ACTUALITÉS RECHERCHE Rédigé par M. Chamaillard, Inserm U1019, CHRU de Lille Vers de nouveaux médicaments à base de probiotiques ! Une déconvenue fut de constater la très faible efficacité des probiotiques, que ce soit en termes de prévention ou en termes de traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin chez l’homme. Bien que plusieurs souches de probiotiques présentent des propriétés anti-inflammatoires in vitro ou chez la souris, une des limites à leur application chez l’homme réside dans notre incompréhension de la nature même de leurs principes actifs et de l’utilisation de souches vivantes en santé humaine. Une récente étude publiée dans la revue Journal of Clinical Investigation vient de dévoiler l’un des mécanismes par lesquels la souche Lactobacillus rhamnosus GG exerce son effet anti-inflammatoire et antiapoptotique chez la souris. Il s’agit de la protéine p40, dont la stimulation sur des cellules épithéliales coliques suffit à prévenir leur mort cellulaire induite par la réponse inflammatoire. La sévérité des ulcérations pour l’infiltrat inflammatoire et pour la destruction de l’épithélium était significativement atténuée après délivrance colique de la protéine p40 recombinante dans 3 modèles expérimentaux de colite chez la souris. Également efficace pour prévenir la survenue de la colite chez la souris, le potentiel anti-inflammatoire de ce composé était dépendant de la fonctionnalité du récepteur au facteur de croissance épithéliale. Vers une “flore du mal” dans le cancer colorectal ! La flore intestinale est composée d’innombrables micro-organismes très diversifiés dont l’interaction avec la muqueuse intestinale joue un rôle bénéfique en santé humaine. L’instabilité dans la composition des communautés bactériennes intestinales, phénomène communément appelé “dysbiose”, a été associée à des troubles intestinaux importants chez l’homme, tels que le cancer colorectal, comme le soulignent 2 récentes études publiées dans la revue PLoS ONE. La première étude menée par le centre MICALIS à l’Inra de Jouy-en-Josas démontre un excès du groupe des Bacteroides/Prevotella chez des patients atteints de cancer colorectal par comparaison avec les témoins, qui semblent être lié à un excès de sécrétion de la cytokine pro-inflammatoire IL-17 chez ces patients. En complément de ces observations, une étude anglo-néerlandaise vient de mettre en évidence des différences de fl ore au sein même du tissu tumoral par comparaison avec les zones adjacentes non tumorales du même patient. À la surprise des auteurs, a été constaté au niveau de ces prélèvements tumoraux un appauvrissement de souches potentiellement pathogéniques d’entérobactéries, telles Citrobacter, Shigella et Salmonella spp. En revanche, un excès de souches productrices de butyrate, comme certaines Coriobacteria, a été observé, ce qui pourrait représenter une possible source énergétique pour les tumeurs de ces patients. 218 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XIV - n° 5 - septembre-octobre 2011 Commentaire Au-delà de l’originalité de ce mécanisme d’action pour un probiotique, cette étude a permis d’identifier une nouvelle molécule à potentiel antiinflammatoire qui pourrait se substituer à des micro-organismes vivants et ainsi optimiser les futurs essais cliniques visant à valider leur efficacité chez l’homme. Dans la mesure où des antagonistes de l’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) semblent être efficaces contre certains cancers, une attention toute particulière devra également être portée à l’innocuité de l’activation de l’EGFR par ces composés chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin pour lesquels le risque de développer un cancer colorectal est doublé. Référence bibliographique Yan F, Cao H, Cover TL, Washington MK et al. Colon-specific delivery of a probiotic-derived soluble protein ameliorates intestinal inflammation in mice through an EGFR-dependent mechanism. J Clin Invest 2011 Jun 1;121(6):2242-53. Commentaire Aucun des traitements actuels ne permet de guérir des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin qui touchent plus de 4 millions d’individus dans les pays industrialisés et émergents. À la douleur, la fièvre, la fatigue et les diarrhées qui handicapent la qualité de vie de ces patients au quotidien s’ajoute un risque de cancer colorectal doublé ! Même si l’interprétation de ces 2 études est limitée du fait du faible nombre de patients, il reste désormais à analyser en quoi la dysbiose associée au cancer colorectal se distingue de celle observée chez les patients atteints à la fois de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et de cancer colorectal. Références bibliographiques • Sobhani I, Tap J, Roudot-Thoraval F et al. Microbial dysbiosis in colorectal cancer (CRC) patients. PLoS One 2011 Jan 27;6(1):e16393. • Marchesi JR, Dutilh BE, Hall N et al. Towards the human colorectal cancer microbiome. PLoS One 2011;6(5):e20447.