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vendredi 10 octobre 2008
Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
Publié dans la revue
Astronomy & Astrophysics
d’octobre 08
Contacts :
Science
Stefan Kraus
Institut Max Planck
de Radio Astronomie
Tel : +49 (0)228 525-395
Eric Tatulli
Laboratoire d’Astrophysique
de Grenoble
Tel : 04 76 63 57 75
Communication
Natacha Cauchies
Observatoire de Grenoble
grenoble.fr
Tel : 04 76 63 55 11
Zoom sur le disque de gaz autour des étoiles jeunes,
foyer de naissance des planètes
A l’aide de l'instrument AMBER installé sur le Very Large Telescope Interferometer
(VLTI) au Chili, une équipe internationale d'astronomes a appliqué la technique spectro-
interférométrique de cet équipement unique au monde pour étudier le disque de gaz sur
un échantillon d’étoiles jeunes. Ces chercheurs ont ainsi pu mettre à jour les
phénomènes physiques à l’œuvre dans ces régions circumstellaires qui détiennent les
clés de la formation planétaire.
Les étoiles jeunes, c’est à dire âgées d'environ un million d'années [1], sont
entourées d'un disque de gaz et de poussières qui alimente leur formation.
C’est également au sein de ce disque que pourront éventuellement se
former, à un stade plus avancé de la vie de l’étoile, des planètes. Ces
processus de formation se mettent en place dans l’environnement proche
de l’étoile, à une distance de l'ordre de celle entre le Soleil et la Terre (Unité
Astronomique). Toutefois, pour connaître en détails la région interne de ces disques, qui en
considération de l’éloignement des zones de formation stellaire [2], nous apparaît bien compacte,
et pour appréhender les phénomènes physiques qui y ont lieu, la recherche en astronomie a du
s’affranchir de difficultés techniques.
Le mode interférométrique procure à la communauté scientifique la finesse de résolution angulaire
(capacité à percevoir des détails) indispensable à de telles observations. En combinant les
faisceaux de lumière infrarouge provenant de deux de ses télescopes, l’interféromètre du VLT de
l’Observatoire Européen Austral (ESO) permet ainsi d’accéder à une précision d’observation
équivalente à celle d’un gigantesque télescope dont le diamètre correspondrait à la distance
séparant ces deux télescopes, soit entre 40 et 200 mètres de diamètre.
Ce procédé a été utilisé avec succès pour explorer la poussière qui entoure les étoiles jeunes. En
revanche, jusque-là, le gaz, pourtant composant majoritaire du disque circumstellaire à 99%
susceptible de régir l’architecture des futurs systèmes planétaires, livrait moins ses secrets. En
effet, sonder le gaz requiert une technique spécifique supplémentaire : l’analyse du spectre
d’émission, une série de raies de lumière caractéristiques de sa composition. Et dans les
investigations antérieures, la résolution spectrale demeurait insuffisante, laissant en débat la
question de l’origine des raies d’émission pour les étoiles jeunes.
L’instrument AMBER (Astronomical Multi-BEam combiner) sur le VLTI offre
désormais la possibilité unique de coupler interférométrie et analyse
spectroscopique, tout en maintenant une résolution spatiale de quelques
milli-arcsecondes [3]. Grâce à cette caractéristique, l’équipe internationale
d’astronomes encadrée par Eric Tatulli de l’Observatoire de Grenoble et
Stefan Kraus de l’Institut de Radio-astronomie Max Planck en Allemagne
(Bonn) a étudié pour la première fois l'environnement gazeux d'un échantillon de six étoiles jeunes
de la famille des Herbig Ae/Be. Elle a ainsi localisé les régions circumstellaires émettrices de raies
d’hydrogène et/ou de monoxyde de carbone de ces étoiles de masse intermédiaire (de 2 à 10 fois
la masse du soleil) encore en formation.
A partir de ces observations, les astronomes ont pu identifier les processus physiques se déroulant
dans l’environnement proche de ces étoiles, montrant de façon surprenante que les raies
d’émission pouvaient en fait correspondre à des mécanismes distincts selon les étoiles. Ils ont
ainsi mis en évidence que l’émission résultait de phénomènes d’accrétion pour deux des étoiles, et
de phénomènes d’éjection sous forme de vents pour les quatre autres étoiles. Plus précisément,
les mesures sur le premier groupe d’étoiles caractérisent dans un cas le disque de gaz chaud
(environ 1700 degrés) vide de toute poussière en rotation, et dans l’autre, le transport de matière
du disque vers la surface de l'étoile sous l'action des lignes de champ magnétique. Pour les quatre
autres étoiles, de nouvelles observations permettront de préciser la morphologie exacte du vent.
Ces résultats témoignent du potentiel de la spectro-interférometrie pour sonder, non seulement
les poussières, mais aussi le gaz entourant ces étoiles jeunes. Les observations à venir
permettront de franchir de nouvelles étapes vers la connaissance approfondie de la géométrie et
de la dynamique de ce gaz circumstellaire chaud, foyer de naissance des planètes.