LES GALAXIES À SURSAUTS ... (ROBERT)
252 CPHYSICS IN CANADA /VOL. 64, NO. 4 ( Oct.-Dec. (Fall) 2008 )
évolutives, les étoiles de type Wolf-Rayet. La distribution de
l’énergie dans l’ultraviolet change énormément entre une po-
pulation stellaire jeune et une population d’âge intermédiaire
(~1 Ga) [14]. Ce domaine de longueurs d’onde permet d’établir
l’âge d’une population, mais aussi d’étudier la fonction de
masse initiale (FMI), la composition chimique, ainsi que le
mode et le taux de formation des étoiles. Ces paramètres
représentent des indices importants pour la compréhension de
la formation stellaire et de l’évolution des galaxies.
L’atmosphère terrestre bloquant les photons ultraviolets,
l’étude des starbursts a connu un essor important avec les mis-
sions spatiales. Kinney et al.[15] ont produit le premier atlas de
spectres de galaxies starbursts entre 1200 et 3300 Å avec des
données de l’IUE (International Ultraviolet Explorer). Le téle-
scope spatial Hubble a été le premier à offrir des images et
spectres ultraviolets d’une résolution spatiale exceptionnelle
(e.g. Meurer et al.[9], Whitmore et al.[16] et Leitherer et
al.[17]). Les missions HUT (Hopkins Ultraviolet Telescope) et
FUSE (Far-Ultraviolet Spectroscopic Explorer, supporté par
l’Agence spatiale canadienne) ont grandement ajouté à la col-
lection de spectres en atteignant l’ultraviolet lointain sous les
1200 Å (e.g. Gonzalez-Delgado et al.[18] et Pellerin &
Robert [19]). Les images du satellite GALEX, avec un champ
de vision encore plus important, permettent une étude systéma-
tique incomparable des galaxies starbursts proches
(e.g. Bianchi et al.[20]).
Cet article discute de l’importance de la spectroscopie ultra-
violette pour l’étude du contenu stellaire dans les starbursts.
Ces travaux sont grandement motivés par le fait que les star-
bursts représentent des objets clefs pour la compréhension de
notre Univers. Ils sculptent l’allure des galaxies et marquent
leur évolution. Ils constituent de plus des laboratoires idéaux
pour l’étude des étoiles massives et de leur environnement.
SPECTROSCOPIE ULTRAVIOLETTE ET
CONTENU STELLAIRE
Dans l’ultraviolet, le spectre d’un starburst montre des raies
d’absorption qui prennent forme dans le vent et la photosphère
des étoiles OB ainsi que dans le milieu interstellaire.
Contrairement aux raies stellaires présentes dans le domaine du
visible, celles de l’ultraviolet ne sont pas cachées par des raies
d’émission du gaz qui accompagne la formation stellaire.
Les raies UV qui marquent particulièrement bien la présence
d’étoiles OB dans une population stellaire jeune sont celles de
PV λλ1118,1128, SiIV λλ1122,1128, CIIIλ1175, NV λ1240,
SiIV λ1400, et CIV λ1550 [21,22,23,24]. Les étoiles chaudes
développent des vents stellaires denses et rapides dus à la pres-
sion de radiation des photons UV sur les métaux de la photo-
sphère stellaire. Il en résulte des profils de raies de type
P Cygni dans l’UV. Ces profils montrent une absorption forte-
ment décalée vers le bleu (jusqu’à 3000 km/s) assortie d’une
émission du côté rouge. L’intensité et la largeur des profils sont
très sensibles à la température et gravité de surface et à l’abon-
dance des métaux de l’étoile. Dans le spectre intégré d’une
population stellaire jeune, la forme des raies devient un excel-
lent diagnostic des caractéristiques – âge, métallicité, fonction
de masse initiale et mode de formation – de la population stel-
laire présente.
Codes de synthèse évolutive
Sekiguchi & Anderson [25] sont les pionniers de la synthèse
ultraviolette pour l’étude du contenu stellaire de sursauts
éloignés, i.e. pour lesquels on ne peut résoudre les étoiles indi-
viduellement. Ils ont construit des spectres synthétiques UV
de diverses populations stellaires en additionnant des spectres
d’étoiles OB individuelles. Ils comparaient ainsi les largeurs
équivalentes des raies SiIV λ1400 et CIV λ1550 avec les
observations des galaxies. Mas-Hesse & Kunth [26] ont perfec-
tionné cette technique en considérant l’évolution des étoiles en
fonction de l’âge de la population synthétique. Avec l’avène-
ment du télescope spatial Hubble en 1990, une meilleure réso-
lution spectrale et un meilleur signal pour des objets éloignés
permettent maintenant de bénéficier du plein potentiel du pro-
fil particulier des raies stellaires. Des bibliothèques spectrales
ultraviolettes (spectographe FOS) ont été assemblées pour les
étoiles de la Voie lactée et des Nuages de Magellan
(Robert et al.[27], Leitherer et al.[28,29], de Mello et al.[30]) et
ont été ajoutées au code de synthèse évolutive Starburst99
(Leitherer et al.[31-33], Varquez et al.[34]) et LavalSB
(Dionne [35], Dionne & Robert [36]). La synthèse dans l’UV
lointain a été entreprise en parallèle avec les missions
Copernicus et HUT (Gonzalez-Delgado et al.[18],
Robert et al.[37]).
LavalSB est une version parallèle du code Starburst99, qui a
été optimisée pour la synthèse UV à quatre métallicités dif-
férentes et pour tenir compte de la présence de systèmes
binaires massifs dans les populations stellaires. En résumé, ces
codes utilisent des tracés évolutifs (issus de modèles d’évolu-
tion stellaire) pour suivre les étoiles en fonction de l’âge et de
la métallicité de la population stellaire. Cette population est
d’abord définie par une FMI, un mode et un taux de formation
stellaire. La FMI, qui spécifie la distribution de masses des
étoiles dans un échantillon donné, est bien représentée par une
loi de puissance, ξ(M)%M−α; elle est caractérisée par une
pente αet des masses limites inférieure et supérieure (Mlo et
Mup). Le mode de formation stellaire peut être instantané
(toutes les étoiles apparaissent en même temps) ou continu (de
nouvelles étoiles s’ajoutent en même temps que les anciennes
évoluent). À chaque intervalle de temps (petit par rapport au
rythme d’évolution des étoiles), un spectre synthétique est
alors créé en additionnant les contributions des étoiles indi-
viduelles. Les caractéristiques stellaires (masse, température
effective, gravité de surface, abondance…) données par les
tracés évolutifs permettent, pour chaque étoile, d’assigner un
type spectral, de sélectionner un modèle d’atmosphère stellaire
et de calibrer en flux un spectre normalisé de la bibliothèque.
Finalement, la comparaison des raies synthétiques avec celles
observées donne des informations sur l’âge, la métallicité et la
FMI du starburst. La comparaison de la distribution d’énergie
UV globale avec le meilleur modèle permet d’estimer l’extinc-
tion intrinsèque causée par la poussière interstellaire et