Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014
134134
dossier
d
d
d
d
do
o
do
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
ss
ss
ss
s
ss
s
s
ss
s
s
s
i
i
ie
ie
ie
i
ie
e
r
r
r
Du plaisir alimentaire
et de l’addiction
Les voies neurophysiologiques
du plaisir alimentaire
Neurophysiological aspects of the pleasure of eating
Odile Viltart*
* UMR Inserm 837, labo-
ratoire “Développement et
plasticité du cerveau post-
natal”, JPArc
(Jean-Pierre
Aubert Research Centre)
,
université Lille-Nord de
France (USTL).
Points forts
Highlights
»Manger est un comportement motivé complexe qui inclut des
facteurs liés aux besoins énergétiques de l’organisme (facteurs
homéostatiques) et d’autres relatifs à l’expérience – les habitudes,
les opportunités ou les situations – (facteurs non homéostatiques).
»
Dès la phase préprandiale, la régulation du comportement
alimentaire met en jeu des hormones qui préparent l’organisme
à l’enjeu nutritionnel. Les nutriments ingérés et les hormones de
satiété et d’adiposité régulent ensuite la quantité de nourriture
à ingérer.
»
Ces signaux exercent une action périphérique et centrale, en
agissant en particulier au niveau de l’hypothalamus et du tronc
cérébral.
»
Le plaisir ressenti lors de l’ingestion des aliments renforce
le processus de prise alimentaire épisodique. Le circuit
dopaminergique mésocorticolimbique intervient dans les boucles
de renforcement qui permettent à l’organisme de se diriger de
manière effi cace vers les sources de nourriture essentielles au
maintien d’une balance énergétique équilibrée.
»
Dans le cas de l’obésité et de l’anorexie mentale, à côté des
défi cits notables dans la régulation des signaux endocrines
(leptine, insuline, ghréline), des altérations de la transmission
dopaminergique/sérotoninergique sont observées. Elles
contribueraient à une dérégulation du plaisir et des moyens
mis en jeu pour l’obtenir.
Mots-clés : Dopamine – Circuit de la récompense – Obésité – Anorexie
mentale – Prise alimentaire – Addiction.
Eating is a complex motivated behaviour that includes factors
directly involved in the regulation of energy homeostasis
(homeostatic factors) and other factors related to individual
experience – habits, opportunities, circumstances – (non
homeostatic factors).
Regulation of food intake behaviour begins at the pre-prandial
phase and involves hormones that prepare the body to the
nutritional challenge. Then, ingested nutriments, satiety and
adiposity hormones regulate the quantity of food to ingest.
These signals exert both an action at peripheral and central
levels, more specially on the hypothalamus and targeted
brainstem regions.
The pleasure to eat food is a reinforcing stimulus of the
episodic feeding. The dopaminergic meso-cortico-limbic
system intervenes in such reinforcement process to direct
efficiently the organism to sources of food essential to
maintain a well-balanced energy metabolism.
In the case of obesity and anorexia nervosa, noteworthy
defi cits are described in the regulation of endocrine factors
(leptin, insulin, ghrelin) as well as in the dopaminergic/
serotoninergic circuitries. These changes are suspected to
generate alterations in pleasure and the means to reach it.
Keywords: Dopamine – Reward circuitry – Obesity – Anorexia
nervosa – Food intake – Addiction.
L
a prise alimentaire est un comportement essentiel
à la survie de lorganisme, car elle fournit l’énergie
nécessaire au maintien d’une balance énergé-
tique équilibrée. Même si manger est de prime abord
considéré comme un comportement homéostatique,
peu de données considèrent ce comportement comme
une réponse automatique à une demande aiguë d’éner-
gie. La régulation de la prise alimentaire est complexe
et met en jeu plusieurs facteurs, hormonaux d’une part
– facteurs en lien direct avec les besoins de l’organisme
en énergie (facteurs homéostatiques) –, et neuronaux
d’autre part – facteurs en lien avec l’expérience, l’appren-
tissage, les habitudes, le stress, les rythmes biologiques
ou encore les éléments socioculturels (facteurs non
homéostatiques). De plus, manger procure du plaisir.
À ce titre, le comportement alimentaire est considéré
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014
135135
Les voies neurophysiologiques du plaisir alimentaire
comme un comportement motivé primaire, au même
titre que la prise hydrique ou la sexualité. Il génère le
sentiment d’une récompense par le plaisir quil pro-
cure. Lorsque la nourriture peut être choisie, la sélection
de ce que nous mangerons est fondée sur le plaisir et
l’expérience passée (adaptation anticipatoire). Manger,
se nourrir et prendre plaisir à manger requièrent l’acti-
vité coordonnée de plusieurs hormones et circuits des
systèmes nerveux central (SNC) et végétatif. Ainsi sont
mises en jeu de manière concomitante une régulation
homéostatique et une régulation non homéostatique
de la prise alimentaire, qui contribuent au bon équilibre
de l’organisme ; des dysfonctionnements dans l’un ou
l’autre des circuits peuvent occasionner des troubles
du comportement alimentaire allant de l’obésité à
l’anorexie mentale.
Manger : un dialogue entre la périphérie
etlesystèmenerveuxcentral
Dans les périodes de déficit énergétique, une des
fonctions primordiales du cerveau est de prioriser la
production de comportements qui vont permettre une
consommation effi cace de nourriture afi n de restaurer
les stocks énergétiques. Les circuits nerveux impli-
qués dans de telles régulations sont bien décrits (1)
et engagent à la fois des structures hypothalamiques
et du tronc cérébral afi n de maintenir l’homéostasie
énergétique via un certain nombre de régulateurs
hormonaux de la faim et de la satiété, parmi lesquels
la leptine, l’insuline ou encore la ghréline jouent un
rôle fondamental (fi gure 1). Parmi les régions hypo-
thalamiques, le noyau arqué (ARC) est une région clé
pour l’intégration des signaux périphériques marquant
le statut nutritionnel et l’adiposité (2), via une orga-
nisation anatomofonctionnelle unique permettant
des échanges régulés entre le parenchyme cérébral
et le système sanguin (3). Il contient en particulier des
neurones à neuropeptide Y (NPY) et pro-opioméla-
nocortine (POMC) qui exercent un eff et opposé sur
l’homéostasie énergétique. Le NPY augmente la prise
alimentaire et active les mécanismes de sauvegarde de
l’énergie, alors que les neurones à POMC produisent
l’eff et opposé. Par ailleurs, le noyau ventromédian hypo-
thalamique (VMH) contient des neurones sensibles
aux concentrations de glucose dont le rôle serait de
détecter un défi cit sévère en glucose et d’y riposter.
LARC et le VMH constitueraient un réseau de sécurité
qui se serait mis en place au cours de l’évolution pour
protéger le cerveau contre tout défi cit énergétique
sévère, notamment la famine (4).
Quand manger ?
Le processus de prise alimentaire débute par la “phase
céphalique, 1 heure environ avant la prise eff ective de
nourriture. Ainsi, outre certaines informations liées à la
nourriture elle-même (vue, odeur, idée, moment de la
journée, etc.), qui seront intégrées à diff érents niveaux
corticaux, des signaux physiologiques et hormonaux
sont également impliqués (5). Par exemple, 30 minutes
environ avant le repas, la concentration plasmatique
de ghréline
[1]
augmente, notamment pour améliorer
la sensibilité aux odeurs et aux goûts et conduire natu-
rellement à la prise alimentaire lorsque la nourriture
est présentée. Des injections de ghréline augmentent
signifi cativement la prise alimentaire par une action
au niveau de l’ARC, où son GHS-R (Growth Hormone
Secretagogues Receptor) est fortement exprimé (6). Les
chutes des concentrations de glucose sont également
intégrées à diff érents niveaux du SNC : le VMH, l’ARC,
mais aussi l’amygdale ou le noyau du tractus solitaire,
pour conduire à un comportement de recherche de
nourriture (4). De plus, les pics de GLP-1 (Glucagon-
Like Peptide-1)[2] observés avant un repas auraient
pour eff et de stimuler les cellules bêta du pancréas et
[1]
Hormone orexigène synthétisée
principalement dans l’estomac.
[2] Hormone synthétisée principalement
dans l’intestin en réponse à un repas ;
elle inhibe la prise alimentaire.
Figure 1. Régulation de la prise alimentaire par les facteurs homéostatiques et non homéo-
statiques
(5)
.
Acc : noyau accumbens ; ARC : noyau arqué hypothalamique ; CPF : cortex préfrontal ; LH : aire
hypothalamique latérale ; NTS : noyau du tractus solitaire ; PVN : noyau paraventriculaire ;
VMH : ventromédian hypothalamique.
Apprentissage
et expériences passées
Stress
Émotions et humeur
Aires motrices
Prise alimentaire – Satiété – Régulation
gastro-intestinale et de la glycémie
Facteurs homéostatiques Facteurs non homéostatiques
Signaux périphériques
Pancréas
Insuline
Leptine
Tissu
adipeux
Signaux d’adiposité
Signaux de satiété
Goût
Aff érences vagales
Tractus gastro-
intestinal
Ghréline
Cholécystokinine
CPF
Acc LH
PVN
ARC
NTS
VTA
Cortex
Amygdale
Hippocampe
LH
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014
136136
dossier
d
d
d
d
do
o
do
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
ss
ss
ss
s
ss
s
s
ss
s
s
s
i
i
ie
ie
ie
i
ie
e
r
r
r
Du plaisir alimentaire
et de l’addiction
commencer la libération d’insuline en préparation aux
nutriments à venir. À l’instar de la ghréline, le GLP-1
augmente aussi la sensibilité au goût. Ainsi, lorsqu’un
repas est “programmé, il se produit un ensemble de
sécrétions hormonales (sécrétions de cholé cystokinine,
de glucagon ou de gastrine) et de variations physio-
logiques anticipatoires (salivation, motilité intestinale,
etc.) contrôlées par le cerveau, qui rendraient le système
gastro-intestinal opérationnel pour un défi nutritionnel
suivi d’une digestion effi cace (7).
Quelle quantité manger ?
La quantité de nourriture à absorber va dépendre de la
libération effi ciente des hormones de la satiété sécrétées
en réponse à l’ingestion de nutriments. Ces signaux
sont à leur tour modifi és par les hormones d’adiposité.
Très rapidement après l’ingestion de nourriture, la dis-
tension gastrique stimule le nerf vague, qui transfère
cette information au noyau du tractus solitaire (NTS),
l’un des centres majeurs du tronc cérébral de la régula-
tion de la prise alimentaire. En parallèle, les nutriments
comme le glucose, certains acides gras et acides aminés
libérés dans le sang modulent l’activité des neurones
de l’ARC et d’autres régions de l’hypothalamus (8). De
plus, la libération de cholécystokinine
[3]
, outre son action
locale sur la libération d’enzymes digestives, aura un
eff et satiétogène par une action sur le nerf vague (9).
D’autres peptides gastro-intestinaux comme le GLP-
1, le glucagon ou le peptide YY semblent également
agir sur les branches du nerf vague pour conduire à
une modulation de la taille du repas, mais cela nest
pas établi (5). La ghréline est aussi considérée comme
un facteur satiétogène lorsque sa concentration chute
drastiquement après la prise alimentaire. Un système de
satiété redondant est donc présent pour potentiellement
compenser le défi cit de l’un ou l’autre des acteurs de la
prise alimentaire. Les signaux d’adiposité comme l’insu-
line ou la leptine[4] entrent en jeu dans un second temps.
Certes, l’insuline est libérée en réponse aux quantités
de glucose ingérées, mais, comme la leptine, elle est
aussi sécrétée proportionnellement à la quantité de
gras contenu dans le corps. Leur action respective, en
particulier au niveau de l’hypothalamus (fi gure 1, p. 135),
entraîne une réduction de la prise alimentaire, voire une
perte de poids par leur eff et catabolique (10). Lensemble
de ces signaux est intégré à diff érents étages du SNC
(hypo thalamus, tronc cérébral, régions motrices), pour
aboutir à la satiété, à une augmentation de l’activité gas-
tro-intestinale et à une régulation effi cace de la glycémie.
Plaisir de manger et circuit de la récompense
Parallèlement à ces circuits régulant l’homéostasie
énergétique se tiennent d’autres systèmes, dits non
homéostatiques”, qui moduleront ce que nous man-
geons, quand et comment nous le mangeons. Dans ce
cadre, le circuit mésocorticolimbique (fi gure 2) participe
à plusieurs processus comme la prédiction de la récom-
pense, le renforcement positif ou la saillance motiva-
tionnelle, typiques des comportements motivés. De
plus, il contrôle l’apprentissage de l’aspect hédonique
de la nourriture (“liking”), déplaçant l’attention et les
eff orts vers une nourriture appétente et plaisante, et
attribue une valeur motivationnelle (“incentive value”)
à la nourriture (“wanting”) [11]. Lévaluation hédo-
nique de la nourriture est gérée par un ensemble de
noyaux localisés dans le cerveau limbique antérieur
dans lequel le “striatum ventral” (noyau accumbens,
pallidum ventral), intègre des signaux opioïdergiques,
à endocannabinoïdes et à orexine qui amplifi ent le
plaisir sensoriel (11). Les études de neuro-imagerie
complètent cet aspect en montrant une activation de
plusieurs régions corticales comme le cortex orbitofron-
tal, l’insula, le cortex médial préfrontal et cingulaire en
[3]
Hormone anorexigène synthétisée
par les cellules de la muqueuse du
duodénum.
[4]
Hormone anorexigène synthétisée
par les adipocytes.
Figure 2. Circuit mésocorticolimbique de la récompense.
CRH : Corticotropin-Releasing Hormone ; D1-5 : récepteurs à la dopamine ; NPY : neuropeptide.
Décision/apprentissage Régulation
prise alimentaire
Cognition/Émotion
Intégration récompense
Hippocampe Amygdale
(glutamate) (glutamate)
Hypothalamus
(glutamate/orexine/
dopamine)
Cortex
préfrontal
D1, D2 D1, D2
D2, D3
GABA
Striatum
ventral
Opioïdes
Insuline Nicotine GABA
D1, D2, D5
Ghréline
Orexine CRH NPY
Aire tegmentale ventrale
Neurones dopaminergiques
Leptine
Glutamate
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014
137137
Les voies neurophysiologiques du plaisir alimentaire
charge de l’évaluation hédonique du stimulus plaisant
(anticipation, évaluation, expérience et apprentissage)
[12]. Par ailleurs, la régulation de la motivation inclut
un réseau plus large, qui comprend en plus l’amygdale
(régulation émotionnelle de la peur/anxiété) et le sys-
tème dopaminergique mésolimbique et glutamater-
gique corticolimbique (13). De manière attendue, les
signaux périphériques qui contrôlent la prise de nour-
riture comme la leptine ou la ghréline sont également
impliqués dans la modulation du circuit dopaminer-
gique mésocorticolimbique (fi gure 2) pour augmenter
ou diminuer la valeur motivationnelle de la nourriture
en fonction des besoins énergétiques. La stimulation
électrique ou chimique de ces régions peut conduire à
des comportements de binge-eating” chez des rongeurs
nourris à satiété (14). Cela suggère que les eff ets induits
par l’obtention d’une nourriture plaisante sont une
force motivationnelle qui peut outrepasser les signaux
homéostatiques de satiété. La leptine et la ghréline
agissent directement sur les neurones dopaminergiques
de l’aire ventrale tegmentale (VTA). Le récepteur de la
leptine est exprimé sur des neurones dopaminergiques
qui projettent dans le noyau central de l’amygdale, et
pour une plus faible part sur des neurones qui pro-
jettent dans le noyau accumbens. L’activation de ce
récepteur conduit à une diminution des décharges
de neurones dopaminergiques, ce qui se traduit par
une moindre libération de dopamine dans le noyau
accumbens et donc à une diminution du renforcement
(15). De même, le récepteur à la ghréline est exprimé
dans la VTA et au niveau de sa cible principale, le noyau
accumbens. Cette hormone contribuerait à augmenter
la valeur récompensante d’une nourriture palatable en
modulant l’activité anticipatoire à la prise alimentaire
(16). Contrairement à la leptine, la ghréline augmente
la fréquence de décharge des neurones dopaminer-
giques de la VTA (15). Ces signaux périphériques du
métabolisme pourraient ainsi exercer une modifi cation
indirecte du niveau d’anxiété de l’organisme afi n que
ce dernier adopte le comportement le plus adéquat et
effi cace en termes de sélection et de prise alimentaire.
Trop manger par plaisir
etplaisirdeneplusmanger
De manière corollaire, un dysfonctionnement du circuit
de la récompense est associé à l’obésité et à l’anorexie
mentale : manger ou arrêter de manger pour atteindre
une sensation de plaisir. Dans le cas de l’obésité, les
autoévaluations et les études comportementales
révèlent des scores élevés lors de la consommation
anticipatoire de nourriture récompensante. Ces don-
nées sont confortées par des études de neuro-imagerie
réalisées chez des individus obèses, chez lesquels le
cortex gustatif (insula) et les régions somatosensorielles
recouvrant l’insula (operculum pariétal et rolandique)
sont davantage activés en réponse à la prise anticipée et
à la consommation de nourriture palatable par rapport à
des personnes minces. De plus, des études en imagerie
par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) menées
chez des sujets non obèses montrent que la présenta-
tion/ingestion de nourriture fortement palatable aug-
mente la transmission dopaminergique dans le striatum
ventral, alors que cette activation est émoussée chez les
sujets obèses. Cet eff et est accentué chez les individus
présentant un polymorphisme génétique associé à une
réduction de l’expression du récepteur dopaminer-
gique D2 (14). Chez des rats obèses, une diminution des
concentrations de dopamine dans le noyau accumbens,
en condition basale ou après stimulation avec de la
nourriture, ainsi qu’une baisse de la densité en récep-
teurs D2 sont décrites (14). Ainsi, le défi cit en récepteurs
dopaminergiques de type D2 pourrait prédisposer les
individus à rechercher des stimulations renforçantes
et donc à manger de manière excessive pour stimuler
un système dopaminergique de récompense défi cient.
Cette faible disponibilité en récepteurs D2 est égale-
ment associée à un hypo métabolisme dans le cortex
préfrontal, ce qui aurait pour conséquence de favoriser
l’hyperphagie par perte d’un contrôle inhibiteur per-
tinent (17). Dans le cas de lanorexie mentale, cette
maladie psychiatrique présente une étiologie complexe
et comprend plusieurs sous-types. Les patients de type
restrictif, souvent hyperactifs, anhédoniques et ascé-
tiques, présentent une résistance à la prise alimentaire
et ne trouvent rien de plus récompensant que la perte
de poids physique, qui devient une obsession. Cela sug-
gère une altération des systèmes de récompense, donc
une altération du système dopaminergique, chargé de
lier l’évaluation hédonique d’un stimulus à une action
(“wanting”). Quelques rares travaux en neuro-imagerie
montrent une augmentation de la densité de récep-
teurs D2/D3 dans le striatum ventral associée à une
diminution des métabolites dopaminergiques dans le
liquide céphalorachidien et à une altération de la trans-
mission sérotoninergique dans le cortex préfrontal, qui
est corrélée positivement avec des scores d’évitement
(18). De plus, à la suite de la présentation de signaux de
nourriture, on observe chez les patients anorexiques
une plus forte activation du cortex préfrontal, du cor-
tex cingulaire et du striatum par rapport aux sujets
témoins (19). La consommation de nourriture entraîne
une hyperréactivité du striatum ventral, ce qui laisse
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014
138138
dossier
d
d
d
d
do
o
do
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
ss
ss
ss
s
ss
s
s
ss
s
s
s
i
i
ie
ie
ie
i
ie
e
r
r
r
Du plaisir alimentaire
et de l’addiction
supposer une surévaluation du stimulus et une attri-
bution non pertinente de la valence du stimulus (20).
Lensemble de ces données suggère que les patients
anorexiques présentent des altérations neurochimiques
et fonctionnelles (cause ou conséquence de la restric-
tion alimentaire ?) qui pourraient être mises en parallèle
avec leur niveau élevé d’anxiété/peur de la nourriture et
conduire à se débarrasser de manière compulsive d’un
stimulus, la nourriture, interprété comme un stimulus
non saillant.
Conclusion
Le plaisir peut être considéré comme essentiel pour
diriger les comportements fondamentaux de notre
existence ; la plupart des autres espèces animales
savent que la récompense remplit des impératifs
évolutifs essentiels pour la survie de l’organisme
(nourriture, boisson, etc.) et de l’espèce (reproduc-
tion). Les humains, quant à eux, sont capables d’expéri-
menter consciemment ces plaisirs, voire de les prédire
et/ou de les anticiper, ce qui confère à notre espèce
un avantage évolutif non négligeable. Cette planifi -
cation est cependant à double tranchant car, dans
certains cas (génétique, environnement, épigénétique,
etc.), elle peut provoquer la survenue de troubles du
comportement alimentaire. Non seulement des per-
turbations hormonales du système homéostatique
(leptine, ghréline, insuline, etc.) vont apparaître, mais
également de manière plus subtile des dysfonctionne-
ments des systèmes de récompense/motivation/peur
qui toucheront plusieurs systèmes neurochimiques,
avec la dopamine certes, mais aussi la sérotonine ou
les opioïdes, rendant les stratégies thérapeutiques
pharmacologiques extrêmement complexes. Ainsi, la
prise alimentaire excessive, compulsive, ou, à l’inverse,
la restriction alimentaire chronique pourraient être
considérées comme entrant dans le cadre d’un com-
portement addictif. La prudence reste de mise, car les
facteurs impliqués dans la survenue de ces troubles
restent encore peu connus et peuvent résulter d’une
combinaison de plusieurs perturbations liées à l’envi-
ronnement direct (pléthore de nourriture, contraintes
sociales, etc.), au développement biologique et culturel
et aux génome et épigénome.
1. Harrold JA, Dovey TM,
Blundell JE, Halford JC.
CNS regulation of appe-
tite. Neuropharmacology
2012;63(1):3-17.
2. Elmquist JK. Hypothalamic
pathways underlying the
endocrine, autonomic, and
behavioral effects of leptin.
Physiol Behav 2001;74(4-
5):703-8.
3. Langlet F, Levin BE, Luquet S
et al. Tanycytic VEGF-A boosts
blood-hypothalamus barrier
plasticity and access of meta-
bolic signals to the arcuate
nucleus in response to fasting.
Cell Metab 2013;17(4):607-17.
4. Routh VH. Glucose sensing
neurons in the ventromedial
hypothalamus. Sensors (Basel)
2010;10(10):9002-25.
Références
Retrouvez
l’intégralité
des références
bibliographiques sur
www.edimark.fr
@
American Diabetes Association
SAN FRANCISCO
13-17 JUIN
2014
www.edimark.fr/ejournaux/ADA/2014
Site réservé aux professionnels de santé
E-journal en direct
de l ADA 2014
SAMEDI DIMANCHE LUNDI
14 JUIN 15 JUIN 16 JUIN
RETROUVEZ-NOUS À PARTIR DU 15 JUIN SUR :
Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir
des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités
de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.
Sous l’égide de Correspondances en MHDN - Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson - Rédacteur en chef : Pr Pierre Gourdy
Avec le soutien institutionnel de
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!