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Igor Krtolica
Science et philosophie chez Gilles Deleuze
Résumé Deleuze n’attendra pas la fin de son œuvre pour formuler une théo-
rie du rapport de la philosophie et de la science. Les premières formulations
de ce problème apparaissent dès les années 1950-1960, dans les études sur
Bergson et Nietzsche, puis dans Différence et répétition et Logique du sens.
Il est vrai que cette question sera reprise en détail en 1991, dans Qu’est-ce que
la philosophie ? Mais du début à la fin de l’œuvre, l’idée directrice ne changera
pas. Cette idée nous paraît comporter trois aspects principaux : 1° dans une
polémique contre l’héritage épistémologique néokantien, elle consiste d’abord
à refuser la définition critique de la philosophie comme « réflexion sur la
connaissance scientifique », et à lui substituer une conception inspirée de
l’ontologie expressionniste de Bergson, qui répartit la science et la philosophie
sur les deux moitiés de l’être ; 2° dans un effort pour réhabiliter le concept de
dialectique, elle consiste ensuite à faire de la dialectique des Idées la sphère
commune à la science et à la philosophie ; 3° enfin, dans le but de spécifier
chaque forme de pensée, elle consiste à déterminer la manière dont chacune
exprime ses Idées ou ses problèmes dans des signes propres. Ces trois aspects
nous semblent définir le cadre le plus général de la conception deleuzienne
du rapport de la science et de la philosophie. Nous les examinons ici succes-
sivement, en tenant compte exclusivement de la première période de l’œuvre
de Deleuze, c’est-à-dire des ouvrages pré-guattariens.
Mots-clés : Deleuze, philosophie, science, dialectique, Idée, problème
Deleuze n’attendra pas la fin de son œuvre pour formuler une théorie du
rapport de la philosophie et de la science. Les premières formulations de
ce problème apparaissent dès les années 1950-1960, dans les études sur
Bergson et Nietzsche, puis dans Différence et répétition et Logique du
sens. Il est vrai que cette question sera reprise en détail en 1991, dans
Qu’est-ce que la philosophie ? Mais du début à la fin de l’œuvre, l’idée
directrice ne changera pas. Cette idée nous paraît comporter trois aspects
principaux : 1° dans une polémique contre l’héritage épistémologique
néokantien, elle consiste d’abord à refuser la définition critique de la phi-
losophie comme « réflexion sur la connaissance scientifique », pour lui
substituer une conception inspirée de l’ontologie expressionniste de Berg-
son, qui répartit la science et la philosophie sur chacune des deux moitiés
de l’absolu ou de l’être ; 2° dans un effort pour réhabiliter le concept de
dialectique, elle consiste ensuite à faire de la dialectique des Idées ou des
problèmes la sphère commune à la science et à la philosophie, l’élément
autonome dans lequel elles puisent toutes les deux ; 3° enfin, dans le but
UDK: 1 Deleuze J.
FILOZOFIJA I DRUŠTVO XXVI (4), 2015.
DOI: 10.2298/FID1504949K
Original scientific article
Received: 24.08.2015 — Accepted: 8.10.2015
IGOR KRTOLICA: Institute For Philosophy and Social Theory, University of Belgrade,