les galaxies à sursauts de formation stellaire dans l`ultraviolet

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ARTICLE DE FOND
LES
GALAXIES À SURSAUTS DE FORMATION STELLAIRE
DANS L’ULTRAVIOLET
PAR
CARMELLE ROBERT
L
es galaxies à sursauts de formation stellaire,
communément appelées « starbursts », produisent
des étoiles avec une intensité de formation stellaire qui peut atteindre 1 à 100 M an-1 kpc-2 [1].
Cette activité exceptionnelle excède par un facteur 10 à
1000 le taux de formation stellaire d’une galaxie spirale
normale comme la Voie lactée et ne saurait durer qu’un
temps limité comme le dicte le réservoir de gaz
disponible.
Les étoiles massives (M$10 M ), qui ont une vie relativement courte, sont observées en grand nombre dans les
starbursts. Elles sont en fait responsables des grandes
luminosités des sursauts dans la plupart des domaines de
longueur d’onde. Les étoiles massives, étant des objets
chauds, ont leur maximum d’émission dans l’ultraviolet
(UV). Une grande portion de cette radiation UV n’est pas
observée (selon Buat et al. [2], seulement 33 % de l’émission UV s’échappe pour être observée), mais ionise le
milieu interstellaire qui, par recombinaison, produit des
raies spectrales et un continuum dans le visible et l’infrarouge (IR) proche. La poussière, grandement présente
dans les sites de formation stellaire jeune, absorbe aussi
une partie de l’émission ultraviolette des étoiles massives
pour produire une émission thermique observable dans
l’IR lointain. Les étoiles massives ont aussi un impact
important sur leur environnement. Par le biais de leurs
vents et de leur explosion en supernova, elles injectent de
grandes quantités d’énergie mécanique dans le milieu
RÉSUMÉ
Les « starbursts », sursauts de formation
stellaire intense et violente, sont très
fréquents partout dans l’Univers et représentent une phase importante de l’évolution des
galaxies. Dans le domaine des longueurs
d’onde de l’ultraviolet, on retrouve des signatures directes des étoiles massives qui
offrent un avantage unique pour la caractérisation du contenu stellaire, de la fonction de
masse initiale et du mode de formation stellaire des sursauts. Cet article présente la
technique de synthèse spectrale de l’ultraviolet utilisée pour décrire les sursauts et
résume les grandes conclusions obtenues
de son application.
interstellaire. Elles représentent aussi la source principale
d’enrichissement en éléments lourds, définissant la métallicité des étoiles à venir.
Les starbursts constituent une composante importante de
notre Univers. On compte quatre grandes galaxies à sursauts (M82, NGC253, NGC4945 et M83) dans un rayon
de 10 Mpc (30 millions d’années-lumière) autour de nous.
À elles seules, ces galaxies sont responsables de 25 % du
taux de formation stellaire local [3]. L’ampleur des sursauts
est très variable, allant des régions HII géantes, comme 30
Dor dans le Grand Nuage de Magellan [4] au « Lyman
Break Galaxies » à un grand décalage spectral (z $ 2) [5],
en passant par les petites galaxies irrégulières bleues,
comme IZw18 [6], les starbursts nucléaires, comme le prototype NGC7714 [7] et les galaxies ultra-lumineuses IR
découvertes par IRAS [8]. Certains chercheurs préfèrent
distinguer galaxies starbursts et régions starbursts en se
basant sur l’importance de la luminosité des sursauts par
rapport à la galaxie hôte. Néanmoins, une région starburst
se limite généralement à un amas compact, dont le
diamètre atteint 10 à 100 pc, et renferme entre 104 et
107 M sous forme d’étoiles [9]. Plusieurs de ces régions
sont présentes pour former une galaxie starburst comme
on a pu l’observer sur les premières images ultraviolettes
détaillées obtenues avec le télescope spatial Hubble. Ces
mêmes images montrent aussi une émission diffuse importante (75 % du flux UV total du starburst) sous-jacente aux
amas de formation stellaire. La dissipation spatiale d’amas
plus âgés [10] est l’une des hypothèses proposées pour
expliquer cette émission diffuse.
L’origine des starbursts est intimement reliée à des perturbations de la composante gazeuse des galaxies. Une corrélation existe entre la présence des sursauts et les signatures de collisions et des effets de marée observés dans
plusieurs galaxies [11]. Dans les galaxies starbursts plus
isolées, des processus internes sont évoqués pour expliquer la compression du gaz. Parmi ces processus, on propose des instabilités associées à une barre [12] ou à l’activité d’un noyau central [13]. Des sursauts séquentiels,
causés par l’énergie mécanique des vents stellaires et des
supernovae d’un premier événement, pourraient aussi
jouer un rôle sur l’ampleur du phénomène.
Carmelle Robert
<[email protected].
ca>, Département de
physique, de génie
physique et d’optique,
et Centre de
recherche en astrophysique du Québec,
Université Laval,
Québec, QC G1K
7P4
Importance des observations ultraviolettes
L’observation ultraviolette est très sensible à la présence
d’étoiles massives, i.e. de type OB, et à leurs descendantes
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LES GALAXIES À SURSAUTS ... (ROBERT)
évolutives, les étoiles de type Wolf-Rayet. La distribution de
l’énergie dans l’ultraviolet change énormément entre une population stellaire jeune et une population d’âge intermédiaire
(~1 Ga) [14]. Ce domaine de longueurs d’onde permet d’établir
l’âge d’une population, mais aussi d’étudier la fonction de
masse initiale (FMI), la composition chimique, ainsi que le
mode et le taux de formation des étoiles. Ces paramètres
représentent des indices importants pour la compréhension de
la formation stellaire et de l’évolution des galaxies.
L’atmosphère terrestre bloquant les photons ultraviolets,
l’étude des starbursts a connu un essor important avec les missions spatiales. Kinney et al. [15] ont produit le premier atlas de
spectres de galaxies starbursts entre 1200 et 3300 Å avec des
données de l’IUE (International Ultraviolet Explorer). Le télescope spatial Hubble a été le premier à offrir des images et
spectres ultraviolets d’une résolution spatiale exceptionnelle
(e.g. Meurer et al. [9], Whitmore et al. [16] et Leitherer et
al. [17]). Les missions HUT (Hopkins Ultraviolet Telescope) et
FUSE (Far-Ultraviolet Spectroscopic Explorer, supporté par
l’Agence spatiale canadienne) ont grandement ajouté à la collection de spectres en atteignant l’ultraviolet lointain sous les
1200 Å (e.g. Gonzalez-Delgado et al. [18] et Pellerin &
Robert [19]). Les images du satellite GALEX, avec un champ
de vision encore plus important, permettent une étude systématique incomparable des galaxies starbursts proches
(e.g. Bianchi et al. [20]).
Cet article discute de l’importance de la spectroscopie ultraviolette pour l’étude du contenu stellaire dans les starbursts.
Ces travaux sont grandement motivés par le fait que les starbursts représentent des objets clefs pour la compréhension de
notre Univers. Ils sculptent l’allure des galaxies et marquent
leur évolution. Ils constituent de plus des laboratoires idéaux
pour l’étude des étoiles massives et de leur environnement.
SPECTROSCOPIE ULTRAVIOLETTE ET
CONTENU STELLAIRE
Dans l’ultraviolet, le spectre d’un starburst montre des raies
d’absorption qui prennent forme dans le vent et la photosphère
des étoiles OB ainsi que dans le milieu interstellaire.
Contrairement aux raies stellaires présentes dans le domaine du
visible, celles de l’ultraviolet ne sont pas cachées par des raies
d’émission du gaz qui accompagne la formation stellaire.
Les raies UV qui marquent particulièrement bien la présence
d’étoiles OB dans une population stellaire jeune sont celles de
PV λλ1118,1128, SiIV λλ1122,1128, CIIIλ1175, NV λ1240,
SiIV λ1400, et CIV λ1550 [21,22,23,24]. Les étoiles chaudes
développent des vents stellaires denses et rapides dus à la pression de radiation des photons UV sur les métaux de la photosphère stellaire. Il en résulte des profils de raies de type
P Cygni dans l’UV. Ces profils montrent une absorption fortement décalée vers le bleu (jusqu’à 3000 km/s) assortie d’une
émission du côté rouge. L’intensité et la largeur des profils sont
très sensibles à la température et gravité de surface et à l’abondance des métaux de l’étoile. Dans le spectre intégré d’une
population stellaire jeune, la forme des raies devient un excel-
252 C PHYSICS
IN
lent diagnostic des caractéristiques – âge, métallicité, fonction
de masse initiale et mode de formation – de la population stellaire présente.
Codes de synthèse évolutive
Sekiguchi & Anderson [25] sont les pionniers de la synthèse
ultraviolette pour l’étude du contenu stellaire de sursauts
éloignés, i.e. pour lesquels on ne peut résoudre les étoiles individuellement. Ils ont construit des spectres synthétiques UV
de diverses populations stellaires en additionnant des spectres
d’étoiles OB individuelles. Ils comparaient ainsi les largeurs
équivalentes des raies SiIV λ1400 et CIV λ1550 avec les
observations des galaxies. Mas-Hesse & Kunth [26] ont perfectionné cette technique en considérant l’évolution des étoiles en
fonction de l’âge de la population synthétique. Avec l’avènement du télescope spatial Hubble en 1990, une meilleure résolution spectrale et un meilleur signal pour des objets éloignés
permettent maintenant de bénéficier du plein potentiel du profil particulier des raies stellaires. Des bibliothèques spectrales
ultraviolettes (spectographe FOS) ont été assemblées pour les
étoiles de la Voie lactée et des Nuages de Magellan
(Robert et al. [27], Leitherer et al. [28,29], de Mello et al. [30]) et
ont été ajoutées au code de synthèse évolutive Starburst99
(Leitherer et al. [31-33], Varquez et al. [34]) et LavalSB
(Dionne [35], Dionne & Robert [36]). La synthèse dans l’UV
lointain a été entreprise en parallèle avec les missions
Copernicus et HUT (Gonzalez-Delgado et al. [18],
Robert et al. [37]).
LavalSB est une version parallèle du code Starburst99, qui a
été optimisée pour la synthèse UV à quatre métallicités différentes et pour tenir compte de la présence de systèmes
binaires massifs dans les populations stellaires. En résumé, ces
codes utilisent des tracés évolutifs (issus de modèles d’évolution stellaire) pour suivre les étoiles en fonction de l’âge et de
la métallicité de la population stellaire. Cette population est
d’abord définie par une FMI, un mode et un taux de formation
stellaire. La FMI, qui spécifie la distribution de masses des
étoiles dans un échantillon donné, est bien représentée par une
loi de puissance, ξ(M) % M−α; elle est caractérisée par une
pente α et des masses limites inférieure et supérieure (Mlo et
Mup). Le mode de formation stellaire peut être instantané
(toutes les étoiles apparaissent en même temps) ou continu (de
nouvelles étoiles s’ajoutent en même temps que les anciennes
évoluent). À chaque intervalle de temps (petit par rapport au
rythme d’évolution des étoiles), un spectre synthétique est
alors créé en additionnant les contributions des étoiles individuelles. Les caractéristiques stellaires (masse, température
effective, gravité de surface, abondance…) données par les
tracés évolutifs permettent, pour chaque étoile, d’assigner un
type spectral, de sélectionner un modèle d’atmosphère stellaire
et de calibrer en flux un spectre normalisé de la bibliothèque.
Finalement, la comparaison des raies synthétiques avec celles
observées donne des informations sur l’âge, la métallicité et la
FMI du starburst. La comparaison de la distribution d’énergie
UV globale avec le meilleur modèle permet d’estimer l’extinction intrinsèque causée par la poussière interstellaire et
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d’obtenir une limite sur la masse stellaire impliquée. Plusieurs
observables peuvent aussi être prédits à partir du meilleur modèle obtenu. Par exemple, on peut calculer la force des raies
nébulaires (d’après le nombre d’étoiles massives présentes
et les photons ionisants qu’elles produisent) et la quantité
d’énergie, la masse et la composition chimique de la matière
retournée dans le milieu interstellaire. La technique de synthèse spectrale de l’UV a été appliquée depuis à un grand
échantillon de galaxies (Pellerin & Robert [19],
Gonzalez-Delgado
et
al. [39],
Chandar et al. [38],
Johnson et al. [40], etc.) et certains de ces résultats sont présentés dans la section suivante.
λ1400 se transforme en une absorption photosphérique large.
L’amplitude des profils diminue généralement si l’abondance
en métaux des étoiles est plus faible. Dans le domaine de l’UV
lointain, les raies CIII λ1175, PV λλ1118,1128 et
SiIV λλ1122,1128 développent similairement des profils
P Cygni avec la présence des étoiles chaudes. La raie
OIV λλ1032,1038 montre aussi un profil de type P Cygni dans
les vents stellaires [37], mais elle n’est pas aussi sensible aux
paramètres des étoiles et de la population stellaire. De plus,
lorsqu’on se déplace vers les plus petites longueurs d’onde,
l’absorption interstellaire (particulièrement due aux raies de
l’hydrogène moléculaire) devient très importante.
Les Figures 1 à 3 montrent un ensemble de spectres UV synthétiques normalisés, issus de modèles de sursauts instantanés
ayant diverses caractéristiques. Entre autres, on remarque que
la raie CIV λ1550 montre déjà un profil P Cygni pour une
population jeune de 1 Ma, ce profil devient cependant très
intense pour une population âgée de 3 Ma et si des étoiles massives sont présentes, i.e. si Mup $ 40 M et α $ 2.35. En
comparaison, la raie SiIV λ1400 montre un profil P Cygni
seulement si le sursaut a un âge près de 2-5 Ma, i.e. lorsque des
supergéantes O sont présentes. Lorsque les étoiles de type B
dominent la population stellaire, après 10 à 15 Ma, la raie SiIV
Pour un mode de formation stellaire continu, les raies stellaires
ne changent plus après qu’un équilibre ait été atteint entre
l’ajout de nouvelles étoiles et la mort des étoiles massives (vers
15-20 Ma). Des profils P Cygni avec une amplitude plus faible
que celle possible pour un sursaut instantané (due à la dilution
des raies par le continuum des vieilles étoiles qui s’additionnent avec le temps) sont alors prédits.
Fig. 1
Spectres synthétiques de l’ultraviolet proche pour des sursauts de métallicité et d’âge différents. Les modèles ont été
calculés avec LavalSB en utilisant la bibliothèque spectrale
construite avec des données du télescope Hubble. Les modèles considèrent un sursaut instantané avec une FMI ayant
une pente α = 2.35 et des masses entre 1 et 100 M . Deux
métallicités sont représentées : solaire (ligne pleine) et 1/10
solaire (traits pointillés). L’âge du sursaut est indiqué à côté
de chaque spectre. Les raies stellaires et interstellaires importantes sont identifiées au-dessus et au-dessous (respectivement) des spectres.
Caractérisation des populations stellaires
Dans leur ensemble, les diverses études de synthèses de galaxies permettent de tirer deux grandes conclusions : 1) la fonction de masse initiale semble universelle, avec une pente à la
Salpeter [41], i.e. α = 2.35, et une masse limite supérieure à
50 M , et 2) la durée de la formation stellaire ne dépasse pas
quelques millions d’années. On ne peut mettre de côté certains
Fig. 2
Spectres synthétiques de l’ultraviolet lointain pour des sursauts de métallicité et d’âge différents. Les modèles ont été
calculés comme pour la Figure 1 en utilisant ici la bibliothèque spectrale obtenue avec FUSE. Les raies interstellaires
de l’hydrogène moléculaire ne sont pas identifiées sur la figure, car elles sont trop nombreuses.
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Fig. 3
Effet de la fonction de masse initiale sur les spectres synthétiques de l’ultraviolet proche. Les modèles ont été calculés
avec LavalSB en utilisant la bibliothèque spectrale construite
avec des données du télescope Hubble. Les modèles considèrent un sursaut instantané de 3 Ma, avec une métallicité
solaire et différentes pentes et masses limites supérieures de
la FMI. Les paramètres de la FMI sont indiqués au-dessus des
spectres.
une population stellaire de plus en plus dominée par des étoiles
de type B. Cependant, il faut aussi dire qu’une reproduction
acceptable des raies observées est possible dans le cas d’un sursaut continu, mais plus vieux, soit ~30 Ma avec Mup = 50 M .
Pour le meilleur modèle, instantané ou continu, l’extinction
interne E(B-V) doit être environ 0.45 (en adoptant la loi
générale d’extinction de Calzeti et al. [45] pour les starbursts)
afin de reproduire la pente théorique de la distribution spectrale
d’énergie de l’ultraviolet. Les modèles de synthèse de populations prédisent une pente du continuum qui varie peu avec les
caractéristiques (âge, métallicité et fonction de masse initiale)
d’un jeune sursaut [32]. Ainsi, la masse stellaire minimum qui
permet de reproduire le niveau de flux ultraviolet observé est
de l’ordre de 106 M . Si l’on suppose qu’un nombre de photons ultraviolets équivalent à ceux observés ionisent le milieu
environnant, le flux prédit dans la raie d’émission d’hydrogène
Hα est de l’ordre de 0.4x10-12 erg cm-2 s-1, ce qui est en bon
accord avec le flux observé [46].
biais et contraintes observationnelles lors de la sélection des
sursauts étudiés. Entre autres, un domaine de métallicité limité
et la qualité du signal voulue font en sorte que l’on choisit
d’abord les régions brillantes, donc de l’Univers local, mais
aussi déjà évoluées (i.e. sorties du cocon de matière où elles
naissent).
DE 30 DOR À NGC3690, EN PASSANT PAR NGC2363
La synthèse spectrale ultraviolette qui se basait sur les premières bibliothèques spectrales UV à haute résolution obtenue
avec le télescope Hubble, a d’abord été testée avec 30 Dor [42],
la région de formation d’étoile la plus intense du Grand Nuage
de Magellan. Ce sursaut étant proche, on y avait déjà identifié
individuellement les principales étoiles massives. Le satellite
IUE a été utilisé pour effectuer un balayage de R136, l’amas
central de 30 Dor, afin d’obtenir des spectres intégrés. La synthèse de ces données a redonné l’âge de 3 Ma déjà connu
pour ce sursaut et a bien reproduit les nombres d’étoiles O et B,
validant la technique pour des sursauts éloignés.
L’étude du spectre la région B2 [43] de la galaxie en interaction
NGC3690 observée avec le télescope Hubble, met bien en évidence la puissance et les limites de la technique de synthèse [44]. En adoptant une métallicité solaire pour cette région
et une pente standard pour la fonction de masse initiale, on peut
reproduire les profils des raies avec un sursaut instantané ayant
Mup = 50 M et un âge de 6.5 Ma (voir la Fig. 4). Dans ce cas,
on a peu de contraintes sur la fonction de masse initiale; pour
cet âge avancé, les étoiles massives ont déjà disparu si elles
étaient présentes initialement. Pour cette plage d’âges, la
dégénérescence de la solution en âge et en métallicité est
importante et on ne peut contraindre simultanément les deux
paramètres. Mais l’incertitude sur l’âge demeure faible (soit
1Ma) et la métallicité ne peut être beaucoup plus faible.
Comme le montre la Figure 5, si le sursaut est plus jeune que
6.5 Ma, les profils P Cygni vus dans les modèles sont trop forts
et s’il est plus vieux que 7 Ma, ils deviennent trop faibles pour
254 C PHYSICS
IN
Fig. 4
Synthèse spectrale ultraviolette de NGC3690. La figure
présente Arp299, un système en interaction dont fait partie
NGC3690. L’image du visible de Arp299 a été obtenue à
l’Observatoire du mont Mégantic par Daniel Devost. Le carré
sur cette image identifie approximativement la région de
NGC3690 qui a été observée dans l’UV avec l’instrument
FOS du télescope Hubble. La région B2 est identifiée, dans
l’ouverture de 1NN de l’instrument FOS, sur l’image UV. Le
spectre UV de B2 ainsi obtenu est représenté par une ligne
pleine foncée. Il tient compte du décalage cosmologique,
ainsi que du rougissement dû à la Voie lactée et à la galaxie
elle-même. Des spectres synthétiques sont présentés en traits
pointillés pour différents âges. Ils ont été calculés pour un
sursaut instantané à métallicité solaire, avec une FMI ayant
une pente α = 2.35 et des masses stellaires entre 1 et 80 M .
Lorsque le sursaut étudié est plus jeune que 5 Ma, il est plus
facile de distinguer les effets des paramètres de la FMI (pente
et masse limite supérieure) et de la métallicité. Par exemple, un
sursaut de 2-3 Ma ayant une faible métallicité de 0.1 Z reproduit bien le spectre observé de la région B de NGC2363 [47]. La
masse limite supérieure se doit de dépasser 60 M et la pente
de la FMI doit être égale ou inférieure à 2.35, i.e. des étoiles
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massives sont nettement présentes. À ce jeune âge, le mode de
formation stellaire (instantané ou continu) ne peut être contraint, car l’effet de dilution par le continuum des vieilles
étoiles sur les raies des étoiles massives ne se remarque pas
encore.
UN MODE DE FORMATION STELLAIRE INSTANTANÉ
Le flux étudié dans le domaine de l’UV proche est souvent issu
de la combinaison de plusieurs générations d’étoiles, en amas
ou dans un fond diffus, dû à la dimension des ouvertures
disponibles. La synthèse spectrale qui ne considère qu’une
population unique est alors un peu simpliste ou a souvent pour
effet de rendre ambigu le mode de formation stellaire (instantané ou continu). Dans l’UV proche, il n’est pas rare en effet
d’identifier des raies spectrales associées à une population
dominée par des étoiles de type B et A (âgée d’environ 50 Ma)
en même temps que les signatures P Cygni des étoiles OB
(e.g. de Mello et al. [30]).
Les spectres obtenus avec le télescope FUSE, qui couvrent
l’UV lointain, malgré une ouverture très grande, semblent permettre d’isoler plus facilement un sursaut jeune et brillant et
d’éviter les générations sous-jacentes plus vieilles (car les
étoiles OB sont vraiment les principales contributrices du flux
de l’UV lointain). Dans leur étude, Pellerin et al. [19] ont considéré un échantillon de 24 galaxies observées avec FUSE,
couvrant un large domaine de métallicités. Pour la majorité de
ces objets, seul le mode instantané de formation stellaire arrive
à bien reproduire le spectre observé. Les galaxies qui font
exception sont mieux représentées en additionnant la contribution d’un deuxième sursaut instantané âgé d’environ 10 Ma,
plutôt qu’en utilisant un modèle continu. La Figure 5 est un
exemple de synthèse dans l’UV lointain de la galaxie
NGC7714 observée avec FUSE. Ce domaine de longueurs
d’onde favorise alors le mode instantané et suggère que la formation stellaire est de courte durée (moins de ~3 Ma).
Les systèmes binaires massifs
Certaines observations indiquent que la moitié des étoiles font
partie de systèmes multiples [48]. Dans le cas de systèmes
binaires massifs proches, un transfert de masse a lieu entre les
composantes, ce qui affecte par la suite leur évolution. Entre
autres, le gain de masse permet à une étoile initialement peu
massive de développer des vents stellaires, de devenir une
étoile de type Wolf-Rayet et de terminer sa vie en supernova.
Dionne & Robert [36] ont vérifié l’effet de ces systèmes sur la
synthèse des populations stellaires. Ils ont ajouté au code
LavalSB, des tracés évolutifs spécifiques pour les composantes
binaires. Ces tracés ont été adaptés des modèles d’évolution
pour les systèmes binaires massifs de de Loore et
Vanbeveren [49,50] pour les rendre compatibles avec les tracés
du groupe de Genève [51,52] déjà utilisés pour les étoiles sim-
Fig. 5
Synthèse spectrale ultraviolette de la galaxie NGC7714
observée avec FUSE. L’ouverture de 30NNx30NN a été centrée
sur le coeur de la galaxie. Le spectre tient compte du décalage
cosmologique, ainsi que du rougissement dû à la Voie lactée
et à la galaxie elle-même (E(B-V)int = 0.10). Le spectre synthétique (en rouge) a été calculé pour un sursaut instantané de
4.5 Ma, à métallicité solaire, avec une FMI ayant une pente
α = 2.35 et des masses stellaires entre 1 et 100 M .
ples. Dionne & Robert confirment ainsi, comme proposé par
d’autres études (e.g. Schaerer & Vacca [53]), un rapport WR/O
plus élevé à basse métallicité qui est alors en accord avec les
observations. Pour une fraction de systèmes binaires massifs de
l’ordre de 30%, les raies stellaires de l’UV ne sont pas modifiées de façon perceptible.
CONCLUSIONS
Notre capacité à décrire le contenu des galaxies est une étape
importante pour toutes les études visant à comprendre l’histoire
des galaxies et de l’Univers. La contribution de l’ultraviolet
dans ces travaux est unique en ce qui concerne les populations
jeunes, la fonction de masse initiale et le mode de formation
stellaire. En plus d’apporter des contraintes nous aidant à
établir des scénarios de l’évolution actuelle dans une galaxie,
les régions jeunes ont un impact considérable sur leur environnement et l’évolution qui va suivre. Le Canada en collaboration
avec les Indes lancera, vers la fin de l’année 2009, un nouvel
imageur à haute résolution spatiale pour l’ultraviolet, le
Ultraviolet Imaging Telescope (UVIT). L’avenir de la spectroscopie ultraviolette demeure cependant encore incertain. Le
développement récent d’instruments de type spectro-imageur à
grand champ dans le visible et l’infrarouge est aussi un apport
considérable pour étudier et localiser toutes les générations
d’étoiles, le gaz et la poussière, en relation avec les régions
jeunes de l’ultraviolet. Les années à venir seront des plus
prometteuses.
REMERCIEMENTS
C. Robert remercie le Conseil de recherches en sciences
naturelles et génie du Canada ainsi que le Fonds québécois de
la recherche sur la nature et les technologies pour le support
financier de ses étudiants et de ses travaux.
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256 C PHYSICS
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CANADA / VOL. 64, NO. 4 ( Oct.-Dec. (Fall) 2008 )
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