. Se pose alors la question de
la confidentialité, du secret médical. Et l’on voit bien, ainsi, la
dimension sociétale de celle médecine.
Cela m’amène à dire que la génétique, pour être nouvelle, originale, est profondément humaine : la génétique intéresse
l’homme dans sa dimension humaine, historique, et, davantage
encore, surnaturelle. Parce que la génétique (genèse, vie), est,
en fin de compte, la seule réponse que l’homme peut tenter
d’apporter à la mort.
Face à la mort, la seule réponse individuelle que l’homme, que
la femme, peuvent trouver, c’est l’enfant. Avoir des enfants,
c’est continuer de vivre un peu, c’est s’opposer à la mort. C’est
la raison pour laquelle ceux qui viennent consulter en génétique
sont des couples stériles, des couples en proie à des avortements spontanés ou à des enfants mal formés : ils sont en butte
à la mort, et c’est bien ce qui justifie l’intervention de la génétique. D’où le mariage entre biologie et métaphysique. Même
s’il est audacieux : le mariage des gènes et des secrets de la vie.
Car l’homme ne peut s’arrêter dans sa quête : qui suis-je ? Et
naturellement, dans cette quête, il a trouvé les gènes, a tenté de
les identifier, et a donc été tenté de se les approprier, avant de
les utiliser. Ce sont les trois points que je voudrais, maintenant, aborder.
La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002
L’identification des gènes, d’abord. Depuis l’homo sapiens,
c’est elle qui a tendu le fil de l’universalité, nous amenant, par
là même, à nous interroger, sous un jour différent, sur la place
de l’homme dans l’univers, de l’homme dans l’ordre du vivant
: nous avons 98 % de notre ADN en commun avec les primates,
80 % avec les souris... Notre ADN et un grand nombre de nos
gènes sont communs aux espèces vivantes. Alors, après avoir
décodé cette molécule d’ADN, après avoir découvert qu’elle
était commune aux vivants, nous avons essayé d’identifier les
gènes, les uns après les autres. A la recherche d’une explication, d’une interprétation de la vie. Nous sommes, aujourd’hui,
au cœur d’une autre biologie, le “généticisme”, et il est clair
que l’on aurait tendance à tout attribuer à la génétique, à tout
lui prêter. On aurait tendance à ramener l’homme à sa simple
molécule d’ADN. Combien cela me parait dangereux !
Avec l’identification des gènes, c’est tout le dilemme, entre la
biodiversité et la “biosélectivité”, qui nous est posé. Nous identifions des gènes, nous les apprécions, et nous sommes tentés de
sélectionner les meilleurs. Et on pourrait être, assez facilement,
tenté d’établir un inventaire génétique de l’enfant à naître. Avec,
sous-jacente, l’idée, consciente ou inconsciente, du choix :
accepter ou refuser d’accueillir un être humain, en fonction de la
qualité de ses gènes. Nous sommes proches du génocide, au travers du diagnostic préimplatatoire, au travers de l’étude génétique des cellules embryonnaires filtrées du sang maternel, du tri
des cellules fœtales, dans le sang maternel. Bien entendu, nous
en sommes aujourd’hui au stade médical, où des cas isolés sont
proposés pour des diagnostics prénataux. Bien entendu, on ne
peut refuser de prendre en considération la demande de couples
qui hier, à titre individuel, racontaient leur histoire, leurs souffrances. Oui, il faut les aider, et il ne s’agit pas du tout de refuser
le diagnostic prénatal. Je dis simplement que, si l’on n’y prend
garde, et sans bien s’en rendre compte, on passe vite de la
démarche individuelle à la démarche collective. Et que, après
avoir tenté de répondre à la demande de couples éprouvés, on
sélectionne une population à risques en fonction de l’âge, de
prises de sang... Assez vite, on entre dans un diagnostic systématique de prévention, et là il y a un double danger, car, à partir du
moment où l’on établit des programmes de dépistage, qui sont,
en fait, des programmes de diagnostic, au même titre que la prévention qui se traduit par l’élimination, nous sommes, bel et bien,
dans une démarche eugénique, qu’on l’accepte ou non. C’est un
noble sentiment qui nous anime tous et qui est admirable... mais
quelle dérive au nom de la compassion ! Nous sommes en
mesure, désormais, de garder ou d’éliminer. Sommes-nous prêts
à accepter le problème et à le penser en ces termes ? Je suis
convaincu qu’il y a là une réflexion profonde à mener, car, naturellement, il y a, derrière la question du destin, celle de la dignité.
Nous avons, durant le siècle écoulé, essayé de lutter contre les
inégalités sociales ; celui qui commence nous appelle à lutter
contre les inégalités biologiques. Des inégalités partagées, du
fait que nous n’en sommes pas les seuls détenteurs, mais que
nous les partageons en famille. A mesure de l’identification
des gènes qui peuvent prédisposer à tel ou tel caractère, voilà
que l’on commence à identifier des gènes qui prédisposeraient
à tel ou tel comportement. Je dois vous avouer que, dans mon
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expérience de législateur, j’ai senti, même si la chose était
intuitive, inconsciente, les choses basculer lorsque, à
l’Assemblée, il y a maintenant trois ans, nous avons discuté de
la loi sur les délinquants sexuels. J’ai compris qu’à mesure que
les tests se déroulaient, et sans d’ailleurs que leurs auteurs ne
l’aient voulu, le délinquant devenait un malade, le jugement
devenait une prescription, la peine devenait un traitement, et la
récidive, un échec médical. Il est clair que, si l’on entre trop
dans la logique du ‘généticisme’, - on a parlé de gènes de
l’homosexualité, de la pyromanie, de la violence – il est clair,
oui, que plus personne ne sera responsable de ses agissements.
Nous avons là, déjà, un véritable problème éthique avec
l’identification des gènes. Mais, naturellement, lorsqu’on a
identifié les gènes, ou mieux lorsqu’on les a appréciés et que
l’on pense que, peut-être, ils pourraient servir, alors la tentation est forte de se les approprier. C’est tout le débat de ces
dernières années, à propos des brevets sur les gènes.
Le problème du brevet des gènes, ce n’est, ni plus, ni moins,
que celui de l’appropriation du vivant. A-t-on le droit de breveter un gène humain, en vue de son utilisation dans un traitement
futur ? La chose ne va pas de soi. Elle a tellement peu de sens
que l’on en parle depuis dix ans, sans que personne ne pose
vraiment le problème. Tout simplement parce que l’on n’avait
jamais imaginé breveter la nature, le vivant, et encore moins
l’humain. Et puis, on a, peu à peu, commencé à breveter, qui
une bactérie génétiquement modifiée, parce qu’elle avait la propriété de digérer le mazout des ‘marées noires’, qui, des huîtres
polycloniques, parce qu’elle étaient plus charnues et plus goûteuses, qui, une souris transgénique, parce qu’elle représentait
un modèle original de cancer et pouvait être utilisée pour la
recherche sur le cancer… Alors, naturellement, lorsqu’on a
identifié un gène humain, pourquoi ne pas le breveter ?
En 1994, la France a refusé de breveter les gènes humains, En
1998, une directive européenne est allée dans le même sens en
édictant que le corps humain, en tout ou en partie, y compris la
structure de ses gènes, n’est pas brevetable. Mais, elle énonçait, en même temps, que tout élément isolé du corps humain,
quand bien même il correspond à une séquence d’un gène, de
tout ou partie, est brevetable. Alors que pour identifier et cloner un gène, il suffit de l’isoler du corps humain, ne serait-ce
que par une prise de sang. Ce qui revient à dire que, après
avoir annoncé un grand principe, on se dépêche d’en organiser
la transgression. Il faut, naturellement, reprendre la discussion,
et s’interroger sur ce que doit protéger un brevet.
On ne manque pas d’arguments contre le brevetage. On ne peut
breveter les gènes qui sont les nôtres, que nous avons reçu de
nos parents et que nous transmettrons. En revanche, qu’à partir
de ces gènes, on mette au point une méthode, un procédé, une
analyse… pour produire une hormone de croissance synthétique, une insuline humaine pour traiter le diabète, alors, oui, il
faut breveter. Ce que je dis là, simplement, naïvement, n’est
pas accepté par tout le monde, ni dans la forme, ni quant au
fond. Il y a une opposition culturelle entre les utilitaristes et les
essentialistes. Pour les essentialistes, personne n’a le droit de
s’approprier la nature, qui préexiste, et, en poussant plus loin le
raisonnement, je ne suis pas sûr que l’on pourrait breveter des
gènes, humains ou non, car ils appartiennent au vivant.
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Un argument majeur est que le corps humain ne peut être
l’objet d’un commerce, y compris le gène. Si vous commencez
à breveter le gène, il faudra breveter la cellule dans laquelle il
est introduit ; un ensemble de cellules, constituant un tissu,
sera, alors, brevetable ; un ensemble de tissus constituera un
organe, brevetable, lui aussi… et, demain, se posera la question
d’un homme brevetable ! On ne peut accepter cette démarche.
Autre argument, celui de la recherche. Les chercheurs ont
besoin d’avoir accès à la connaissance, à toute la connaissance,
quelle que soit leur recherche. Ils le peuvent, y compris à la
connaissance brevetée, pour la recherche fondamentale, mais
non pour des recherches appliquées. Je crois que c’est un grave
handicap et que l’humanité a besoin d’une recherche qui ne soit
pas bridée. Le vivant, c’est un patrimoine commun, une matière
commune, et le monopole du savoir confisque l’avenir.
Bien sûr, la recherche coûte de l’argent ; il faut donc un retour
sur investissement. Mais, on s’aperçoit de plus en plus que,
dans toute l’action biologique, il y a, généralement, plus d’une
dizaine de gènes qui interviennent. Et, à partir du moment où
l’on est dans une configuration mettant en cause 5, 10, 15
gènes, si chacun d’entre eux dépend d’un brevet spécifique,
cela devient invivable. Et quand on sait que tout ce qui fait la
valeur ajoutée, c’est le savoir-faire, c’est-à-dire la mise au
point de techniques, de méthodes, de procédés... ce n’est pas
en gardant le monopole de la séquence d’un gène qu’on
s’assure véritablement la maîtrise de la compétition.
Il y a une troisième raison, essentielle : sept pays, aujourd’hui,
sont en mesure d’identifier les gènes. Si sept pays s’approprient le savoir, dont dépendra demain une part importante de
la production industrielle de médicaments ou de produits
agroalimentaires, cela veut dire que tous les autres seront privés d’avenir. Et cela n’est pas acceptable.
Pour ces raisons, il est donc probable que la question de la brevetabilité des gènes va, petit à petit, s’effilocher, parce qu’on
ne peut l’accepter, tout simplement.
Identification, appropriation, utilisation… L’utilisation, c’est le
marché… Ce que nous faisons depuis très longtemps. Mais, ce
qui complique un peu les choses, aujourd’hui, c’est qu’on utilise
les gènes, les cellules, les tissus. C’est une vague d’espérance
qui est soulevée par ces biotechnologies. Cela va nous permettre
de guérir des maladies jusqu’alors incurables. Oui, il faut y aller,
pour guérir. D’ailleurs, chaque fois qu’il s’est agi de guérir, il
n’y a pas eu tellement de problèmes. Quand on a pris un gène
d’insuline, par exemple, qu’on l’a mis dans une bactérie qui
s’est mise à fabriquer de l’insuline pour aider les diabétiques,
bravo pour l’industrie pharmaceutique. Même chose pour l’hormone de croissance... mieux vaut agir par génie génétique
qu’utiliser les hypophyses, avec les conséquences que l’on sait.
De même, quand on a introduit des gènes humains chez des
animaux... Personne ne voit de problème, à ce niveau, lorsqu’il
s’agit d’œuvrer pour guérir. C’est d’ailleurs dans cette ligne
que l’on a commencé à parler de cellules. Les gènes ne sont pas
très faciles à véhiculer ; en revanche les cellules se manipulent
mieux, et si l’on peut remplacer les cellules anormales et les
cellules vieillissantes par des cellules normales et jeunes, quelle
merveille ! Alors ces cellules jeunes et normales, il faut pouvoir
en disposer, et pouvoir les orienter à volonté, pour donner des
La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002
cellules sanguines, musculaires, nerveuses, hépatiques... pour
traiter les leucémies, les parkinsoniens, les myopathes...
Mais comment se procurer ces cellules ? Première possibilité,
la cellule embryonnaire. Et nous voilà avec une idée de recours
à des cellules embryonnaires pour venir au secours de malades
incurables. Mais alors là, malgré tout, on franchit un nouveau
cercle. Guérir, c’est parfait, mais la vie instrumentalisée au service de la vie, là, manifestement, nous franchissons une limite,
et il conviendrait d’y regarder de plus près : avons-nous le
droit d’instrumentaliser les cellules embryonnaires et de considérer les embryons comme une réserve de matière première ?
Deuxième façon de se procurer ces cellules-souches : le transfert nucléaire (pour ne pas dire clonage thérapeutique). A la
limite, ce transfert serait concevable, s’il ne soulevait une autre
question, grave, celle de l’approvisionnement en ovules, en
grande quantité, avec, évidemment, en arrière-plan, un véritable marché d’ovules. Et cela pose un véritable problème
éthique... que je refuse !
Il y a, enfin, une troisième façon de se procurer des cellulessouches. Nous savons désormais que, contrairement à ce que
nous avons appris, les cellules nerveuses se renouvellent. Nous
avons donc, y compris dans notre système nerveux, des cellules-souches capables de donner des cellules nerveuses et
même des cellules sanguines, hépatiques, si elles sont correctement utilisées. La bonne voie est, probablement, celle-là.
C’est pourquoi, à titre personnel, je ne suis pas favorable à ce
que l’on se précipite vers la méthode la plus évidente, la plus
facile, mais qui nous conduit, véritablement, à la transgression
d’un interdit, et cela, très probablement, pour une période relativement courte. Car, assez rapidement, c’est aux cellulessouches adultes que nous aurons recours.
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Voilà ce que je pourrais dire sur l’identification, l’appropriation et
l’utilisation, avec toutes les interrogations éthiques à la clef.
Naturellement, à toutes les étapes, la délibération éthique
s’impose. Parce que nous avons besoin de sens. On dit souvent
qu’il nous faut un retour à la philosophie, dont nous manquons.
C’est vrai. La philosophie aide à penser. L’éthique a cela de plus
qu’elle aide à vivre. C’est-à-dire, qu’elle aide à mettre en pratique.
Et je conclurai, avec modestie naturellement – je ne veux pas
m’approprier la pensée de Malraux – sur la condition humaine.
Vous prenez un homme, vous changez ses reins, c’est toujours
cet homme. Vous changez son foie, son cœur, ses poumons,
ses cornées, ses ongles, ses articulations, ses ligaments, ses tissus, ses cellules, ses gènes... Il est toujours cet homme.
Ce qui conduit finalement à une réflexion assez intéressante :
plus la science progresse, plus elle nous démontre, a contrario,
que ce qui fait les qualités de l’homme n’est probablement pas
dans sa matérialité.
© Le Courrier de l’éthique médicale
Vol I – no 1 - avril-mai-juin 2001
L'amphithéâtre de la Faculté de Médecine Necker-Paris V, lors de la Conférence
(source de cet article), prononcée par le Pr. Jean-François Mattéi à la séance
inaugurale du DEA 2000-2001 d'éthique médicale.
À découper ou à photocopier
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U I ,
J E
M ’ A B O N N E
Tarif 2002
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LG n° 268
Pratique : ❏ hospitalière
FRANCE / DOM-TOM / Europe
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